078 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 octobre 1790. M. le Président fait donner lecture : 1° d’une lettré du directoire du département de la Gironde; 2° d’un arrêté de ce même directoire concernant l 'armement de Toulon. a Bordeaux, 2 octobre 1790. « Monsieur le président, nous avons l’honneur de vous adresser l’arrêté que nous avons pris relativement au service de la marine dans ce département. Nous vous prions de le mettre sous les yeux de l’Assemblée nationale. « L’armement de Toulon pouvait manquer, si nous n’avions pas tout sacrifié à cet objet important. Nous avons senti qu’il fallait apprendre aux ennemis de l’Etat que nous pouvions encore développer les plus grandes forces, elles développer avec la plus grande activité. « Sans ce secours, Monsieur le Président, les matelots commandés pour le service auraient été arrêtés dans les routes de nos départements, et auraient pu y commettre de grands désordres. Nous avons regardé comme un devoir de prévenir ce danger. « Ce sera toujours avec le plus grand zèle que nous veillerons sur tous les objets qui tiennent à l’ordre public et à la sûreté de la nation. « Nous sommes, avec un très profond respect, Monsieur le Président, vos très humbles et très obéissants serviteurs. « Les administrateurs du directoire du département delà Gironde : « Journu, président ; BüHAN, secrétaire général . » Extrait des registres du directoire du département de la Gironde. Du 11 octobre 1790. M. Prévôt, commissaire - ordonnateur , et M. Vincent, trésorier de la marine, se sont présentés au directoire. Ils ont lu, et remis sur le bureau, une pétition, tendant à ce qu’il leur soit fourni en argent monnayé une somme de soixante-cinq mille cinq cents livres, qui leur est encore nécessaire, pour fournir aux frais du départ des deux mille cinq cents matelots, commandés pour Toulon, à la charge de fournir en échange une pareille somme en assignats. Sur quoi, le directoire considérant que si, d’une part, il est indispensable de conserver une partie du numéraire versé dans les caisses des receveurs, pour pourvoir à la sûreté des subsistances de la ville; d’un autre côté, il serait contraire aux vues de l’Assemblée nationale, à la gloire de la nation et, peut-être, à la tranquillité publique de retarder la levée des matelots, ou de les forcer à partir sans leur fournir les avances fixées par les ordonnances de la marine, a arrêté, ouï M. le procureur général syndic : que les receveurs seront autorisés à fournir à M. Prévôt la somme de soixante-cinq mille cinq cents livres en espèces, et ce en échange d’assignats; et néanmoins qu’il sera écrit, par le prochain courrier, à M. de La Luzerne, ministre de la marine, pour se plaindre à lui de ce qu’il n’a pas pris les précautions convenables pour fournir à M. Prévôt les fonds nécessaires au service de la marine, et qu’il sera pareillement écrit à l’Assemblée nationale, dans l’objet de l’instruire de la conduite du ministre, à cet égard. Fait à Bordeaux, en directoire, le onze octobre mil sept cent quatre-vingt-dix. Pour copie : BüHAN, secrétaire général. M. de üoailles. Je demande l’impression de ces deux pièces, et que M. le Président écrive au directoire du département de la Gironde, pour lui témoigner la satisfaction de l’Assemblée sur les marques réitérées de patriotisme que ce département ne cesse de donner. (Cette proposition est unanimement adoptée.) (La séance est levée à trois heures et demie.) ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 17 OCTOBRE 1790. Opinion de M. l’abbé Maury sur le clergé d'Alsace (1). Messieurs, les chapitres de Strasbourg avaient, dans un mémoire à l’Assemblée nationale, prétendu que leurs possessions leur étant garanties par les traités de Westphalie et de Ryswick, ne pouvaient être comprises dans les décrets qui prononcent l’expolialion du clergé de France, et que, nonobstant ces décrets qui ne les concernaient pas, ils continueraient de se regarder comme légitimes possesseurs de leurs biens. La délibération sur ce mémoire avait été ajournée, et n’a jamais été reprise depuis. Ces chapitres, en conséquence, ont prévenu leurs fermiers, par un avis circulaire écrit en allemand, que c’était aux receveurs des chapitres qu’il fallait encore , comme par le passé, payer leurs redevances. M. Dietrich, maire de Strasbourg, luthérien de religion, zélé révolutionnaire par principe, à ces deux titres ennemi naturel du clergé catholique, a bien vite dénoncé cet avis, comme tendant à soulever les peuples, comme un signal de contre-révolution, comme un acte attentatoire à l’autorité du sénat auguste. Le zèle du comité ecclésiastique ne s’est pas endormi ; il s’est hâté de faire son rapport, et en a chargé M. Ghasset, digne successeur de M.Cha-broud. Le rapporteur a lu l’acte des chapitres avec les yeux de M. Dietrich, c’est-à-dire avec ceux de la prévention et de la haine; il y a trouvé les mêmes attentats qu’y voyait le maire de Strasbourg; et de plus il a, par la comparaison du procès-verbal de l’Assemblée avec l’avis du chapitre écrit en allemand, découvert, dans cette dernière pièce, une altération criminelle de la première, un faux caractérisé. Je ne croyais pas M. Ghasset professeur de langue allemande, c’est sans doute, sur la foi de son maître d’allemand et d’accusation, M. Dietrich, qu’il aura forgé au chapitre ce nouveau crime. Quoi qu’il en soit, il conclut qu’il faut prier le roi de faire poursuivre, arrêter et punir les auteurs de tant d’attentats. Le jour pour faire passer ce décret était bien choisi, c’était un dimanche, jour où les membres du côté droit sont ordinairement en petit nombre. Par malheur, est survenu M. l’abbé Maury, qu’on n’attendait pas; s’étant informé de l’objet qui causait la fermentation de l’Assemblée, dans le mouvement d’une juste indignation, (1) Ce discours parait tel qu’il a été improvisé et dicté sur-le-champ parM. l’abbé Maury lui-même. Voy. l’Ami du roi , rue Saint-André-des-Arts, n° 37. (Note du Journal.)