424 lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 juin 1791.] le décret qui doit la suivre doit partir avec les commissaires que vous envoyez sur les frontières, je demande que l’Assemblée décrète que cette proposition soit renvoyée sur-le-champ aux comités diplomatique et militaire, pour qu’ils la rédigent d’une manière conforme à la justice et à l’utilité publique. (Vifs applaudissements.) (L’Assemblée, consulté, autorise les ministres à suspendre provisoirement et à remplacer les officiers militaires suspects; elle les charge de se concerter pour cet objet avec les comités militaire et diplomatique réunis.) M. le Président. J’ai reçu une lettre de M. le maréchal de Mailly, dont Je vais faire lecture à l’Assemblée. Paris, ce 22 juin 1791. * Monsieur le Président, « L’état de ma santé, depuis un mois, m’ayant forcé de faire des remèdes qui me retiennent dans mon lit depuis 15 jours, et la nécessité où je suis d’aller prendre les eaux, même étant hors d’état de servir dans le commandement de la quatorzième et de la quinzième division qui m’avait été confié, je suis obligé, Monsieur le Président, de remettre ma démission. Ma seule consolation sera au moins d’avoir rempli mes devoirs pendant 67 ans, sans relâche, et parvenu à 85 ans, de lui avoir offert mon dévouement, dont malheureusement ma santé me met hors d’état de lui donner des preuves. « Je suis, avec respect, etc... « Signé : DE Mailly. » M. le Président. Je crois devoir prévenir l’Assemblée qu’ayant été constamment occupé, pendant toute la journée, d’une foule de détails, le comité militaire n’a pas encore pu lui présenter la proclamation qu’elle lui a ordonné de rédiger. Cette proclamation doit être calquée d’ailleurs sur celle que vous avez adoptée tout à l’heure. Le comité pourra être prêt dans une heure ou deux. Je propose à l’Assemblée de suspendre la séance. (Oui! oui!) (La séance est suspendue à dix heures du soir.) Au bout de quelques instants, des cris du dehors annoncent l’arrivée d’un courrier; on entend dire confusément : Le roi est pris! le roi est arrêté! Les députés rentrent avec précipitation dans la salle; une grande agitation règne dans l’Assemblée; deux courriers entrent au milieu des applaudissements et remettent un paquet au président. Les députés reprennent leurs places. M. le Président. Je viens de recevoir un paquet contenant plusieurs pièces dont je vais donner connaissance à l’Assemblée. Avant de commencer cette lecture, je supplie d’écouter dans le plus grand silence et je demande aux tribunes de ne donner aucun signe d’approbation ni d’improbation. Un de MM. les secrétaires donne lecture des pièces suivantes : 1° Lettre des officiers municipaux de Varennes. « Messieurs, « Dans l’alarme où nous nous trouvons, nous autorisons M. Mangin, chirurgien à Varennes, à partir sur-le-champ pour prévenir l’Assemblée nationale que Sa Majesté est ici, et pour la supplier de nous tracer la marche que nous devons tenir. « Varennes, ce 21 juin 1791. « Signé : Les officiers municipaux de Varennes. » A la suite de cette lettre sont écrits ces mots : « Le directoire du département, ensemble le directoire du district, prient les maîtres de poste de donner des chevaux de main au sieur Mangin, pour porter à l’Assemblée nationale la nouvelle de l’arrestation du roi. » (Suivent les signatures et les visa de Sainte-Menehould et de Meaux, en date du 22 juin 1791. 2° Lettre des officiers municipaux de Sainte-Menenould à V Assemblée nationale. « Sainle-Menehould, le 22 juin 1791, trois heures du matin. « Monsieur le Président. « Nous vous prions de rendre compte à l’Assemblée nationale; de l’événement qui vient de mettre notre ville dans les plus vives alarmes et qui intéresse toute la France. Hier, sur les 11 heures du matin, est entré dans celte ville, par la porte de Verdun, un détachement de hussards du 6e régiment, commandé par plusieurs officiers ; celui d’entre ces officiers qui le commandait en chef, ayant été requis de déclarer à la municipalité quel était l’objet de sa mission, il a communiqué des ordres signés Bouillé, qui portaient que ce détachement était chargé d’ailleurs d’aller au-devant d’un trésor destiné pour les troupes de la frontière. Cet officier et son détachement devaient être remplacés ici par un détachement de dragons , qui devait recevoir le trésor sur la route de cette ville à Châlons. Les hussards ont quitté Sainte-Menehould ce matin, sur les 7 heures, et ont pris la route de Châlons. Vers les 9 heures, est entré, par la même porte de Verdun, le détachement de dragons. Nous joignons ici, Monsieur le Président, copie des différents ordres dont l’officier commandant était chargé. Il a été difficile d’abord de connaître le véritable motif de ces ordres ; aussi entre 7 heures et demie et 8 heures est-il passé par cette ville deux voitures la traversant de l’ouest à l’est; elles étaient précédées d’un courrier, et suivies d’un autre, tous deux habillés de couleur chamois, et elles ont sorti après avoir été relayées, sans que personne ait pu se douter des personnages qu’elles contenaient. « A peine ces deux voiture-ont-elles été perdues de vue, M. Drouet, maitre de poste, ayant soupçonné quelque mvstèie, a cru devoir en prévenir la municipalité. Nous nous sommes aussitôt assemblés en l’hôtel commun, et tous les habitants ont pris les armes. Cependant, le détachement de dragons était tranquille; mais le peuple ayant demandé le désarmement de ces militaires, nous avons invité M. d’Hardoin, qui le commandait, à se rendre à l’Hôtel de Ville, En même temps, nous avons été confirmés dans nos craintes par un exprès qui nous a été envoyé par le directoire du département de la Marne : nous avions déjà chargé M. Drouet, maitre de poste, et un autre de nos habitants de courir après les voitures, et de les faire arrêter s’ils pou- 425 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 juin 1791.] vaient les joindre. Il est 3 heures du matin, et ils ne sont pas encore de retour. « Pour satisfaire nos habitants, nous avons cru devoir obtempérer à leur demande, et nous avons obtenu le désarmement des dragons, et pour nous assurer de la personne de l’officier, autant que pour le soustraire à la violence, et au mécontentement de nos habitants et des municipalités de Verrières, Ghaude-Fontaine, Arger, la Neuville-au-Pont, nous l’avons fait conduire et recommander dans les prisons de cette ville. « Nous ne devons pas oublier de vous informer que la municipalité de la Neuville-au-Pont nous a envoyé un exprès sur les 9 heures, ce soir, avec avis que le détachement des hussards a passé par ce territoire et tenu la route de Va-rennes. «Nous venons de voir passer M. Bayon, commandant de bataillon, de Saint-Germain, allant à la poursuite des voitures ; nous désirons que notre zèle soit suivi d’un succès que l’Assemblée nationale a droit d’attendre de notre patriotisme. « Signé : Les officiers municipaux. de Sainte-Menehould . » Suivent les copies des ordres donnés par M. de Bouillé : « De par le roi, « François-Ciaude-Amour de Bouillé, lieutenant général des armées du roi, chevalier de ses ordres, commandant général de l’armée sur le Rhin, la Meurlhe, la Moselle, la Meuse et pays adjacents, frontières du Palatinat et du Luxembourg. « 11 est ordonné à un escadron du premier régiment de dragons de partir avec armes et bagages de Gommercy, le 17 de ce mois, pour se rendre à Saint-Mihiel, d’où il repartira le lendemain 18, avec un escadron du treizième régiment de dragons, et ils se rendront ensemble à Pont-à-Mousson, où ils resteront jusqu’à nouvel ordre, vivant en bonne intelligence et discipline sur la route. L’étape et le logement seront tournis, conformément aux ordonnances, à l’escadron du premier régiment de dragons. « Metz, le 13 juin 1791. « Signé : DE BOUILLÉ. « Par M. le commandant de l’armée : « Saint-Mihiel, le 17 juin 1791. « Signé : TüRFA. » « Le 18 juin, a passé à Saint-Mihiel l’escadron ci-dessus, composé de 2 capitaines, 2 lieutenants, 2 sous-lieutenants, 3 maréchaux de 1< gis, 77 dragons, 11 chevaux d’officiers et 80 chevaux de troupe, auxquels le logement et l’étape en vivres et en fourrages ont été fournis pour un jour suivant l’ordonnance du 13 janvier 1727. « Fait à Saint-Mihiel, le 18 juin 1791. « Signé : GOUZER. » « De par le roi, « François-Glaude-Amour de Bouillé, etc., « Il est ordonné à un capitaine du premier régiment de dragons de partir avec 40 hommes dudit régiment le 19 de Clermont pour se rendre à Sainte-Menehould, où il attendra le 20 ou le 21 un convoi d’argent qui lui sera remis par un détachement du sixième régiment de hussards venant du Pont-de-Sommeville, route de Châlons : les dragons et les chevaux seront logés de gré à gré dans les auberges : les frais pour la nourriture des chevaux seront remboursés au commandant du détachement; et il sera donné à chaque dragon 15 sols en outre de sa paye pour lui tenir lieu d’étape. « Metz, le 14 juin 1791. « Signé : DE BOUILLÉ. »> « De par le roi, « François-Glaude-Amour de Bouillé, etc., « Il est ordonné à l’escadron du premier régiment de 'dragons qui, en vertu de nos ordres précédents, devaient se rendre à Saint-Mihiel le 17 de ce mois, de ne partir de Gommercy que le 18, pour arriver le même jour à Saint-Mihiel, et suivra la destination que nous lui avons prescrite. « Metz, le 15 juin 1791. « Signé : DE BOUILLE. » Pour copie conforme aux originaux restés à la municipalité de Sainte-Menehould. « Signé: Les officiers municipaux de Sainte-Menehould. » 3° Lettre des corps administratifs réunis , à l’Assemblée nationale. « Ghâlons, ce 22 juin 1791. « Messieurs, « Sur la nouvelle reçue et qui vous est portée que l’enlèvement du roi a trouvé son obstacle à Varennes, nous nous empressons de vous faire part de l’ardeur des citoyens à prêter le serment pour rendre sans effet les projets des ennemis de la p.itrie. « Nou> prenons tous les moyens nécessaires, et le-gardes nationales de la vilie et des environs partent pour se rendre à Varennes et route. « Signé : Les corps administratifs réunis. » 4° Adresse des administrateurs composant le directoire du district de Clermont aux municipalités de ce district et aux citoyens français. « Des personnes de la plus haute considération viennent d’être arrêtées à Varenues; eeite ville et celle de Clermont sont garnit s de troupes chargées de les escorter, et les gardes nationales de Clermont les ont empêchées de so tir de la ville. Mais vite à notre secours! D’autre-troupes sont sur le p dnt d’arriver. La patrie est en danger. Les dragons sont patriotes. Venez sans perdre de temps. « Signé : Le* administrateurs du directoire du district de Clermont. » (Une grande agitation règne dans l’Assemblée.) M. Alexandre de Lameth. D’après la connaissance des pièces qui viennent d'être lues, et qui, en annonçant que le roi et la famille royale sont arrêtés à Yarennes, jettent sur la conduite de M. de Bouillé les soupçons les plus graves, je crois que l’Assemblée nationale a deux mesures