[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [ g £ov”mbre?-93 85 tôt des rois, des prêtres et des saints : ils ont été. Voilà enfin la raison à l’ordre du jour; ou pour parler le langage mystique, voilà le jugement dernier qui va séparer les bons des méchants. « O vous, jadis les instruments du fanatisme, saints, saintes, bienheureux de toutes espèces, montrez-vous enfin patriotes; levez-vous en masse, marchez au secours de la patrie, partez pour la Monnaie : et puissions-nous, par votre secours, obtenir dans cette vie le bonheur que vous nous promettiez pour une autre! « Nous vous apportons, citoyens législateurs, toutes les pourritures dorées qui existaient à Franciade, mais comme il se trouve des objets désignés par la Commission des monuments comme précieux pour les arts, nous en avons rempli 6 chariots; vous indiquerez un dépôt pro¬ visoire où la Commission des monuments puisse en faire le triage. H ne reste à Franciade qu’un autel d’or que nous n’avons pu transporter à cause du précieux travail; nous vous prions de donner ordre à la Commission des monuments de nous en débarrasser sans délai, pour que le faste catholique n’offense plus nos yeux répu¬ blicains. « On ne pouvait mieux faire escorter ces bien¬ heureux que par le maire de notre commune, qui, le premier de tous les prêtres du district, a sacrifié à la philosophie les erreurs sacerdotales, en se déprêtrisant et en se mariant, et par les deux cavaliers jacobins, armés et équipés par notre Société républicaine, que nous vous avions annon¬ cés dans notre adresse du 30 vendémiaire, et que nous vous présentons dans ce moment. « Cette offrande, citoyens législateurs, vous paraîtra sans doute patriotique. L’objet dont il nous reste à vous entretenir ne l’est pas moins; c’est une fête que la Société républicaine de Franciade a arrêtée dans une de ses dernières séances, pour le décadi 30 de brumaire, en l’hon¬ neur des représentants du peuple qui sont tom¬ bés sous les coups des amis des rois, et en l’hon¬ neur des autres républicains de tous les temps et de tous les pays : ce sont vos frères, ce sont vos amis, sur la tombe desquels nous allons jeter des fleurs. Nous vous inviterions à y envoyer une députation, si nous n’étions persuadés qu’il n’est besoin que de vous instruire de cette fête répu¬ blicaine pour vous déterminer à le faire. Je jure, au nom de tous les citoyens de la commune de Franciade, de ne reconnaître d’autre culte que la liberté et l’égalité. » La Convention nationale renvoie à la Commis¬ sion des monuments pour l’enlèvement de l’autel d’or et le triage de ce qu’il y a de précieux en travail, décrète la mention honorable, l’insertion en entier au « Bulletin » et nomme des commis¬ saires pour assister à la fête (1). Suit l'adresse de la commune de Franciade (2). Citoyens représentants, Nos prêtres ne sont pas ce qu’un vain peuple pense, Notre crédulité fait toute leur science. Tel est le langage que tenait autrefois un (1) Procès-verbaux de la Convenlion, t. 25, p. 176. (2) Archives nationales, carton C 278, dossier 741 ; auteur dont les écrits ont préparé notré Révo¬ lution ; les habitants de Franciade viennent vous prouver qu’il n’est étranger ni à leur esprit, ni à leur cœur. Un miracle, dit-on, fit voyager la tête du saint, que nous vous apportons, de Montmartre à Saint-Denis. Un autre miracle plus grand, plus authentique, le miracle de la régénération des opinions, vous ramène cette tête à Paris. Une seule différence existe dans cette transla¬ tion. Le saint, dit la légende, baisait respec¬ tueusement sa tête à chaque pause, et nous n’avons pas été tentés de baiser cette relique puante. Son voyage ne sera pas noté dans les martyrologes, mais dans les annales de la rai¬ son, et sera doublement utile à l’espèce humaine. Ce crâne et les guenilles sacrées qui l’accom¬ pagnent, vont enfin cesser d’être le ridicule ob¬ jet de la vénération du peuple et l’aliment de la superstition, du mensonge et du fanatisme. L’or et l’argent qui les enveloppent vont con¬ tribuer à affermir l’empire de la raison et de la liberté. Les trésors amassés depuis plusieurs siècles par l’orgueil des rois, la stupide crédu¬ lité des dévots trompés et le charlatanisme des prêtres trompeurs, semblent avoir été ré¬ servés par la Providence, pour cette glorieuse époque. On dira bientôt des rois, des prêtres et des saints, ils ont été. Voilà enfin la raison à l’ordre du jour, ou, pour parler le langage mys¬ tique, voilà le jugement dernier qui va sépa¬ rer les bons des méchants. O vous, jadis les instruments du fanatisme, saints, saintes, bienheureux de toute espèce, montrez-vous enfin patriotes, levez-vous en masse, marchez au secours de la patrie, partez pour la Monnaie, et puissions -nous, par votre secours, obtenir, dans cette vie, le bonheur que vous nous promettiez pour une autre. Nous vous apportons, citoyens législateurs, toutes les pourritures dorées qui existaient à Franciade. Mais comme il se trouve des objets désignés par la Commission des monuments comme précieux pour les arts, nous en avons rempli six chariots; vous nous indiquerez un dépôt provisoire où la Commission des monu¬ ments puisse en faire le triage. Il ne reste à Franciade qu’un autel d’or que nous n’avons pu transporter à cause du précieux travail. Nous vous prions de donner ordre à la Commission des monuments de nous en débarrasser sans délai, pour que le faste catholique n’offense plus nos yeux républicains. On ne pouvait mieux faire escorter ces bien¬ heureux que par le maire de notre commune qui, le premier de tous les prêtres du district* a sacrifié à la philosophie les erreurs sacerdo¬ tales en se déprêtrisant et en se mariant, et par les deux cavaliers jacobins armés et équipés par notre Société républicaine, que nous vous avions annoncés dans notre adresse du 30 vendémiaire et que nous vous présentons en ce moment. Cette offrande, citoyens législateurs, vous pa¬ raîtra sans doute patriotique; l’objet dont il nous reste à vous entretenir ne l’est pas moins. C’est une fête que la Société républicaine de Franciade a arrêtée dans une de ses dernières Supplément au Bulletin de la Convenlion du 22 bru¬ maire an II (mardi 12 novembre 1793); Moniteur universel [n0 54 du 24 brumaire an II (jeudi 14 no¬ vembre 1793), p. 220, col. 1]; Journal des Débats èi des Décrets (brumaire an II, n° 420, p. 299). [Convention nationale.] séances, pour le décadi, 30 de brumaire, en l’honneur des représentants du peuple qui sont tombés sous les coups des amis des rois, et en l’honneur des autres républicains de tous les temps et de tous les pays. Ce sont vos frères, ce sont vos amis, sur la tombe desquels nous allons jeter des fleurs. Nous vous inviterions à y envoyer une députation, si nous n’étions per¬ suadés qu’il n’est besoin que de vous instruire de cette fête républicaine pour vous déterminer à le faire. Deflandre, ex -président ; Perrot, secré¬ taire ; A. Brute, secrétaire; Ronesse. Je jure, au nom de tous les citoyens de la ville de Franciade, de ne reconnaître d’autre culte que la liberté et l’égalité. Compte rendu du Moniteur universel (1). XJne nombreuse députation de la commune de la Franciade, ci-devant de Saint-Denis, est in¬ troduite. Parmi les dons qu’elle fait, on re¬ marque une grande croix de vermeil, la tête (1) Moniteur universel [n6 54 du 24 brumaire an II (jeudi 14 novembre 1793), p. 220, col. 1]. D’autre part, le Journal des Débals et des Décrets (brumaire an II, n° 420, p. 299), le Mercure universel |24 brumaire an II (jeudi 14 novembre 1793), p. 215, col. 1], le Journal de Perlel [ n° 417 du 23 brumaire an II (mercredi 13 novembre 1793), p. 347], Y Audi¬ teur national [n° 417 du 23 brumaire an II (mer¬ credi 13 novembre 1793), p. 4] et les Annales patrio¬ tiques el littéraires [n° 317 du 24 brumaire an II (jeudi 14 novembre 1793), p. 1469, col. 2] rendent compte de l’admission à la barre de la commune de Franciade dans les termes suivants : I. Compte rendu du Journal des Débats et des Décrets. Une nombreuse députation des citoyens habitant Franciade (ci-devant Saint-Denis ) est introduite à la barre. Elle porte à la Convention les images des saints et des rois qui étaient dans son église. La plupart sont en argent; le reste est en vermeil. Les porteurs forment le cercle dans la salle; l’orateur se place au milieu; il dit 5 ( Suit le texte de l'adresse que nous avons insérée ci-dessus d'après un document des Archives natio¬ nales.) La Convention nationale a renvoyé à la Commis¬ sion des monuments pour l’enlèvement de l’autel d’or. II. Compte rendu du Mercure universel. Une nombreuse députation apporte 5 à 6 bustes de saints, de vermeil; une châsse très belle en ver¬ meil; trois petites châsses d’argent. L'orateur : Nos prêtres ne sont point ce qu’un vain peuple pense, Notre crédulité fait toute leur science. . Législateurs, ces vers sont d’un grand écrivain qui prépara la Révolution, de Voltaire. (Suit un résumé de l'adresse que nous avons insérée ci-dessus d'après un document des Archives natio¬ nales.) (Applaudissements.) L’Assemblée y enverra une députation. Mention honorable et les honneurs de la séance. III. Compte rendu du Journal de Perlel. La Commune de Franciade, ci-devant Saint-Denis, apporte aussi tous les saints de son église. 22 brumaire an II 12 novembre 1793 de saint Denis et plusieurs bustes de saints» également de vermeil et garnis de pierres pré¬ cieuses. Les pétitionnaires sont accueillis aveG leur offrande par les plus vifs applaudissements. L'orateur. « Citoyens représentants, Nos prêtres ne sont pas ce qu’un vain peuple pense Notre crédulité fait toute leur science, (etc...). (Suit le texte de l'adresse que nous avons in¬ sérée ci-dessus d'après un document des Archives nationales. ) La Convention nationale renvoie à la Com¬ mission des monuments pour l’enlèvement de l’autel d’or, et ordonne l’insertion de l’adresse au Bulletin. Une députation des sans-culottes de la Nièvre est admise à la barre. « Infatigables, dit l’orateur, les sans-culottes du département de la Nièvre viennent pour la troisième fois apporter à la Convention la récolte qu’ils ont faite au profit de la patrie. Dans ce département, le mépris des richesses est tel qu’on y rougirait de la possession d’un écu, d’un bijou d’or; c’est à qui l’offrira pour le soulagement de ses frères. Elle annonce que 6 chariots d’argenterie sont à la porte de l’Assemblée, et qu’ilne reste à la Franciade qu’un autel d’or, qu’on n’a pu transporter à cause du précieux du travail. Elle demande que la Commission des monuments l’en débarrasse au plus tôt. Mention honorable. IV. Compte rendu de V Auditeur national. Les citoyens de Franciade, ci-devant Saint-Denis, apportent les saints, les châsses d’or et d’argent qui étaient dans leur commune. Ils ont dit aux saints de toutes espèces ! « Montrez-vous patriotes, marchez au secours de la patrie, levez-vous en masse, partez pour la Monnaie, » et aussitôt ils sont venus. Ces citoyens ont prié la Convention d’envoyer une députation à la fête qu’ils doivent célébrer le 30 en l’honneur des républicains de tous les pays. L’Assemblée accède à l’invitation et ordonne l’in¬ sertion au Bulletin du discours, vivement applaudi. V. Compte rendu des Annales patriotiques et littéraires. La commune de Franciade, apportant la tête de saint Denis el les guenilles prétendues sacrées qui V accompagnent, est admise à la barre. « On nous a dit, s’écrie l’orateur, qu’un miracle la fit voyager de Montmartre à Saint-Denis, un miracle plus vrai, plus authentique vient de la rame¬ ner à Paris. » Ici, l’orateur s’adresse aux saints et leur dit ! « O vous, les instruments du fanatisme, saints, bienheureux de toute espèce, soyez enfin patriotes, levez-vous en masse, servez la patrie, et faites dans ce monde notre bonheur que vous vouliez faire dans l’autre. » De nombreux applaudissements s’élèvent dans toutes les parties de la salle. L’orateur de la com¬ mune de la Franciade termine par annoncer que 6 chariots pleins d’or et d’argent sont arrivés à Paris, et ses concitoyens ont juré de n’avoir plus d’autre culte que celui de la liberté et de l’égalité ARCHIVES PARLEMENTAIRES.