{Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 octobre 1190.] 469 échappé jusqu’ici, même aux plus grands génie3, appliqués à la science hydraulique. Qui d’eux tous avait osé croire que la mer, par sou flux et reflux, que les rivières et les sources pouvaient s’élever sur les plus hautes montagnes, sans rouages ni mécaniques, mais par la loi inverse de leur écoulement ou de leur chute? Qui aurait osé croire que des eaux vives pouvaient respirer et animer des eaux mortes à des distances considérables, sans intermédiaires mécaniques ? Soulever des lacs, marais, étangs, et les replacer sur des terrains secs et arides, en amenant une double fécondité ; produire des salines artificielles sur des plages inconnues à la mer, produire des écluses de bas en haut, sans bassin de partage, et par conséquent des canaux de navigation, d’irrigation et de jonction, jusqu’à présent réputés impossibles? Etablir dans nos ports des formes nouvelles pour le radoub des vaisseaux? Faire enfin marcher à froid les pompes à feu, sans changer leur construction, en leur laissant la faculté de marcher à chaud à volonté ? Cette découverte a reçu, dans mes mains, une théorie physique et géométrique réglée par les principes : elle est devenue un art complet dont l’académie vient de reconnaître et constater la réalité. Tandis que par vos soins paternels, des relations nouvelles et profondes, morales et politiques, élèvent de toutes parts la prospérité française, au milieu des nations étonnées, il était encore réservé à la France de produire, au milieu de ces événements extraordinaires, une régénération physique et territoriale, qui surprît la nature elle-même, et servît d’instruction aux peuples civilisés. L’homme utile aux hommes est de tous les pays, appartient à toutes les nations ; vous l’avez prouvé par le deuil honorable dont vous vous couvrîtes pour honorer la mémoire de Franklin. Ainsi, par l’utilité universelle des moyens naturels que je me fais un devoir bien doux de vous présenter, à l’honneur d’être Français, je puis espérer de joindre le titre de citoyen du monde, comme vous, par la sagesse et la stabilité de vos décrets. Après avoir été les législateurs de l’Empire français, vous le serez, à coup sûr, des nations qui voudront arriver au bonheur. Je supplie l’Assemblée nationale de prendre ma découverte en considération, et d’en ordonner les expériences en grand. (L’Assemblée applaudit, renvoie cette pétition au comité de commerce et d’agriculture, et accorde à M. de Trouville l’honneur de la séance.) M. le Président fait lecture d’une note de M. le garde des sceaux. En voici l’extrait : « Le roi me charge d’informer l’Assemblée nationale de la manière dont les chambres de vacations des parlements de Rouen, Bordeaux, Douai, Nancy, Grenoble, Toulouse et le conseil supérieur de Colmar ont reçu le décret qui supprime toute l’ancienne hiérarchie judiciaire. Les chambres des vacations de Rouen et Bordeaux ont ordonné la transcription sur les registres et l’envoi aux tribunaux inférieurs. Celle de Douai a pris un arrêté par lequel elle déclare que, forcée par les circonstances, elle cesse toutes fonctions. Celle de Nancy a transcrit sur les registres, en déclarant obéir à la force. A Grenoble, le procureur du roi s’est plusieurs fois transporté au palais, sans jamais y trouver personne. La chambre des vacations du parlement de Toulouse a pris, le 25 septembre, un arrêté sur lequel le roi a cru devoir se concerter avec l’Assemblée nationale, avant de prendre aucun parti. Je vous fais passer copie de cet arrêté : « La cour, séant en vacations, considérant que la monarchie française touche au moment de sa dissolution ; qu’il n’en restera bientôt plus aucun vestige; que les cours anciennes de justice ne sont "pas même respectées ; considérant que les députés aux Etats généraux n’avaient été envoyés que pour mettre un terme à la dilapidation des finances, à laquelle les parlements n’ont cessé de s’opposer ; considérant que ces mêmes députés n’ont pu changer la constitution de l’Etat sans violer leurs mandats et la foi jurée à leurs commettants; considérant que, pour qu’ils pussent détruire la magistrature, il faudrait que leurs mandats leur en donnassent charge expresse ; qu’au contraire, plusieurs cahiers des sénéchaussées du ressort demandent expressément la conservation du parlement de Languedoc; considérant que le clergé a été privé de ses biens, dont une longue possession semblait devoir lui assurer la jouissance à jamais ; que la noblesse a été dépouillée de tous ses droits et de ses titres, contre tous les principes constitutifs d’une véritable monarchie; que la religion est dégradée et entraînée vers sa ruine; que le nouvel ordre judiciaire ne peut qu’aggraver, sur la tête des peuples, le fardeau des impôts ; « La cour inviolablement attachée à la personne sacrée du roi, aux princes de son auguste sang, et aux lois anciennes, proteste, pour l’intérêt dudit seigneur roi, contre le bouleversement de la monarchie, l’anéantissement des ordres, l’envahissement des propriétés, la suppression de la cour de Languedoc; et vu que les précédents édits et déclarations n’ont été transcrits par elle sur les registres que provisoirement et à la charge de l’être de nouveau, à la rentrée de la cour, clause maintenant illusoire, elle déclare lesdits enregistrements non avenus. « Le 27 septembre, le procureur général du roi entré, et les lettres patentes de suppression déposées sur le bureau, la cour, considérant son précédent arrêté et l’impossibilité où elle est de se détruire elle-même, déclare ne pas pouvoir procéder à l’enregistrement desdites lettres. » M. Robespierre. Cet arrêté n’est qu’un acte de délire, qui ne doit exciter que le mépris. L’Assemblée peut déclarer aux divers membres de Toulouse qu'elle leur permet de continuer à être de mauvais citoyens. Ce corps se coalise avec le pouvoir exécutif. (Il s’élève des murmures.) Pourquoi ce ministre s’empresse-t-il d’eri prévenir l’Assemblée? ( Les murmures augmentent. — M. Robespierre descend de la tribune.) M. Populus. Je demande que le comité de Constitution propose dans trois jours un plan pour l’établissement d’une haute cour nationale et du tribunal de cassation. (La présentation de ce plan est ajournée à huitaine.) (La lettre de M. le garde des sceaux et les pièces qui y sont jointes sont renvoyées au comité des rapports.) M. Volfius. Je demande à l’Assemblée, conformément à ce qui a été décrété pour la cour provisoire de la ville de Rennes et pour les mêmes raisons, que la cour provisoire établie à Dijon, le 21 juin dernier, soit autorisée à continuer ses séances jusqu’au 15 octobre. 470 lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 octobre 1790.] Voici le projet de décret que j’ai l’honneur de vous proposer : « [/Assemblée nationale décrète que la cour provisoire établie à Dijon le 21 juin dernier, est autorisée à continuer ses fonctions jusqu’au 15 octobre. » (Ce projet de décret est adopté.) M. Martineau demande un congé pour 8 ou 10 jours. L’Assemblée nationale le lui accorde. M. le Président. Le comité d’agriculture et de commerce me charge d’annoncer à l’Assemblée qu’il a nommé M. Heurtault-Lamerville membre du comité central. M. Long. Je suis chargé par M. Delort, citoyen de la ville de Moissac, d’oITrir à l’Assemblée la carte du département du Lot, contenant les cantons et le nombre des citoyens actifs. (L’Assemblée ordonne que cette carte sera déposée dans ses archives.) M. Chasset, rapporteur du comité ecclésiastique, monte à la tribuue et fait lecture des modifications apportées dans les articles 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13 et 14 du projet de décret (voy. plus haut la séance du 4 octobre), sur la désignation des biens nationaux, leur administration et les créanciers particuliers des différentes maisons . Plusieurs membres demandent l’impression et l’ajournement. M. de La Rochefoucauld. Si nous ajournons toujours, nous n’aboutirons jamais. (L’Assemblée décide qu’elle passera à la discussion.) M. Chasset. Dans votre séance du 4 octobre au soir, vous avez adopté l’article 1er ; je donne lecture de l’article 2. Art. 2. L’Assemblée déclare qu’elle a entendu que tous lesdits biens seraient vendus dès à présent; et, en attendant, qu’ils seraient administrés par les corps administratifs, sous les exceptions et les modifications ci-après. (L’article 2 est adopté.) M. Chasset relit l’article 3. M. Bouche. Je demande qu’au lieu de dire comme dans l’article, ces biens retourneront aux héritiers, on mette : ces biens seront administrés comme par le passé. Cet amendement est adopté et l’article 3 est décrété ainsi qu’il suit : Art. 3. Ne seront pas vendus les biens servant de dotation aux chapelles desservies dans l’enceinte des maisons particulières, par un chapelain ou desservant à la seule disposition du propriétaire ; ni les biens servant de dotation aux fondations faites pour subvenir à l’éducation des parents des fondateurs, qui ont été conservés par les articles 23 et 26 du décret du 42 juillet dernier, sur la constitution civile du clergé. Ces biens seront administrés comme par le passé. M. Chasset donne lecture des articles qui suivent. Après diverses observations et l’adoption de plusieurs amendements, ils sont décrétés eu ces termes : Art. 4. Sont et demeurent exceptés de la vente, les domaines qui auront été réservés au roi par un décret de l’Assemblée nationale. Les assemblées administratives et les municipalités ne pourront, à cet égard, exereer aucun acte d’administration. Art. 5. Sont et demeurent également, quant à présent, exceptés de la vente, les bois et les forêts, dont la conservation a été arrêtée par le décret du 6 août dernier. Art. 6. Au moyen des dispositions de l’article 3 du titre II, du décret sur les ordres religieux, qui ordonne qu’il sera tenu compte aux religieuses vouées par leur institut, et actuellementemployées à l’enseignement public et au soulagement des pauvres, de la totalité de leurs revenus, jusqu’à ce qu’il en soit autrement ordonné, les biens par elle possédés, seront administrés, à compter du 1er janvier 1791, par les administrations de département et district; et, dès cette époque, il leur sera tenu compte en argent de leur revenu. Art. 7. Les biens des religieuses vouées à l’enseignement public pourront même être vendus dès à présent : quant à ceux des religieuses destinées au soulagement des pauvres, ils sont compris dans l’ajournement ci-devant prononcé. Art. 8. Sont aussi compris dans ledit ajournement les biens possédés par les religieux voués au soulagement des pauvres, ainsi que ceux des congrégations séculières ; néanmoins, au moyen des pensions accordées auxdits religieux, ils cesseront de les administrer au 1er janvier 1791 ; à cette époque les administrations de département et de districten prendront l'administration, et dès lors, lesdites pensions commenceront à courir. Art. 9. Seront réservés aux établissements mentionnés dans les précédents articles, les bâtiments, jardins et enclos qui sont à leur usage, sans que les religieux qui vivront en commun puissent rien prétendre au delà de ce qui leur a été personnellement réservé par les précédents décrets sur les ordres religieux. Art. 10. Les biens des séminaires diocésains seront vendus dès à présent ; et en cas qu’ils ne le soient pas au 1er janvier 1791, à compter dudit jour, l’administration en sera confiée aux administrations de département et de district, et dès lors commenceront à avoir lieu les traitements en argent des vicaires supérieurs et des vicaires directeurs des petits séminaires, sur le pied qui sera incessamment fixé. Art. 11. Les ecclésiastiques, les religieux et les religieuses mentionnés dans les articles 6, 7, 8 et