716 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 août 1790.} mination, que, si vous donniez une addition de dénonciation, je n’aurais besoin, pour avoir la permission de faire informer, que de présenter une nouvelle plainte à la compagnie, sans qu'il y eût lieu à rapporter l’information; qu’au contraire, si vous ne donniez pas de supplément de dénonciation, il serait peut-être indispensable de faire le rapport de l’informaiion, pour faire entendre à la compagnie la nécessité d’une addition de plainte, dans le cas où je croirais devoir me porter à la rendre; et nous avons ajouté que nous estimions qu’il n’était pas encore temps de faire ce rapport, l’information n’étant pas alors assez avancée (1). Vous voyez, Messieurs, combien est différente l'inb rprétâtion que vous avez donnée à une partie do ce que nous avons dit; nous avons sans doute été assez malheureux pour ne pas nous exprimer clairement. La lettre que vous m’avez fait l'honneur de m’écrire contient encore une autre inculpation qui est personnelle à M. Talon, c’est d’avoir dit qu’au moyen d’une addition de plainte que j’avais rendue, sans assembler les services, la nouvelle dénonciation qui vous avait été demandée devenait inutile. Nous n’avons plus le bonheur d’avoir M. Talon parmi nous; mais je lui ai communiqué votre lettre, et il nie formellement avoir jamais tenu un pareil propos. Je crois même être assuré qu’il doit vous écrire pour le désavouer absolument. Et vous me permettrez, M ssieurs, d’avoir l’honneur de vous observer combien peu il serait possible que M. Talon eût dit que j’avais rendu une addit on de plainte, sans assembler les services, tandis qu’il n’existe, au procès, qu’une seule et unique plainte, qui est celle qui a été lue à tous les témoins, et qui a été rendue au moment même de la dénonciation qui m’a été faite par M. le procureur-syndic de la commune, en v* rtu de voire arrêté (2). Cette vérité, vous ne pouvez pas l’ignorer, Messieurs, a été attestée par M. Talon, lorsqu’il s’esi présenté à l’As-emblée nationale, à la tête de la députation du Châielet. J’ai cru devoir entrer dans ce long détail pour vous rappeler, dans toute leur intégrité, des faits dont le laps de temps paraît vous avoir fait oublier des circonstances essentielles. Trouvez bon que j’insiste de nouveau auprès de vous, pour me procurer, conformément à 1 arrêté du Châtelet, les différents renseignements et les differentes pièces que vous avez entre les mains, ainsi qu’il résulte de l’instruction commencée. Je n’ai pas prétendu, comme votre lettre le donne à entendre, vous demander de prendre connaissance de toutes les pièces qui existent à votre comité, j’ai eu l’honneur de vous exposer que Messieurs du comité des recherches de l’Assemblée nationale avaient eu la complaisance de me faire donner, en présence de deux de leurs membres, la communication la plus entière , et de me laisser prendre, sous mon récépissé, les pièces que j'avais cru être utiles à V instruction. Je vous ai demandé si cette forme pouvait vous (1) Vous nous en avez donné une autre raison, qui est consignée dans la lettre précédente. (.2) M. Talon nous a dit, non pas une mais plusieurs fois, que M. le procureur du roi avait fait une addition de plainte. Nous n’entendons pas soutenir que cette seconde plainte ait existé, mais que M. Talon était dans l’erreur, et que nous y avons été par lui et avec lui. convenir, ou je vous ai prié de vouloir bien indiquer celle que vous paraîtrait préférable. Je reconnais combien vous devez apporter de circonspection dans les communications que vous êtes obligés de donner, et je suis bien éloigné de vouloir porter un œil curieux sur des affaires qui seraient étrangères à mon ministère. Mais je dois avoir l’honneur de vous observer, et je ne crains pas d’être démenti par aucune personne honnête et instruite, que, si votre devoir vous astreint à faire les recherches les plus étendues pour découvrir les délits qui troublent l’ordre public et en connaître 1ns auteurs; si la prudence exige de vous la plus grande réserve pour ne pas divulguer les secrets importants, il entre également dans l’exercice des fonctions que vous remplissez, de donner, sans aucune restriction, la plus emière communication au ministère public, de tous les renseignements, de toutes les pièces dans les affaires dont la poursuite lui est confiée. Gomment, en effet, le ministère public pourrait-il parvenir à faire punir les coupables, si on lui cache ce qui peut les faire découvrir ? Quel pourrait donc être, dans un délit, l’objet des recherches dont on croirait devoir lui dérober la connaissance? Ges recherches ne peuvent avoir d’autre but que la découverte du crime, de ses circonstances, de ses auteurs; elles sont nécessaires au ministère public. Il a droit de les connaître toutes, pour en faire usage, s'il y a lieu, dans l’instruction (1). G’est d’après ces principes incontestables que j’ai l’honneur de vous renouveler la demande consignée dans mes deux précédentes lettres. Je suis très respectueusement, Messieurs, voire très humble et très obéissant serviteur. Signé: Deflandre. Nous soussignés, chargés de l’instruction du procès poursuivi à la requête de M. le procureur du roi, contre les auteurs, fauteurs et complices des attentats commis au châieau de Versailles, après avoir pris lecture de la lettre deM. le procureur du roi à Messieurs ducomitédes recherches de la ville, certifions que les faits y reiat fs sont conrormes à la vérité, et que les articles dont M. le procureur du roi a fait lecture à Messieurs du comité, chez M. le lieutenant civil, en notre présence, et qu’il leur a proposés pour base d’une addition de dénonciation, servaient de développement à cette dénonciation et étaient relatifs aux faits du 6 octobre. Signé : Olivier et Olive . N° VII. Lettre de M. Talon, ci-devant lieutenant civil , au comité des recherches , sur le même sujet. Messieurs, M. le procureur du roi nous communique une lettre qu’il a reçue de vous et qui (1) Nous ne cachons rien, nous ne dérobons rien à M. le procureur du roi de ce qui est relatif aux délits du 6 octobre dernier. S’il a fait informer sur d’autres faits que ces délits, loiu de vouloir prendre part à cette procédure illégale (et même anti-patriotique) , si elle frappe sur quelques-uns des faits que M. le procureur du roi nous a proposé de dénoncer, nous répétons ici que cette procédure nous est absolument étrangère. Nous atlendous, au surplus, avec respect, le décret que l’Assemblee nationale doit porter surceite matière; et bientôt on sera enetnt de prononcer entre le Châtelet et nous. Remai quez que M. le procureur du roi ne nous donne point les explications que nous lui avions demandées, et qu’il ne spécifie point les pièces qu’il désire que nous lui remettions. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 août 1790.] contient un fait qui m’est personnel et dont je crois ne pouvoirmedispenser de relever l’inexactitude. Je ne vous ai jamais dit, ni chez moi, lorsque vous m’avez fait l’honneur d’y venir, ni chez vou«, lorsque j’ai été à votre comité, à l’Hôtel de Ville, que M. le procureur du roi tût rendu une plainte par addition à votre dénonciation des journées du 5 ou du 6 octobre dernier (I). J’ajouterai même que ç’aurait été de ma part une inculpation déraisonnable contre un magistrat aux lumières et à l'honnêteté de qui je n’ai cessé de rendre justice. Si une pareille plainte eût été rendue, il aurait été nécessaire qu’elle fut répondue par la compagnie entière; et elle existerait aujourd’hui. D'ailleurs, l’instruction, l’honnêteté et le patriotisme de la compagnie la rendaient autant im apable de recevoir une pareille plainte, que l’est M. le procureur du roi de l’avoir rendue. Je n’ai donc jamais tenu le propos que vous me supposez, par erreur, dans votre lettre. L’hommage que je dois, d’une part, à la vérité, et, de l’auire, aux vertus et au patriotisme de M. le procureur du roi, m’a mis dans la nécessité de rappeler ce fait à votre souvenir, et de relever, pour ce qui me concerne, l’erreur qui s’est glissée dans votre lettre. J’ai l’honneur d’être, Messieurs, votre très humble et très obéissant serviteur. Signé : Talon. Paris, ce 15 juillet 1790. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. D’ANDRÉ. Séance du mercredi 11 août 1790, au matin (2), La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. de üyspoter, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance de mardi matin 10 août. Le procès-verbal est adopté. M. le Président. Le comité des recherches demande à présenter un court rapport sur les subsistances du duché de Bouillon. Je donne la parole au rapporteur. M. l’abbé Jonbert, rapporteur du comité des recherches. Messieurs, depuis 18 mois, le duché de Bouillon est tourmenté de la plus affreuse disette. De temps immémorial, la principauté de Sédan lui fournit des subsistances ; mais vos décrets prohibitifs de l’exportation des grains ont mis des entraves à ce qu’il en obtînt. Ses moissons suffisent à peine pour le nourrir pendant six mois, tandis qu’il vous fournit pendant l’année entière de nombreux troupeaux de bœufs, veaux, moutons et porcs; des laines, des bois, des charbons, des écorces et mille autres denrées. Et votre comité des recherches, d’accord avec les députés du département des Ardennes, pense qu’il est de votre justice et de votre humanité, d’ordonner , (*) « est bien extraordinaire que M. Talon suppose, de noire part, un� dénonciation des journées du cinq et du six octobre dernier. Voyez notre discours à l’Assemblée nationale ; voyez aussi la note (1), sur la seconde lettre de M. le procureur du roi. (2) Cette séanceest incomplète au Moniteur. 717 l’oxécution du projet de décret suivant, entière" im nt conforme à celui qui a été rendu, le 21 jan* vier dernier, en faveur des habitants de la vallée d’Aran, dont la misère et les droits étaient bien au-dessous de ceux du duché de Bouillon. Je suis chargé de vous présenter un projet de décret conçu en ces termes : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des recherches, décrète que les décrets prohibitifs de l’exportation des grains ne seront point applicables au duché de Bouillon; en conséquence, autorise ses habitants àextraire en nature et à importer chez eux le* produits de leurs fermes, comme aussi à continuer de s’approvisionner, ainsi et comme par le passé, sur les marchés de la ville de Sedan, où ils se pourvoiront de tontes sortes de grains nécessaires à leurs besoins, ainsi qu'elles seront fixées pour chaque année par le directoire du département des Ardennes, s’il y échet, en temps de non exportation; et dans le cas d’insuffisance reconnue sur les marchés de ladite ville de Sedan, par la municipalité, pour subvenir à l’approvisionaement des-diis habitants. « L’Assemblée nationale autorise le directoire dudit département, sur la réquisition de la municipalité, à fixer, pour les a bats du duché de Bouillon, tels cantons de son territoire qu’il juge convenir, et encore à prescrire les formalités de l’exportation, d’après l’avis du directoire du districts de Sedan, lui donnant tout pouvoir à cet effet. Au surplus, ordonne que son Président se retirera par-devers le roi, à l’effet de supplier Sa Majesté de donner tous ordres nécessaires pour l’exécution du présent décret. » M. le Président met aux voix ce projet de décret. Il est adopté sans discussion. La parole est immédiatement donnée à un autre membre du même comité, sur l'arrestation, par la municipalité de Longwy, d'un officier porteur d'un libelle. M. Rousselet, au nom du comité des recherches. Les inqu éludesqui régnent dans ledépartementde la M use, relativement aux projets combinés des puissances voisines contre la France, redoublent en ce moment l’activité et le patriotisme des municipalités et des gardes nationales de ce département. Un détachement de la garde nationale de la municipalité de Longwy, faisant ses patrouilles ordinaires, rencontra le 5 de ce mois, sur les 6 heures du soir, M. de Mellet, capitaine au régiment des chasseurs de Flandre, suivi de M. Leblanc, chasseurau même régiment, qui voyageaient de compagnie. Sur la demande qui leur fut faite d'exhiber leurs passeports ou leurs cartouches, ils repondirent qu’ils n’en avaient pas, ce qui décida le détachement à faire la visite d’un portemanteau que l’officier avait sur son cheval. Parmi les effets qu’il renfermait, tous à sou usage, il se trouva un paquet de >3 exemplaires d’une lettre imprimée. Cette lettre supposée et dite adrt-ssée, par un des membres de cette Assemblée, dans les différentes garnisons du royaum -, compromet aussi plusieurs autres membres delà manière la plus grave «t la plus off usante. N ms observerons que ces membres ne sont désignés que par la première syllabe de leurs noms de baptême et de famille : mais cette précaution qui semble affectée pour dérober au public la con-naissancedesnoms, aggrave l’outrage, car l’auteur