SÉANCE DU 23 PRAIRIAL AN II (11 JUIN 1794) - N08 57 ET 58 521 douleur aux acclamations de la victoire qui retentissent dans toute la France. Les rois ne pouvant plus combattre les héros de la liberté par l’effort de leurs armes mercenaires, ont donc achevé, de se deshonorer aux yeux de la postérité en employant les moyens les plus lâches et les plus vils. Qu’ils sachent que les attentats commis sur les mandataires du peuple français, ne feraient qu’exciter son énergie et que sa vengeance serait aussi terrible que la cause qui l’aurait provoquée serait basse et criminelle, et qu’ils ne s’imaginent pas se raffermir sur leurs trônes chancelants par la corruption et le meurtre. Les peuples qui sont encore courbés sous leurs chaines, révoltés de leur scélératesse, plus que de l’abus de leur puissance, oseront les briser et l’éternel qu’ils outragent, en publiant qu’ils tiennent leur sceptre sanglant de ses mains paternelles, lancera sa foudre sur les fléaux de l’humanité. Ce sont les vœux que forment les habitants de cette commune qui se fait gloire d’être un rocher de la Montagne qui s’ensevelirait avec elle sous les ruines, plutôt que de lui survivre, mais qui forme le doux espoir de jouir bientôt de la félicité inaltérable qu’elle prépare à la France. S. et F. ». Dulaureux, Lehure, Le Cordier, Tréfouel, [et 12 signatures illisibles]. 57 Le citoyen Palissot, homme de lettres, fait offrande à la Convention nationale des 20 premiers volumes des œuvres de Voltaire, enrichies de notes et de commentaires. Cette offrande sera suivie de deux autres de pareil nombre de volumes. Mention honorable, insertion au bulletin et renvoi au comité d’instruction publique (1). 58 Un membre [DUBARRAN], au nom des comités de salut public, de sûreté générale et des décrets, fait un rapport (2). DUBARRAN : Citoyens, la représentation nationale est fondée pour le bonheur du peuple; elle ne doit donc se composer que d’éléments dignes de lui. C’est sur cette base que repose votre décret du 23 vendémiaire. Il s’exprime en ces termes : « Les suppléants à la Convention, qui, dans les divers départements, auraient protesté, soit comme fonctionnaires publics, soit comme citoyens, contre les événements des 31 mai, 1er et 2 uin, ou qui seraient convaincus d’avoir participé aux (1) P.V., XXXIX, 215. Minute de la main de Briez (C 304, pl. 1126, p. 31); Décret n° 9477. Bin, 24 prair.; J. Mont., n° 46; J. Fr., n° 625; Mon., XX, 714; Débats, n° 629, p. 341; Mess, soir, n° 662; J. Sablier, n° 1372; J. Perlet, n° 627. (2) P.V., XXXIX, 216; C. Eg., n° 662. mesures liberticides des administrations fédéralistes, ainsi que ceux qui auraient été suspendus de leurs fonctions, comme suspects, par les représentants du peuple envoyés dans les départements, ne seront point admis dans le sein de la Convention. » Je viens, au nom de vos comités de salut public, de sûreté générale et des décrets, vous dénoncer le citoyen Dario, premier suppléant du département de la Haute-Garonne, comme se trouvant frappé par cette loi. Vous en jugerez d’après les détails que vous allez entendre. Les premières explosions du fédéralisme dans les départements méridionaux se rapprochent de l’époque où éclatèrent les trahisons de Dumou-riez et la révolte de la Vendée; ce fut dans le sein même des administrations que l’on combina les moyens d’opérer ce fatal déchirement. A Toulouse, les autorités constituées se réunissaient dès le commencement de mai pour délibérer en commun. C’est là que, sous prétexte d’exercer une surveillance active sur l’armée des Pyrénées, elles travaillèrent à jeter les bases de leur plan liberticide. Les malveillants osèrent calomnier la représentation nationale dans la personne de ses commisaires. Le patriotisme eut à gémir sous l’oppression, l’esprit public fut paralysé : bientôt cependant, et à la vue des dangers qui menaçaient la liberté, l’énergie patriotique se ranima. Le 14 mai, la Société populaire résolut de demander aux représentants du peuple alors à Toulouse la convocation de leurs collègues, députés dans les départements méridionaux, et d’un des membres de chaque Société affiliée à elle. Cette détermination offusqua vivement les autorités administratives; elles ne purent voir qu’avec regret, dans le rassemblement proposé, un moyen puissant de contre-fédéralisme, et dont le résultat serait de les démasquer elles-mêmes. Deux jours après, et dans leur propre sein, on entendit le nommé Loubet demander l’arrestation de vos commissaires. Déjà les envoyés des Sociétés arrivaient dans Toulouse, lorsque, le 23 mai, les autorités leur enjoignirent d’en sortir sur-le-champ, sous peine d’être emprisonnés. Des réclamations qui furent faites amenèrent un sursis; mais il ne dura que quelques heures, car il fut révoqué le 29, après une discussion orageuse, et où les fédéralistes, très-forts en nombre, accablèrent d’outrages les députés patriotes des Sociétés; il fut même un instant où ces derniers se virent exposés à un danger réel. Un secrétaire de l’assemblée osa dire au peuple : « Ne craignez rien, aucun n’échappera; nous les tenons tous, les mesures sont prises. » On remarqua aussi Donziech, comandant de la garde nationale. Il voulait pénétrer dans l’enceinte où était placés les députés, et il criait avec fureur : « Où sont ces coquins, ces scélérats ? que je les arrête ! ». Dans la même séance, les autorités accueillirent avec enthousiasme une Adresse qui remplissait leurs vues. Les auteurs y débutent par les déclamations d’usage contre les hommes qu’ils qualifient de factieux, d’agitateurs et de Maratistes. Us invitent les autorités à se prononcer avec énergie. « D’autres départements, leur disaient-ils, dénonceront ce que vous auriez dû dénoncer; des milliers de signatures auraient appuyé celles de nos magistrats. Imitez SÉANCE DU 23 PRAIRIAL AN II (11 JUIN 1794) - N08 57 ET 58 521 douleur aux acclamations de la victoire qui retentissent dans toute la France. Les rois ne pouvant plus combattre les héros de la liberté par l’effort de leurs armes mercenaires, ont donc achevé, de se deshonorer aux yeux de la postérité en employant les moyens les plus lâches et les plus vils. Qu’ils sachent que les attentats commis sur les mandataires du peuple français, ne feraient qu’exciter son énergie et que sa vengeance serait aussi terrible que la cause qui l’aurait provoquée serait basse et criminelle, et qu’ils ne s’imaginent pas se raffermir sur leurs trônes chancelants par la corruption et le meurtre. Les peuples qui sont encore courbés sous leurs chaines, révoltés de leur scélératesse, plus que de l’abus de leur puissance, oseront les briser et l’éternel qu’ils outragent, en publiant qu’ils tiennent leur sceptre sanglant de ses mains paternelles, lancera sa foudre sur les fléaux de l’humanité. Ce sont les vœux que forment les habitants de cette commune qui se fait gloire d’être un rocher de la Montagne qui s’ensevelirait avec elle sous les ruines, plutôt que de lui survivre, mais qui forme le doux espoir de jouir bientôt de la félicité inaltérable qu’elle prépare à la France. S. et F. ». Dulaureux, Lehure, Le Cordier, Tréfouel, [et 12 signatures illisibles]. 57 Le citoyen Palissot, homme de lettres, fait offrande à la Convention nationale des 20 premiers volumes des œuvres de Voltaire, enrichies de notes et de commentaires. Cette offrande sera suivie de deux autres de pareil nombre de volumes. Mention honorable, insertion au bulletin et renvoi au comité d’instruction publique (1). 58 Un membre [DUBARRAN], au nom des comités de salut public, de sûreté générale et des décrets, fait un rapport (2). DUBARRAN : Citoyens, la représentation nationale est fondée pour le bonheur du peuple; elle ne doit donc se composer que d’éléments dignes de lui. C’est sur cette base que repose votre décret du 23 vendémiaire. Il s’exprime en ces termes : « Les suppléants à la Convention, qui, dans les divers départements, auraient protesté, soit comme fonctionnaires publics, soit comme citoyens, contre les événements des 31 mai, 1er et 2 uin, ou qui seraient convaincus d’avoir participé aux (1) P.V., XXXIX, 215. Minute de la main de Briez (C 304, pl. 1126, p. 31); Décret n° 9477. Bin, 24 prair.; J. Mont., n° 46; J. Fr., n° 625; Mon., XX, 714; Débats, n° 629, p. 341; Mess, soir, n° 662; J. Sablier, n° 1372; J. Perlet, n° 627. (2) P.V., XXXIX, 216; C. Eg., n° 662. mesures liberticides des administrations fédéralistes, ainsi que ceux qui auraient été suspendus de leurs fonctions, comme suspects, par les représentants du peuple envoyés dans les départements, ne seront point admis dans le sein de la Convention. » Je viens, au nom de vos comités de salut public, de sûreté générale et des décrets, vous dénoncer le citoyen Dario, premier suppléant du département de la Haute-Garonne, comme se trouvant frappé par cette loi. Vous en jugerez d’après les détails que vous allez entendre. Les premières explosions du fédéralisme dans les départements méridionaux se rapprochent de l’époque où éclatèrent les trahisons de Dumou-riez et la révolte de la Vendée; ce fut dans le sein même des administrations que l’on combina les moyens d’opérer ce fatal déchirement. A Toulouse, les autorités constituées se réunissaient dès le commencement de mai pour délibérer en commun. C’est là que, sous prétexte d’exercer une surveillance active sur l’armée des Pyrénées, elles travaillèrent à jeter les bases de leur plan liberticide. Les malveillants osèrent calomnier la représentation nationale dans la personne de ses commisaires. Le patriotisme eut à gémir sous l’oppression, l’esprit public fut paralysé : bientôt cependant, et à la vue des dangers qui menaçaient la liberté, l’énergie patriotique se ranima. Le 14 mai, la Société populaire résolut de demander aux représentants du peuple alors à Toulouse la convocation de leurs collègues, députés dans les départements méridionaux, et d’un des membres de chaque Société affiliée à elle. Cette détermination offusqua vivement les autorités administratives; elles ne purent voir qu’avec regret, dans le rassemblement proposé, un moyen puissant de contre-fédéralisme, et dont le résultat serait de les démasquer elles-mêmes. Deux jours après, et dans leur propre sein, on entendit le nommé Loubet demander l’arrestation de vos commissaires. Déjà les envoyés des Sociétés arrivaient dans Toulouse, lorsque, le 23 mai, les autorités leur enjoignirent d’en sortir sur-le-champ, sous peine d’être emprisonnés. Des réclamations qui furent faites amenèrent un sursis; mais il ne dura que quelques heures, car il fut révoqué le 29, après une discussion orageuse, et où les fédéralistes, très-forts en nombre, accablèrent d’outrages les députés patriotes des Sociétés; il fut même un instant où ces derniers se virent exposés à un danger réel. Un secrétaire de l’assemblée osa dire au peuple : « Ne craignez rien, aucun n’échappera; nous les tenons tous, les mesures sont prises. » On remarqua aussi Donziech, comandant de la garde nationale. Il voulait pénétrer dans l’enceinte où était placés les députés, et il criait avec fureur : « Où sont ces coquins, ces scélérats ? que je les arrête ! ». Dans la même séance, les autorités accueillirent avec enthousiasme une Adresse qui remplissait leurs vues. Les auteurs y débutent par les déclamations d’usage contre les hommes qu’ils qualifient de factieux, d’agitateurs et de Maratistes. Us invitent les autorités à se prononcer avec énergie. « D’autres départements, leur disaient-ils, dénonceront ce que vous auriez dû dénoncer; des milliers de signatures auraient appuyé celles de nos magistrats. Imitez 522 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE les braves Marseillais, nos frères de Bordeaux, et les liens de la fraternité républicaine seront indissolubles dans les départements du Midi... » Les signataires de cette infâme Adresse se résument à demander que les sections soient convoquées. Ce coup de tocsin fut entendu : les arrestations des patriotes se multiplient, les individus suspects sont élargis. Le 2 juin on organise une commission sous le titre imposant de comité populaire de salut public. Elle est chargée de présenter des mesures de surveillance et d’observer l’esprit des départements. Cette commission ne tarda pas à déceler ses vues perfides. Elle imputa aux patriotes d’établir en système la désorganisation. Les représentants du peuple, délégués dans les départements, n’étaient à ses yeux que des dictateurs et des proconsuls. On alarmait le peuple sur sa sûreté individuelle et ses propriétés; et comme si, en propageant ces défiances, il eût été dans les vues de cette commission d’isoler tous les cœurs de la Convention nationale pour les rattacher à elle seule, on la vit se promettre orgueilleusement de garantir ses concitoyens de tout malheur, en poursuivant jusque dans leur dernier asile tous les amis de l’anarchie. C’est ainsi qu’elle appelait les patriotes... Ce tas d’horreurs est consigné dans une Adresse du 6 juin, envoyée avec profusion à toutes les communes de la Haute-Garonne et aux 85 départements. Il convient d’observer que cette Adresse si véhémente contre les prétendus anarchistes et hommes de sang s’est bien gardée d’exprimer la plus légère plainte, pas même un soupçon, sur les aristocrates et les contre-révolutionnaises. D’après de pareilles dispositions, le fédéralisme n’hésita plus à se mettre en évidence. Le 14 juin la municipalité de Toulouse convoqua les sections. Le préambule de son arrêté est la diatribe la plus virulente contre l’insurrection du 31 mai; elle y conjure les citoyens de se porter en foule aux assemblées. Sa prévoyance s’étend jusqu’à rassurer les aristocrates qui précédemment n’osaient s’y produire; elle les prévient que toute épuration de votants sera interdite. « Laisseriez-vous, leur dit-elle, voudriez-vous laisser aux brigands le soin d’exprimer le vœu national et d’exercer la souveraineté ? » Elle leur annonce enfin qu’ils auront à délibérer sur une déclaration des autorités constituées : c’était un manifeste de guerre civile. Les représentants Baudot et Chaudron-Rousseau distinguèrent un premier moyen de déjouer ces manœuvres; ils firent une réquisition au département, pour qu’il eût à s’opposer à toute agrégation d’autorités qui aurait pour but de délibérer ensemble. L’administration éluda ces ordres; elle fut secondée par les contre-révolutionnaires. Une voix s’éleva pour demander l’arrestation des représentants; quelques autres prétendaient les contraindre à rétracter leurs réquisitions. Pleins du sentiment de leurs devoirs, nos collègues se montrèrent fermes, impassibles. L’audace des conspirateurs fut abattue, et la dignité nationale respectée. A cette circonstance, succéda le rapport de Barras sur les évènements du 2 juin, de ce même Barras qui naguère a expié ses forfaits sous le glaive de la loi. Le fédéralisme personifié eût parlé comme Barras : des calomnies atroces contre le peuple, contre la représentation nationale, contre les sociétés populaires, contre des patriotes énergiques, s’exhalèrent abondamment de cette bouche impure. Voici sa conclusion : «Songez que l’Europe a les yeux fixés sur vous; que de votre conduite doit résulter la solution de ce grand problème : Les Français sont-ils dignes de la liberté ? Songez que l’affreuse peste de la désorganisation cherche partout à accroître ses effrayants progrès. Déjà ses convulsions ont éclaté dans plusieurs villes de la République, et la masse des bons esprits y a heureusement étouffé ses ravages malfaisants. Lyon, Bordeaux, Marseille viennent de vous offrir de grands exemples. Osez les suivre avec courage, ou la République française, et avec elle votre bonheur et votre fierté n’auront fait que passer sur le globe. » Les sections s’assemblent le 16 mai; elles se trouvent dominées par les meneurs de la faction fédéraliste, ceux-ci se réunissent aux aristocrates, et bientôt ils parviennent à tromper le peuple. C’est en se couvrant de son nom qu’ils font publier le manifeste qu’ils avaient eux-mêmes fabriqué; on y demande impérativement à la Convention l’annulation du décret du 2 juin qui met en arrestation Brissot et ses complices. Ce n’est pas tout, on réclame la révision des décrets rendus depuis le 31 mai, la punition des auteurs de cette journée et de celles des 1er et 2 juin, ainsi que la formation d’un tribunal à 30 lieues de Paris pour les juger; enfin, et pour mettre le comble à tant d’excès, l’on ose reproduire la menace impie du traître Isnard. Il se préparait un mouvement terrible; la société populaire qui, comme on l’a vu, parvint dans le mois de mai à briser les premiers germes de fédéralisme administratif, voulut tenter un nouvel effort pour garantir l’unité de la République; c’est à elle, il faut le dire, c’est à son amour ardent pour la liberté, que les contrées méridionales sont redevables d’avoir conjuré l’orage qui les menaçait. Forte de l’énergie de quelques patriotes, elle a su neutraliser, par son courage et sa sagesse, l’influence perfide des conspirateurs. Le 17 juin, elle propose aux corps constitués une réunion fraternelle; ils l’aceptent. Le lendemain cette démarche se réalise; on se promet mutuellement de ne reconnaître que la République une et indivisible, ni d’autre centre d’autorité que la Convention nationale. Ce rapprochement présageait un résultat heureux, celui de l’extinction du fédéralisme : mais combien peu elle dure, cette réconciliation ! Le même jour, 18 juin, on vit paraître un arrêté du département, qui convoquait les assemblées primaires; il déclare leur adresser les rapports de Lanjuinais et de Barras, le manifeste de Toulouse et autres écrits de la même trempe. « 28 de nos représentants, est-il dit dans une Adresse qui précède l’arrêté, ceux qui ont le plus courageusement défendu vos droits sur les bases de la morale et de la raison, viennent d’être enlevés aux grandes fonctions que la nation leur a commises... Depuis ce moment, une faction trop fameuse par ses déportements, par ses prédications anarchiques et sanguinaires, tient en ses mains tyranniques les destinées de la République. 522 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE les braves Marseillais, nos frères de Bordeaux, et les liens de la fraternité républicaine seront indissolubles dans les départements du Midi... » Les signataires de cette infâme Adresse se résument à demander que les sections soient convoquées. Ce coup de tocsin fut entendu : les arrestations des patriotes se multiplient, les individus suspects sont élargis. Le 2 juin on organise une commission sous le titre imposant de comité populaire de salut public. Elle est chargée de présenter des mesures de surveillance et d’observer l’esprit des départements. Cette commission ne tarda pas à déceler ses vues perfides. Elle imputa aux patriotes d’établir en système la désorganisation. Les représentants du peuple, délégués dans les départements, n’étaient à ses yeux que des dictateurs et des proconsuls. On alarmait le peuple sur sa sûreté individuelle et ses propriétés; et comme si, en propageant ces défiances, il eût été dans les vues de cette commission d’isoler tous les cœurs de la Convention nationale pour les rattacher à elle seule, on la vit se promettre orgueilleusement de garantir ses concitoyens de tout malheur, en poursuivant jusque dans leur dernier asile tous les amis de l’anarchie. C’est ainsi qu’elle appelait les patriotes... Ce tas d’horreurs est consigné dans une Adresse du 6 juin, envoyée avec profusion à toutes les communes de la Haute-Garonne et aux 85 départements. Il convient d’observer que cette Adresse si véhémente contre les prétendus anarchistes et hommes de sang s’est bien gardée d’exprimer la plus légère plainte, pas même un soupçon, sur les aristocrates et les contre-révolutionnaises. D’après de pareilles dispositions, le fédéralisme n’hésita plus à se mettre en évidence. Le 14 juin la municipalité de Toulouse convoqua les sections. Le préambule de son arrêté est la diatribe la plus virulente contre l’insurrection du 31 mai; elle y conjure les citoyens de se porter en foule aux assemblées. Sa prévoyance s’étend jusqu’à rassurer les aristocrates qui précédemment n’osaient s’y produire; elle les prévient que toute épuration de votants sera interdite. « Laisseriez-vous, leur dit-elle, voudriez-vous laisser aux brigands le soin d’exprimer le vœu national et d’exercer la souveraineté ? » Elle leur annonce enfin qu’ils auront à délibérer sur une déclaration des autorités constituées : c’était un manifeste de guerre civile. Les représentants Baudot et Chaudron-Rousseau distinguèrent un premier moyen de déjouer ces manœuvres; ils firent une réquisition au département, pour qu’il eût à s’opposer à toute agrégation d’autorités qui aurait pour but de délibérer ensemble. L’administration éluda ces ordres; elle fut secondée par les contre-révolutionnaires. Une voix s’éleva pour demander l’arrestation des représentants; quelques autres prétendaient les contraindre à rétracter leurs réquisitions. Pleins du sentiment de leurs devoirs, nos collègues se montrèrent fermes, impassibles. L’audace des conspirateurs fut abattue, et la dignité nationale respectée. A cette circonstance, succéda le rapport de Barras sur les évènements du 2 juin, de ce même Barras qui naguère a expié ses forfaits sous le glaive de la loi. Le fédéralisme personifié eût parlé comme Barras : des calomnies atroces contre le peuple, contre la représentation nationale, contre les sociétés populaires, contre des patriotes énergiques, s’exhalèrent abondamment de cette bouche impure. Voici sa conclusion : «Songez que l’Europe a les yeux fixés sur vous; que de votre conduite doit résulter la solution de ce grand problème : Les Français sont-ils dignes de la liberté ? Songez que l’affreuse peste de la désorganisation cherche partout à accroître ses effrayants progrès. Déjà ses convulsions ont éclaté dans plusieurs villes de la République, et la masse des bons esprits y a heureusement étouffé ses ravages malfaisants. Lyon, Bordeaux, Marseille viennent de vous offrir de grands exemples. Osez les suivre avec courage, ou la République française, et avec elle votre bonheur et votre fierté n’auront fait que passer sur le globe. » Les sections s’assemblent le 16 mai; elles se trouvent dominées par les meneurs de la faction fédéraliste, ceux-ci se réunissent aux aristocrates, et bientôt ils parviennent à tromper le peuple. C’est en se couvrant de son nom qu’ils font publier le manifeste qu’ils avaient eux-mêmes fabriqué; on y demande impérativement à la Convention l’annulation du décret du 2 juin qui met en arrestation Brissot et ses complices. Ce n’est pas tout, on réclame la révision des décrets rendus depuis le 31 mai, la punition des auteurs de cette journée et de celles des 1er et 2 juin, ainsi que la formation d’un tribunal à 30 lieues de Paris pour les juger; enfin, et pour mettre le comble à tant d’excès, l’on ose reproduire la menace impie du traître Isnard. Il se préparait un mouvement terrible; la société populaire qui, comme on l’a vu, parvint dans le mois de mai à briser les premiers germes de fédéralisme administratif, voulut tenter un nouvel effort pour garantir l’unité de la République; c’est à elle, il faut le dire, c’est à son amour ardent pour la liberté, que les contrées méridionales sont redevables d’avoir conjuré l’orage qui les menaçait. Forte de l’énergie de quelques patriotes, elle a su neutraliser, par son courage et sa sagesse, l’influence perfide des conspirateurs. Le 17 juin, elle propose aux corps constitués une réunion fraternelle; ils l’aceptent. Le lendemain cette démarche se réalise; on se promet mutuellement de ne reconnaître que la République une et indivisible, ni d’autre centre d’autorité que la Convention nationale. Ce rapprochement présageait un résultat heureux, celui de l’extinction du fédéralisme : mais combien peu elle dure, cette réconciliation ! Le même jour, 18 juin, on vit paraître un arrêté du département, qui convoquait les assemblées primaires; il déclare leur adresser les rapports de Lanjuinais et de Barras, le manifeste de Toulouse et autres écrits de la même trempe. « 28 de nos représentants, est-il dit dans une Adresse qui précède l’arrêté, ceux qui ont le plus courageusement défendu vos droits sur les bases de la morale et de la raison, viennent d’être enlevés aux grandes fonctions que la nation leur a commises... Depuis ce moment, une faction trop fameuse par ses déportements, par ses prédications anarchiques et sanguinaires, tient en ses mains tyranniques les destinées de la République. SÉANCE DU 23 PRAIRIAL AN n (11 JUIN 1794) - N° 58 523 « Déjà, le peuple de Toulouse, celui de Bordeaux, de Nantes, de Marseille, de Montpellier, d’Auch et de presque tous les départements, ont formellement émis leur vœu... Citoyens, nous ne pouvons nous montrer plus dignes de votre confiance qu’en vous pressant d’imiter ces cités célèbres par leur dévouement à la cause de la liberté. » L’arrêté invite les assemblées primaires à lire ces écrits, à émettre leur vœu sur les faits qu’ils rapportent, ainsi que sur les mesures qui y sont indiquées, et à les consigner dans les procès-verbaux de leurs séances; il leur propose enfin de nommer chacune un commissaire qui se rendrait à Toulouse, muni de pouvoirs et du procès-verbal de son assemblée, à l’effet d’assister et de délibérer au rassemblement départemental, avec les commissaires des districts, et ceux des sections de Toulouse. Le 19 juin, autre arrêté liberticide des corps constitués, et par lequel en s’enveloppant toujours des mots de république, de liberté, d’égalité, ils déclarent persister de plus fort dans les arrêtés précédemment pris sur une Adresse du département et sur le manifeste, ils ordonnent que les députés extraordinaires se rendront, sans délai, auprès de la Convention nationale, pour lui apporter ces diverses pièces. Le 24, les assemblées sectionnaires se réunissent; la commune de Saint Gaudens (aujourd’hui Mont Unité) en tint deux. Dario, alors juge au tribunal du district, assista à l’une d’elles; il en fut nommé secrétaire. On le députa ensuite à l’assemblée départementale, et il accepta encore cette seconde nomination. Nous examinerons dans un moment la conduite qu’il y a tenue. Quant à présent, il faut vous dire que la mise hors la loi encourue par Julien (de Toulouse) ayant nécessité l’appel du premier suppléant de la Haute Garonne, le comité des décrets a demandé des renseignements au département sur les opinions et la conduite politique de ce suppléant. Il Ta encore chargé de prévenir ce dernier qu’il devait incessamment se rendre à son poste. Le département avait d’abord cru qu’il lui appartenait de statuer sur les motifs d’exclusion que Ton énonçait contre Dario, premier suppléant. Il a, en conséquence, déclaré que Dario ayant concouru aux manœuvres fédéralistes de l’assemblée départementale, ne pouvait être appelé à la Convention, et il a désigné en remplacement le suppléant immédiat. Cet arrêté départemental excédait les bornes de ses pouvoirs. Vous l’improuvâtes et annulâtes par un décret du 6 ventôse. D’une autre part, le représentant du peuple Dartigoyete, chargé dans le département de la Haute Garonne, de renouveler les autorités fédéralistes, procédait le même jour, 6 ventôse, à l’épuration du tribunal du Mont-Unité. Il destitua Dario de ses fonctions de juge, et, aux termes de la loi du 17 septembre (vieux style), il le fit mettre en réclusion. Cet arrêté de Dartigoyete vous était inconnu lorsque vous décrétâtes le 14 ventôse, que Dario serait rappelé. On a réclamé contre cette décision le motif pris de ce que Dario a trempé dans le fédéralisme. Plusieurs pièces afférentes à cet objet vous sont transmises par Dartigoyete; vous les connaîtrez par analyse. Nous vous devons actuellement compte des griefs qui s’élèvent contre Dario. Vous connaîtrez ausi la justification qu’il invoque. D’abord il est établit par des garants irrécusables que Dario a concouru aux rasemblements sectionnaires, ce premier foyer du fédéralisme; Qu’il a rédigé le procès-verbal; Qu’il a quitté son poste pour se rendre, comme commissaire, à l’assemblée départementale; Que là, il a fait le rapport du procès-verbal de l’assemblée sectionnaire; Que loin d’avoir combattu les mesures liber-ticides des fédéralistes, il les a au contraire formellement approuvées; Qu’il a rejeté les conseils des patriotes qui cherchaient à l’éloigner du parti contre-révolutionnaire; Qu’il a dédaigné de se rendre à la Société de Toulouse dans cet instant de crise, où violemment persécutée elle redoublait d’efforts pour déjouer toutes les manœuvres de l’assemblée départementale ; Qu’enfin, il a voté des Adresses et à la Convention nationale et au département pour défendre la cause des fédéralistes, et calomnier une révolution qui a consolidé la liberté. Voilà, citoyens, les inculpations faites à Dario. Quand on a mérité de tels reproches, peut-on prétendre bien franchement n’avoir joué qu’un rôle passif ? Comme si d’ailleurs tout citoyen, et notamment un fonctionnaire public, un suppléant à la Convention, devenait excusable de rester indécis dans la lutte de la liberté contre la tyrannie. Au surplus, il s’en faut bien que Dario se soit montré neutre dans ces circonstances. Il a participé à tous les actes émanés des rassemblements sectionnaire et départemental; et ces actes se lient à une infinité d’autres. C’est ici le cas, citoyens, de vous présenter les rapports qui existent entre les opérations de ces assemblées et celles qui avaient eu lieu antérieurement, de la part des autorités constituées de Toulouse. Il est en effet constant que l’asemblée départementale a obtenu connaissance des mesures qui avaient été prises par les autorités; on se souvient encore qu’en convoquant les assemblées primaires, on leur transmit spécialement le manifeste de Toulouse avec, invitation d’acceder aux propositions qu’il contenait. Or, il est prouvé par une Adresse de l’assemblée départementale aux citoyens de la Haute Garonne, que dans la presque totalité des mandats donnés par les assemblées primaires, elle avait trouvé une adhésion aux divers points ramenés dans le manifeste. On lit aussi, dans le précis des séances de cette assemblée, que la même adhésion s’étendait à toutes les mesures que les autorités avaient adoptées depuis le 31 mai. C’est conséquemment à cette marche que l’assemblée départementale, tout en disant dans une Adresse à la Convention (et c’était alors le style du jour) qu’elle voulait sincèrement la République une et indivisible, ne manqua pas d’ajouter ces mots qui donnent la mesure de ses principes : « Mais quand nous rendrons hommage à la Convention, nous sommes loin de désavouer ce que nos administrateurs ont fait. Le peuple les aurait désavoués, s’ils s’étaient SÉANCE DU 23 PRAIRIAL AN n (11 JUIN 1794) - N° 58 523 « Déjà, le peuple de Toulouse, celui de Bordeaux, de Nantes, de Marseille, de Montpellier, d’Auch et de presque tous les départements, ont formellement émis leur vœu... Citoyens, nous ne pouvons nous montrer plus dignes de votre confiance qu’en vous pressant d’imiter ces cités célèbres par leur dévouement à la cause de la liberté. » L’arrêté invite les assemblées primaires à lire ces écrits, à émettre leur vœu sur les faits qu’ils rapportent, ainsi que sur les mesures qui y sont indiquées, et à les consigner dans les procès-verbaux de leurs séances; il leur propose enfin de nommer chacune un commissaire qui se rendrait à Toulouse, muni de pouvoirs et du procès-verbal de son assemblée, à l’effet d’assister et de délibérer au rassemblement départemental, avec les commissaires des districts, et ceux des sections de Toulouse. Le 19 juin, autre arrêté liberticide des corps constitués, et par lequel en s’enveloppant toujours des mots de république, de liberté, d’égalité, ils déclarent persister de plus fort dans les arrêtés précédemment pris sur une Adresse du département et sur le manifeste, ils ordonnent que les députés extraordinaires se rendront, sans délai, auprès de la Convention nationale, pour lui apporter ces diverses pièces. Le 24, les assemblées sectionnaires se réunissent; la commune de Saint Gaudens (aujourd’hui Mont Unité) en tint deux. Dario, alors juge au tribunal du district, assista à l’une d’elles; il en fut nommé secrétaire. On le députa ensuite à l’assemblée départementale, et il accepta encore cette seconde nomination. Nous examinerons dans un moment la conduite qu’il y a tenue. Quant à présent, il faut vous dire que la mise hors la loi encourue par Julien (de Toulouse) ayant nécessité l’appel du premier suppléant de la Haute Garonne, le comité des décrets a demandé des renseignements au département sur les opinions et la conduite politique de ce suppléant. Il Ta encore chargé de prévenir ce dernier qu’il devait incessamment se rendre à son poste. Le département avait d’abord cru qu’il lui appartenait de statuer sur les motifs d’exclusion que Ton énonçait contre Dario, premier suppléant. Il a, en conséquence, déclaré que Dario ayant concouru aux manœuvres fédéralistes de l’assemblée départementale, ne pouvait être appelé à la Convention, et il a désigné en remplacement le suppléant immédiat. Cet arrêté départemental excédait les bornes de ses pouvoirs. Vous l’improuvâtes et annulâtes par un décret du 6 ventôse. D’une autre part, le représentant du peuple Dartigoyete, chargé dans le département de la Haute Garonne, de renouveler les autorités fédéralistes, procédait le même jour, 6 ventôse, à l’épuration du tribunal du Mont-Unité. Il destitua Dario de ses fonctions de juge, et, aux termes de la loi du 17 septembre (vieux style), il le fit mettre en réclusion. Cet arrêté de Dartigoyete vous était inconnu lorsque vous décrétâtes le 14 ventôse, que Dario serait rappelé. On a réclamé contre cette décision le motif pris de ce que Dario a trempé dans le fédéralisme. Plusieurs pièces afférentes à cet objet vous sont transmises par Dartigoyete; vous les connaîtrez par analyse. Nous vous devons actuellement compte des griefs qui s’élèvent contre Dario. Vous connaîtrez ausi la justification qu’il invoque. D’abord il est établit par des garants irrécusables que Dario a concouru aux rasemblements sectionnaires, ce premier foyer du fédéralisme; Qu’il a rédigé le procès-verbal; Qu’il a quitté son poste pour se rendre, comme commissaire, à l’assemblée départementale; Que là, il a fait le rapport du procès-verbal de l’assemblée sectionnaire; Que loin d’avoir combattu les mesures liber-ticides des fédéralistes, il les a au contraire formellement approuvées; Qu’il a rejeté les conseils des patriotes qui cherchaient à l’éloigner du parti contre-révolutionnaire; Qu’il a dédaigné de se rendre à la Société de Toulouse dans cet instant de crise, où violemment persécutée elle redoublait d’efforts pour déjouer toutes les manœuvres de l’assemblée départementale ; Qu’enfin, il a voté des Adresses et à la Convention nationale et au département pour défendre la cause des fédéralistes, et calomnier une révolution qui a consolidé la liberté. Voilà, citoyens, les inculpations faites à Dario. Quand on a mérité de tels reproches, peut-on prétendre bien franchement n’avoir joué qu’un rôle passif ? Comme si d’ailleurs tout citoyen, et notamment un fonctionnaire public, un suppléant à la Convention, devenait excusable de rester indécis dans la lutte de la liberté contre la tyrannie. Au surplus, il s’en faut bien que Dario se soit montré neutre dans ces circonstances. Il a participé à tous les actes émanés des rassemblements sectionnaire et départemental; et ces actes se lient à une infinité d’autres. C’est ici le cas, citoyens, de vous présenter les rapports qui existent entre les opérations de ces assemblées et celles qui avaient eu lieu antérieurement, de la part des autorités constituées de Toulouse. Il est en effet constant que l’asemblée départementale a obtenu connaissance des mesures qui avaient été prises par les autorités; on se souvient encore qu’en convoquant les assemblées primaires, on leur transmit spécialement le manifeste de Toulouse avec, invitation d’acceder aux propositions qu’il contenait. Or, il est prouvé par une Adresse de l’assemblée départementale aux citoyens de la Haute Garonne, que dans la presque totalité des mandats donnés par les assemblées primaires, elle avait trouvé une adhésion aux divers points ramenés dans le manifeste. On lit aussi, dans le précis des séances de cette assemblée, que la même adhésion s’étendait à toutes les mesures que les autorités avaient adoptées depuis le 31 mai. C’est conséquemment à cette marche que l’assemblée départementale, tout en disant dans une Adresse à la Convention (et c’était alors le style du jour) qu’elle voulait sincèrement la République une et indivisible, ne manqua pas d’ajouter ces mots qui donnent la mesure de ses principes : « Mais quand nous rendrons hommage à la Convention, nous sommes loin de désavouer ce que nos administrateurs ont fait. Le peuple les aurait désavoués, s’ils s’étaient 524 ARCHIVES PARLEMENTAIRES CONVENTION NATIONALE rendus coupables de ce que leurs calomniateurs leur ont reproché. Mais ces administrateurs viennent de lui rendre compte; il a éclairé leur conduite dans tous ses détails, et il n’y a reconnu que des mesures sages et avouées par les lois. » Nous dirons actuellement à Dario : En déclarant que vous ne désavouiez pas les actes que s’étaient permis les corps constitués de Toulouse; en déclarant que la conduite des administrateurs ne présentait qu’un tableau de mesures sages et avouées par les lois, vous avez rectifié tout ce que ces corps et les meneurs des sections avaient fait pour opérer la contre-révolution; vous avez ainsi approuvé l’envoi des commissaires délégués dans les départements du Gers, de la Gironde et autres environnants, pour y exciter les soulèvements contre la Convention et contre Paris; vous avez ainsi approuvé les persécutions que depuis 3 mois les autorités ne cessaient d’exercer envers les patriotes; vous avez ainsi approuvé les arrestations arbitraires de plusieurs membres de la Société, lesquelles arrestations avaient pour but de répandre la terreur et d’affaiblir l’énergie républicaine; vous avez ainsi approuvé la mise en liberté de presque tous les aristocrates et gens suspects détenus dans les maisons d’arrêt de Toulouse; élargissement imaginé pour corroborer dans le rassemblement des sections le parti contre-révolutionnaire. Vous avez approuvé tous ces outrages faits au patriotisme, quoique vous connussiez le décret du 2 juin, qui prescrivait aux autorités constituées, dans toute l’étendue de la République, de faire saisir et mettre en état d’arrestation toutes les personnes notoirement suspectes d’aristocratie et d’incivisme, et cependant aussi vous connaisiez le décret du 14 spécialement rendu pour Toulouse. Il ne vous permettait pas de douter que les autorités constituées ne fussent de la faction fédéraliste, car il ordonna l’élargissement de divers membres des comités et sociétés populaires mis en arrestation à Toulouse, et partout ailleurs où des autorités, liguées pour établir le fédéralisme, aurait effectué de pareilles arrestations depuis le 1er mai. Vous avez approuvé les calomnies débitées contre Paris; elles sont reproduites sous un voile perfide dans des Adresses auxquelles vous avez pris part, et néanmoins vous n’ignoriez pas le décret du 13 juin qui déclara que, dans les journées des 31 mai, 1er et 2 juin, les citoyens de Paris avaient puissamment concouru à sauver la liberté et maintenir l’unité et l’indivisibilité de la République. Vous avez aussi approuvé les deux Adresses relatives à l’ex-général Lacuée, et faussement attribuées au peuple de Toulouse, car elles étaient l’ouvrage de quelques chefs. Dans la première on disait : « Lorsqu’une faction corrompue et dignement secondée par l’infâme commune de Paris, a commencé à soulever le voile affreux qui couvrait ses criminelles conspirations, vous avez frémi sans doute avec toute l’Europe, et vous avez résolu de ne pas souffrir plus longtemps que des forfaits sans nombre souillassent le règne de la liberté : cette résolution sainte, nous l’avons prise et nous saurons l’exécuter. » On y lisait aussi : « Il faut enfin nous opposer à la désorganisa-toin dont on ne cesse de frapper nos armées, nos corps constitués et la Convention. » Par la seconde Adresse, on réclamait avec force contre la destitution de Lacuée. « Il nous appartenait, y disait-on, par le lieu de sa naissance, par ses vertus, par notre estime; et il nous était devenu plus cher par la haine des dominateurs du 2 juin... Nous avons cru apercevoir des rapports funestes dans la coïncidence de cet acte arbitraire avec les scandaleux évènements dont Paris vient d’être le théâtre; car cette soudaine destitution nous a paru comme le prélude de la désorganisation de notre armée. Cet attentat serait-il réel, et aurions-nous de nouveaux crimes à venger ? » Nous dirons encore à Dario : L’assemblée départementale, de laquelle vous étiez membre, s’éleva contre le décret arbitraire du 24 juin, qui avait frappé les principaux conspirateurs de Toulouse, et approuvé la conduite et les arrêtés des représentants du peuple Baudot et Chaudron-Rousseau, elle dit alors de ce décret que : par sa seule forme matérielle, il retraçait tout ce que le régime des despotes avait de plus inquisitorial; elle dit que, si les corps constitués réunis n’avaient pas déféré à la réquisition des représentants qui prohibaient la réunion de ces divers corps, c’est qu’ils ne le pouvaient ni ne le devaient; elle dit que ces représentants n’avaient pas plus de droit que tout autre citoyen de faire cette réquisition; qu’en les supposant même revêtus de pouvoirs illimités pour le département de Haute Garonne, pouvoirs dont la plénitude réside dans la Convention nationale, mais qu’il est contre son essence de déléguer, ils n’auraient. pas reçu celui de défendre la réunion des autorités; elle dit que cette réunion faisait toute la consolation des bons citoyens alarmés sur l’état critique de la République. » Si l’assemblée n’eût pas été fédéraliste, pourquoi attaquer une mesure sage qui devait dissiper un rassemblement, le foyer le plus actif du fédéralisme ? En prenant la défense des individus atteints par le décret du 24, elle eut le courage de les dépeindre comme les hommes les plus dignes de la confiance du peuple qui les avait choisis, comme des victimes d’une intrigue que des factieux avaient ourdie. Elle dit à la Convention nationale : « Vous venez de renverser les premières colonnes de la liberté dans ce département, et c’est vous-mêmes qui avez préparé ce triomphe aux ennemis de la Révolution et de l’égalité. » Passant ensuite à la discussion des griefs que l’on imputait aux accusés, elle les trouve des plus injustes, et s’écrie douloureusement : « Ainsi donc, le crime du président du département est d’avoir présidé les assemblées des autorités constituées réunies; celui du maire, d’y avoir assisté; celui de Barras, d’avoir eu le courage de dire ce qu’il a vu; celui enfin de Ruffac, d’Arbanère, Loubet et autres, d’avoir énoncé leur opinion avec toute la liberté des vrais républicains ! » Elle termine par ces mots : Rendez à la liberté nos administrateurs, nos magistrats, nos concitoyens; ils ont bien mérité du peuple : ils ont son entière confiance, nous vous le déclarons; et c’est à un titre bien légitime, puisque ce n’est qu’après l’examen le plus rigoureux de leurs principes, de leur conduite et de leur administration, que nous avons prononcé ce 524 ARCHIVES PARLEMENTAIRES CONVENTION NATIONALE rendus coupables de ce que leurs calomniateurs leur ont reproché. Mais ces administrateurs viennent de lui rendre compte; il a éclairé leur conduite dans tous ses détails, et il n’y a reconnu que des mesures sages et avouées par les lois. » Nous dirons actuellement à Dario : En déclarant que vous ne désavouiez pas les actes que s’étaient permis les corps constitués de Toulouse; en déclarant que la conduite des administrateurs ne présentait qu’un tableau de mesures sages et avouées par les lois, vous avez rectifié tout ce que ces corps et les meneurs des sections avaient fait pour opérer la contre-révolution; vous avez ainsi approuvé l’envoi des commissaires délégués dans les départements du Gers, de la Gironde et autres environnants, pour y exciter les soulèvements contre la Convention et contre Paris; vous avez ainsi approuvé les persécutions que depuis 3 mois les autorités ne cessaient d’exercer envers les patriotes; vous avez ainsi approuvé les arrestations arbitraires de plusieurs membres de la Société, lesquelles arrestations avaient pour but de répandre la terreur et d’affaiblir l’énergie républicaine; vous avez ainsi approuvé la mise en liberté de presque tous les aristocrates et gens suspects détenus dans les maisons d’arrêt de Toulouse; élargissement imaginé pour corroborer dans le rassemblement des sections le parti contre-révolutionnaire. Vous avez approuvé tous ces outrages faits au patriotisme, quoique vous connussiez le décret du 2 juin, qui prescrivait aux autorités constituées, dans toute l’étendue de la République, de faire saisir et mettre en état d’arrestation toutes les personnes notoirement suspectes d’aristocratie et d’incivisme, et cependant aussi vous connaisiez le décret du 14 spécialement rendu pour Toulouse. Il ne vous permettait pas de douter que les autorités constituées ne fussent de la faction fédéraliste, car il ordonna l’élargissement de divers membres des comités et sociétés populaires mis en arrestation à Toulouse, et partout ailleurs où des autorités, liguées pour établir le fédéralisme, aurait effectué de pareilles arrestations depuis le 1er mai. Vous avez approuvé les calomnies débitées contre Paris; elles sont reproduites sous un voile perfide dans des Adresses auxquelles vous avez pris part, et néanmoins vous n’ignoriez pas le décret du 13 juin qui déclara que, dans les journées des 31 mai, 1er et 2 juin, les citoyens de Paris avaient puissamment concouru à sauver la liberté et maintenir l’unité et l’indivisibilité de la République. Vous avez aussi approuvé les deux Adresses relatives à l’ex-général Lacuée, et faussement attribuées au peuple de Toulouse, car elles étaient l’ouvrage de quelques chefs. Dans la première on disait : « Lorsqu’une faction corrompue et dignement secondée par l’infâme commune de Paris, a commencé à soulever le voile affreux qui couvrait ses criminelles conspirations, vous avez frémi sans doute avec toute l’Europe, et vous avez résolu de ne pas souffrir plus longtemps que des forfaits sans nombre souillassent le règne de la liberté : cette résolution sainte, nous l’avons prise et nous saurons l’exécuter. » On y lisait aussi : « Il faut enfin nous opposer à la désorganisa-toin dont on ne cesse de frapper nos armées, nos corps constitués et la Convention. » Par la seconde Adresse, on réclamait avec force contre la destitution de Lacuée. « Il nous appartenait, y disait-on, par le lieu de sa naissance, par ses vertus, par notre estime; et il nous était devenu plus cher par la haine des dominateurs du 2 juin... Nous avons cru apercevoir des rapports funestes dans la coïncidence de cet acte arbitraire avec les scandaleux évènements dont Paris vient d’être le théâtre; car cette soudaine destitution nous a paru comme le prélude de la désorganisation de notre armée. Cet attentat serait-il réel, et aurions-nous de nouveaux crimes à venger ? » Nous dirons encore à Dario : L’assemblée départementale, de laquelle vous étiez membre, s’éleva contre le décret arbitraire du 24 juin, qui avait frappé les principaux conspirateurs de Toulouse, et approuvé la conduite et les arrêtés des représentants du peuple Baudot et Chaudron-Rousseau, elle dit alors de ce décret que : par sa seule forme matérielle, il retraçait tout ce que le régime des despotes avait de plus inquisitorial; elle dit que, si les corps constitués réunis n’avaient pas déféré à la réquisition des représentants qui prohibaient la réunion de ces divers corps, c’est qu’ils ne le pouvaient ni ne le devaient; elle dit que ces représentants n’avaient pas plus de droit que tout autre citoyen de faire cette réquisition; qu’en les supposant même revêtus de pouvoirs illimités pour le département de Haute Garonne, pouvoirs dont la plénitude réside dans la Convention nationale, mais qu’il est contre son essence de déléguer, ils n’auraient. pas reçu celui de défendre la réunion des autorités; elle dit que cette réunion faisait toute la consolation des bons citoyens alarmés sur l’état critique de la République. » Si l’assemblée n’eût pas été fédéraliste, pourquoi attaquer une mesure sage qui devait dissiper un rassemblement, le foyer le plus actif du fédéralisme ? En prenant la défense des individus atteints par le décret du 24, elle eut le courage de les dépeindre comme les hommes les plus dignes de la confiance du peuple qui les avait choisis, comme des victimes d’une intrigue que des factieux avaient ourdie. Elle dit à la Convention nationale : « Vous venez de renverser les premières colonnes de la liberté dans ce département, et c’est vous-mêmes qui avez préparé ce triomphe aux ennemis de la Révolution et de l’égalité. » Passant ensuite à la discussion des griefs que l’on imputait aux accusés, elle les trouve des plus injustes, et s’écrie douloureusement : « Ainsi donc, le crime du président du département est d’avoir présidé les assemblées des autorités constituées réunies; celui du maire, d’y avoir assisté; celui de Barras, d’avoir eu le courage de dire ce qu’il a vu; celui enfin de Ruffac, d’Arbanère, Loubet et autres, d’avoir énoncé leur opinion avec toute la liberté des vrais républicains ! » Elle termine par ces mots : Rendez à la liberté nos administrateurs, nos magistrats, nos concitoyens; ils ont bien mérité du peuple : ils ont son entière confiance, nous vous le déclarons; et c’est à un titre bien légitime, puisque ce n’est qu’après l’examen le plus rigoureux de leurs principes, de leur conduite et de leur administration, que nous avons prononcé ce SÉANCE DU 23 PRAIRIAL AN II (11 JUIN 1794) - N° 58 525 jugement... Ce que vous demande le peuple de ce département ne souffre point de délai. » Dans une autre Adresse à la Convention elle disait : « Le mécontentement des départements qui nous environnent se prononce fortement. Ils prennent une attitude inquiétante : nous les inviterons, nous les engagerons de tout notre pouvoir à sacrifier leurs plaintes au salut public; nous ne sommes pas sans espérances de les voir bientôt, ainsi que nous, se rallier à la Convention nationale et adopter l’unité et l’indivisibilité de la République; mais c’est notre droit et notre devoir de mettre encore sous vos yeux les griefs qu’ils articulent, de vous en demander, en leur nom comme au nôtre, le redressement immédiat. » Et ces griefs, citoyens, se dirigeaient essentiellement contre les journées des 31 mai et 2 juin; car on demandait des peines contre les auteurs de l’insurrection. Voilà cependant des actes qui, loin de paraître à Dario des productions du fédéralisme, lui présentent tous les caractères d’une adhésion intime à la Convention. S’il faut l’en croire, l’assemblée de laquelle ils ont émané doit être rangée dans la classe des assemblées conservatrices de l’unité de la république. Elle refusa, dit-il, d’entrer dans le plan de la Gironde : c’est par sa résistance aux insinuations perfides dont elle était circonvenue qu’elle a déconcerté les vastes complots des ennemis de l’intérieur. Il vous devient facile d’apprécier de tels moyens d’après les résultats que vous connaissez. Certes, et à moins de vouloir que nul ne soit fédéraliste s’il n’a soutenu des sièges ou emporté des places, il n’exista jamais de fédéralisme mieux caractérisé que celui d’une assemblée qui a méconnu tous les principes, qui a défendu des contre-révolutionnaires, qui n’a point improuvé les actes oppressifs dirigés sur les patriotes, qui a pris des arrêtés liberticides, qui a osé s’isoler de l’unique centre de l’autorité nationale, qui a calomnié la révolution du 31 mai, et qui, pour tout dire, a tâché d’opérer une commotion violente, et dont les effets calculés devaient être de ramener la tyrannie, après nous avoir longtemps et péniblement agités par des divisions domestiques. Dario nous dit encore qu’il n’était pas présent à l’assemblée du 1er juillet, quand on y lut et adopta la rédaction des Adresses; il ajoute ne les avoir point signées. Une pièce précise, remise en nos mains, va nous mettre à portée d’apprécier cette assertion. Cette pièce est l’extrait même du procès-verbal de la séance. Il en résulte qu’avant de commencer la lecture des Adresses l’assemblée arrêta que, pour éviter la perte de temps qu’entraîneraient les signatures, on se bornerait à rapporter en tête du procès-verbal les noms des présents. Or celui de Dario s’y trouve inscrit en toutes lettres : ainsi voilà sa signature; il peut d’autant moins s’en défendre qu’il est prouvé que ces Adresses reçurent l’assentiment unanime de l’assemblée. Elle en ordonna l’impression, de même que l’envoi à la Convention nationale, à tous les départements, et aux communes de la Haute-Garonne. Nous ne supposerons pas, citoyens, que Dario veuille s’élever contre ce procès-verbal. Et en effet, si d’une part il était vrai que Dario n’eût pas assisté à la séance, si d’autre part les déterminations liberticides que l’on y prit avaient répugné à ses principes, ne se serait-il pas empressé de les désavouer ? N’aurait-il pas rendu public ce désaveu ? Eût-il souffert que son nom restât empreint sur des monuments de fédéralisme ? Et ce qui prouve à quel point il y avait concouru, c’est qu’il entreprend de les justifier. Il appelle actuellement en sa faveur quelques considérations particulières. Mais que sont-elles, ces considérations, mises en balance avec la justice et l’intérêt national ? Les fondateurs d’une république ne peuvent céder qu’à l’austérité des principes. Toute transaction avec les droits du peuple devient meurtrière pour la liberté. Eh ! à quel titre Dario pourrait-il réclamer votre intérêt ? Qu’a-t-il fait contre le fédéralisme ? ou, à mieux dire, que n’a-t-il pas fait pour lui ? Qu’il cesse donc de se parer de dix à douze attestations de Sociétés populaires de son district; il y aurait beaucoup à dire sur la substance de ces Adresses. Mais en observant qu’elle deviennent insuffisantes pour anéantir une série de faits et de circonstances, il faut que l’on sache aussi qu’il en existe en sens contraire. Les Sociétés de Toulouse, Montagne-sur-Garonne, Monrejeau et Castel-Sarrasin se sont prononcées avec énergie contre la conduite de Dario. Nous nous abstiendrons, au reste de vous entretenir de certaines récriminations qu’il a consignées dans un écrit. La récrimination fut presque toujours l’arme favorite du coupable. Quoi qu’il en soit, et en vous désignant quatre ou cinq fonctionnaires comme ayant pris part aux mouvements fédéralistes, il eût dû vous dire que, dès les premiers instants, ils s’élevèrent contre les délibérations de l’assemblée. De l’enchaînement des faits que nous venons de parcourir, il résulte que Dario est convaincu de fédéralisme; c’est ce qui a déterminé sa destitution de la place de juge. Avant de prononcer sur son compte, notre collègue Dartigoyete a épuisé tous les moyens propres à l’éclairer. Il a interrogé Dario en présence d’un peuple immense; il a consulté la voix publique. C’est donc évidemment au cas actuel que doit s’appliquer la mesure établie par la loi du 23 vendémiaire. Vous ne permettrez pas, citoyens, (votre justice nous en est garante), que les fédéralistes aient à s’applaudir d’une victoire qui consternerait les patriotes. C’est à vous de venger la liberté; souvenez-vous que le fédéralisme en avait juré la perte (1). Il [DUBARRAN] propose un projet de décret, qui a été adopté ainsi qu’il suit : « La Convention nationale, après avoir entendu ses comités de salut public, de sûreté générale et des décrets, » Déclare, par suite des principes qui sont la base de son décret du 23 Vendémiaire, que Dario, ci-devant juge du tribunal de Mont-Unité, département de Haute-Garonne, ne peut être admis dans le sein de la représentation nationale. (1) Mon., XX, 745; Audit, nat., n° 626. SÉANCE DU 23 PRAIRIAL AN II (11 JUIN 1794) - N° 58 525 jugement... Ce que vous demande le peuple de ce département ne souffre point de délai. » Dans une autre Adresse à la Convention elle disait : « Le mécontentement des départements qui nous environnent se prononce fortement. Ils prennent une attitude inquiétante : nous les inviterons, nous les engagerons de tout notre pouvoir à sacrifier leurs plaintes au salut public; nous ne sommes pas sans espérances de les voir bientôt, ainsi que nous, se rallier à la Convention nationale et adopter l’unité et l’indivisibilité de la République; mais c’est notre droit et notre devoir de mettre encore sous vos yeux les griefs qu’ils articulent, de vous en demander, en leur nom comme au nôtre, le redressement immédiat. » Et ces griefs, citoyens, se dirigeaient essentiellement contre les journées des 31 mai et 2 juin; car on demandait des peines contre les auteurs de l’insurrection. Voilà cependant des actes qui, loin de paraître à Dario des productions du fédéralisme, lui présentent tous les caractères d’une adhésion intime à la Convention. S’il faut l’en croire, l’assemblée de laquelle ils ont émané doit être rangée dans la classe des assemblées conservatrices de l’unité de la république. Elle refusa, dit-il, d’entrer dans le plan de la Gironde : c’est par sa résistance aux insinuations perfides dont elle était circonvenue qu’elle a déconcerté les vastes complots des ennemis de l’intérieur. Il vous devient facile d’apprécier de tels moyens d’après les résultats que vous connaissez. Certes, et à moins de vouloir que nul ne soit fédéraliste s’il n’a soutenu des sièges ou emporté des places, il n’exista jamais de fédéralisme mieux caractérisé que celui d’une assemblée qui a méconnu tous les principes, qui a défendu des contre-révolutionnaires, qui n’a point improuvé les actes oppressifs dirigés sur les patriotes, qui a pris des arrêtés liberticides, qui a osé s’isoler de l’unique centre de l’autorité nationale, qui a calomnié la révolution du 31 mai, et qui, pour tout dire, a tâché d’opérer une commotion violente, et dont les effets calculés devaient être de ramener la tyrannie, après nous avoir longtemps et péniblement agités par des divisions domestiques. Dario nous dit encore qu’il n’était pas présent à l’assemblée du 1er juillet, quand on y lut et adopta la rédaction des Adresses; il ajoute ne les avoir point signées. Une pièce précise, remise en nos mains, va nous mettre à portée d’apprécier cette assertion. Cette pièce est l’extrait même du procès-verbal de la séance. Il en résulte qu’avant de commencer la lecture des Adresses l’assemblée arrêta que, pour éviter la perte de temps qu’entraîneraient les signatures, on se bornerait à rapporter en tête du procès-verbal les noms des présents. Or celui de Dario s’y trouve inscrit en toutes lettres : ainsi voilà sa signature; il peut d’autant moins s’en défendre qu’il est prouvé que ces Adresses reçurent l’assentiment unanime de l’assemblée. Elle en ordonna l’impression, de même que l’envoi à la Convention nationale, à tous les départements, et aux communes de la Haute-Garonne. Nous ne supposerons pas, citoyens, que Dario veuille s’élever contre ce procès-verbal. Et en effet, si d’une part il était vrai que Dario n’eût pas assisté à la séance, si d’autre part les déterminations liberticides que l’on y prit avaient répugné à ses principes, ne se serait-il pas empressé de les désavouer ? N’aurait-il pas rendu public ce désaveu ? Eût-il souffert que son nom restât empreint sur des monuments de fédéralisme ? Et ce qui prouve à quel point il y avait concouru, c’est qu’il entreprend de les justifier. Il appelle actuellement en sa faveur quelques considérations particulières. Mais que sont-elles, ces considérations, mises en balance avec la justice et l’intérêt national ? Les fondateurs d’une république ne peuvent céder qu’à l’austérité des principes. Toute transaction avec les droits du peuple devient meurtrière pour la liberté. Eh ! à quel titre Dario pourrait-il réclamer votre intérêt ? Qu’a-t-il fait contre le fédéralisme ? ou, à mieux dire, que n’a-t-il pas fait pour lui ? Qu’il cesse donc de se parer de dix à douze attestations de Sociétés populaires de son district; il y aurait beaucoup à dire sur la substance de ces Adresses. Mais en observant qu’elle deviennent insuffisantes pour anéantir une série de faits et de circonstances, il faut que l’on sache aussi qu’il en existe en sens contraire. Les Sociétés de Toulouse, Montagne-sur-Garonne, Monrejeau et Castel-Sarrasin se sont prononcées avec énergie contre la conduite de Dario. Nous nous abstiendrons, au reste de vous entretenir de certaines récriminations qu’il a consignées dans un écrit. La récrimination fut presque toujours l’arme favorite du coupable. Quoi qu’il en soit, et en vous désignant quatre ou cinq fonctionnaires comme ayant pris part aux mouvements fédéralistes, il eût dû vous dire que, dès les premiers instants, ils s’élevèrent contre les délibérations de l’assemblée. De l’enchaînement des faits que nous venons de parcourir, il résulte que Dario est convaincu de fédéralisme; c’est ce qui a déterminé sa destitution de la place de juge. Avant de prononcer sur son compte, notre collègue Dartigoyete a épuisé tous les moyens propres à l’éclairer. Il a interrogé Dario en présence d’un peuple immense; il a consulté la voix publique. C’est donc évidemment au cas actuel que doit s’appliquer la mesure établie par la loi du 23 vendémiaire. Vous ne permettrez pas, citoyens, (votre justice nous en est garante), que les fédéralistes aient à s’applaudir d’une victoire qui consternerait les patriotes. C’est à vous de venger la liberté; souvenez-vous que le fédéralisme en avait juré la perte (1). Il [DUBARRAN] propose un projet de décret, qui a été adopté ainsi qu’il suit : « La Convention nationale, après avoir entendu ses comités de salut public, de sûreté générale et des décrets, » Déclare, par suite des principes qui sont la base de son décret du 23 Vendémiaire, que Dario, ci-devant juge du tribunal de Mont-Unité, département de Haute-Garonne, ne peut être admis dans le sein de la représentation nationale. (1) Mon., XX, 745; Audit, nat., n° 626.