556 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE exemple; il fut rangé sur cette liste par le département de la Somme, où il possède quelques portions de terre. Il appuie le projet des comités, et demande qu’il soit mis aux voix. Après de longs débats, la discussion est fermée. L’assemblée ordonne l’impression et le renvoi du projet aux mêmes Comités. BOURDON (de l’Oise), et LEGENDRE (de Paris), demandent que l’assemblée, en adoptant l’impression et le renvoi, décrète le sursis de la vente, séquestre tenant. Cette proposition est adoptée (1) . TALLIEN prend la parole : La Convention a voulu faire, dit-il, un acte de justice, mais elle ne veut pas que son décret ait plus d’extension qu’elle n’a prétendu lui en donner. Il faut qu’il soit rédigé de manière que l’exception ne porte que sur les biens pour lesquels il y a des réclamations. Il faut aussi que le nouveau rapport soit fait très promptement; car, si le délai n’est pas bien court, les contre-révolutionnaires ne manqueront pas d’en profiter pour mettre des entraves à la vente des biens des émigrés. Il y a dans les départements une foule de ces mauvais citoyens qui ont eu l’art d’obtenir des certificats de civisme ou de résidence à la faveur desquels ils exercent impunément leur malveillance. Si vous ne voulez pas que les défenseurs de la patrie, qui prodiguent aux frontières leur sang pour la cause de la liberté, soient dépouillés de leurs biens, votre intention n’est pas de protéger les conspirateurs. Je demande donc que le délai pour le rapport soit fixé à trois jours; je demande en outre que la commission des émigrés présente incessamment à cet égard un code simple, précis, dégagé de tout fatras, de toute obscurité, enfin à la portée des administrations et de tous les citoyens. Protection aux patriotes, sévérité envers ceux qui trahisent la République ! ISORE : Je demande, afin qu’on connaisse les réclamants, que la liste de leurs noms soit imprimée à la suite du rapport (2). Après ample discussion, la Convention rend le décret suivant : « Sur un projet de décret du Comité de législation pour le sursis de la vente des biens de ceux qui prétendent avoir été mal à propos compris dans la liste des émigrés, « La Convention renvoie le projet aux Comités de législation, d’aliénation et domaines, et commission des émigrés, pour faire son rapport dans trois jours, le séquestre tenant, sur les propriétés qui ont été réclamées; et cependant sur-seoit à la vente desdits objets. « Décrète que la liste des réclamans sera imprimée à la suite du rapport, et que leurs noms, qualités et demeure y seront mentionnés. « Décrété en outre que la commission des émigrés sera tenue de présenter le 20 floréal son travail sur la révision générale des lois relatives aux émigrés » (3) . (1) J. Sablier, n° 1294. (2) Mon., XX, 367. (3) P.V., XXXVI, 287. Minute de la main de Isoré et Tallien (C 301, pl. 1069, p. 22) . Décret n° 9004. Reproduit dans M.U., XXXIX, 219; Feuille Rép., n° 304. 36 SALLENGROS, au nom du Comité des secours publics : Citoyens, dans le courant du mois d’août dernier (vieux style), le citoyen Vigier, commissaire à l’armement du Nord, requit plusieurs ouvriers de la manufacture nationale d’armes de Maubeuge de se rendre à Arras avec leurs familles, et d’y transporter leurs outils ou ateliers, pour y mettre en état de service les armes qui étaient susceptibles de réparations. Gilles-Vaast CERISIER fut compris dans la réquisition et s’empressa d’obéir. Rendu à Arras avec sa femme et ses enfants, il organisa un atelier de garaisseur, et y travailla, ainsi que sa femme, comme chef d’atelier, jusqu’au 29 frimaire. Il succomba alors à ses pénibles travaux, et y mourut dans le plein exercice de ses fonctions, après plus de trente ans de service dans la manufacture de Maubeuge. Il laisse six enfants en bas âge, puisque l’aîné n’a pas atteint l’âge de 15 ans, et sa veuve reste absolument privée de toute ressource. Elle possédait une maison située à Rousies, près Maubeuge; pendant le blocus de cette place, les Autrichiens l’incendièrent avec les bâtiments en dépendant. Cette femme courageuse a continué, après la mort de son mari, de travailler à la garniture des canons; aujourd’hui cette ressource lui manque, les canons ne se trouvant plus en quantité suffisante dans les ateliers de cette commune pour entretenir tous les ouvriers. Se voyant congédiée, elle a demandé qu’on lui fournit une voiture pour transporter sa boutique à Paris, où elle espérait travailler utilement pour le service de la patrie, et on n’a pu la lui accorder. Ces faits sont attestés par différents certificats joints à la pétition de la citoyenne veuve Cerisier; mais il a paru à votre comité des secours, auquel vous avez renvoyez la pétition, que vous ne laisseriez pas dans la détresse et dans la plus affreuse misère une veuve et six enfants dont le mari et le père a si bien mérité de la patrie qu’il n’a cessé de servir pendant toute sa vie. En conséquence, je suis chargé de vous propo-poser le projet de décret suivant (1) : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [SALLENGROS, au nom de] son Comité des secours publics décrète : Art. I. — Les commissaires de la trésorerie nationale tiendront à la disposition du conseil général de la commune d’Arras une somme de trois cents livres, pour être remise, le plus promptement possible à la citoyenne veuve de Gilles Vaast Cerisier, vivant chef d’atelier de garnisseurs de canons de fusils, dit du collège, établi dans cette commune. Art. II. — La Convention nationale renvoie à son comité de salut public la pétition de la citoyenne veuve Cerisier, avec les pièces y jointes, pour mettre en réquisition, s’il le croit avantageux à la chose publique, cette veuve courageuse et ses enfans, avec les outils et atelier qui (1) Mon., XX, 365. 556 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE exemple; il fut rangé sur cette liste par le département de la Somme, où il possède quelques portions de terre. Il appuie le projet des comités, et demande qu’il soit mis aux voix. Après de longs débats, la discussion est fermée. L’assemblée ordonne l’impression et le renvoi du projet aux mêmes Comités. BOURDON (de l’Oise), et LEGENDRE (de Paris), demandent que l’assemblée, en adoptant l’impression et le renvoi, décrète le sursis de la vente, séquestre tenant. Cette proposition est adoptée (1) . TALLIEN prend la parole : La Convention a voulu faire, dit-il, un acte de justice, mais elle ne veut pas que son décret ait plus d’extension qu’elle n’a prétendu lui en donner. Il faut qu’il soit rédigé de manière que l’exception ne porte que sur les biens pour lesquels il y a des réclamations. Il faut aussi que le nouveau rapport soit fait très promptement; car, si le délai n’est pas bien court, les contre-révolutionnaires ne manqueront pas d’en profiter pour mettre des entraves à la vente des biens des émigrés. Il y a dans les départements une foule de ces mauvais citoyens qui ont eu l’art d’obtenir des certificats de civisme ou de résidence à la faveur desquels ils exercent impunément leur malveillance. Si vous ne voulez pas que les défenseurs de la patrie, qui prodiguent aux frontières leur sang pour la cause de la liberté, soient dépouillés de leurs biens, votre intention n’est pas de protéger les conspirateurs. Je demande donc que le délai pour le rapport soit fixé à trois jours; je demande en outre que la commission des émigrés présente incessamment à cet égard un code simple, précis, dégagé de tout fatras, de toute obscurité, enfin à la portée des administrations et de tous les citoyens. Protection aux patriotes, sévérité envers ceux qui trahisent la République ! ISORE : Je demande, afin qu’on connaisse les réclamants, que la liste de leurs noms soit imprimée à la suite du rapport (2). Après ample discussion, la Convention rend le décret suivant : « Sur un projet de décret du Comité de législation pour le sursis de la vente des biens de ceux qui prétendent avoir été mal à propos compris dans la liste des émigrés, « La Convention renvoie le projet aux Comités de législation, d’aliénation et domaines, et commission des émigrés, pour faire son rapport dans trois jours, le séquestre tenant, sur les propriétés qui ont été réclamées; et cependant sur-seoit à la vente desdits objets. « Décrète que la liste des réclamans sera imprimée à la suite du rapport, et que leurs noms, qualités et demeure y seront mentionnés. « Décrété en outre que la commission des émigrés sera tenue de présenter le 20 floréal son travail sur la révision générale des lois relatives aux émigrés » (3) . (1) J. Sablier, n° 1294. (2) Mon., XX, 367. (3) P.V., XXXVI, 287. Minute de la main de Isoré et Tallien (C 301, pl. 1069, p. 22) . Décret n° 9004. Reproduit dans M.U., XXXIX, 219; Feuille Rép., n° 304. 36 SALLENGROS, au nom du Comité des secours publics : Citoyens, dans le courant du mois d’août dernier (vieux style), le citoyen Vigier, commissaire à l’armement du Nord, requit plusieurs ouvriers de la manufacture nationale d’armes de Maubeuge de se rendre à Arras avec leurs familles, et d’y transporter leurs outils ou ateliers, pour y mettre en état de service les armes qui étaient susceptibles de réparations. Gilles-Vaast CERISIER fut compris dans la réquisition et s’empressa d’obéir. Rendu à Arras avec sa femme et ses enfants, il organisa un atelier de garaisseur, et y travailla, ainsi que sa femme, comme chef d’atelier, jusqu’au 29 frimaire. Il succomba alors à ses pénibles travaux, et y mourut dans le plein exercice de ses fonctions, après plus de trente ans de service dans la manufacture de Maubeuge. Il laisse six enfants en bas âge, puisque l’aîné n’a pas atteint l’âge de 15 ans, et sa veuve reste absolument privée de toute ressource. Elle possédait une maison située à Rousies, près Maubeuge; pendant le blocus de cette place, les Autrichiens l’incendièrent avec les bâtiments en dépendant. Cette femme courageuse a continué, après la mort de son mari, de travailler à la garniture des canons; aujourd’hui cette ressource lui manque, les canons ne se trouvant plus en quantité suffisante dans les ateliers de cette commune pour entretenir tous les ouvriers. Se voyant congédiée, elle a demandé qu’on lui fournit une voiture pour transporter sa boutique à Paris, où elle espérait travailler utilement pour le service de la patrie, et on n’a pu la lui accorder. Ces faits sont attestés par différents certificats joints à la pétition de la citoyenne veuve Cerisier; mais il a paru à votre comité des secours, auquel vous avez renvoyez la pétition, que vous ne laisseriez pas dans la détresse et dans la plus affreuse misère une veuve et six enfants dont le mari et le père a si bien mérité de la patrie qu’il n’a cessé de servir pendant toute sa vie. En conséquence, je suis chargé de vous propo-poser le projet de décret suivant (1) : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [SALLENGROS, au nom de] son Comité des secours publics décrète : Art. I. — Les commissaires de la trésorerie nationale tiendront à la disposition du conseil général de la commune d’Arras une somme de trois cents livres, pour être remise, le plus promptement possible à la citoyenne veuve de Gilles Vaast Cerisier, vivant chef d’atelier de garnisseurs de canons de fusils, dit du collège, établi dans cette commune. Art. II. — La Convention nationale renvoie à son comité de salut public la pétition de la citoyenne veuve Cerisier, avec les pièces y jointes, pour mettre en réquisition, s’il le croit avantageux à la chose publique, cette veuve courageuse et ses enfans, avec les outils et atelier qui (1) Mon., XX, 365.