[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 février 1791. | 304 des gardes nationales ont exercé des vengeances sur les ligueurs, ce sont des gardes nationales toujours mixtes, les patriotes du pays usant de représailles contre les antipalriotes. Qui peut se trompera ce langage? Qui ne voit dans la perfidie avec laquelle les ligueurs affectent de ne parler que des protestants le dessein de couvrir leurs entreprises sanguinaires du voile de la religion? Veut-on savoir la vérité? C’est que tous les efforts étaient réunis pour troubler les opérations du corps électoral. On doit observer que, lorsque les ligueurs virent que les électeurs avançaient leurs travaux et que l’administration se formait, ils formèrent leurs attaques. Quelques électeurs furent attaqués. Le sieur Felacion, procureur interdit de ses fonctions, disait aux soldats à pouf rouge : « Mes amis, c’est par le club qu’il faut commencer, et ne pas laisser échapper un de ceux qui y sont. Or il y avait dans le club 200 électeurs qui, avertis à temps, se sauvèrent bien vite. Je dois ajouter que plusieurs d’entre eux qui étaient logés aux tours eurent leurs fenêtres criblées de coups de fusil. C’est donc à eux qu’on en voulait. Je récuse le procès-verbal fait par des officiers municipaux qui prennent un barbare plaisir à nombrer les morts, à se promener parmi des cadavres dont le sang crie vengeance contre eux, qui d’une plume sanguinolente grossissent leur liste criminelle, et qui disent les uns aux autres, n’y en a-t-il pas encore? Je récuse les procès-verbaux d’une municipalité qui grossit le nombre des morts, pour enfler et grossir ses inculpations, qui les porte ou les fait porter par ses écrivains, jusqu’au nombrede7 à 800, même de 1,000, tandis quelejugecriminel, calculquej’ai hésité de rapporter, ne les fait monter qu’à 110, et M. le rapporteur à 220; calcul affreux et d’autant plus coupable, qu’un plus grand nombre n’est qu’une plus grande cumulation de reproches. Elle a tout à se reprocher, car rien ne serait arrivé si elle n’avait pas favorisé les factieux. Tcd était le projet des malveillants à Nîmes. Il est convenu, disaient-ils, que nous devons faire les premiers pas, et bientôt les principales villes ou royaume nous suivront. Mais une guerre veut un prétexte, on le trouve dans la religion, et l’on excite la haine conlre les protestants. Mais ces perfidies sont odieuses! Eh bien! il faut accuser les protestants d’avoir voulu massacrer les catholiques. Mais les protestants sont visiblement les plus faibles, ont par conséquent le plus d’intérêt à la paix. Eh bien! il faut dire qu’ils sont soutenus par l’Assemblée nationale, que c’est elle qui les a encouragés au massacre. La formation du département a été la véritable occasion du complot des ligueurs, qui voyaient avec fureur s’établir une autorité qui allait veiller au maintien de la Constitution, qui allait la protéger contre les entreprises d’une municipalité coupable. Ce motif d’opposition était si bien connu, que les assemblées primaires étaient inquiètes sur le sort de leurs électeurs à Nîmes, et qu’on avait demandé qu’ils fussent transférés à Beaucaire. Les menaces se succédaient chaque jour avec plus de violence contre les électeurs; elles sont prouvées dans l’information. Plusieurs en furent effrayés et prirent la fuite; les autres, et ce lut la plus grande partie, firent solennellement le serment de rester et de braver tous les dangers. Les ligueurs se rassemblèrent près du palais où étaient assemblés les électeurs, et y firent entendre les plus violentes menaces. Si ma patrie est désormais célèbre par de grands excès et de grands crimes, de grands exemples de courage et rie dévouement y ont été aussi donnés, et les courageux amis de la Constitution l’ont enfin emporté. Il est certain que l’information, que l’agression a commencé par les ligueurs, que les protestants ont été égorgés, que des vieillards ont été foulés au pieds et pendus à leur porte. J’avoue que les gardes nationales, qui étaient accourusau secours des patriotes égorgés, ont eux-mêmes poussé trop loin la vengeance. Ils ont poursuivi un catholique dans la maison de mon père et de mon frère qui lui avaient donné asile, et qui le lui ont fidèlement gardé. Ce serait donc s’abuser que de ne voir, comme l’a prétendu insidieusement le maire de Nîmes, qu’une querelle de religion, où il n’y avait de division que sur des intérêts purement temporels. Que l’Assemblée juge donc non pas entre deux sectes, mais entre ses amis et ses ennemis. Cependant que l’Assemblée daigne n’adopter que des mesures de paix. Si les auteurs coupables des désordres doivent être punis, que la foule de ceux qu’ils ont entraînés au crime, en leur mettant sur les yeux le bandeau de l’erreur, échappe à la vengeance de la justice. Entendez, dans le midi de la France, ces bruits sourds qui présagent une explosion et qui ne nous ont jamais trompés. Adoptez, je vous en conjure, des mesures qui embrassent le présent et l’avenir. Et si vous pensez que l’acharnement de ces ennemis qui se jettent impitoyablement sur les enfants paisibles d’une religion dont je suis un des ministres; si vous pensez que cet acharnement soit implacable, otez-leur tout sujet de trouble, prononcez notre exil du Languedoc, nous serons soumis à votre voix. Indiquez-nous, dans l’étendue de l’Empire français, un coin de terre où nous puissions vivre en paix, nous y bénirons vos lois. Parlez, nous sommes prêts à tout quitter, si vous l’ordonnez. Hélas! nous avons souffert tant de maux! nous sommes habitués aux émigrations. Je conclus à l’adoption du projet de décret présenté par le comité. (La suile de la discussion est renvoyée à samedi soir.) M. le Président lève la séance à dix heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DUPORT. Séance du vendredi 25 février 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier au matin, qui est adopté. M. Se Président. La parole est à M. Gossia pour présenter un rapport , au nom du comité de Constitution , sur plusieurs demandes faites par (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. |Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 février 1791.] l’administration de divers départements et communes. M. Gossln, au nom du comité de Constitution. Messieurs, l’administration des Bouches-du-Rhône demande la nomination d’un sixième juge au tribunal de commerce à Marseille. La population de celle ville est immense, les affaires commerciales y sont multipliées à l’inlini; 5 juges ne pourraient suffire à leur expédition, d’autant plus que ces juges auront dans leur compétence les affaires contentieuses du tribunal d’amirauté, qui était composé de 6 juges; les directoires de district et de département appuient la demande de la municipalité. Le comité de Constitution est d’avis que la loi de l’organisation judiciaire qui établit les cas dans lesquels on peut nommer un sixième juge aux tribunaux de district, reçoit à celui dont il s’agit une application très juste et nécessaire. Il existe dans le département du Var, district de Saint-Pau), une commune dont les habitants ne peuvent former une municipalité; ce sont les propriétaires de la commune de Vence qui possèdent presque tout le L rritoire de Malvans; cependant Vence est du district du Var, et Malvans est de celui de Saint-Paul: cette distribution nuit à l’exécution d’une bonne organisation, au bon ordre et à l’exécution de la répartition de l’impôt. Le comité de Constitution vous propose la réunion en une seule de deux municipalités qui se sont formées dans la paroisse d’Issigny; sa population ne s’élève pas au delà de 3,000 âmes; cependant ces deux municipalités emploient 40 personnes en activité, et il en résulte une mésintelligence très nuisible. Voici le projet de décret : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution sur les pétitions des départements des Bouches-du-Rhône, du Lot, du Var, des communes de Brest et d’Issigny, décrète ce (qui suit : « Le tribunal de commerce établi dans la ville de Mai saille, en exécution de là loi de l’organisation judiciaire, aura un sixième juge. « Les membres dont ce tribunal sera formé, pourront se diviser en deux chambres, en conformité des articles 2 et 3 du titre de ladite loi, pour la plus prompte expédition des affaires dont la compétence a été attribuée aux tribunaux de commerce. « Il sera établi des tribunaux de ce genre dans les villes de Brest et Saint-Etienne. « La ville de Gahors aura deux juges de paix. « La commune de Malvans est distraite du district de Saint-Paul, pour être unie à celui de Grasse, et faire partie de la commune de Vence. « Les deux municipalités établies dans la paroisse d’Issigny, département du Calvados, sont supprimées pour n’en former qu’une, à l’organisation de laquelle il sera incessamment procédé. » (Ce décret est adopté.) M. Lebrun, au nom du comité des finances, fait un rapport sur les sommes à fournir pour des travaux utiles dans le port du Havre et propose le projetée décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète qu’il sera fourni, par le Trésor public, une somme de 650,000 livres pour les travaux du Havre, en dix payements de 65,000 livres chacun, dont le pre-505 mier commencera au mois de mars, et ainsi de mois en mois. » (Ce décret est adopté.) M. Lebrun, au nom du comité des finances, demande qu’il soit accordé des indemnités aux citoyens dont les maisons ont été démolies lors de la construction du pont de Roanne, et propose le décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète qu’il sera payé 45,000 livres sur le Tré-or public, pour indemnité des maisons dont la démolition a été ordonnée pour la construction du pont de Roanne, sauf le remplacement de cette somme sur le département de Rhône-et-Loire, s’il y a lieu. » (Ce décret est adopté.) M. Lebrun. Dans le texte de la loi sur les ponts et chaussées imprimé à l’Imprimerie nationale, il s’est glissé une erreur importante. A l’article 10, du titre III, il est dit : « Il sera alloué chaque année 80,000 livres... » Or, le chiffre décrété par l’Assemblée est 8,000 livres : il y a donc lieu de remplacer le chiffre de 80,000 livres par celui de 8,000 livres, qui est le véritable. (L’Assemblée décrète que cette erreur sera corrigée et qu’une nouvelle impression de la loi sera faite.) M. Vernier, au nom du comité des finances , fait un rapport sur les comptes à rendre par les receveurs de district au sujet de la contribution patriotique et donne lecture d’un projet de décret. M. Ramel-Vogaret. Je demande, par amendement, que les dispositions de ce décret soient rendues communes aux receveurs et trésoriers des ci-devant pays d’Etat. M. Vernier, rapporteur. J’adopte l’amendement; voici le projet de décret amendé : « L’Assemblée nationale, ouï le rapportée son comité des finances, considérant l’impossibilité où ont été les directoires de district de faire rendre les comptes de la contribution patriotique, tant aux receveurs particuliers des finances qu’aux collecteurs, dans les 15 premiers jours ne février au (plus tard, ainsi qu’il était prescrit par la loi du 14 novembre, vu que les collecteurs, pour l’exercice de 1791, n’ont point été nommés à ladite époque du 15 février, et la nécessité de faire comprendre dans les comptes des ci-devant receveurs, les dépenses auxquelles ont pu donner lieu les frais de perception, de rédaction et d’expédition des rôles, d’après les bases décrétées par l’Assemblée nationale, les 20 décembre 1790 et 27 janvier 1791, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les ci-devant receveurs particuliers des finances auront, pour rendre leur compte de la contribution patriotique, jusqu’au 1er mai de la présente année 1791, à l’effet par eux d’y comprendre toutes les dépenses qui ont pu ou pourront être acquittes en vertu des décrets des 23 décembre 1790 et 27 janvier 1791. Art. 2. « Pour mettre les receveurs de district à même de continuer la perception de ce qui reste dû de la contribution patriotique pour l’année 1790, et