SÉANCE DU 3 BRUMAIKE AN III (24 OCTOBRE 1794) - N° 36 45 MONTAUT : Dartigoeyte se rendant aux eaux de Castéra-Verduzan a appris qu’il n’y avoit là que des aristocrates qui se ruinoient au jeu ; il n’a pas voulu faire société avec eux et il est resté une quinzaine de jours dans le chef-lieu du district d’où il a écrit à l’agent national pour l’inviter de remettre ces messieurs au pas. Je crois que ce n’est pas une raison suffisante pour le rappeler. GOUPILLE AU (de Fontenay) : Le comité de Sûreté générale est convaincu que Dartigoeyte qui n’est revêtu d’aucun pouvoir ne laisse pas de diriger bien des opérations et d’exercer une influence fâcheuse dans ce pays. C’est pour l’honneur de la Convention et des principes qu’il vous propose de le rappeler. [La Convention décrète que le représentant du peuple Dartigoeyte se rendra dans son sein, dans le plus court délai.] (124) [Un membre demande que la même mesure soit prise à l’égard d’Albitte. CLAUZEL répond qu’Albitte est employé par le comité de Salut public aux armées et que cet objet n’est point du ressort du comité de Sûreté générale.] (125) 36 CHAUDRON-ROUSSAU (126) : Je demande que les députés qui depuis plus de trois mois sont en mission dans les départements soient rappelés dans le sein de la Convention. PELET : Je demande que le comité de Législation présente une loi contre les députés qui, sans avoir une mission de la Convention, remplissent dans les départements des fonctions publiques. TALLIEN : L’objet dont on vous entretient mérite d’être discuté solennellement, car nous ne pouvons nous dissimuler qu’il est certains hommes qui cherchent à se perpétuer dans l’exercice du pouvoir, et, accoutumés depuis vingt mois à exercer une dictature dans les départements, ils trouvent difficile de redevenir simples représentants dans le sein de la Convention. {On applaudit.) Il est temps de rappeler l’égalité dans nos coeurs, et de prendre des mesures telles qu’ils ne puissent se soustraire à l’exécution de la loi ; mais il est un objet non moins essentiel et sur lequel j’appelle également votre sollicitude ; le voici : Les lois que vous faites ici doivent être également exécutées dans toute la République ; (124) J. Mont., n° 11. (125) M. U., XLV, 57. (126) Moniteur, XXII, 344. Débats, n” 761, 479-480; J. Mont., n° 11; Rép., n° 34; Ann. R.F., n° 33; Ann. Patr., n° 662 ; C. Eg., n° 797 ; J. Perlet, n° 761 ; J. Fr., n° 759 ; Mess. Soir, n° 797 ; M. U., XLV, 57 ; Gazette Fr., n° 1026 ; J. Univ., n° 1793; F. de la Républ., n° 34; J. Paris, n° 34. cependant telle est la dictature partielle qu’exercent quelques hommes, que l’exécution en est suspendue dans différents départements, pour substituer des arrêtés contraires [murmures] (127). Je le sais; les représentants du peuple envoyés dans les départements y ont rendu d’importants services [On applaudit] (128); mais quelques uns n’ont-ils pas entravé la marche du gouvernement? L’ancien comité de Salut public, instruit des faits, devait vous proposer ses vues à cet égard, et Collot d’Herbois, je crois, était chargé du rapport. Je demande que les comités de Salut public, de Sûreté générale et de Législation, examinent s’il ne serait pas prudent de réserver l’envoi de commissaires dans l’intérieur pour les grandes circonstances. Je ne parle pas de ceux en mission auprès des armées, l’expérience a prouvé combien ils ont été utiles. [Mais dans les dépar-temens où ils se succèdent avec des principes et une législation souvent différens, de manière que les citoyens ne savent sur quoi compter, je pense qu’il est possible, nécessaire même, de les restreindre, comme je l’ai dit aux grandes circonstances.] (129) {On applaudit.) Citoyens, tous les Français sont égaux à vos yeux; il faut que la législation soit égale pour tous ; d’ailleurs ne devez-vous pas craindre d’atténuer l’effet révolutionnaire des missions dans les départements en les multipliant? J’appelle encore sur ce point l’attention de la Convention nationale. La représentation doit être une et non disséminée. C’est à la volonté générale que les citoyens doivent obéir, et non à des volontés particulières. Le peuple est las du joug sous lequel des individus l’ont fait ployer. Ici, citoyens, je vous répéterai ce que je vous disais dans la précédente séance : en révolution, il ne faut jamais regarder derrière soi, mais devant soi. Que l’exemple du passé nous serve pour l’avenir; faisons ici des lois sages, que les vengeances particulières cessent. Faisons aimer les vertus et la justice, et que les Français jouissent enfin du fruit de leurs sacrifices. [On applaudit] (130). Je demande que la Convention nationale décrète que les comités de Salut public, de Sûreté générale et de Législation, lui présenteront incessamment un projet de loi : 1° sur la peine à infliger à ceux des représentants du peuple qui, après le terme de leurs missions expiré, exerceront encore des actes d’autorité; 2° sur les moyens de donner de l’uniformité aux opérations des représentants du peuple envoyés dans les départements et de réprimer les abus qui peuvent résulter de l’exercice des pouvoirs illimités qui leur sont conférés. 3° de déterminer les circonstances dans lesquelles il conviendra désormais d’employer ce grand moyen de salut public. [Applaudi] (131) [BASSAL : J’appuye cette motion et je me fonde sur les mêmes principes. Je demande que (127) Débats, n° 761, 479. (128) Débats, n° 761, 479. (129) Débats, n° 761, 480. (130) Débats, n° 761, 480. (131) Débats, n° 761, 480. 46 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE les représentans du peuple qui sont depuis plus d’un an en mission et qui n’ont pas été 3 mois dans la Convention nationale soient rappelés sur le champ.] (132) La Convention charge ses comités d’examiner les propositions de Tallien. La Convention nationale [suivant le rapport de TALLIEN] décrète que ses comités de Salut public, de Sûreté générale et de Législation, lui présenteront incessamment un projet de loi : 1°. Sur la peine à infliger à ceux des représentans du peuple qui, après le terme de leur mission expiré, exerceront encore des actes d’autorité. 2°. Sur les moyens de donner de l’uniformité aux opérations des représentans du peuple envoyés dans les départemens et de réprimer les abus qui peuvent résulter de l’exercice des pouvoirs illimités qui leur sont conférés. 3°. De déterminer les circonstances dans lesquelles il conviendra désormais d’employer ce grand moyen de salut public (133). 37 La Convention nationale décrète que le représentant du peuple Dherbez-Latour se rendra de suite dans son sein (134). 38 La Convention nationale accorde un congé de deux décades et demie au représentant du peuple Castaing (135). [Castaing, représentant du peuple au citoyen président de la Convention nationale, Paris le 3 brumaire an III] (136) (132) J. Perlet, n° 761. Ann. R.F., n° 33 ; Ann. Patr., n° 662 ; C. Eg., n° 797 ; J. Fr., n° 759 ; M. U., XLV, 57 ; J. Paris, n° 34 ; Rép., n° 34. (133) P.-V., XL VIII, 39. C 322, pl. 1363, p. 52, minute de la main de Tallien, rapporteur selon C* II 21, p. 16. (134) P.-V., XL VIII, 39. C 322, pl. 1363, p. 51, minute de la main de Clauzel, rapporteur selon C* II 21, p. 16. M.U., XLV, 56. J. Fr., n° 759 ; F. de la Républ., n° 34 ; Gazette Fr., n° 1026, toutes ces gazettes relient ce décret à la discussion qui a eu lieu pour décider du retour de Dartigoeyte. Voir ci-dessus Arch. Parlement., séance du 3 brumaire, n° 35. (135) P.-V., XLVIII, 39. C 322, pl. 1363, p. 53, minute de la main de Crassous, rapporteur selon C* II 21, p. 16. (136) C 323, pl. 1381, p. 20. Citoyen collègue Je te prie de demander pour moi à la Convention nationale, un congé de deux décades et demie pour aller respirer l’air de la campagne nécessaire à ma santé, je vous inclus le certificat de mon médecin. Salut et fraternité, Castaing. [Certificat de Dumont, officier de santé, en faveur du représentant Castaing, Paris le 29 vendémiaire an III] (137) Je soussigné, officier de santé, certifie que le citoyen Castaing, rue et maison du Carousel, n° 538, section des Tuilleries est indisposé, qu’il se plaint de douleur d’estomac, de deffaut d’ap-petit qui luy fait craindre d’avoir des fièvres intermittentes auquel il m’a dit qu’il étoit sujet, principalement dans l’automne; cette espèce d’affection me paroit exigér l’air de la campagne pour en prévenir les suittes ; en foy de quoi je signe le présent certificat, à Paris, ce 29 vendémiaire an 3ème de la République française une et indivisible. Dumont, rue Martin n° 63, section des Lombards. Vu au comité civil de la section des Lombards et attestons la signature Dumont véritable ce 25 vendémière l’an 3ème de la Republique française une et indivisible. Jauvac. La séance est levée à trois heures et demie (138). Signé, PRIEUR (de la Marne), président; ESCHASSERIAUX jeune, BOISSY [d’ANGLAS], Pierre GUYOMAR, GUIMBERTEAU, GOUJON, secrétaires. En vertu de la loi du 7 floréal, l’an troisième de la République française une et indivisible. Signé, GUILLEMARDET, J.-J. SERRES, BALMAIN, CAA BLAD, secrétaires (139). (137) C 323, pl. 1381, p. 21. (138) P.-V., XLVIII, 39. J. Fr., n° 759; C. Eg., n° 797, indique trois heures moins un quart; J. Perlet, n° 761 et M.U., XLV, 57, trois heures ; le Moniteur, XXII, 349, quatre heures. (139) P.-V., XLVIII, 39.