312 lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 septembre 1790.] blée. J’appuie la motion de M. de Lameth, de passer à l’ordre du jour, en le motivant. M. de Cazalès. Avant d’adopter une proposition que j’appuie, je demande que l’Assemblée déclare qu’il est permis à un de ses membres d’en insulter un autre, ou bien qu’elle rappelle à l’ordre MM. de Lameth et de Montmorency ; si elle ne le veut pas, je lui demande acte de son décret ; et moi, qui me suis constamment abstenu, dans cette tribune, de prononcer aucune expression injurieuse, je demanderai la permission d’insulter nominativement... M. Charles de Lametli. On demande que je sois rappelé à l’ordre; comme je crois qu’il est aussi contraire à l'honneur de faire des injures que d’en souffrir, je déclare que, quand j’ai fait la motion d’envoyer M. Duval à Charenton, je n’ai voulu que lui donner du ridicule, mais non l’insulter. Il est insensé ou il est coupable. Dans l’époque où nous nous trouvons, au milieu des bruits qui se répandent, je me contente de tourner en ridicule un membre dont on pourrait sérieusement et peut-être très utilement instruire le procès. Dans un moment où l’on cherche à nous intimider par la réunion des parlements, où le mot de contre-révolution retentit dans toutes les places publiques, il est un peu fort d’en présenter le projet à l’Assemblée nationale. Quand on sait que les agents de la contre-révolution mettent tout en œuvre pour prévenir le roi contre l’Assemblée ; quand on veut enlever le roi ; que le comité des recherches en est instruit ; que l’on publie que l’on en viendra à bout avec 50,000 hommes ; que Rouen est l’endroit où l’on voudrait le placer sous la protection du parlement ; quand une réponse du roi, que tout bon Français aurait voulu oublier, se trouve dans le préambule du décret proposé par M. Duval, vous craindriez encore de donner au ridicule à ce membre ! Les espérances de nos ennemis sont plus fortes que jamais ; nous n’avons pas un moment à perdre, le péril est extrême : il faut la coalition de tous les bons citoyens. M. l’abbé Maury et M.deCazalès engagent M.Du-valà monter à la tribune.— Il y paraît. M. Coroller. Qu’il descende à la barre ou qu’il soit conduit en prison. M. l’abbé Maury. Je demande que M. de Lameth soit rappelé à l’ordre. M. de Mirabeau demande la parole. — La partie droite s’oppose à ce qu'elle lui soit accordée. L’Assemblée décide que M. Mirabeau sera entendu. M. de Mirabeau. Lorsque j’ai demandé la parole, je ne voulais que réclamer la priorité pour la motion motivée de l’ordre du jour ; mais dans les débats j’ai aperçu M. Duval articulant des sons confus que je n’ai pu démêler ; je demande qu’il soit entendu, et de parler après lui. M. l’abbé Maury. Et moi après vous. M. de Mirabeau. Je demanderai donc la parole, à moins qu’on ne préfère de mettre sur-le-champ aux voix la motion de M. de Lameth, comme motion de tolérance et d’indulgence, et ce qui me la fait regarder ainsi, et ce qui me provoque à l’appuyer, c’est que, en mon particulier, je rends grâce à M. d’Eprémesnil d’avoir levé tout à fait le voile qui couvrait les instructions de ceux qui s’opposent à la mesure des assignats. {On applaudit). M. Duval d’Eprémesnil, à la tribune: Je suis accusé ; je veux répondre. On demande à aller aux voix. L’Assemblée ferme la discussion. La motion de M. Alexandre de Lameth est mise aux voix et adoptée. La parole est donnée à M. Périsse Duluc. M. Périsse Duluc, député de Lyon , lit le projet du décret suivant : L’Assemblée nationale, voulant améliorer la vente des biens nationaux; acquitter ses engagements envers les créanciers de la dette vraiment exigible; fournir au service du Trésor public; éviter sur la circulation et les valeurs une commotion funeste ; tranquiliser sur leur sort tous les fonctionnaires publics et une foule de citoyens qui ne vivent que du modique revenu de quelques capitaux; décharger enfin les impôts d’une masse considérable d’intérêts, a décrété et décrète ce qui suit: Art. 1er. Il sera ouvert un emprunt pour l’amortissement de la dette exigible, dans lequel seront versés exclusivement par les créanciers tous les titres de leurs créances, au fur et à mesure qu’ils seront reconnus et liquidés. Art. 2. Il sera créé et délégué sur les biens nationaux des assignats pour une somme équivalente aux deux tiers de la valeur supposée de ces biens; et seront ces assignats donnés en échange ou remplacement des susdits titres de créances. Art. 3. Ces assignats ou délégations seront transmissibles par endossement et à volonté, ainsi qu’il est d’usage pour les lettres de change et seront divisés par portion de 1,000, 300, 200 et 100 livres. Art. 4. Il sera attaché une prime sur le pied de 4 0/0 l’an, pendant quatre ans, c’est-à-dire 16 0/0 pour quatre années, à compter de la date de leur émission, laquelle prime sera divisée ainsi qu’il suit : Art. 5. Cette prime sera de 8 0/0 pour les assignats qui seront apportés aux ventes des biens nationaux dans le cours de la première année de leur émission et s’accroîtra, savoir : de 4 0/0 pour ceux qui seront apportés dans la seconde année; de 3 0/0 dans la troisième; de 2 0/0 dans la quatrième. Art. 6. La prime cessera d’être exigible pour les;assignats qui n’auront pas été apportés aux ventes des biens nationaux dans le cours de quatre années, à partir de la date de leuï émission, et restera dès lors convertie en un intérêt de 3 0/0 l’an, à compter de ladite date, lequel se cumulera avec le capital, pour en être fait compte seulement lorsque lesdits assignats seront employés dans l’acquisition des biens nationaux. Art. 7. Les assignats de la création du 16 avril 1790 pouront être échangés contre les assignats à prime qui sont créés par le présent décret; auquel cas il sera fait compte au porteur des intérêts échus. Art. 8. Les porteurs de titres de la dette exigible qui ne voudraient pas les convertir en assignats sur les domaines nationaux , dans le susdit emprunt d’amortissement, y recevront des (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (29 septembre 1790.] 813 obligations nationales en échange, lesquelles porteront intérêt à 3 0/0 l’an. En conséquence, et à à compter du 1er janvier 1791, il ne sera plus fait compte d’aucun intérêt au-dessus de 3 0/0 sur quelque partie que ce soit de la dette exigible. Art. 9. Tous les assignats émis en vertu du présent décret, qui, après les quatre années échues de la date de leur émission, n’auront pas été employés dans l’acquisition des biens nationaux et auront ainsi perdu l’avantage de la prime, resteront dans l’emprunt ainsi et sur le pied qu’il a été dit dans l’article ci-dessus. Ils continueront d’être admis, dans les ventes des biens nationaux, en concurrence avec l’argent et avec les susdites obligations nationales; et à défaut, seront, ainsi que lesdites obligations, remboursés à la caisse de l’extraordinaire avec les deniers provenant de ladite vente, lequel remboursement sera fait dans l’ordre et au rang qui sera pour lors fixé. Art. 10. Il sera émis une quantité d’assignats semblables à ceux de la création du 16 avril 1790, laquelle ne pourra excéder la somme de 200 millions et sera exclusivement employée au service nécessaire du Trésor public et à mesure qu’il y faudra pourvoir. Art. 11. Et pour rétablir la confiance des capitalistes et des étrangers, si souvent ébranlée depuis plusieurs années par les divers projets de papier-monnaie qui ont été proposés pour la liquidation de la dette publique et les dépenses du gouvernement, l’Assemblée nationale décrète, comme article constitutionnel, qu’il ne sera plus, à l’avenir, créé dans le royaume aucune espèce de papier forcé en circulation, sous quelque dénomination que ce puisse être. Plusieurs membres demandent la question préalable sur ce projet de décret. La question préalable est prononcée. M. Goupilleau, secrétaire , commence la lecture des divers projets de décrets déjà connus de l’Assemblée. Pendant cette lecture, beaucoup de membres lui font passer de nouveaux projets. Les projets lus émanent de MM. Gigongne, An-son, Malouet, de Custine, de Lablache, de Gouv, Rewbell, de Tdustain-Viray, d’Allarde, Blin, d’Ha-rambure, LeCouteulx, Pisondu Galand, Barnave, Dubois-Grancé, de Glermont-Tonnerre, Poignot. M. de Cazalès. L'Assemblée nationale est au moment de jeter dans la circulation une masse effrayante de papier-monnaie. (On observe que la discussion est fermée.) J’ai l’honneur de répondre que c’est un amendement. M. le Président. Le règlement porte que la discussion étant fermée, les questions seront réduites par oui ou par non. Parler sur la manière de réduire la question, c’est exécuter le règlement. Beaucoup de personnes se sont fait iuscrire pour exposer leur opinion sur cet objet. (On lit la liste ; il s'élève beaucoup de murmures.) On témoigne de l’étonnement de voir tant de personnes inscrites pour la parole et l’on demande à s’occuper de la question de priorité; le vœu de l’Assemblée fait ma loi. M. de Cazalès. Je crois de la justice de l'Assemblée de s’expliquer clairement et avec loyauté sur la nature des engagements qu’elle prend avec les porteurs d’assignats. Je demande donc qu’elle décide si elle payera les faux assignats. ( Les murmures augmentent.) L’Assemblée décide que M. de Cazalès ne sera pas entendu. M. Camus demande la priorité pour le projet de décret de M. Poignot. Ge projet de décret contient 6 articles, les 3 premiers sont ainsi conçus : « Art 1er. Toutes les créances sur l’Etat, à l’exception de celles constituées en rentes viagères ou perpétuelles, et de celles à terme, seront remboursées à mesure des liquidations, et suivant l’ordre qui sera indiqué, en assignats-monnaie sans intérêt. « Art. 2. En aucun temps et sous aucun prétexte, il ne sera mis en circulation au delà d'un milliard d’assignats. « Art. 3. Il ne pourra être fait des assignats au-dessous de 100 livres; mais il en sera fait de 125 livres, de 150 livres, et ainsi dans les diverses coupures, qui seront jugées les plus propres à favoriser les échanges. » M. Malouet. D’après la multitude des projets de décrets présentés, il est difficile d’accorder la priorité à aucun d’eux avant d’avoir dégagé les propositions principales des dispositions réglementaires. La première question à proposer est celle-ci : Pourvoira-t-on actuellement au remboursement total de la dette exigible à termes échus ou à échéance prochaine? 2° Le mode du payement sera-t-il uniquement en assignats forcés ou en assignats non forcés, ou résultera-t-il de la combinaison de ces deux modes? Déterminera-t-on un terme au delà duquel ne pourra pas s’élever l’émission du papier forcé? Ge terme excédera-t-il 800 millons? Quoique je pense que la monarchie serait dissoute, si nous consultions les provinces, je crois cependant que quand vous avez dit que le vœu du commerce serait entendu, que quand, le 3 novembre, vous avez décrété que vous ne disposeriez des biens nationaux que sur l’instruction des provinces ..... (Il s'élève des murmures.) On interprète mal ma pensée, si l’on conclut de ce que je dis que je veux m’opposer à la vente des biens nationaux; je n’avais pas été de l'avis de votre décret, mais à présent je reconnais que la vente de ces biens importe au salut public. M. Brlois de Beaumetz. La discussion est fermée. Je respecterai votre décret et je ne me permettrai pas de suivre les observations du préopinant, je me bornerai à demander que la priorité soit accordée à la motion qui parait la plus claire et qui conduira le plus promptement à la délibération . Celle de M. Barnave me paraît remplir éminemment cet objet. Après un mois de discussion, il vaut mieux se renfermer dans un décret qui exposera les deux principes de liquidation et les grandes bases de cette opération. Je trouve dans la proposition de M. Poignot un défaut capital. Il propose de ne rembourser que ce qui est déjà échu. Un décret qui, d’un seul mot, exclurait du remboursement des créances en valeur de 560 millions qui offrirait encore à l’agiotage une opération lucrative, qui détournerait de la vente des biens nationaux pour 560 millions de créances, que les propriétaires garderaient, parce qu’elles portent intérêt, ne peut être adopté. Je demande que l’Assemblée décrète d'abord ce grand principe, qu’elle est décidée à remboureser en totalité la dette exigible désignée par le comité des finances. Je demande encore qu’elle adopte le second article de M. Barnave, mais je présente un amen-