49 SÉANCE DU 23 FRUCTIDOR AN II (9 SEPTEMBRE 1794) - N° 66 sang, d’hommes qui n’ont jamais eu de patrie, et qui voudroient en avoir une pour l’assassiner, dont chacun des vices n’est corrigé, et qui ont de plus le désir de la vengeance. Et tels seroient, citoyens représentans, les résultats terribles de ces mises en liberté qui se multiplient à un point effrayant pour le salut public. La religion de ceux qui les ont ordonnées a sans doute été trompée; ils auront été circonvenus : les importunités auront fait violence à leur sagesse. Votre justice, citoyens représentans, c’est la justice du peuple, celle qui ne reconnoit aucune considération, qui confond l’aristocratie et protège le patriotisme. Serions-nous suspects, nous qui, dans tous les temps, avons dit la vérité aux législateurs; leur avons découvert les pièges qu’on leur ten-doit; avons dénoncé les conspirateurs et provoqué leur supplice; nous enfin, sur qui le génie de l’infâme Robespierre n’a jamais plané ? Eh bien ! citoyens représentans, nous vous la répétons, cette vérité : si on continue à mettre en liberté les contre-révolutionnaires, la patrie est perdue; son sort est dans vos mains, sauvez-là, elle est sur le bord du précipice : un moment de sommeil encore, et les patriotes seront ensevelis sous les ruines de la liberté. Mais non, citoyens, cette Hberté ne périra pas : les sociétés populaires signaleront ses ennemis, et la Montagne les écrasera. Nous vous ferons connoître les dangers que la liberté a courus, en vous mettant sous les yeux les noms des contre-révolutionnaires du district d’Auxerre qui ont obtenu leur liberté, avec la liste de leurs crimes; mais au milieu même des dangers, nous n’avons qu’un point de ralliement, la Convention nationale : oui, elle sauvera encore une fois la République. 66 [Adresse des républicains composant la société populaire et régénérée de la commune de Ta-rascon, chef-lieu de district, département des Bouches-du-Rhône, à la Convention nationale, s. d.] (141) Citoyens Représentans, Lorque les ennemis du peuple terrassés, les sociétés populaires épurées, les autorités constituées réorganisées, les patriotes soumis aux lois, permettent au gouvernement révolutionnaire de marcher d’un pas ferme et soutenu, au milieu de ses travaux civiques, le montagnard Maignet est dénoncé dans votre sein. Représentans, l’effet qu’a produit cette dénonciation dans ces contrées ne vous est pas connu, il est de notre devoir de vous en instruire. L’aristocratie abbattue relève sa tête altière et menaçante, les détenus sans (141) M. U., XLIII, 355-357. distinction, comptant sur une prompte mise en liberté, ourdissent déjà des trames criminelles, les nombreux partisans de la faction liberti-cide qui faillit perdre la République l’année dernière, jettant le masque du patriotisme, dont ils s’étoient couverts, parlent hautement et avec audace d’amnistie générale, la chose pubbque seroit encore en danger si vous ne veillez avec soin sur elle. Si Maignet a servi les projets liberticides des conspirateurs que la massue nationale vient d’écraser, frappez, représentans, le peuple ne veut ni tyrans ni traîtres, mais que nous sommes bien loin de le croire coupable d’un pareil forfait : témoin de ses opérations, elles ont été constamment dirigées vers l’intérêt public, et tout nous a montré en lui un digne enfant de la Montagne : on l’accuse d’avoir fait incarcérer des citoyens dont tout le crime consistoit à avoir une fortune excédent quinzé mille, combien ce reproche est injuste! non, Représentans, non, de pareils ordres, dignes d’un Marius ou d’un Sylla, sont bien éloignés de son caractère connu. Les arrestations faites à Avignon ne peuvent surprendre celui qui connoît l’esprit public qui y règne, les excès en tout genre dont cette malheureuse contrée n’a cessé d’être le théâtre et la difficulté d’y asseoir d’une manière stable l’empire des loix. Les mesures de sûreté générale y sont indispensables, l’exaspération des esprits, la chaleur du climat qui échauffe les têtes les plus froides, l’image des traitemens barbares que les patriotes ont essuyés, sans cesse présens à leurs vues; la rage et le désespoir des contre-révolutionnaires, les fureurs sanguinaires des prêtres et des fanatiques, menacent sans cesse de troubler la tranquihté publique. Lorsqu’échappés aux poignards de nos assassins nous courbions nos fronts sous le joug bienfaisant de la loi, le traître Jourdan ne suivant d’autres règles que ses passions, n’ayant d’autres buts que ses vengeances personnelles, ressuscitoit au milieu de nous, ces tems malheureux de troubles et de désolation, assouvissoit sa rage sur les patriotes énergiques qui avoient le courage de résister à ses actes oppressifs, les magistrats du peuple arrachés du sein des sociétés populaires par la force publique aux ordres de Jourdan, étoient jetés dans les fers, une procédure monstrueuse étoit instruite contre eux, par les lâches satellites de cet homme qu’on ne sauroit qualifier, la terreur et l’effroi le précédoient; il ne bomoit point ses actes vexatoires au département de Vaucluse, il traverse la Durance, fond sur la commune d’Eyragues, arrache à leurs fonctions les membres du corps municipal et du comité révolutionnaire, et les traîne chargés de fers dans les cachots. L’épouvante est générale dans les communes de ce district, le républicain veut résister à l’oppression, et se prépare à repousser la force par la force; vous jugerez sans doute, Citoyens Représentans, de l’état déplorable de ces contrées, et de la situation pénible et dangereuse des patriotes, lorsque Maignet, craignant avec raison que la guerre civile, ne se rallumât dans le midi, arrêta le mal dans sa source; Jourdan 50 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE tomba sous le glaive de la loi, qu’il avoit trop long-tems méconnue, mais ses nombreux partisans ne furent que plus audacieux, et leur arrestation seule pouvoit assurer la paix et la tranquilité publique. Voilà, Représentans, la cause impérieuse des arrestations faites à Avignon; si elles furent multipliées, c’est que les coupables étoient en grand nombre. Que l’œil perçant de vos comités s’arrête un instant sur cette commune, et ils connoîtront qu’aux grands maux il faut de grands remèdes; que contenir dans les bornes que la loi a fixées, les habitans de plusieurs communes du Midi, est une opération presque surnaturelle. Prononcez sur cette dénonciation, que Mai-gnet reste au milieu de nous, et nos vœux seront comblés, vous porterez le coup mortel aux ennemis de la chose publique, atterrés par sa fermeté et son énergie, nos vies, nos fortunes sont à la patrie, il n’est aucun sacrifice que nous ne soyons décidés à lui faire, restez à votre poste et ne quittez pas le gouvernail du vaisseau de la République, que quand il sera hors du danger. Vive la République, Vive la Convention nationale, guerre étemelle aux tyrans et aux traîtres. 67 [Adresse de la société populaire d’Aubagne, département des Bouches-du-Rhône, à la Convention nationale, s. d.] (142) Citoyens Représentans, Enfin la patrie respire, les républicains sont rendus à leur sécurité, à leur dignité première, le sang de nouveaux Cromwell, de nouveaux Catilina vient d’arroser l’arbre de la liberté : il en sera et plus majestueux et plus inaccessible aux vents de l’aristocratie, du fédéralisme, de la royauté et du modérantisme. Périssent les scélérats qui oseroient encore imiter ou regretter ces monstres pétris de tous les vices et de tous les crimes. Législateurs! ceux qui prêchent morale et vertu, ne sont pas toujours ceux qui les pratiquent : ceux qui parlent toujours de liberté et d’égalité, ne sont pas ceux qui les défendent avec le plus de fermeté et de désintéressement; ceux qui parlent toujours énergie, gouvernement révolutionnaire, sont quelquefois ceux qui en improuvent le plus les principes et qui sont les plus jaloux d’en entraver l’éxé-cution. Législateurs, nous vous félicitons sur l’impassible courage, sur l’énergie que vous avez déployée contre les exécrables continuateurs de l’infâme Capet, mais pour que notre re-connoissance soit durable, ne vous désistez jamais de cette juste rigueur qui dans toutes les terres a sauvé la République, en sauvant les patriotes; tonnez, frappez du glaive de la loi, de la foudre révolutionnaire, tous les agens, tous les fauteurs de mille et une conspirations qui ont menacé et qui menacent encore la liberté du peuple, son incontestable souveraineté. Les patriotes ont toujours combattu avec vous; ils ont juré de vaincre ou de mourir avec vous; Oui, ils veulent partager avec les Montagnards le même échafaud ou le même char de triomphe; mais que ni les nobles, ni les prêtres ne puissent entraver vos utiles et glorieuses opérations; que les patriotes voient enfin leurs chaînes brisées, mais les aristocrates, les traîtres, les conspirateurs, les d’Au-mont, les Valentinois ne soient associés ni à la cause, ni aux triomphes du patriotisme; qu’une liste exacte des élargis et de leurs défenseurs, soit à la nation entière le gage authentique de l’impassibilité du comité de Sûreté générale et de la sûreté publique; que les tribunaux révolutionnaires promptement organisés, frappent tous les coupables, et que la liberté ne voie plus enfin sur cette terre qui lui est consacrée, que ses énergiques défenseurs et ses véritables amis. Vive la Montagne! vive la République. Suivent les signatures. (142) J. Mont., n° 134.