SÉNÉCHAUSSÉE DE PüY EN VELAY. CAHIER Des doléances de l'ordre du clergé de la sénéchaussée du Velay, rédigé par MM. les commissaires nommés à cet effet , et imprimé en vertu de la délibération prise par tous les membres de l'assemblée dudit ordre (1). PREMIÈRE PARTIE. RELIGION. Le premier titre que notre député doit porter aux Etats de la nation, 'c’est celui de défenseur et d’organe de la religion dont nous sommes les ministres. C’est à nous à la présenter à l’assemblée nationale, cette religion sainte et sociale, éplorée et consternée des triomphes de l’impiété, des ravages de la licence et de la dépravation des mœurs. C’est à nous à réclamer contre tout ce qui lui a fait perdre en France ses droits, son empire et son ancienne splendeur, et cet hommage que nous devons à notre foi, nous le devons également à la sûreté du trône, que la religion a toujours soutenu, et à la prospérité de la nation, qui dans tous les temps lui a été redevable de son bonheur et de sa gloire. Pour remplir un devoir aussi sacré, le clergé de la sénéchaussée du Velay recom-ma.nde et enjoint à son député de réunir son zèle et tous ses efforts à ceux de tous les représentants du clergé du royaume : 1° Pour faire remettre en vigueur l’exécution des saints canons, si souvent sanctionnée par nos rois et par les Etats généraux; 2° Pour maintenir l’exécution des lois et ordonnances, concernant la religion, qui forment le droit public ecclésiastique, monument précieux de la piété de nos souverains, qui respirent tous à la fois le zèle de la religion et l’amour de l’ordre, dont elle seule est la source et le plus ferme appui ; 3° Pour faire mettre des bornes à la liberté indéfinie de la presse, comme également préjudiciable aux mœurs, à la religion, à l’autorité, à l’honneur des citoyens et à la tranquillité publique; 4° Pour faire revivre surtout la sévérité des lois contre cette publicité scandaleuse, avec laquelle se sont répandus et multipliés de nos jours, ces livres impies et corrupteurs qui attaquent avec la même audace le trône et l’autel; qui renversent et détruisent tous les principes de mœurs et de subordination, qui ont porté leur contagion meurtrière dans tous les âges comme dans toutes les classes de l’ordre social, et qui nous conduisent à pas précipités vers l’anarchie politique et religieuse; il faut dire la même chose de la licence effrénée qui règne depuis quelque temps, surtout sur les théâtres, que l’Eglise reprouvera toujours; 5° Pour s’opposer à toute loi qui détruirait l’unité de religion si essentielle au salut des âmes (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. et à la tranquillité publique, qui tendrait à établir en France deux religions rivales et surtout à donner aux protestants une tolérance indéfinie, qui ajouterait de nouveaux avantages à ceux qui leur ont été accordés par le dernier édit, et de solliciter même du Roi et de l’assemblée nationale une loi précise qui anéantisse pour jamais les nouvelles prétentions qu’annoncent déjà nos frères, malheureux à la vérité, mais qui n’ont pas le droit de nous entraîner-dans leur malheur. CONCILES PROVINCIAUX. Ce n’est que depuis que ces assemblées n’ont plus lieu, que la discipline ecclésiastique s’est si prodigieusement relâchée en tout point. Aucun autre moyen ne peut rétablir l’ordre que celui qui l’avait maintenu pendant tant de siècles. On déclame contre le relâchement qui s’est introduit et qui s’accroît malheureusement tous les jours dans le clergé, et l’on s’oppose à tout ce qui pou-rait en arrêter le cours. Ne semblerait-il pas que l’autorité soit ici d’intelligence avec ce qui fait naître et fomente les abus? G’est dans l’assemblée provinciale qu’on porterait toutes les causes qui peuvent être matière de discussion dans l’ordre ecclésiastique; c’est là que ceux qui croiraient être fondés à se plaindre de la conduite de leur supérieur seraient entendus et jugés; que l’uniformité de conduite et de disci-' line serait établie dans les diocèses, l’esprit des onnes règles soutenu et confirmé, les divisions prévenues ou arrêtées. Toute l’administration des premiers pasteurs et leur personne même se trouvant soumise au jugement de ces assemblées, rien ne serait plus propre à modérer le zèle trop ardent, ou à réveiller celui qui se ralentirait. G’est dans ces assemblées que se cimentait et s’affermissait autrefois l’union si désirable entre les deux ordres, du clergé qu’on a trop malheureusement réussi de nos jours à altérer et à détruire presque entièrement dans certains diocèses. Quelles alarmes pourraient donc inspirer au gouvernement des assemblées dont l’objet serait de faire régner de plus en plus dans le sanctuaire les vertus qui ont illustré les beaux jours de l’Eglise? Notre député ne peut donc insister avec trop de zèle et de persévérance sur le rétablissement des conciles provinciaux. Il demandra qu’ils soient fixés au moins à tous les cinq ans, et précédés d’un synode dans chaque diocèse. JURIDICTION ECCLÉSIASTIQUE Qu’on remonte à l’origine du relâchement et de la défection des mœurs et de la discipline ecclésiastique, on la trouvera dans les appels comme d’abus; depuis cette malheureuse invention, l’espoir et l’assurance presque entière d’échapper à l’animadversion de l’autorité ecclésiastique a fait tout oser à certains sujets dans l’ordre séculier et régulier, et leur audace devient le seul terme de leur dépravation. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Puy en Velay. 457 Un des premiers vœux de notre député doit donc être : 1° la suppression totale des appels comme d’abus dans tous les cas où il serait question du maintien de la discipline, du bon ordre et des mœurs ecclésiastiques ; ainsi toutes les corrections, censures, peines infligées par les supérieurs ecclésiastiques, seraient soustraites à la juridiction des tribunaux séculiers. Eb ! quel abus peut-on craindre de l’exercice d’une autorité toujours lente et modérée et moins exposée aux méprises, puisqu’elle a plus de degrés pour en réformer l’abus, qu’aucune autre juridiction ? Tous les! sujets du Roi sont jugés par leurs pairs; pourquoi cette interversion d’un ordre presque naturel à l’égard du clergé ? 2° que dans tous les autres cas, les appels comme d’abus n’aient qu’un effet dévolutif et non suspensif ; 3° que les tribunaux séculiers ne puissent prononcer sur l’existence ou la non-existence de l’abus, et qu’ils soient tenus de renvoyer pour le fond devant les juges ecclésiastiques; 4° que l’amende du fol appel soitbeau-: coup plus considérable, pour effrayer au moins par une perte pécuniaire des âmes viles qui ne sont sensibles qu’à ce genre d’intérêt; 5° qu’il ne soit jamais permis d’intimer les officiers de la juridiction ecclésiastique en leurs noms, à l’exception du promoteur, au défaut de partie civile. UNIONS. Le droit d’unir et de désunir les bénéfices est un droit inhérent à l’autorité épiscopale; les canons et décrets des conciles l’établissent, le confirment et le règlent. C’est même un des articles des libertés de l’Église gallicane, d’avoir conservé cette portion de la puissance ecclésiastique dans toute son intégrité ; les édits, déclarations et ordonnances de nos rois l’ont reconnue, ainsi que les arrêts des cours souveraines. Mais cette partie de l’autorité ecclésiastique a éprouvé les mêmes révolutions que la juridiction . Le gouvernement et les tribunaux ont mis tant d’entraves à l’exercice de ce pouvoir, qu’il est aujourd’hui presque absolument nul. L’appareil formidable des formalités qui doivent précéder, accompagner et suivre les unions, les oppositions qu’elles font naître, les appels comme d’abus, qui en sont presque toujours les suites, les frais immenses qu’elles occasionnent, l’effet suspensif attribué par les cours à ces appels, le moyen que tant de difficultés n’étonnent et n’enchaînent le zèle et la bonne volonté des évêques ! Cependant le clergé du second ordre se plaint et avec raison ; un très-grand nombre de prêtres gémissent de la privation du plus étroit nécessaire, et ils s’en prennent à l’indolence et à l’insouciance des évêques, au lieu d’invoquer l’équité du gouvernement et des cours souveraines. Mais ce qui est ici le comble de l’injustice, c’est que souvent le gouvernement et les cours accueillent les plaintes et les reproches de cette portion du clergé dont ils devraient s’imputer tous les murmures et tout les maux. Il y a plus : on reproche au clergé une distribution injuste dans ses revenus ; on déclame contre cette classe de bénéficiers qui possèdent une portion considérable des biens ecclésiastiques sans payer cette jouissance par des travaux et des services réels, et ces reproches sont justes; mais sur qui doivent-ils tomber? N’est-ce pas sur le gouvernement qui dispose de ces riches bénéfices, et qui ôte aux évêques le droit d’en employer les revenus de la manière la plus utile à l’Eglise, par l’union qu’ils en feraient au profit des bénéfices-cures et des établissements utiles à la religion et à l’Etat? L’autorité séculière, en se prévalant de sa prépondérance, pour mettre des bornes à l’autorité épiscopale dans cette partie de l’administration ecclésiastique, en est venue au point de réunir de grands bénéfices à d’autres, de les transporter même dans les diocèses étrangers, de supprimer des corps ecclésiastiques très-considérables, de rendre au siècle des religieux, voués par état et par devoir à la solitude, de disposer de tous leurs biens sans aucun égard pour les pays auxquels ils appartiennent de droit, comme faisant partie du patrimoine des sujets du Roi dans les diocèses où ils sont situés, et tout cela sans le concours de l’autorité épiscopale, quelquefois même sans qu’elle ait été ni consultée ni prévenue. Notre député réclamera donc : 1° le rétablissement des droits du clergé pour les unions bénéfi-ciales ; 2° la suppression de toutes ces formalités interminables et dispendieuses auxquelles elles sont assujetties ; 3° il demandera que les évêques puissent faire dans leur diocèse toutes les unions et désunions qu’ils jugeront nécessaires et utiles, sans avoir besoin d’autre sanction, à cet égard, que celle des conciles provinciaux ; 4° qu’aucune autre autorité que l’autorité ecclésiastique ne puisse à l’avenir supprimer ou réunir aucun bénéfice des communautés séculières et régulières ; 5° que les tribunaux séculiers ne puissent jamais s’immiscer dans la connaissance de ce qui concerne les unions; 6° que dans le cas où la nécessité, le plus grand bien de l’Eglise ou autres motifs exigeraient la suppression de quelques corps religieux, leurs biens soient toujours employés, suivant l’intention justement présumée des fondateurs, à la plus grande utilité de la religion et au soulagement des pauvres des diocèses où ces biens sont situés. MONITOIRES. La multiplicité des demandes demonitoires, la légèreté des motifs pour lesquels on les forme, la facilité des juges laïques à les accueillir, la liberté et le droit des officiaux de les refuser, mais que l’ascendant impérieux des tribunaux séculiers a presque entièrement aboli, rendent le plus souvent inefficace et exposent au mépris ce nerf de la discipline ecclésiastique, autrefois si imposant et si salutaire» Ainsi, nous demandons que l’usage des moni-toires soit absolument réservé contre les meurtres, les crimes d’Etat, les vols sacrilèges et les incendiaires. RESCRITS DE ROME. Le député du clergé du Yelay doit élever sa voix avec autant de fermeté que de persévérance contre cette innovation qui assujettit tous les rescrits de Rome à une sorte de sanction de la art des tribunaux séculiers ; que les bulles ou refs qui émanent de la cour romaine, concernant la discipline générale, soient soümis à une sorte d’examen, pour que l’autorité séculière s’unisse à l’autorité ecclésiastique, afin d’arrêter toute entreprise qui tendrait à détruire ou à compromettre nos libertés; rien de plus juste; mais astreindre les citoyens, pour les rescrits particuliers qu’ils obtiennent à Rome, à des formalités inutiles, gênantes et dispendieuses, c’est une servitude onéreuse et sans motif dont il est de l’honneur même du gouvernement de débarrasser les peuples. 458 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Puy en Velay.] ÉDUCATION. Le clergé du Velay n’a qu’à se louer de la tenue actuelle du collège du Puy. Cependant le cri général de tous les ordres de l’Etat a dénoncé depuis longtemps les vices de l’éducation publique et les abus sans nombre qui naissent essentiellement de la nouvelle police de la plupart des collèges. C’est néanmoins de cette partie intéressante de l’administration publique que dépend le sort des Etats, et elle ne peut souffrir ni changement ni altération, que la constitution politique n’éprouve les mêmes révolutions. Notre mauvaise éducation est le germe malheureusement fécond de la dépravation et de la perversité de la génération présente; et si les effets en ont été si prompts, quelle effroyable perspective pour les générations futures ! Sans invoquer les anciens monuments de notre législation, les ordonnances des deux derniers siècles rendent hommage aux droits du clergé sur un point qui tient si essentiellement au maintien de la religion et des mœurs. Le clergé doit donc, par zèle pour le bien de l’Etat et de la religion, solliciter : 1° Un plan nouveau d’éducation, qui ait pour base la religion et qui soit rédigé par des hommes vertueux et instruits, et d'une expérience consommée dans l’art très-difficile de former la jeunesse ; 2° Dans le cas où le rétablissement des Jésuites ne pourrait s’opérer, demander la création d’une société nationale, à qui cet important emploi serait confié. Eh ! quel moment plus favorable pour tracer et exécuter un projet aussi capital, que celui où toutes les lumières et toutes les vertus nationales se trouveront réunies auprès d’un Roi sage et vertueux, qui ne soupirant que pour le bien de ses peuples, s’occupe de tous les moyens qui peuvent le procurer. Mais en cas de changement dans le régime de l’éducation publique, il serait juste qu’il fût pourvu à l’honnête subsistance de ceux qui en sont actuellement chargés. PRÉROGATIVES ET IMMUNITÉS DU CLERGÉ. Le vœu du clergé du diocèse du Puy est : 1° de maintenir à l’assemblée des Etats généraux la prééminence dont le premier ordre de l’Etat a constamment joui en France ; et comme le clergé est le seul ordre qui, dans sa composition, réunisse les deux autres, la noblesse et le tiers-état sont également intéressés à lui conserver cette prérogative, qui est bien moins celle de l’homme que des fonctions augustes qu’il remplit dans l’ordre social ; 2° le clergé du Velay, ne pouvant et ne devant renoncer au droit de s’imposer librement, parce que c’est un droit national et le droit primitif de tous les ordres de l’Etat, puisque l’équité de Louis XVI le restitue à toute la nation ; le clergé se fait un devoir et se félicite même en cette heureuse circonstance de voter conjointement et de partager avec tous les autres citoyens tous les subsides royaux, provinciaux et locaux ui seront jugés nécessaires pour le bien de l’Etat; ° mais dès lors il croit qu’il est de toute justice que l’Etat se charge de toutes les dettes du clergé, puisqu’il ne les a contractées que pour venir à son secours, et que si les capitaux immenses dont l’Etat paye les intérêts . épuisent une partie de ses ressources, c’est à la prodigalité des ministres qu’il faut en demander compte. économats. Etablissement perfide et meurtrier dont notre député demandera la suppression avec toute ' la vigueur et toute la fermeté dont il est capable. Ces bureaux dévorants, connus sous le nom d’économats, furent colorés dans le principe du spécieux et louable prétexte de veiller à la conservation des bénéfices consistoriaux, et ils en sont devenus la ruine, ainsi que le fléau des titulaires qui les possèdent. Ce sonl des gouffres où s’engloutissent sans retour les successions de tous les bénéficiers, sans utilité pour les bénéfices, et qui finiront par dévorer aussi tous les biens ecclésiastiques. Les revenus dont jouissent les économats sont incalculables, puisqu’il dépend d’un seul homme, qui n’est comptable de ses opérations à personne, et qui a pour l’heureux exercice de son pouvoir plus de 100,000 livres de rente, d’augmenter à volonté lesdits revenus des économats, en différant ou en faisant retarder le rebplacement des titulaires. Que deviennent ces revenus immenses ? C’est un abîme qu’on craint même d’entrevoir. Mais que font les économats pour la conservation des bénéfices? aucun bien et beaucoup de mal. Le droit de saisie, dont ils ont le privilège après la mort du titulaire et dont ils usent si bien, n’est qu’un embarras de plus pour le successeur. C’est une puissance nouvelle entre le mort et le vif, qui, pour défendre les droits de celui-ci, commence par s’en emparer et les tient si bien, qu’on se ruinerait en vain pour les lui arracher. Ainsi nous réclamons la suppression pure et simple des économats, et qu’il soit pourvu de toute autre manière à la conservation des biens ecclésiastiques. Nous demandons également que les ordinaires puissent conférer de plein droit tous les bénéfices quelconques, non dépendant de la collation royale, qui sont détenus aux économats. BOIS DU CLERGÉ. Encore un nouveau genre de tyrannie, auquel on asservit le clergé, sans autre motif et sans autre fruit que de le tourmenter, de l’humilier par des défiances aussi absurdes que révoltantes, et de l’écraser en multipliant autour de lui les sangsues qui le dévorent. Car, quel autre nom donner à cette nuée d’officiers qui vivent des bois du clergé? Encore si ces établissements ruineux remplissaient au moins les vues auxquelles ils sont destinés ; mais c’est précisément ce dont on s’occupe le moins, les bois du clergé n’en sont ni mieux tenus ni plus respectés. Notre député invitera donc l’ordre du clergé à se réunir pour demander la suppression de son asservissement aux officiers de la maîtrise, tribunal au moins superflu ; et comme cependant il serait dangereux de laisser aux bénéficiers une liberté sans bornes pour la coupe de leurs bois, qu’on fasse à cet égard de sages règlements dont l’exécution soit confiée aux tribunaux ordinaires. DIMES ET ENTRETIEN DES ÉGLISES. Qu’il serait à désirer qu’on fixât enfin si clairement le sens du mot dîme, qu’il ne fût plus permis à l’esprit de chicane de le dénaturer avec les distinctions subtiles et modernes de dîmes vertes, menues dîmes, dîmes insolites, etc., etc. Les jurisconsultes ont rendu intarissable la source des procès entre les décimateurs et les décima-bles. [États gén. 1789, Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Puy en Velay.] 459 Quant aux obligations des décimateurs, à l’égard des églises paroissiales, il semble, par la manière dont les édits et déclarations sont conçues et par les clauses mises aux enregistrements, qu’on ait affecté d’y laisser des obscurités et des équivoques pour multiplier et perpétuer le germe des difficultés et des contestations ; ainsi notre député, pour l’intérêt des décimables et des paroisses, autant que pour celui des décimateurs, insistera avec la plus grande force pour faire régler d’une manière claire, et assujettir tous les prieurs décimateurs à donner annuellement aux curés et fa-briciens des églises qui sont à leur charge, une somme déterminée et proportionnée aux besoins relatifs au culte divin et à l’entretien de la partie de l’église qui les concerne, et notamment pour les réparations des clochers qui sont en entier sur le sanctuaire, ou en partie sur la nef. ORDRE DE MALTE. Le clergé réclame depuis longtemps contre les prétendues exemptions dont excipe l’ordre de Malte pour échapper à toutes les contributions ecclésiastiques, et pour se refuser au payement des curés qui sont à sa charge, de conformité aux déclarations, édits et ordonnances. Jusqu’à présent toutes les représentations du clergé ont été inutiles, et l’ordre de Malte a toujours su profiter tout à la fois de tous les avantages qu’il a de faire partie du clergé pour se soustraire aux charges dont le clergé est exempt, et se prévaloir de ses distinctions d’avec le reste du clergé, pour se mettre à l’abri des charges ecclésiastiques. Il serait bien temps de faire cesser cette espèce de monstruosité et d’assimiler ce corps opulent, et qui le devient tous les jours davantage, au reste du clergé dont il fait partie, et qu’ainsi ses biens fussent, comme tous les autres revenus ecclésiastiques, imposés au rôle des décimes, et leurs possesseurs tenus de se conformer aux édits et règlements pour le payement des curés et l’entretien des églises de leurs dépendances. DROITS DE PRÉVENTION DE LA COUR DE ROME. Le clergé du Velay réclame l’abolition de ce prétendu droit, parce qu’il est odieux et abusif : odieux, en ce qu’il frustre le vrai collateur de l’exercice légitime de son pouvoir, et qu’il fait un titre à une chose sacrée de la seule avidité qu’on a pour se la procurer ; abusif, parce qu’il ne consulte ni la capacité ni les mœurs du sujet qui a recours. CORPS RELIGIEUX. L’édit de 1770, qui fixe l’émission des vœux à vingt et un ans, les suppressions aussi nombreuses qu’éclatantes de corps également respectables et utiles, l’appui que l’autorité ministérielle et les tribunaux ont affecté d’accorder aux divisions intestines des différents ordres, le relâchement de tous les liens de la subordination, excité, favorisé et soutenu ; enfin la défaveur trop manifeste du gouvernement et de l’opinion publique ont frappé les ordres religieux d’une léthargie universelle. Témoins des maux de tout genre qu’a fait au pays de Velay la suppression de plusieurs communautés religieuses ; du préjudice qui en est résulté pour les familles pauvres et nombreuses, quoique d’un rang honnête, à qui elles offraient des asiles et des ressources que rien n’a remplacé ; de la perte immense et irréparable qu’en ont souffert les pauvres, ceux de la campagne surtout, nous croyons devoir réclamer avec tout le zèle que nous inspirent la religion, la justice et l’humanité, et notre député réclamera hautement en notre nom la protection du gouvernement en faveur des corps religieux, comme un moyen sûr de leur rendre la consistance et la considération nécessaires, pour qu’ils contribuent aussi efficacement que par le passé au bien de la religion, de l’Etat et des peuples. LUXE ET MENDICITÉ. Nous croyons encore que la religion et le patriotisme nous imposent l’obligation de dénoncer à la nation assemblée deux maux également funestes aux mœurs et à l’Etat : le luxe et la mendicité. Les accroissements énormes de ce dernien sont le fruit naturel des excès scandaleux du premier. Le luxe effréné de ce siècle est un abîme où tous les rangs et toutes les distinctions nécessaires dans la société sont venus se confondre, les richesses s’abîmer, les sentiments s’avilir et les mœurs se corrompre et se perdre. La mendicité, quoiqu’une plaie d’un genre opposé, est fille du luxe, et avec la paresse, le vagabondage, l’immoralité qui lui servent presque toujours de cortège, jointe à l’audace que donne le besoin impérieux de la faim et de la nudité, elle produit absolument les mêmes maux. Qu’il serait digne d’une assemblée où toutes les lumières nationales seront réunies, de prendre des moyens efficaces pour détruire ces deux ennemis de toute société , le fléau des bonnes mœurs, de la sûreté et de la prospérité publique. Mais, en proposant de détruire la mendicité, à Dieu ne plaise qu’on nous soupçonne de déclarer la guerre aux vrais pauvres ! ftous sommes par sentiment autant que par état et par devoir leurs amis, leurs consolateurs et leur ressource. Mais nous croyons ne pouvoir plaider plus efficacement leur cause qu’en excitant les lumières et l’autorité contre les excès du luxe et les abus de la mendicité qui dévorent également le patrimoine de l’indigence et du malheur. RÉGIME ET ADMINISTRATION DU CLERGÉ. Le clergé a toujours eu son régime particulier ; il partage cet avantage avec plusieurs provinces du royaume; nos souverains ont toujours respecté les droits de celle-ci ; ceux du clergé méritent au moins, par leur antiquité, les mêmes égards. Nous désirons donc que le clergé général soit maintenu dans l’usage de se régir, de s’administrer lui-même. Mais comme nous avons déjà formé le vœu de partager avec les deux autres ordres tous les subsides nécessaires au bien de l’Etat, pour établir la juste proportion suivant laquelle le clergé devrait contribuer aux charges publiques, il serait essentiel : D’établir et de fixer la composition de la totalité du patrimoine du clergé de France ; De la balancer avec celle des possessions des deux autres ordres de l’Etat ; De faire ensuite une échelle graduée de la portion des biens ecclésiastiques de chaque diocèse. D’après ces opérations préliminaires et indispensables, ou autres équivalentes, la contribution du clergé pourrait être fixée d’une manière stable, sûre et proportionnelle. Nous serions à l’abri de toute suspicion comme de toute charge, et nous verrions enfin tarir pour jamais la source de ces reproches si amers et si multipliés, auxquels l’exagération des revenus du clergé sert depuis trop longtemps de prétexte. Mais en votant pour la conservation de l’admi- 460 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Puy en Velay.] nistration et du régime du clergé, il est également de notre devoir d’indiquer les moyens que nous croyons propres à les perfectionner. Nous croyons donc que la place de receveur général du clergé peut et doit être supprimée, comme onéreuse et inutile, parce que le receveur de chaque diocèse peut verser immédiatement sa recette au trésor royal. Que les députés du second ordre doivent être pris alternativement et librement élus par tous les bénéficiers du clergé dans chaque diocèse. Que les agents généraux doivent avoir au moins trente ans, et chaque province ecclésiastique avoir le droit de les nommer à son tour ..... qu’il convient que chaque diocèse paye ses députés à l’assemblée générale du clergé. ..%. enfin qu’il soit fait un plan nouveau pour la composition uniforme de toutes les chambres ecclésiastiques, diocésaines et souveraines de tout le royaume, auquel tous les diocèses soient tenus de se conformer -, et que la base de ce plan soit le choix libre que toutes les classes de bénéficiers, feraient chaque année, si elles le jugeaient à propos, ou tous les trois ans, de ses représentants, en proportionnant le nombre des députés à celui des bénéficiers. RÉSIDENCE. Le clergé de la sénéchaussée supplie le Roi d’ordonner de plus fort la résidence de tous les abbés commendataires et autres possesseurs de bénéfices à nomination royale, dans les diocèses où lesdits bénéfices sont situés, à moins qu’ils ne soient attachés à un autre diocèse par un bénéfice à charge d’âmes ou autre, ou par des fonctions importantes pour le bien de la religion et du clergé. LOIS PARTICULIÈRES CONCERNANT LE CLERGÉ. Le clergé demande la suppression de toutes les déclarations et édits, la plupart de moderne invention, qui le gênent singulièrement dans l’administration de ses biens, sans aucune espèce d’utilité pour leur conservation et sans autre avantage que celui d’enrichir les directeurs des domaines aux dépens du clergé. DROIT DE PRÉLATION, Le clergé demande à être réintégré dans le droit dont il jouissait anciennement, et dont il ne s’est jamais départi, de retenir par prélation les effets de sa mouvance, lorsqu’il le croira avantageux pour ses intérêts, bien entendu cependant que ce droit ne tomberait qu’au profit du bénéficier et non du bénéfice. Il est d’autant plus fondé à réclamer l’usage de ce droit, que consentant à supporter toutes les charges avec et comme les autres citoyens, il doit aussi jouir des mêmes avantages. CHAPITRES ET CURÉS PRIMITIFS. Le clergé de la sénéchaussée demande que, dans le cas où, par une nouvelle augmentation des congrues, quelques chapitres ou particuliers seraient privés du nécessaire, il soit pris des moyens pour assurer leur subsistance. Cette demande est juste et sacrée. Que, dan$ le cas d’abandon de la part des prieurs, il soit nettement déclaré par un édit quelle est l’espèce de biens sur laquelle doit porter cet abandon. DROITS ET CONTRÔLE. Le clergé réclame contre l’assujettissement de paver double droit pour tous les actes ecclésiastiques; il ne croit pas que cette réclamation puisse être rejetée d’après sa soumission à tous les subsides. CATÉCHISME ET LITURGIE. Nous désirerions l’unité de catéchisme et de liturgie, non-seulement pour l’essentiel et pour le fond, comme elle existe déjà , mais même pour la forme, sans cependant prétendre nuire en’ aucune manière aux droits des évêques. Nous voudrions également qu’il fût statué, par une loi ecclésiastique, que les évêques ne puissent donner de nouveaux bréviaires à leurs diocèses, sans avoir préalablement pris le consentement de leurs chapitres et de tout leur clergé, assemblé en synode, pour prévenir les dépenses qui résultent de ces changements pour les diocèses. RÉGALE. Le clergé de la sénéchaussée demande que la régale, qui gêne les collateurs et nuit aux gradués, cesse au jour de la prestation du serment de fidélité. CONCILE NATIONAL. Indépendamment des vœux développés ci-dessus pour l’intérêt de la religion, de l’Eglise et du clergé, il en est beaucoup d’autres dont le détail serait trop long ; mais il en est un qui les renferme tous : c’est celui que nous formons pour la convocation du concile national; c’est le vœu secret de tous les ministres du Seigneur, qui conservent encore le véritable esprit de leur état et cet amour vraiment ecclésiastique pour les usages antiques et vénérables de l’Eglise. C’est le moment favorable pour demander un concile, et la circonstance nous donne l’espérance de l’obtenir, si les demandes en sont fermes et multipliées, dussions-nous, au reste, être les seuls qui formassions un tel vœu. 11 est si juste, qu’il ne pourrait que nous honorer, et nous chargeons notre député de le faire avec instances en notre nom. Si notre bon Roi a cru devoir rappeler à ses sujets le souvenir trop longtemps oublié de ces assemblées où la nation rapprochée trouvait dans elle-même la connaissance de ses propres maux et le remède qui doit la régénérer, et si ce moyen a paru à tous les vrais patriotes le seul capable d’opérer une pareille'régénération, que ne devons-nous pas augurer nous-mêmes des effets qu’un concile national, organisé et dirigé selon toutes les formes canoniques, produirait sur nos mœurs? Pouvons-nous douter qu’il ne soit pour nous le seul moyen, la seule ressource de nous régénérer et de nous rappeler à toutes les vertus que nous prescrit notre divin modèle? La nation assemblée voudra nous réformer sans doute, mais ce ne sera que sur l’exposé de différents cahiers dé doléances, qui toûs ou presque tous porteront uniquement sur des objets fiscaux, politiques ou civils. Ce ne sera peut-être que sur des préjugés, nouvellement répandus dans le public, par des écrits inflammatoires qui ne demandent qu’à bouleverser et à détruire. On voudra détruire et bouleverser peut-être, mais les abus capitaux survivront à ces systèmes destructeurs, et Dieu veuille que, nos'maux allant toujours croissant, nous ne voyions pas arriver ce jour préparé et si désiré par la philosophie moderne, où le dogme et la morale chrétienne anéantis, la foi des peuples serait réduite au seul catéchisme du matériaslisme et de l’incrédulité ! En demandant un concile national, nous croyons [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Puy en Velay.] demander ce qui peut intéresser le plus essentiellement le clergé et la religion. Le clergé du premier ordre n’a pas d’autre moyen peut-être pour se soustraire à cette espèce d’avilissement auquel voudrait le réduire l’esprit d’irréligion, d’indépendance et de jalousie. Un concile est la grande charte des évêques. C’est là où leur ordre est véritablement respecté, c’est là qu’ils ont la double et superbe gloire de se réformer eux-mêmes et d’être réformateurs. Le clergé du second ordre y trouvera également son avantage, puisqu’un des principaux objets de ce concile ferait la réforme générale des abus de toute espèce, qui occasionnent dans le second ordre du clergé une foule de réclamations. La richesse des évêques et le faste qui en est quelquefois résulté sont et seront toujours la pomme de discorde jusqu’à la tenue d’un concile national. Ce serait la nation qui prescrirait aux évêques, par une confiance honorable, la tâche glorieuse de se taxer eux-mêmes et de fixer le patrimoine des pasteurs et des autres ministres de l’Eglise, selon le plan de distribution fixée par la nation elle-même. Ainsi, sans rien détruire, on pourrait parvenir à cet arrangement si longtemps désiré, et qu’on a cru si longtemps impossible, Oui, un concile national, organisé et dirigé selon toutes les formes canoniques, opérerait ce prodige, et nous croyons que le clergé ne saurait en solliciter une trop prompte convocation. SECONDE PARTIE. CLERGÉ DU VELAY. — IMPOSITIONS. Le clergé du Velay gémit depuis trop longtemps sous le poids d’une surcharge accablante, pour ne pas porter aujourd’hui ses justes doléances aux pieds du trône et réclamer, avec cette confiance et cette liberté que donnent la justice et le profond sentiment d’une longue oppression, les soulagements et la modération qu’il a droit de demander. L’excès des impositions ecclésiastiques du Velay a été reconnu et avoué par la dernière assemblée générale du clergé, comme il conste par les témoignages ci-joints. L’assemblée n’a pu se refuser à l’évidence et à la conviction que portait avec lui le mémoire qui fut présenté par le bureau diocésain. (Copie de ce mémoire et d’un tableau raisonné des possessions, revenus et charges du clergé de ce diocèse, sera joint au présent cahier pour servir d’instructions à notre député.) Il résulte de ces pièces : l°que, d’après les principes généraux de la répartition des décimes établis par les assemblées générales du clergé, depuis 1755jusques et compris 1770, sur la matière imposable de chaque diocèse , l’imposition du clergé du Velay aurait dû être moindre de ce qu’elle est effectivement de plus d’un tiers; 2° Que les intérêts des anciennes dettes dû clergé du Puy, jointes aux fonds d’amortissement et aux frais de manutention, se portant à 11,477 livres, il en résulte pour les contribuables un surcroît d’impositions d’autant plus sensible et onéreux, que leur nombre est plus borné dans ce diocèse à raison de sa modique étendue ; 3° Que MM. les curés, cette portion du clergé si précieuse, si utile et si laborieuse, qui sont pour la plupart à simple congrue , et qui dans presque tous les autres diocèses ne supportent que des taxes très-modiques , payent dans celui du Puy plus de 150 livres, ce qui est aussi injuste que révoltant, et ce qui rend illusoire pour le plus grand nombre d’entre eux les avantages dont Sa Majesté a voulu les faire jouir par ces dernières lois ; 4° Que la situation du clergé de ce diocèse est telle que, pour satisfaire à l’obligation impérieuse de la loi, on s’est vu forcé depuis deux ans d’imposer même de simples vicaires à plus de 30 livres, ce qui n’a point et n’a jamais eu d’exemple dans les autres diocèses ; 5° Que les bénéfices simples sont tous taxés entre le tiers et le quart de leur revenu net ; en sorte que, sur 1,600 livres, ils payent 538 livres 10 sous, ce qu’on jugerait excessif dans toute classe de citoyens ; 6° Qu’indépendamment d’une contribution aussi exorbitante sous les seuls noms de décimes , le propriétaire des biens ecclésiastiques supporte encore en Languedoc, dont le Velay fait partie, la plupart des charges auxquelles sont assujettis les autres citoyens, savoir : la capitation et les vingtièmes d’industrie sur la tête de ses fermiers et de ses domestiques, et la taille avec tous ses accessoires, parce qu’en Languedoc la nobilité n’affecte point les personnes, mais la glèbe, et que le clergé du Velay possède peu de biens nobles ; d’où il résulte qu’un bénéfice, dont les possessions territoriales ne sont pas nobles, et auquel, après l’acquit de toutes les charges ecclésiastiques, telles que congrues, entretien de sacristie, etc., il resterait 1,200 livres de revenu, et qui serait imposé à la taille pour la somme de 300 livres, serait encore, sur les 900 livres restant, taxé au rôle des décimes à 322 livres 19 sous 8 deniers, en sorte qu’il payerait au Roi réellement plus de la moitié de son revenu net. On ne craint pas de dire que, si tous les propriétaires du royaume étaient imposés dans telle proportion, l’abîme du déficit, quelque profond qu’il puisse être, serait bientôt comblé. Mais un Roi juste et bon est incapable d’exiger pareilles contributions de ses sujets. Le clergé du diocèse est donc fondé à demander une modération dans ses charges. Il a déjà fait sa profession patriotique sur l’égalité des contributions avec les deux autres ordres ; il la renouvelle, c’est tout ce qu’il peut faire; et quel que soit son zèle pour subvenir, avec tous les bons Français, aux besoins de l’Etat, il ne lui reste qu’à gémir sur l’impossibilité, à laquelle on l’a déjà réduit de faire de nouveaux sacrifices. JEU DE FIEF. Tout le clergé du Languedoc doit réclamer contre la jurisprudence du parlement de Toulouse sur le jeu de fief; c’est la seule province du royaume où il soit permis de se jouer des fiefs en totalité, sans donner aucune espèce de dédommagement aux seigneurs. Cette jurisprudence est nouvelle et infiniment préjudiciable aux droits des seigneurs suzerains, mais surtout des seigneurs ecclésiastiques, parce que ne pouvant jamais vendre, ils n’ont jamais de moyen de se dédommager de la perte des droits de lods,