(Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 1�9 mars 1790 ] 403 tâtes tous, après l’avoir entendu, le serpent civique; n’oubliez pas aussi que toutes les citoyennes qui se trouvaient alors dans la salle furent admises à prêter h même serment : le procès-verbal du 4 février fait foi de ee que j’avance. Je demande que la motion de M. Goupil de Préfeln ne soit point ajournée. (L’ajournement est encore demandé ; il est rnis aux voix et décrété.) M-fait une motion pour la suppression du droit exercé, dans quelques cantons du royaume, par des seigneurs laïques et ecclésiastiques; irait qui consista à envoyer pâturer des bestiaux dans les prairies copwiunales, depuis le pois d’avril jusqu’à la veille de la récolte des foins. II demande, en conséquence, que le comité féodal présente incessamment un projet de décret à cet égard. L’Assemblée renvoie la motion au comité féodal. M. le marquis de Deauchamp, député de Saint-. Jean-d' Ângely, demande un congé de huit jours, M. le comte de La Touche, député de Mon-targls, demande un congé également de huit jours. M. l’abbé de Garochenegly, député de Blois , prie l’Assemblée de l’autoriser de s’absenter pendant trois semaines. Les congés sont accordés. M. le eardlual prince de Rohaii-Giiénié-née, qui était absent de l’Assemblée depuis assez longtemps, entre dans la salle. M. Veidel. J’observe que Son Eminence n’a pas prêté le serment civique. M. le cardinal de Rohan prête ee serment. M. le Président annonce une lettre et un mémoire de M. Lambert, contrôleur général des finances touchant la perception de l’impôt sur le tabac. Ce mémoire est renvoyé, sans lecture préalable, au comité des finances/ M. Le Chapelier, membre du comité de constitution, demande la parole au nom de ce comité, et propose un décret sur les fonctions des commissaires royaux des assemblées primaires. 11 semble, dit M. Le Chapelier, que l’ouvrage de la constitution éprouve des obstacles non seulement de la part des ennemis de la liberté, mais encore de la part des meilleurs amis de la Révolution. Vous ayez déerétô que lé pouvoir exécutif nommerait des commissaires pour veiller à l’exéeution de vos décrets, relativement à l’organisation des municipalités. Votre comité de constitution m’a chargé de vous instruire d’une infraction à ee décret, non de la part du pouvoir exécutif, qui a fait ce qu'il a dû, mais de la part de la municipalité de la ville de Troyes en Champagne. La municipalité de la ville de Troyes a délibéré qu’elle n’admettrait pas les commissaires choisis par le roi pour veiller à son organisation ; elle a écrit à toutes les municipalités du royaume une lettre à ce sujet, à laquelle est jointe la déclaration. Avant de prononcer sur cette affaire, je vous proposerai d’entendre la lecture de différentes pièces, san* la connaissance desquelles il me semble que vous ne pouvez juger. Je dois vous prévenir, Messieurs, que la délibération de la municipalité de Troyes ne nous est point parvenue de sa part; mais bien de celle de la municipalité de Versailles, qui avait reçu la lettre-circulaire et la délibération. (M. Le Chapelier fait lecture de l’instruetion du roi aux commissaires nommés pour la formation des assemblées primaires. Il lit ensuite la délibération de la municipalité de la ville de Troyes. INSTRUCTION que le roi a ordonné être remise aux commissaires nommés par Sa Majesté, pour la formation des assemblées primaires et des assemblées administratives (1). Les commissaires que le roi vient de pommer pour la tenue des assemblées primaires, recevront le décret de l’Assemblée nationale, les instructions qui l’accompagnent, les cartes qui déterminent la circonscription des départements, celle des districts et celle des cantons. Sa Majesté est bien assurée du zèle avee lequel ils se livreront à l’étude et à l’examen de tout ce qui doit servir à les guider dans les" fonctions importantes qu’ils auront à remplir. ils n'assisteront point aux assemblées : on pourrait craindre qu’ils n’en gênassent la liberté par leur présence. Mais ils s-occuperont uniquement du soin defionnèr les éclaircissements qui dépendront d’eux, et de résoudre les difficultés qui s’élèveront sur l’exécution fie la loi. En général, ils se placeront au centre de �arrondissement pour faciliter la correspondance, et ils jugeront eux-mêmes s’ils doivent ôu non se transporter, soit dans les districts, soit dans les cantons, lorsque la nature des questions agitées paraîtra exiger leur présence. Ils pourront même se concerter entre eux, se partager le nombre des cantons, s’y rendre séparément, afin d’accélérer d’autant plus le terme des opérations. Arrivés dans le chef-lieu du département, ils feront connaître leurcom mission, en Tenyoyant enregistrer dans les principales municipalités, notamment dans toutes celles gui sont désignées pour être chef-lieu de district ou de canton. Elles ne seront pas soumises à d’autre notification. Après avoir examiné avec attention la carte et le procès-verbal joints à la présente instruction, ils demanderont à chaque municipalité la liste qu’elle a dû former fies citoyens actifs renfermés dans son sein. Cette liste servira à déterminer le nombre des députés électeurs que chaque canton doit produire et envoyer à l’assemblée de département. Les commissions adresseront ensuite dans chaque municipalité l’ordre d’avertir les citoyens actifs de sé rendre à Rassemblée fie leurs cantons, à l’effet d’y procéder au choix des électeurs. Ils désigneront le lieu, le jpur de rassemblée, et lé nombre d’électeurs qu’il y faudra nommer. Il est indispensable que les commissaires connaissent avec exactitude les résultats fies élections. ï( ne fiest pas moins qu’ils soient informés sur-le-champ fie tous les détails, ainsi que des doutes et des difficultés qui s’élèveront dans chaque assemblée. Cependant, dans le premier moment, et avant que les assemblées des cantons (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. 404 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 129 mars 1790.] soient fermées, ils ne peuvent correspondre qu’avec les municipalités. C’est donc à elles qu’ils s’adresseront ; et en leur demandant la liste des citoyens actifs, ils les inviteront à donner aux membres qui composeront les assemblées, toutes les instructions nécessaires, et à leur indiquer la marche qu’ils auront à suivre, en leur annonçant qu’ils doivent recourir aux commissaires du roi pour en obtenir les lumières ou les décisions dont ils pourront avoir besoin. Mais les assemblées de cantons étant une fois organisées, les commissaires du roi correspondront directement avec elles. En adressant aux municipalités l’ordre de former les assemblées primaires, ils indiqueront en même temps le jour et le lieu où les électeurs se réuniront pour procéder aux choix des membres de l’administration du département. Ils se feront informer de tous les détails de ces assemblées, des élections qui y seront faites, des difti-Cultés qui pourront y naître, et ils les décideront. L’élection des membres de l’administration du département étant consommée, les électeurs doivent se retirer chacun dans leurs districts, pour y procéder à l’élection des membres de l’administration du district. Les commissaires du roi se concerteront avec les électeurs de chaque district, pour fixer le jour et l’heure de leurs assemblées. Rien n'oblige à les indiquer uniformément et pour le même jour, dans l’étendue du département; mais il est important d’y mettre la plus grande célérité. Ces sortes d’assembléesdonnerontfieu aux mêmes fonctions, à la même surveillance, à la même exactitude de la part des commissaires du roi. 11 est à présumer que la distribution, la circonscription des différents départements, des districts et des cantons, fourniront à l’instant d’une opération première, les difficultés les plus nombreuses. Quelque soin, quelque exactitude, quelque recherche que l’Assemblée nationale ait apportés à son travail, il n’est pas possible qu’elle ait prévu tous les obstacles qui naîtront sur les lieux mêmes, et ne peuvent, par cette raison, se lever que par l’application des convenances locales. C’est auxîobjets de cette nature que les commissaires du roi doivent apporter principalement toute leur attention. � La circonscription des cantons n’est pas généralement déterminée; il en est que l’Assemblée nationale a pu régler; il en est d’autres qui ne le seront qu’à l’instant même et provisoirement par les commissaires. Relativement aux cantons de la première espèce, quand les listes seront envoyées par les municipalités, quand le nombre des citoyens actifs sera connu, il restera à déterminer avec précision le nombre d’assemblées primaires qui doivent se former dans le canton, et à rédiger des listes particulières du nom des citoyens actifs qui seront attachés à chacune d’elles, en consultant les règles des articles 12 et 13 de la section première des lettres-patentes du mois de janvier dernier. Il est important de prévenir toute espèce de confusion, d’empêcher qu’un citoyen actif ne vote dans deux assemblées différentes, ou ne s’v fasse représenter, et de veiller à ce que chaque assemblée ne nomme que le nombre d’électeurs proportionné à celui de ses citoyens actifs, présents ou non présents. Quant aux cantons dont la circonscription n’est pas déterminée, les commissaires se conformeront à ce que prescrit le paragraphe premier de l’instruction qui accompagne la loi ; « En formant des réunions de paroisses voisines, en composant chaque agrégation d’un plus ou moins grand nombre de paroisses, suivant les forces de leur population, de manière que chaque agrégation fournisse un nombre de citoyens actifs suffisant à une assemblée primaire. » Ainsi deux combinaisons principales serviront à fixer leur détermination : une étendue de terrain modérée, et telle que la communication et la réunion ne soient ni difficiles ni dispendieuses ; et cependant une étendue de terrain qui, par sa population, doune assez de citoyens actifs pour composer une assemblée primaire. Les commissaires prononceront sur les diffi - cultés relatives à l’étenduedes cantons déterminés par l’assemblée, sur celles relatives aux cantons à former ; ils feront exécuter leurs décisions sur-le-champ, sauf aux assemblées de département à proposer par la suite leurs observations, et à les faire parvenir à l’Assemblée nationale. Il est présumable que la circonscription des districts ne donnant pas lieu en général aux mêmes incertitudes, ne présentera pasdefréquents motifs de discussion. Cependant, s’il s’en élève, si quelques municipalités réclamées par un district, prétendent néanmoins devoir êtreattachées à un autre, les commissaires du roi recevront les réclamations, écouteront les moyens respectifs et prononceront. Enfin, la division des départements pourrait aussi, mais plus rarement encore sans doute, faire naître des prétentions opposées. Si cela arrive, les commissaires des deux départements intéressés, se concerteront entre eux pour concilier le point de difficulté qui leur sera déféré. Les lettres-patentes et l’instruction qui les accompagne si clairement sur la forme des assemblées primaires qui se tiendront dans les villes, qu’il paraît inutile de donner à cet objet un nouveau développement. Il suffira d’observer que dans les villes au-dessus de 4,000 âmes, il faudra des listes particulières de citoyens actifs attachés à chaque assemblée primaire, et que chacune de ces assemblées nommera, sans le concours des autres, un nombre d’électeurs proportionné à celui de ses citoyens actifs présents ou non présents. Les commissaires du roi rendront compte aux ministres de Sa Majesté de tous les détails qui viendront à leur connaissance. Aussitôt que les listes des citoyens actifs leur auront été remises, ils en enverront copie ; ils annonceront la formation des assemblées de canton, la nomination des électeurs, la tenue des assemblées de département, celle des assemblées de district, les difficultés qui se présenteront, et les décisions qu’ils auront été obligés de prononcer. Une autre fonction est attribuée à leur commission, celle de recevoir les plaintes qui, dans quelques endroits, se sont élevées relativement à l’élection des officiers municipaux, et d’en juger le mérite. Ils donneront à cet objet toute l’attention qu’il exige par sa haute importance ; et après avoir employé, épuisé tous les moyens d’instruction et de persuasion, ils ne se porteront à prononcer sur la validité ou la nullité des élections qu’autant que la tranquillité publique en imposera la nécessité. Ce ne sera même alors qu’une décision provisoire, les assemblées administratives de départements pou vant proposer leurs observations et en référer à l’Assemblée nationale. Fait et arrêté par le roi, étant en son conseil, tenu à Paris, le 1� mars 1790. Sicmé: Louis ; et plus bds: Le comte de Saint-Priest. 405 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 mars 1790.] Extrait des délibérations de la municipalité de la ville de Troyes. Du dimanche 14 mars 1790, en l’assemblée du conseil général de la commune de Troyes, en la manière accoutumée, un de MM. a dit : Messieurs, permettez -moi de vous soumettre quelques réflexions relatives à la prochaine organisation des districts et départements. Vous êtes sans doute instruits que les ministres, désespérés de ce que la nation a. rompu ses fers, cherchent tous les moyens, épuisent toutes les ressources pour recouvrer leur ancien despotime. C’est dans cette intention qu’ils étendent sans doute, qu’ils modifient à leur gré les décrets de l’Assemblée nationale ; mais l’intidélité dans l’exécution des ordres du Corps législatif, est un attentat dont les suites deviendraient funestes à la liberté, si, dans cette crise, vous ne présentiez la plus forte opposition. J’apprends, Messieurs, que trois commissaires doivent jouer un rôle quelconque dans les nominations prochaines; j’ignore la nature de leur mission ; mais telle qu’elle puisse être, elle me paraît contraire aux décrets de l’Assemblée nationale. Si l’intrigue et la cabale peuvent influer sur les élections futures, si l’aristocratie, déguisée sous le masque du civisme, s’empare des suffrages, si, par des manœuvres combinées, le choix des administrateurs tombe sur des ennemis de la constitution, alors nous abaissons nos têtes sous le joug et nous rentrons dans l’esclavage. Vous connaissez, Messieurs, tous les moyens odieux que l’on emploie pour nous faire perdre le fruit des travaux de l’Assemblée nationale. Partout on cherche à faire naître des troubles particuliers, 'dans l’espoir d’occasionner un soulèvement général. Des brochures incendiaires, des libelles atroces se répandent, se multiplient, et je vois avec indignation que notre ville est souillée par un de ces journaux méprisables. Quel moment choisit-on pour distribuer ces calomnies' dégoûtantes ? Celui où les départements et les districts vont se former, celui où cette nouvelle organisation va mettre le sceau à la liberté du peuple. C'est dans cet instant, Messieurs, que l’aristocratie expirante, mais encore dans les convulsions d’une agonie douloureuse, est la plus dangereuse; elle va faire les derniers efforts pour gêner la liberté de vos suffrages. Si elle parvient à contrarier vos vues patriotiques en faisant élire des hommes ennemis de la Révolution, alors votre zèle deviendra infructueux, et vous serez arrêtés à chaque pas. Des citoyens prévenus ou égarés par de fausses impulsions se prêteront à porter des plaintes contre les municipalités; mais sur les plaintes qui auront été provoquées, vous voudrez en vain vous justifier, votre jugement est déjà prononcé. Rappelez-vous donc, je vous en conjure, que vous êtes dans la circonstance la plus précieuse, rappelez-vous que le choix auquel vous vous préparez va décider du sort de la nation et ne souffrez pas que le ministre change le mode que le Corps législatif a dicté pour les élections. Souvenez-vous, Messieurs, que l’Assemblée nationale ne permettra jamais de changements ni d’extensions dans les décrets; ils sont le texte de la loi, et son langage n’est pas susceptible d’inierprétation. Aussi je conclus au refus d’admission des commissaires, sous tel prétexte qu’ils puissent paraître, à l’époque de la formation des départements et des districts, s’ils ne sont avoués par l’Assemblée nationale. Sur quoi, la matière mise en délibération et après avoir entendu le procureur de la commune en ses réquisitions, l’assemblée considérant que la nomination des commissaires pour le roi, quelles que puissent être leurs fonctions, serait contraire aux décrets de l’Assemblée nationale, dans les termes duquel il est du devoir de la municipalité de se renfermer strictement, qu’il y aurait à craindre que la présence de ces commissaires o’influàt sur les élections, en gênant la liberté des suffrages, il a été unanimement arrêté qu’il ne sera admis aux assemblées pour la formation des districts et département de Troyes, aucun commissaire porteur d’ordres ministériels, et que s’il s’en présente, ils ne seront reçus? que dans le cas où ils tiendraient leur pouvoir et leur mission de l’Assemblée nationale. Arrêté en la maison commune les jour et an que dessus. Délivré par le secrétaire-greffier. Signé: Olivier. Lettre adressée sous le timbre de Troyes , à MM. les officiers municipaux de Versailles. Messieurs et chers confrères, Nous vous adressons une délibération par nous prise relativement à la formation prochaine des districts et des départements. Nous comptons assez sur votre patriotisme, pour croire que vous voudrez bien vous joindre à nous et suivre la même marche. Nous avons l’honneur d’être avec les sentiments de la plus sincère fraternité, Messieurs et chers confrères, vos très humbles, etc. Les officiers municipaux de la ville de Troyes, Signé : d’ORGEMONT, Perly, Bergeray, Deau, Lamer et Latobe. Collationné sur le registre de la municipalité de Versailles, par Emard. M. Chapelier. Voilà toutes les pièces sur lesquelles vous avez une délibération à prendre. Votre comité a pensé que les municipalités ne doivent pas s’arroger le droit d’écrire des lettres circulaires à toutes les municipalités du royaume ; qu’elles ne doivent avoir aucune influence les unes sur les autres ; que celle de Troyes n’a conçu de fausses alarmes que parce qu’elle a mal connu les décrets de l’Assemblée et les instructions même du roi aux commissaires : votre comité n’a vu dans ces instructions qu’une grande tendance à hâter l’exécution de vos décrets ; il a cependant cru qu’il élait sage, qu’il était instant de détruire tout ce qui pouvait faire craindre les municipalités et retarder conséquemment leur organisation ; et, pour arriver à ce but, il a pensé que vous deviez décréter que les commissaires nommés par le roi cesseront d’avoir aucunes fonctions, dès que les élections des municipalités seront terminées ; que le jugement de ces commissaires ne serait jamais que provisoire, et que les difficultés majeures qui pourraient s’élever dans les élections municipales ne seraient pas jugées par eux, mais renvoyées à l’Assemblée nationale. J’ai donc l’honneur de proposer à l’Assemblée, au nom de ce comité, le projet de décret qu’il a rédigé dans les principes que je viens d’énoncer.