70 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 novembre 1790J et vous avez d’ailleurs déjà décrété que ces détails devaient être renvoyés au pouvoir exécutif. Je demande donc la question préalable. M. Bureaux de Pusy. D’après les lois que vousavez décrétées sur le remplacementmilitaire, le ministre ne pourrait remplacer M. de Keating sans enfreindre vos décrets ; car, n’étant pas sur la ligne, il est dans le cas d’une exception que vous seuls pouvez prononcer. M. Chabroud. Vous avez anéanti tous les ordres arbitraires, non seulement pour l’avenir, mais encore dans leurs effets pour le passé. Je supplie l’Assemblée de considérer que, si elle recevait la pétition d’un homme détenu en vertu d’une lettre de cachet, même donnée antérieurement à vos décrets, je demande si elle prendrait sans doute des mesures pour le faire relâcher. M. de Keating, major, est dans le même cas; destitué sans que son brevet soit anéanti, sans qu’il y ait un jugement de prononcé, il gémit sous un ordre arbitraire et réclame l’exécution des ordonnances militaires et de vos décrets. Je demande où il pourra se pourvoir : A un conseil de guerre? il n’est point accusé ; au ministre de la guerre? celui-ci n’a pas le droit de prononcer une exception à l’exécution de vos décrets sur le remplacement militaire. Il faut donc que vous prononciez. M. Merlin. Nous ne pouvons nous dissimuler que, si nous entendons toutes les réclamations de ce genre, bientôt il vous en arrivera de toutes parts, et que tous les moments de l’Assemblée seront employés. Nous devons justice à nos concitoyens militaires, mais nous ne la leur devons pas par nous-mêmes. Je demande que vous établissiez un tribunal uniquement pour juger toutes les contestations, toutes les plaintes des officiers et soldats de l’armée. M. de Folleville. Je demande que le décret que vous allez rendre ne soit pas réduit à une forme insuffisante. Le roi ne peut accorder de traitement à un officier qui n’est pas sur la ligne sans la volonté de l’Assemblée nationale. M. d’Ambly. Cette affaire doit être renvoyée à un conseil de guerre composé d’officiers de tous les grades. M. Bureaux de Pusy propose un projet de décret qui obtient la priorité et qui est décrété en ces termes : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité militaire relativement à la destitution u’a éprouvée le sieur de Keating, major titulaire u régiment d’infanterie irlandaise de Walsh ; « Décrète que son président se retirera par devers le roi, à l’effet de lui exposer que la justice et la loi ont été violées à l’égard du sieur de Keating, major titulaire du régiment d’infanterie irlandaise de Walsh, et pour supplier Sa Majesté de donner les ordres nécessaires pour qu’il soit fait droit sur les plaintes de cet officier ; « Décrète aussi que le comité militaire présentera incessamment un projet de loi générale, pour le jugement des réclamations qui ont été ou seront par la suite élevées par des militaires, contre les destitutions prononcées sur des ordres arbitraires. » Sur la proposition du comité d’agriculture et çle commerce, le décret suivant est rendu : L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité d’agriculture et de commerce, et la pétition du directoire du département de la Gironde, décrète : « Que toute espèce de grains, farines et légumes venant de l’étranger dans un port de France, quel qu’il soit, seront déclarés par entrepôt, et pourront être réexportés pour tels autres ports de France ou de l’étranger qu’on voudra, à la charge par celui qui en fera la réexportation, do justifier, par devaat les officiers municipaux des lieux, que ce sont réellement les mêmes grains, farines et légumes venant de l’étranger qu’il se propose de réexporter, en se conformant, au surplus, à son décret du 18 septembre 1789. » M. Collin, député de Metz, absent par congé du 18 septembre dernier, pour constater son retour qui date d’aujourd’hui, présente son congé et le fait viser au bureau des secrétaires. M. le Président. L'ordre du jour est la suite de la discussion sur la législation domaniale. Les articles 1 à 21 ont été décrétés dans la séance du 8 novembre. M. Fnjubault, rapporteur, donne lecture des articles 22 à 39 et dernier. Après quelques débats et plusieurs amendements consentis par le rapporteur, les articles sont décrétés ainsi qu’il suit : Art. 22. « L’échangiste, dont le contrat sera révoqué, sera, au même instant, remis en possession réelle et actuelle de l’objet par lui cédé en contre échange, sauf les indemnités respectives qui pourraient être dues; et s’il a été payé des soultes ou retours de part ou d’autre, ils seront rendus à la même époque; et si les souites n’ont pas été payées, il sera fait raison des intérêts pour te temps de la jouissance. Art. 23. « Les échangistes qui auront rempli toutes les conditions prescrites, et qui, par le résultat des opérations, se sont trouvés débiteurs d’une soulte dont iis ont dû payer les intérêts jusqu’à ce qu’ils eussent fourni des biens et domaines fonciers de même nature, qualité et valeur, seront admis à payer lesdits retours ou soultes, avec les intérêts en deniers ou assignats, sans aucune retenue, et l’administrateur général des domaines sera autorisé à donner toute quittance bonne et valalable, et il sera tenu de verser le tout dans la caisse de l’extraordinaire, et, à cet effet, on retirera des greffes des chambres des comptes et autres dépôts publics tous les renseignements nécessaires. Art. 24. « Tons contrats d’engagement des biens et droits domaniaux postérieurs à l’ordonnance de 1566 sont sujets à rachat perpétuel; ceux d’une date antérieure n’y seront assujettis qu’autant qu’ils en contiendront la clause expresse. Art. 25. « Les ventes et aliénations des domaines nationaux, postérieures à l’ordonnance de 1566, seront réputées simples engagements, et comme telles, perpétuellement sujettes à rachat, quoique la stipulation en ait été omise au contrat, ou même qu’il contienne une disposition contraire. (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, {11 novembre 1790.] 377 Art. 26. « Aucuns détenteurs de biens nationaux, sujets à rachat, ne pourront être dépossédés sans avoir préalablement reçu, ou été mis en demeure de recevoir leur finance principale, avec les accessoires. Art. 27. « En procédant à la liquidation de la finance due aux engagistes, les% sommes dont il aura été fait remise ou compensation lors du contrat d’engagement à titre de don, gratification, acquits-paients ou autrement, seront rejetées : on ne pourra faire entrer en liquidation que les deniers comptants, réellement versés en espèces au Trésor public, en quelque temps ou pour quelques causes que les quittances soient conçues ; et la preuve du contraire pourra être faite par extraits tirés des registres du Trésor public, états de menus et comptants, et autres papiers de même genre, registres et comptes des chambres des comptes, et tous autres actes. Art. 28. « Tous engagistes et détenteurs des domaines nationaux, moyennant finance, pourront en provoquer la vente et adjudication définitive. Pour y parvenir, ils en feront leur déclaration au comité d’aliénation de l’Assemblée nationale et aux directoires de département et de district de la situation du chef-lieu ; et au moyen de cette déclaration, les biens engagés seront mis en vente en observant les formalités prescrites par les décrets, après avoir été préalablement estimés sans pouvoir être adjugés à un prix inférieur à celui de l’estimation, et l’adjudication n’en sera faite qu’à la charge de rembourser, au concessionnaire ou détenteur, la finance primitive avec les accessoires, et de verser le surplus, s’il y en a, à la caisse de l’extraordinaire. Art. 29. « Les dons, concessions et transports à titre gratuit de biens et droits domaniaux, faits avec clause de retour à la couronne, à quelque époque qu’ils puissent remonter, et tous ceux d’une date postérieure à l’ordonnance de 1566, quand même la clause de retour y serait omise, sont et demeurent révocables à perpétuité, même avant l’expiration du terme auquel la réversion à la couronne aurait été fixée par le titre primitif. Art. 30. « Les baux emphytéotiques et les baux à une ou plusieurs vies, sont réputés aliénations. En conséquence, les détenteurs des biens compris en iceux, et en général tous fermiers des biens ou usines nationaux, dont les baux excéderaient ia durée de neuf années, remettront au comité des domaines, dans le délai d’un mois, des copies collationnées de leurs baux et empbytéoses, pour être examinés par le comité, et ensuite, sur son rapport, être statué sur leur entretien et sur leur résiliation. , Art. 31. « Tous acquéreurs ou détenteurs des domaines nationaux les rendront, lors de la cessation de leur jouissance, en aussi bon état qu’ils étaient lors de la concession, et ils seront tenus des dégradations et malversations commises par eux ou par personnes dont ils doivent répondre, Art. 32. « Les aliénations faites jusqu’à ce jour par contrat d’inféodation, baux à cens ou à rente des terres vaines et vagues, landes, bruyères, palus, marais et terrains en friches, autres que ceux situés dans les forêts ou à cent perches d’icelles, seront confirmées et demeurent irrévocables par le présent décret, pourvu qu’elles aient été faites sans dol ni fraude, et dans les formes prescrites par les règlements en usage au jour de leur date. Art. 33. « Aucun concessionnaire ou détenteur, quel que soit son titre, ne peut disposer des bois de haute futaie, non plus que des taillis recrus sur les futaies coupées ou dégradées. Art. 34. « Il en est de même des pieds cormiers, arbres de lisière, baliveaux anciens et modernes des bois taillis, dont il est d’ailleurs défendu d’avancer, de retarder, ni intervertir les coupes. Art. 35. « Il est expressément enjoint, par le présent décret, à tous concessionnaires et détenteurs des biens domaniaux, à quelque titre qu’ils en jouissent, de présenter au comité des domaines de l’Assemblée nationale et au directoire du département de la situation du chef-lieu de ces domaines, dans trois mois, à compter du jour de la publication du présent décret, des copies collationnées sur papier libre, de leurs acquisitions, les procès-verbaux qui ont dû précéder l’entrée en jouissance, des quittances de finance, si aucunes ont été payées, des baux qui en auront été consentis, et en général de tous les actes, titres et renseignements qui pourront en constater la consistance, la valeur et le produit, et faire connaître le montant des charges dont ils sont grevés ; et faute par eux d’y satisfaire dans le délai prescrit, ils seront condamnés à la restitution des fruits, du jour qu’ils seront en demeure. Art. 36. « Les engagistes ou concessionnaires à vie, ou pour un temps déterminé des biens et droits domaniaux, leurs héritiers ou ayants-cause, se renfermeront exactement dans les bornes de leurs titres, sans pouvoir se maintenir dans la jouissance desdits biens, après l’expiration du terme prescrit, sous peine d’être condamnés au payement du double des fruits perçus depuis leur indue jouissance. Art. 37. « La prescription aura lieu à l’avenir pour les domaines nationaux dont l’aliénation est permise par les décrets de l’Assemblée nationale ; et tous les détenteurs d’une portion quelconque desdits domaines, qui justifieront en avoir joui à titre de propriétaires, par eux-mêmes ou par leurs auteurs, publiquement et sans troubles, pendant quarante ans continuels, à compter du jour de la publication du présent décret, seront à l’abri de toute recherche. Art. 38. « Les dispositions comprises au présent décret ne seront exécutées, à l’égard des provinces réunies à la France postérieurement à l’ordonnance de 1566, qu’en ce qui concerne les aliénations 378 lAwemblé* n»tlo»al« ) ARCHIVES* PARLEMENTAIRES. (Il novembre 1790.) faites depuis la date de leurs réunions respectives; les aliénations précédentes devant être réglées suivant les lois lors en usage dans ces provinces. Art. 39. a L’Assemblée nationale a abrogé et abroge, en tant que de besoin, toute loi ou règlement contraire aux dispositions du présent décret. » M. Martineau. Le comité ecclésiastique vous a fait distribuer un projet de décret relatif à l’exécution du décret du 12 juillet sur la constitution civile du clergé (1). Je propose de mettre cette affaire à l’ordre du jour de dimanche. (Cette proposition est adoptée.) M. Bouche. Depuis longtemps et plusieurs fois vous avez chargé votre comité de Constitution de rédiger la formule du serment qui doit être prêté par les ambassadeurs , et ce décret n’est point exécuté. Je pourrais en citer cinquante autres que vos comités ont laissé tomber dans l’oubli. Je demande que vous preniez des mesures pour réveiller leur diligence. (Cette motion n’a pas de suite.) M. le Président lève la séance à dix heures et demie. PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 11 NOVEMBRE 1790. SECOND RAPPORT du comité des monnaies, présenté par M. de Cussy (2), le 11 novembre 1790. (Imprimé par ordre de L’Assemblée nationale,) Votre comité des monnaies, en vous proposant de décréter comme principe, « qu’à l’avenir il « sera assigné en France aux espèces d’or un « prix au-dessous duquel le créancier ne pourrait « refuser de les recevoir ; mais qui pourra être « augmenté de gré à gré seulement, suivant les « besoins du commerce », s’est proposé de mettre sous vos yeux le mode de l’application de ce principe le plus convenable aux circonstances où nous nous trouvons. 11 est facile de concevoir que la précaution de fixer une seule fois le plus bas prix auquel la monnaie d’or puisse être proposée en payement, est indispensable pour prévenir toute surprise à l’égard des individus ignorants, surtout depuis que les ruses et l’esprit de l’agiotage se sont montrés parmi nous, et y ont trouvé des patrons qui le servent plus ou moins ouvertement. Il est également évident que le rapport de l’or à l’argent dans le commerce n’ayant pas baissé en Europe proportionnellement à l’accroissement connu de sa masse à cause de l’emploi plus fréquent qu’il a reçu de l’extension du corhmerce, il serait impossible de déterminer son plus haut prix, de manière que ia latitude accordée au cours du commerce se trouvât opérer en diminution de l’évaluation publique. D’ailleurs, cette méthode (1) Yoy. ce projet de décret, annexé à la séance de ce jour, p. 388. (2) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur, aggraverait l’inconvénient de notre position actuelle, dans laquelle la sortie de nos écus offre 4 1/2 0/0 d’avantage sur celle de l’or : vérité triste et instante à corriger, quelques efforts que fassent les partisans de l’opération de 1785 et de son auteur, pour l’obscurcir. Votre comité vous en exposera la preuve à la suite de ce rapport, pour ne pas en interrompre le fil. Pour déterminer cette évaluation du plus bas prix auquel la monnaie d’or pourra être proposée en payement, il a paru à votre comité qu’il était essentiel d’éviter les extrêmes. Car si cette évaluation, qui sera celle des tarifs publics ou du change était trop basse, non seulement on repousserait l’or, mais encore il s’ouvrirait des spéculations pour enlever celui qui existe. Si au contraire elle était plus haute que l’arbitrage du commerce, il arriverait que l’argent disparaîtrait en échange de l’or qui serait apporté aux monnaies, comme cela est arrivé constamment depuis 1785. Quoique la proportion antérieure à l'époque de 1785 de 14 21/46 ait procuré effectivement une recette en or supérieure à la proportion de l’abondance respective, il n’a pas paru à votre comité que ce fût une raison suffisante pour conserver cette proportion, l’une des moindres de l’Europe commerçante. Il s’est fondé sur la connaissance acquise par le tableau des fabrications à croire qu’une grande quantité d’or était entrée par le plus grand bénéfice qu’éprouvaient les surachats de l’or. Ce bénéfice a monté jusqu’à 40 livres avant 1771, tandis que sur 15 marcs21/46 d’argent, il montait à peine à 16 livres. 11 a donc été naturel que les monopoleurs portassent préférablement leur spéculation vers l’or. Depuis 1771 l’égalité avait été plus rapprochée ; mais toujours est-il vrai que les surachats ont fait entrer de l’or au change des monnaies en faveur d’une estimation plus forte que ne la présentait le rapport établi entre les espèces monnayées ; et que ce n’est point par l’effet seul d’un commerce parfaitement libre, ni de notre proportion de 14 21/46 que nous avons fabriqué de 1726 à 1785 jusqu’à 970 millions en or, contre 1,500 millions en espèces d’argent. Enfin, plus notre dette a augmenté au-dehors par nos emprunts et par nos consommations sans réciprocité, plus notre balance fléchit; plus il nous importe de nous trouver assez pourvus d’or pour faire au besoin nos payements au dehors, en cette monnaie. D’un autre côté, l’excès en faveur de l'or, consisterait à donner, comme il existe actuellement, à l’étranger un attrait de 4 1/2 0/0 pour recevoir notre argent en échange de l’or; et, ce qui est encore plus important, à proportionner tellement le rapport de l’or à l’argent, que l’Espagnol trouvât un plus grand avantage à employer son argent en denrées anglaises que dans les nôtres. Ce sont deux vérités également démontrées, qu’il s’agit de concilier. Ce ne sont pas les intérêts privés qu’il convient de consulter sur ce point, mais le calcul et l’assentiment de l’Europe commerçante. Or, il “a paru à votre comité que cette moyenne proportionnelle se trouvait d’autant plus juste dans le rapport de 1 à 14 7/9 qu’elle pare aux deux inconvénients à éviter, et qu’elle s’éloigne également des opinions extrêmes. Pour appliquer les principes aux circonstances, il est à présent question d’établir le mode dont on doit user. Pour établir ou changer un rapport d’échange entre les métaux, il n’existe que quatre moyens