[Assemblée nationale. j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 février 1791. j olo M. l’abbé Maury. On m’objecte qu’il y en a déjà de partis. Je dis dans ce cas que le décret qu’on vous propose est bien peu raisonnable, car il ne pourra pas les faire revenir. Je demande donc l’ajournement et surtout la discussion de la loi relative à la régence, avant que nous discutions les devoirs de la famille royale. M. Duval d’Epréuiesiiil. Je demande la parole parce que mon opinion ne ressemble en principes à aucune de celles que je viens d’entendre. M. le Président donne lecture d’une lettre des députés de la commune de Moret, qui, se trouvant à Paris pour solliciter la liquidation des offices appartenant à celte communauté, instruisent l’Assemblée de l’erreur qu’a commise leur commune, en inculpant, dans son procès-verbal, les chasseurs de Lorraine, qu’elle a confondus avec ceux de Hainault; que ce sont ces derniers qui ont commis les excès exprimés dans son procès-verbal. M. le Président. J’ai également reçu des administrateurs composant le directoire de la Côte-d’Or de nouvelles pièces relatives à l’arrestation de Mesdames, tantes du roi. (L’Assemblée décrète qu’il sera fait mention au procès-verbal de la lettre des députés de la commune de Moret et en ordonne le renvoi, ainsi que des pièces du directoire de la Côte-d’Or, aux comités des rapports, militaire et des recherches réunis, pour en rendre compte à l’Assemblée.) La discussion du projet de décret sur la résidence des fonctionnaires publics est reprise. M. de Beauharnais. Un des objets les plus importants qui vous aient jamais occupés, est, sans contredit, ce qui concerne les membres de la dynastie régnante. Vous avez déjà reconnu leurs droits , mais vous n’avez encore rien dit sur leurs devoirs. Les rapports de leurs droits et de leurs obligations nécessiteront une discussion longue et approfondie. L’Assemblée, en ie-connaissant une famille royale, a recounu une famille privilégiée ; mais il fallait encore examiner comment de tels individus devaient se conduire dans des moments dangereux pour la liberté publique ; il fallait rechercher quelles obligations leur imposaient les besoins de l’Etat et 1 intérêt général; il fallait encore s’occuper de leur mariage, de leur minorité. L’Assemblée ne l’a pu jusqu’ici ; elle désire le faire; mais Je grand nombre des questions qui s’élèvent appartiennent à un travail général, à un grand ensemble. 11 m’est donc permis de vous représenter que le p ojet de décret qui vous est offert est extrêmement partiel et qu’il doit être ajourné jusqu’à ce qu’on vous présente un plan général établi sur les bases constitutionnelles. Quant à l’opinion de M. Barnave, je crois qu’elle peut s'appuyer d’un fait et d’un raisonnement très simple. 11 est de fait qu’hier vous avez décrété qu’il n’y avait pas à délibérer sur le procès-verbal d’Arnay et déclaré qu’aucune loi existante du royaume ne s’oppose au libre voyage de Mesdames. Il est de fait que l’Assemblée a été sur le point d’improuver une commune qui avait cru devoir mettre un obstacle momentané à ce voyage. La réflexion à l’appui de ce fait est que, si le résultat d’une intrigue de cour mettait l'héritier présomptif dans le cas de quitter le royaume, je ne crois pas que cela soit possible, mais il m’est permis de le supposer; eh bien ! ce serait le signal de la guerre civile, et cependant, d’après votre discussion et votre décret d’hier, aucune municipalité n’oserait l’arrêter et le peuple vous attribuerait avec quelque justice les malheurs que cet événement ferait fondre sur lui. ( Applaudissements réitérés à gauche et dans les tribunes.) D’après ces diverses considérations qui sont d’accord avec les principes de l’Assemblée nationale et avec la nécessité des mesures provisoires que doit prescrire le salut du peuple, je demande l'ajournement du projet de décret du comité, la présentation d’une loi générale sur les émigrations, au plus court délai, et j’adopte l’amendement de M. Barnave. M. Itegnaud [de Sain t-Jean-d' Angèly) . L’Assemblée me paraît généralement d’accord sur la demande d’ajournement ; d’aussi grandes questions méritent une longue méditation et une discussion étendue. Mais à la proposition de l’ajournement a succédé la demande d’une loi provisoire faite par M. Barnave, fondée sur le vœu du peuple qui s’est manifesté d’une manière évidente. ( Interruptions .) Je n’appelle pas le vœu du peuple quelques clameurs tumultueuses de quelques individus attroupés ; j’appelle le vœu de la nation, le vœu de la capitale réuni à celui des provinces. ( Applaudissements .) Or, ce vœu manifesté solennellement a déjà appris à l’Assemblée nationale que la France entière souhaitait que les princes résidassent auprès du roi. Je suis parfaitement d’accord sur ce point avec M. Barnave ; mais la proposition qu’il vous a faite ensuite est-elle la conséquence nécessaire de ce principe? C’est ce que je ne crois pas. Il vous a proposé une loi provisoire uniquement appliquuble aux membres de la dynastie régnante, qui ne me paraît pas sans danger même pour la liberlé publique, sous ce rapport qu’elle vous fait préjuger en avance que vous établirez une distinction entre tous les membres de la dynastie et les autres citoyens. Certes, il peut être dangereux que les citoyens français s’éloignent de ta patrie dan3 un moment de trouble et d’agitation ; mais s’il est, dans la dynastie, des individus qui, appelés de plus près à la succession au trône, semblent appartenir à la nation d’une manière plus particulière, il serait, selon moi, extrêmement dangereux de prétendre que tous les membres de celte dynastie forment une caste particulière, privilégiée, qui se détacherait pour ainsi dire du centre de la nation. Certes, vous avez des gê séraux dont l’éloignement, dont l’abandoD, dont l’action de tra sfuge serait infiniment plus dangereuse pour nous que celle de quelques membres de la dyuaslie. Je dis donc à M. Barrave : Ne faites pas une loi provisoire qui, n’embrassant pas tous les individus dans ses dispositions , préjugerait d’une manière fâcheuse une différence, une distinction, que la liberté politique et individuelle proscrit et défend. ( Applaudissements .) Je dis que le vœu du peuple s’est fait entendre ; vous eu s les organes de ce vœu, et vous êtes en droit de manifester le vôtre. Chargez votre Président d’aller le déposer au pied du trône. (Murmures.) .....