[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j Swbnfrm 25i et soldats se sont battus avec intrépidité. Les, canonniers du Mans, aussi fermes à leur poste ont fait constamment un feu terrible et meur¬ trier, qui a beaucoup contribué à l’avantage que nous avons eu dans cette journée. Signé : Garnier. « P. S. Nous n’avons absolument laissé aux brigands que notre dîner. » Ce membre [Barère (1)] propose le décret suivant, qui est adopté en ces termes : « La Convention nationale décrète que le dé¬ cret sur l’établissement du gouvernement révo¬ lutionnaire sera inséré en entier dans le « Bul¬ letin », et que cette insertion tiendra lieu de publication, pour être exécuté sur-le-champ et sans autre envoi officiel, relativement aux taxes et armées révolutionnaires, à la suppression des commissions départementales et des comités cen¬ traux indépendants des comités révolutionnaires et de surveillance établis en vertu de la loi (2). » Compte rendu du Moniteur universel (3). Barère. Le comité de Salut public fait impri¬ mer, dans ce moment, les lettres circulaires nécessaires à l’organisation du gouvernement révolutionnaire,' ainsi que le décret que la Convention a rendu; mais comme cette organi¬ sation nouvelle a besoin d’être connue et exé¬ cutée sur-le-champ, surtout pour les taxes et armées révolutionnaires qui ne sont que des forces départementales changées de nom, ce besoin est encore plus urgent, pour supprimer les commissions départementales, les comités cen¬ traux, indépendants des comités révolution¬ naires, seuls établis en vertu de la loi, le comité vous propose, en attendant l’impression du décret et l’envoi des lettres circulaires, de décré¬ ter que la publication en sera faite dans le Bulletin de demain, et qu’il sera exécuté dès ce jour -là. Voici le projet de décret. ( Suit le texte du décret que nous insérons ci-dessus d'après le procès-verbcd.) Ce décret est adopté. Après l’adoption de ce décret, il [Barère (4)], fait un rapport duquel il résulte qu’un nouveau complot des ennemis de la République est déjoué. La Convention en décrète l’insertion au « Bul¬ letin » (5). (1) D’après la minute du décret qui existe aux Archives nationales, carton C 282, dossier 792. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 84. (3) Bulletin de la Convention du 9e jour de la 2e décade du 3e mois de l’an II (lundi 9 dé¬ cembre 1793); Moniteur universel [n° 81 du 21 fri¬ maire an II (mercredi 11 décembre 1793), p. 326, col. 2], (4) D’après les divers journaux de l’époque. (5) Procès-verbaux de la Convention , t. 27, p. 84. Compte rendu du Bulletin de la Convention (1), Rapport de Barère au nom du comité de Salut publie. Citoyens, le système d’attaquer, de diffa¬ mer, de calomnier et d’entraver les représen¬ tants du peuple près les armées, a été inventé et suivi par les fédéralistes. Ce système est conti¬ nué et repris avec plus d’audace et de constance par des aristocrates et des intrigants, que Robes¬ pierre a appelés si bien des hommes patrioti¬ quement contre-révolutionnaires; c’est surtout sur les représentants du peuple les plus fermes, les plus décidés à sauver les armées et à défendre la République, que les traits sont dirigés. Un des points majeurs dans la défense des frontières, est dans la reprise du territoire fran¬ çais, c’est à Toulon, c’est là, comme l’écrit dans sa lettre l’intrigant Calonne, qu’est l’unique succès. v< C’est à l’amiral Hood que l’on doit le succès le plus marquant, et peut-être le seul vraiment décisif dans cette campagne; je la regarde comme finie partout ailleurs, mais elle ne le sera pas en Provence. — On trouvera dans plusieurs parties de l’intérieur des descriptions favorables; il serait avantageux pour les faire éclore, qu’il y eût un prince français à portée de se montrer, au moment qu’on le jugerait convenable; ces avantages s’accroîtraient par les dispositions où nous savons que sont les nombreux catholiques du] Vivarais et du Bas-Languedoc. Il y a un moyen sûr de soumettre la Provence, c’est de la menacer, en cas de résis¬ tance, d’anéantir tous les oliviers. Les habitants vivant de leur produit, ne tiendraient pas à la menace, ni au moindre commencement d’exé¬ cution : on en a déjà fait l’expérience (2). » (1) Bulletin de la Convention du 20 frimaire an II (mardi 10 décembre 1793); le Moniteur universel (n° 80 du 20 frimaire an II (mardi 10 décembre 1793), p. 323, col. 3] reproduit le texte du Bulletin avec quelques légères variantes. (2) Voici la lettre de de Calonne que nous repro¬ duisons d’après le Journal des Débats et des Décrets (frimaire an II, n" 447, p. 278). Copie d'une lettre du sieur de Calonne (sans lieu du départ et sans date). « Mon cher général, « Je me suis acquitté de la commission que vous m’aviez donnée à Gibraltar pour les Taleyrant et pour M me de Chabannes, avec qui j’ai présentement la satisfaction d’être réuni. « Votre souvenir leur a fait grand plaisir, et je leur ai trouvé les mêmes sentiments que vous m’aviez inspirés. Ils se joignent à moi dans ce moment pour vous féliciter sur votre arrivée à Tou¬ lon, et sur la mission que vous avez remplie; hono¬ rable en elle-même, elle le sera encore plus par la manière dont vous vous en acquittez. « Soyez, je vous prie, bien persuadé de l’intérêt que nous prendrons à vos lumières; il est d’autant plus utile qu’il est réuni à l’intérêt général, à celui de tout ce qu’il y a encore de Français amis des bons sentiments. J’ai toujours pensé que le salut de notre pauvre patrie, s’il est encore permis d’avouer pour tel un pays souillé par tant de crimes, ne pouvait venir que du côté du Midi; je le pense plus que jamais. C’est de l’Angleterre, réunie à l’Es¬ pagne et à Naples, que je l’attends; et l’idée que vous pourrez y contribuer, ajoute, mon cher géné¬ ral, à l’attachement que je vous ai voué. 252 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. I 19 frimai,e an il I 9 décembre 1793 Eh bien, c’est vers les représentants de Tou¬ lon que les intrigants et les calomniateurs se sont portés; une lettre qu’ils ont fabriquée nous est parvenue hier dans la nuit; elle était faite pour donner de vives inquiétudes au comité à qui elle était adressée; elle était destinée à faire rappeler des représentants utiles, à paralyser momentanément nos mesures militaires contre « Tout le monde rend justice à la conduite de lord Hood. Cet amiral s’est couvert de gloire; et c’est à lui que l’on doit le succès le plus marquant, et peut-être le seul vraiment décisif de toute cette cam¬ pagne. Je la regarde comme finie partout ailleurs; mais il y a lieu de se flatter qu’elle ne l’est pas en Provence, et que bientôt toute cette province sera au pouvoir des troupes alliées. « Les nouvelles publiques font présumer que leur nombre va s’augmenter de plus en plus; et s’il s’élève, comme on le présume, jusqu’à environ 40,000 hommes, rien n’y résistera. Il y a même lieu de croire qu’on trouvera, dans plusieurs parties de l’intérieur, des dispositions favorables. Peut-être serait-il avantageux, pour les faire éclore et en tirer un grand parti, qu’il y eût un prince français à portée de se montrer au moment qu’on le jugerait convenable. Celui auquel vous savez combien je suis dévoué pourrait mieux que personne remplir cette vue, avec un succès dont les suites seraient inappré¬ ciables; et il se conformerait à toutes les mesures qui pourraient être nécessaires pour se concerter avec le plan de votre gouvernement. Je ne puis pas déve¬ lopper davantage cette idée, et je me borne à vous en faire entrevoir les avantages qui s’accroîtraient infiniment par les dispositions où nous savons que sont les nombreux catholiques du Vivarais et du Bas-Languedoc. « Vous me feriez grand plaisir, mon cher général, si, après en avoir causé avec les amiraux, vous me faisiez apercevoir quelles peuvent être sur cela les façons de penser; et, sans citer ni compromettre, je pourrais laisser espérer qu’en cas que l’on voulût tourner ses pas vers cette partie ou ses environs, on n’aurait point à craindre de contrarier ou de déplaire. Vous m’entendez assez, et sûrement vous ne trouverez pas qu’il y ait de l’indiscrétion de vou¬ loir, avant tout, sonder le terrain. Au reste, je ne vous demande aucune démarche et je n’ai moi-même aucune mission. Je vous communique seulement l’idée qui m’est venue, dans l’espérance que vous voudrez bien me confier réciproquement ce que vous en pensez et ce que vous pourrez apercevoir sans vous compromettre en aucune sorte. Je veux, avec la même franchise, vous faire part d’une observa¬ tion qui pourrait n’être pas inutile aux généraux confédérés. « Il y a un sûr moyen de soumettre la Provence, c’est de la menacer, en cas de résistance, d’anéantir tous ses oliviers. Gomme elle n’existe que par leur produit, et, qu’une fois détruits, il faudrait près de six ans pour la régénérer, les habitants ne tiendront pas à une pareille menace, ni au moindre commen¬ cement d’exécution. On en a déjà fait l’expérience; et vous trouverez peut-être à propos de le dire à quiconque serait dans le cas d’en profiter. « J’ai l’honneur d’être, avec un sincère attache¬ ment, mon cher général, votre très humble et très obéissant serviteur. « Signé : De Calonne. « (Suite.) Voulez-vous bien présenter à lord Hood mes hommages et mon remerciement du bon accueil qu’il a fait au capitaine Gurnihem. « S’il était aussi à Toulon, je vous prierais de lui dire mille choses pour moi. Je serai toute la vie son obligé. « Mon adresse i chez M. Todero, banquier à Viconce, avec une première adresse au consul anglais de Livourne ou de Gênes. » Toulon, et le but le plus coupable et le plus direct sans doute, était de verser sur la représentation nationale la haine et la méfiance du peuple, de présenter l’idée d’un vaste complot fait contre la �liberté, par les défenseurs naturels de cette même liberté, et de faire éloigner de nos armées, des représentants du peuple, pour les livrer à des chefs traîtres ou incapables, ou vendus à la faction royaliste, tandis qu’on avilissait la représentation nationale dans le lieu de ses séances, en l’accusant sans cesse de trahison et d’intelligence avec les ennemis de la patrie. Ce n’est là sans doute qu’une lutte de pyg¬ mées contre des géants ; c’est le duel de l’intrigue contre le courage et du crime contre la vertu; ce sont en un mot des intrigues dignes des taver¬ nes de Londres, ou des repaires des aristocrates. Cependant le premier mouvement du comité, d’après cette lettre datée de Marseille, a été de rechercher les mesures nécessaires pour déjouer de nouveaux complots sur les bords de la Méditerranée. Bientôt après, en combinant les diverses nouvelles contenues dans cette lettre, il en a senti l’exagération, le peu d’ensemble, leur contradiction avec l’état des forces réelles de nos ennemis à Toulon, et le piège a été senti. Les signatures des autres lettres de Fréron et Barras ont été confrontées, et le faux matériel est incontestable. C’est ainsi que sera déjoué le nouveau moyen de désorganiser les armées, d’arrêter les succès, de décrier les représentants du peuple qui sont dans les camps, et d’avilir la représentation nationale. Il sera bientôt dévoilé à toute la République ce beau système anglais, ce système à partie double qui tend à effrayer les représentants dans l’exercice de leurs fonctions, et à dégoûter la nation française de la représentation. Ton art est connu ! ô le plus vil et le plus habile des cor¬ rupteurs, ministre de George ! Tu cherches, par tes émissaires masqués en révolutionnaires, à diviser les patriotes, à exaspérer toutes les haines, à exciter toutes les défiances, et à laisser le peuple sans défenseurs et sans confiance en ses représentants, sans courage et sans appui; mais tes efforts seront vains. La publicité seule suffira pour déjouer cette plate et ridicule in¬ trigue. Le comité demande seulement l’inser¬ tion de cette lettre dans le Bulletin; il suffit, pour de pareils voleurs, d’avoir des réver¬ bères. Voici la lettre de nos intrigants ; « Marseille, 11 frimaire, l’an II de la République française. « Citoyens nos collègues, dans ce moment, nous renonçons à tout autre objet, pour vous entretenir exclusivement de notre position dans les départements du Var et des Bouches-du-Rhône; vous qui êtes au timon de la Répu¬ blique, avez reconnu que l’arme la plus meur¬ trière des despotes coalisés contre notre liberté, c’est l’espoir de nous affamer. Malheureuse¬ ment nos greniers dans l’intérieur ne nous lais¬ sent pas sans inquiétudes; nos efforts depuis longtemps se sont réunis, ainsi que ceux de tous les députés dans les départements, au zèle des bons citoyens, pour trouver des mesures qui nous procurassent du blé. Depuis l’entrée des troupes de la République dans le pays rebelle, [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. j « f,rimairKe an il 253 r y décembre 1730 nous vivons au jour le jour, et c’est avec une peine excessive que nous faisons vivre, et notre armée en Italie, et celle sous Toulon. Ces deux départements étaient déjà affamés par la longue présence des escadres combinées, avant même que la ville sacrilège tombât en leur pouvoir. Nous nous flattions de parvenir à tirer considé¬ rablement des grains de l’ Italie et du Levant; il faut y renoncer depuis que Naples et la Tos¬ cane sont entrés dans la ligne. Tunis, selon toutes les apparences, vient d’être gagné par les forces et l’or des Anglais; tout annonce que le Dey devient notre ennemi, le convoi immense qui s’y trouvait, est perdu pour la République, trois frégates seulement ont échappé et ont pu se réfugier en Corse ; mais y seront-elles longtemps en sûreté, et de quels secours pour nous? • D 'un autre côté, les esclaves s’accumulent à Toulon; d’après le rapport de tous nos espions, ils y sont en force de 35,000 hommes, et en attendent encore 30,000; les Portugais y parais¬ sent fournir. Il est certain que s’ils se déployaient, ils forceraient nos lignes; mais ils craignent l’armée de Nice, qui pourrait les mettre entre deux feux, et il y a un plan de la couper. La valeur de nos troupes et la surveillance de nos généraux déjouera sans doute ces combinai¬ sons; mais nos défenseurs courent risque d’être affamés. Le mauvais temps dégrade les chemins, les greniers y sont vides, tout y est transporté à dos de mulet; avec les pluies, ces braves gens sont exposés. Robespierre jeune est ici et nous confirme ces tristes détails. Quinze jours de pluies pourraient nous jeter dans le plus grand malheur. Dès le second, la rivière de la Durance déborde et nous tue; elle nous retient des bestiaux depuis longtemps. « Il faut observer en outre que le vent d’est, qui nous prive de tout secours par mer, soit d’Arles, soit de Cette, est presque continuel; et ce même vent mène tout à nos ennemis : enfin ne recevraient -ils pas d’autres forces, avec la position de Toulon, ils sont plus que suffi¬ sants pour ne pas craindre nos attaques. Il faudrait mieux de la moitié du monde que nous sommes; faire des tentatives avec ce nombre, c’est sacrifier inutilement nos frères; attendre d’être renforcés, nos ennemis peuvent l’être proportionnellement, et la famine est certaine. « Qu’est-ce qui fait la force de la ci-devant Provence? C’est exclusivement Toulon. Pour¬ quoi ne leur abandonnerions-nous pas tout le terrain stérile jusqu’à la Durance, après avoir enlevé les provisions en tout genre? Les égoïstes de Marseille ont déjà payé de leur bourse; alors il se forme un boulevard insurmontable sur les bords de cette rivière ; vous y accumulez 200,000 hommes, et les y nourrissez avec aisance; vous laissez aux infâmes Anglais le soin de nourrir toute la province. La belle saison revient, le temps des moissons approche, les végétaux rendent déjà; comme un torrent les républicains repoussent la horde esclave, et les rendent à la mer qui les vomit. Ce serait la façon de penser des généraux; la crainte de manquer de vivres enlève le courage au soldat. Pesez ces réflexions en comité, et délibérez. Nous ferons exécuter les ordres qui nous seront donnés; mais il n’y a pas un instant à perdre. Salut et fraternité. « Vos coopérateurs, Barras, Fréron. » Il ne me reste plus qu’à dire à la Convention que la Commission des subsistances et appro¬ visionnements de la République a assuré au comité de Salut public, que les subsistances ne manqueraient pas à l’armée de Toulon, et qu’il y avait des approvisionnements faits. Des troupes nouvelles marchent aussi tous les jours vers cette infâme cité de Toulon, et sans doute le parlement anglais en apprendra la reprise lors de son ouverture. Je demande que la Convention nationale décrète que le rapport et la prétendue lettre de Marseille seront insérés dans le Bulletin. Cette proposition est adoptée. Un membre propose et la Convention rend le décret suivant : « La Convention nationale charge son comité de Salut public de prendre toutes les mesures qu’il croira nécessaires pour s’assurer si, sous prétexte d’un patriotisme exagéré, on n’opprime pas les patriotes sur les frontières de la Répu¬ blique, et d’examiner scrupuleusement toutes les mesures de rigueur prises contre eux, et no¬ tamment contre Rutler, administrateur du dé¬ partement du Haut-Rhin (1). » Un des rapporteurs du comité de l’examen des marchés et de surveillance des subsistances, habillements et charrois militaires, propose le décret suivant, qui est adopté par la Convention : « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport de son comité de l’examen des marchés et de surveillance des subsistances, ha¬ billements et charrois militaires [L oiseau, rap¬ porteur (2)], « Décrète que le citoyen Dancour (Daucourt), directeur des charrois de l’armée des Alpes, ac¬ cusé d’avoir compromis le salut de la Républi¬ que en retenant malicieusement par ses mains une somme considérable de deniers publics, qui lui avait été remise pour en faire le versement dans la caisse du trésorier de la régie à Greno¬ ble; d’avoir été la cause, par cette retenue, que le prêt des charretiers, muletiers et autres pré¬ posés des charrois, a manqué pendant plusieurs jours, sera traduit au tribunal révolutionnaire, pour y être poursuivi comme conspirateur, et jugé conformément aux lois, ainsi que ses com¬ plices, si aucuns sont découverts par suite de la procédure (3). » (Suivent les pièces justificatives du décret relatif au citoyen Daucourt.) (1) Procès-verbaux de ta Convention, t. 27, p. 85. (2) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 282, dossier 792. (3) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 85.