|g [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. fier mars 1790.] miers fruits d’une liberté publiée avant la> loi, qui devait en prescrire lés bornes et dont la mesure a été livrée à l'arbürairè de ceux qui avaient tant d’intérêt à n'en connaître aucune. Les premiers fruits de la liberté!... non sans doute; car tout homme, digne d’en jouir, a déjà goûté !e bonheur de sentir que bientôt il ne pourra plus être opprimé impunément au nom des lois par ceux qui s’en disaient les ministres. ... D'une liberté publiée avant la loi quien devait prescrire lés bornes et, dont la mesure a été livrée à l'arbitraire de ceux qui avaient tant d’intérêt à n’en connaître aucune ? Calomnie non moins absurde qu’atroce contre vos décrets sanctionnés par le roi... Décrets auxquels toute la France s’est empressée d’adhérer, parce que toute la France y a reconnu les caractères de la sagesse et de la raison. C’est ainsi qu’on ose insulter, à la fois, aux représentants de la nation, au roi qui a approuvé leur ouvrage, et à ce bon peuple qui jamais ne donna plus de preuve de son patriotisme, disons même de sa générosité, que dans ces circon-tances, où il volait au secours de ses oppresseurs lorsque leurs biens et leur vie se trouvaient en péril par l’effet d’une effervescence passagère excitée peut-être par ceux-la mêmes, qui ont tant intérêt à le tromper. Nous n’entreprendrons point d’analyser ce réquisitoire séditieux, ce réquisitoire où vous trouverez. peut-être, tous les caractères de la forfaiture; mais nous ne pouvons nous empêcher d’en transcrire encore une phrase qui met pleinement à découvert l’esprit qui a présidé, et à sa rédaction et à sa publication. Tout ce que le roi avait préparé pour le bonheur de ses sujets, cette réunion de députés de chaque bailliage, que vous avez sollicités vous-mêmes, pour être les représentants de la nation, pour travailler à la réformation des abus et pour assurer le bonheur de l’Êtat; tous ces moyens si heureusement conçus et si sagement combinés n’ ont produit que des maux qu'il serait difficile d’énumérer. Ainsi, la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la destruction de l’aristocratie féodale, l’abolition des privilèges, la suppression de la vénalité des offices de la magistrature, tous ces bienfaits de votre sagesse et tant d’autres, sont mis au rang de ces maux qu’il serait difficile d’énumérer. Nous craindrions, Nosseigneurs, d’affaiblir l’impression que doivent produire et le réquisitoire et l’arrêt, si nous étendions plus loin nos réflexions. Nous nous hâtons de finir par une observation qui nous paraît frappante. Quel moment a-t-on choisi, pour répandre cette production vraiment incendiaire? Précisément celui où les électeurs des communes qui se sont occupés avec tant de soin et de succès du maintien de la tranquillité publique, sont réunis à la municipalité, pour procéder au dépouillement des scrutins, pour l’élection des officiers municipaux. Précisément celui où la rareté du numéraire et la stagnation du commerce donnent de grandes inquiétudes. Précisément Celui où les attroupements dont on parle, et les désordres auxquels on feint de vouloir remédier, paraissent avoir pris fin, non seulement par l’emploi des forces que les gardes nationales ont dô-eioppées, de concert avec les troüpes de ligue, mais surtout par le soin qu’on a eu d’instruire les habitants de3 campagnes des intentions du roi et des vôtres, si parfaitement d’accord pour ramener l’Union et la tranquillité dans toutes les parties du royaume; ainsi, il n’y avait pas même dans ce moment le plus léger prétexte à la publication de ce réquisitoire et de cet arrêt; et l’on ne peut pas se dissimuler que, bien loin d’avoir pour objet le rétablissement du bon ordre, il n’en a d’autre que de le troubler. Nous croyons , Nosseigneurs , qu’il importe à la sûreté publique, qu’un délit aussi grand soit promptement réprimé. L’impunité ne pourrait qu’enhardir les coupables et leurs adhérents à se porter à de nouveaux excès, et il est temps qu'un grand exemple apprenne aux peuples qu’ils peuvent s’en remettre aux lois de la punition de pareils attentats. Nous sommes avec le plus profond respect, Nosseigneurs, Vos très humbles et très obéissants serviteurs. M. le comte Mathieu de Montmorency (1), après avoir terminé la lecture des pièces, ajoute : La réunion des pièces dont vous venez d’entendre - la lecture, Messieurs, vous offre le tableau fidèle de ce qui s’est passé dans la ville de Bordeaux. Je craindrais d’affaiblir ce tableau en voulant l’étendre. Les sentiments des habitants de Bordeaux ne sauraient être mieux exposés que par eux, par conséquent mieux défendus que dans leurs adresses; et comme en éclairant votre justice, votre comité doit respecter vos moments, il se bornera à vous rappeler, de la manière la plus succincte, les objets qui ont motivé sa détermination. Vous avez vu, Messieurs, comme le patriotisme vigilant des citoyens de cette grande ville s’est alarmé du réquisitoire et de l’arrêt publiés au moment où ils venaient tous de s’engager solennellement par le serment civique et de procéder à l’élection de leur nouvelle municipalité ; vous avez vu le concours empressé des citoyens de toutes les classes, de ceux que la liberté a armés, de ceux que leurs places rendent les légitimes interprètes du vœu général de leurs concitoyens, et qui vous présentent l’expression de ce vœü consacré dans l’adresse qui vous a été lue, de ceux enfin qui, témoins des faits, ont peut-être le droit de redouter les intentions, et ont sûrement celui d’apprécier les circonstances, de prévoir les suites, et de saisir d’un coup d’œil l'ensemble des éléments dont se compose un délit national. Car c’est un délit national qui vous est dénoncé par les officiers municipaux, jurais et électeurs des communes, par la milice bordelaise, par une foule de citoyens actifs. Ils vous demandent d’apprendre au peuple qu’il peut s’en remettre à la loi, de la punition des attentats qui le menacent. Ils sollicitent, ils osent même presser votre justice, et, à chaque instant, ils attendent votre décision avec la soumission qui convient aux vrais amis delà Révolution, mais avec l’impatience dupatrio-(1) Comme l’Assemblée nationale a adopté le décret proposé par son comité des rapports sur l’affaire de Bordeaux dans la séance même-des rapports où j’ai eu l’honneur de le lui présenter au nom du comité, ce rapport, qui précédait le décret et suivait immédiatement la leciure des pièces, eût été assez inutile à imprimer; mais j’ai pensé depuis qu’il devait l’être, comme la seule réponse convenable a toutes les feuilles qui l’ont cité souvent même inexactement, et à des lettres qui ont été imprimées somme m’ayant été écrites, mais que je n’ai jamais reçues. Montmorency. n [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 mafl 1790.} tisme irrité et de la liberté en alarmes. Get assentiment presque universel d’une nombreuse commune s'est présenté à votre comité d’une manière imposante contre ceux qu’elle accuse : mais votre comité n’en a apporté qu’une attention plus scrupuleuse dans l’examen des pièces sur lesquelles l’accusation est appuyée. D’abord la publication simultanée de l’arrêt et dù réquisitoire, qui (et c’est à l’époque des élections) ont été répandus avec profusion dans les villes et les campagnes du ressort, avant même que ces actes fussent parfaitement connus à Bordeaux, a fait trouver à votre comité, entre le réquisitoire qui motive l’arrêt, et l’arrêt qui adopte les conclusions du réquisitoire, une connexité intime qui ne permet pas de séparer l’un de l’autre, et de regarder la cause des magistrats de la chambre des vacations comme étrangère à celle du procureur général. Votre comité a trouvé ensuite dans le réquisitoire qui semble avoir pour objet de réprimerdes désordres, le moyen te plus sûr de les fomenter, de les perpétuer même, en décourageant les milices nationales qui avaient marché pour rétablir le calme avec une activité et un courage sans exemple. Les expressions par lesquelles le procureur général désigne et attaque une constitution que le peuple français s’est donnée par le concours de ses représentants et du roi, qu’il a consacrée par son adhésion, que tous les citoyens et le procureur général lui-même ont juré de maintenir ; son silence affecté sur les décrets, sur le nom de l’Assemblée nationale; les circonstances qui environnaient ce magistrat; le moment qu’il a choisi pour oser déclarer ses dangereux principes, tous ces indices réunis ont présenté à votre comité l’idée d’un attentat contre la volonté nationale, contre la dignité des représentants de la nation et du roi. II me suffira de vous rappeler une phrase du réquisitoire, que vous trouverez également citée dans l’éloquent discours de M. Boyer-Fonfrède. Le procureur général adresse ces mots à la chambre des vacations : « Tout ce que le roi avait préparé pour le bonheur de ses sujets, cette réunion des députés de chaque bailliage que vous aviez sollicitée vous-mêmes, pour être les représentants delà nation, pour travailler à la réformation des abus, et pour assurer le bonheur de l’Etat, tous ces moyens si heureusement conçus et si sagement combinés, n’ont produit jusqu’à présentque des maux qu’il serait difficile d’énumérer. » . Votre comité ne peut-il pas, ne doit-il pas vous dire avec les citoyens de Bordeaux et avec la France entière : « Quoi donc, la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la destruction de l’aristocratie féodale, l’abolition des privilèges, la suppression delà vénalité des ofiiees de magistrature », et tant d’autres décrets que l’amour de :a liberté a dictés, que l’amour de la liberté applaudit, doivent être mis au rang des maux qu'il ist difficile d’énumérer! Et c’est un magistrat,qui, clans une des plus importantes fonctions qui lui soient confiées, professeces incroyables maximes I Ce sont des magistrats qui les approuvent, qui veulent les consacrer par l’adoption des conclusions, par la publicité de l’arrêt! L’Assemblée nationale peut-elle laisser en leurs mains le dépôt des lois? Ils semblent méconnaître celles que l’Assemblée nationale a décrétées, que le roi a sanctionnées! La loi existe encore, disent-ils, comme si les lois nouvelles n'étaient rien pour eux! Gomme s’ils n’en voulaient admettre d’autres que celles auxquelles le peuple n’avait pas concouru, celles qui n'étaient pas l’ouvrage denses représentants, celles dont la réforme a été un de vos premiers devoirs, un de vos premiers bienfaits! L'Assemblée nationale peut-elle voir avec indifférence des principes que les ennemis seuls de la Révolution osent avouer, reparaître impunément dans le sanctuaire de la justice? Peut-elle souffrir que la constitution soit à chaque instant menacée d’un nouveau danger, par les efforts toujours renaissants de l'hydré parlementaire? Non, Messieurs; votre comité a pensé que l’Assemblée nationale ne devait pas attendre même l’époque très prochaine où elle va s’occuper de l’organisation du pouvoir judiciaire, pour arrêter son attention sur les délits individuels de quelques juges. Votre comité a pebsé que si une désobéissance passive à vos lois vous avait paru un motif suffisant pour mander ceux qui semblaient refuser d’en être les organes, ceux-là ne devaient pas être traités plus favorablement qui conservaient un ministère aussi sacré, mais en abusaient pour présenter au peuple des principes réprouvés par vous. C’est donc pour être conséquents à vos précédents décrets, pour donner un nouvel exemple de votre justice, qui ne veut pas que des coupables soient impunis, mais qui ne connaît pas de coupables s’ils n’ont été entendus et jugés; c’est en môme temps pour ne pas priver le peuple des tribunaux que vous voulez, que vous devez lui conserver jusqu’à ce qu’ils soient remplacés, que votre comité a l’honneur de vous proposer le décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports sur la dénonciation faite par les officiers municipaux et les citoyens de la ville de Bordeaux, de l’arrêt de la chambre des vacations du 20 février 1790, et du réquisitoire du procureur général du roi; « Décrète que le président de la chambre des vacations et le procureur général du roi du parlement de Bordeaux, seront mandés à la barre pour rendre compte des motifs de leur conduite. « L’Assemblée nationale charge, en outre, son président de témoigner par une lettre aux officiers municipaux, à la milice nationale et aux citoyens de la ville de Bordeaux, la satisfaction avec laquelle l’Assemblée a reçu les nouvelles preuves de leur zèle et de leur patriotisme. » Plusieurs membres demandent à aller aux voix tout de suite. M. Mathieu de Montmorency. Je n’ai pas terminé. M. Dudon de l’Ëstraue fils m’a écrit pour me demander s’il pourrait être admis à la barre pour défendre son père. 11 vient, par une seconde lettre, d’insister sur cette demande. M.Le Chapelier. M. Dudon de l’Estrade fils n’est absolument rien dans l'affaire. Un intérêt de cœur ne peut donner à un homme le droit de défendre des actions qui lui sont personnellement étrangères. M. l’abbé Maury. Si l’Assemblée croyait pouvoir accorder à M. Dudon de l’Estrade fils sa demande, ce serait en ce moment qu’il faudrait le recevoir, pour ne pas interrompre la délibération. Je ne dirai pas, comme le préopinant, qu’un intérêt de cœur ne peut (Sonner, et*. Je dirai qu’il s’agit d’un devoir sacré de piété liliale ; qu’il est digne des législateurs de respecter ce sentiment, parce que la morale est le fondement des lois. Je