124 pouvoir exécutif est confié aux mains du Roi; l’on doit aussi déclarer la même chose relativement à l’Assemblée nationale sur le pouvoir législatif. Je proposerais donc de déclarer que le pouvoir législatif réside essentiellement dans la nation. Cette proposition est saisie avec avidité, et l’on demande d’aller aux voix sur-le-champ. M. Bouche renonce à sa motion, et adopte celle de M. de Mirabeau. On sentait dans le clergé une résistance sourde et secrète; aucun de ses membres n’élevait la voix, mais les choses changent tout à coup. Un membre de la noblesse offre de tout concilier, et même de corriger l’article 3 , en adoptant la rédaction suivante : « Tout pouvoir émane de la nation. Le pouvoir législatif réside essentiellement dans l’Assemblée nationale. Le pouvoir exécutif réside dans les mains du Roi, et nul acte ne pourra avoir le caractère de loi, s’il n’est consenti par les représentants de la nation et sanctionné par le Roi. » M. Péllon de Villeneuve, après avoir rapproché les principes avoués, après avoir prouvé qu’il en découle deux autorités, l’une législative, l’autre exécutrice, propose de mettre aux voix la rédaction de la motion du préopinant. M. de La Luzerne, évêque de Langres , rap-Ïielle la question préalable, et s’appuie sur ce di-emme : Ou vous répéterez une vérité, et cela est inutile; ou vous expliquerez un principe d’une manière plus obscure que cela n’est fait dans la déclaration des droits, alors vous laisserez des doutes sur les principes. Je conclus donc qu’il n'y a pas lieu à délibérer. M. Fréteau combat avec avantage le dilemme de M. l’évêque de Langres. Depuis sept siècles, ajoute-t-il, que nous souffrons sous le despotisme des princes, des ministres, l’on ne saurait trop répéter la rédaction de M. Pétion de Villeneuve. M. Le Ber thon, dans l’enthousiasme qu’inspirent ces vérités éternelles, s’écrie que c’est pour lui un grand jour, et qu’il adopte de tout son cœur la profession de foi faite par M. Fréteau. L’Assemblée décrète, à l’unanimité des voix, les articles suivants : 1° Tous les pouvoirs émanent essentiellement de la nation et ne peuvent émaner que d’elle. 2° Le pouvoir législatif réside dans l’Assemblée nationale, qui l’exercera ainsi qu’il suit : 3° Aucun acte du Corps législatif ne pourra être considéré comme loi, s'il n’est fait par les représentants de la nation librement et légalement élus, et s’il n’est sanctionné par le monarque. 4° Le pouvoir exécutif suprême réside exclusivement dans les mains du Roi. L’Assemblée décide en même temps qu’entre le troisième et le quatrième article de la série qu’on vient de rapporter, on insérera les articles décrétés auparavant sur la sanction royale, sa durée et ses effets. On lit l’article 4 du premier comité de Constitution. « Le pouvoir judiciaire ne peut être exercé par le Roi. Les juges auxquels il est confié ne peuvent être dépossédés de leurs offices, pendant le [23 septembre 1789.] temps fixé par la loi, autrement que par les voies légales. » M. Deschamps fait un amendement ; il demande que l’on discute que la justice doit se rendre au nom du Roi. M. Pétion veut que l’on retranche la dernière phrase, relativement à l'exercice des offices, et qu’on le renvoie au chapitre de l’ordre judiciaire. M. Oarat et M. Pison du Baland demandent le renvoi entier de cet article. M. Duval d’Eprémesnil observe qu’il est incomplet, soit parce qu’il ne s'explique pas sur les requêtes en cassation, soit sur le droit de renvoyer dans un tribunal. M. Fréteau fait sentir la nécessité de parler d’un tribunal de révision ; il soutient qu’il est absolument nécessaire, parce que le conseil du Roi a toujours eu très-grande force par le moyen de la cassation. M. Pison du Galand, d’après ces observations, offre la rédaction suivante : La justice ne peut être rendue par le Roi, mais en son nom, et par les tribunaux établis par la loi. M. Target propose celle qui suit : Le pou voir judiciaire s’exercera au nom du Roi, mais il ne pourra être exercé, ni par le Corps législatif, ni par le Roi, ni par son conseil, si ce n’est par les tribunaux légalement établis. Cet article occasionne, comme le précédent, de grands débats. De tous les amendements proposés, les deux suivants paraissent faire le plus d’impression. Premier amendement: « Le pouvoir judiciaire ne peut être exercé ni par le Roi, ni par son Conseil, mais par les tribunaux établis par la Constitution. » Second amendement donné par M. de Clermont-Lodève : « Le pouvoir judiciaire ne pourra être, en aucun cas, exercé par le Roi ; mais la justice sera administrée en son nom par les tribunaux établis par la Constitution, et déterminés par la loi. » Il s’élève encore de nouveaux débats sur ces deux rédactions. Les uns proposent de rayer le mot Constitution ; les autres veulent déclarer, et M. Garat est de ce nombre, que le Roi doit participer à l’établissement des tribunaux. Enfin, après bien des changements, des modifications. des amendements proposés et rejetés, on décrète l’article suivant : Art. 4. Le pouvoir judiciaire ne pourra, en aucun cas, être exercé par le Roi, ni par le Corps législatif; mais la justice sera administrée, au nom du Roi, par les seuls tribunaux établis par la loi, suivant les principes de la Constitution, et selon les formes déterminées par la loi. M. le comte de Mirabeau propose de traiter demain la question de la régence. M. Mounier s’y oppose en disant que l’organisation des municipalités est beaucoup plus pressante. Il n’est rien statué sur ces motions. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES.