214 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (13 janvier 1791.] tisferont ; leur état, loin de diminuer par la concurrence et la liberté, doit augmenter par l’émulation et le perfectionnement des talents; pourquoi leurs créanciers doutent-ils des efforts qu’ils feront et des moyens qu'ils auront pour attirer le public à leur beau spectacle? Longtemps encore, ou pour mieux dire, toujours, les comédiens qui ont un établissement tout formé, qui ont des talents distingués, qui ont montré un zèle auquel nous nous plaisons à rendre justice, auront de grands avantages sur leurs concurrents; et si les créanciers n’ont pu raisonnablement compter que sur la fidélité et les talents de leurs débiteurs, ils n’ont rien perdu des sûretés sur lesquelles ils ont spéculé. Je n’ai plus qu'à vous parler d’une disposition de police que vous trouverez dans le projet de décret que je vous propose. Sans doute, vous avez été souvent scandalisés de ces satellites armés qui sont dans l’intérieur des salles de spectacle, et qui mettent les signes de l’esclavage et de la contrainte à côté des plaisirs paisibles des citoyens. Il faut sûrement que le bon ordre et la tranquillité régnent dans ces lieux où beaucoup d’hommes se rassemblent ; il peut être quelquefois nécessaire d’employer la force publique pour calmer des gens qui cherchent à mettre le trouble et pour faire observer les règlements ; mais, pour cela, il n’est pas nécessaire que des baïonnettes entourent les spectateurs, et que tous les yeux rencontrent les signes de la défiance de l'autorité armée. Des officiers civils dans l’intérieur de la salle et une garde extérieure qui puisse être par eux requise au besoin, voilà toutes les précautions que l’ordre public réclame, que la raison autorise et que le régime de la liberté puisse permettre. Voici le projet de décret que le comité de Constitution m’a chargé de vous présenter : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de Constitution, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Tout citoyen pourra élever un théâtre public, et y faire représenter des pièces de tous les genres, en faisant, préalablement à l’établissement de son théâtre, sa déclaration à la municipalité des lieux. Art. 2. « Les ouvrages des auteurs morts depuis cinq ans, et plus, sont une propriété publique et peuvent, nonobstant tous anciens privilèges, qui sont abolis, être représentés sur tous les théâtres indistinctement. » Art. 3. « Les ouvrages des auteurs vivants ne pourront être représentés sur aucun théâtre public, dans toute l’étendue de la France, sans le consentement formel, et par écrit, des auteurs, sous peine de confiscation du produit total des représentations au profit des auteurs. Art. 4. « La disposition de l’article 3 s’applique aux ouvrages déjà représentés, quels que soient les anciens règlements; néanmoins, les actes qui auraient été passés entre des comédiens et des auteurs vivants, ou des auteurs morts depuis moins de cinq ans, seront exécutés. Art. 5. « Les| héritiers ou les cessionnaires des auteurs seront propriétaires de leurs ouvrages, durant l’espace de cinq années, après la mort de l’auteur. Art. 6. « Les entrepreneurs, ou les membres des différents théâtres seront, à raison de leur état, sous l’inspection des municipalités; ils ne recevront des ordres que des officiers municipaux, qui ne pourront pas arrêter ni défendre la représentation d’une pièce, sauf la responsabilité des auteurs et des comédiens, et qui ne pourront rien enjoindre aux comédiens que conformément aux lois et aux règlements de police, règlements sur lesquels le comité de. Constitution dressera incessamment un projet d’instruction. Provisoirement les anciens règlements seront exécutés. Art. 7. « Il n’y aura au spectacle qu’une garde extérieure, dont les troupes de ligne ne seront point chargées, si ce n’est dans le cas où les officiers municipaux leur en feraient la réquisition formelle. Il y aura toujours un ou plusieurs officiers civils dans l’intérieur des salles, et la garde n’y pénétrera que dans le cas où la sûreté publique serait compromise, et sur la réquisition expresse de l’officier civil, lequel se conformera aux lois et aux règlements de police. Tout citoyen sera tenu d’obéir provisoirement à l’officier civil. » Un membre demande l’impression du rapport. L’Assemblée l’ordonne. M. Hladicr de Monjau. Je demande la question préalable sur le projet de décret. Quelques membres, à gauche , appuient la question préalable. M. de Mirabeau. J’ai cru devoir attendre, pour prendre la parole, que quelqu’un eût parlé contre le projet du comité. J’entends demander la question préalable ; pour peu qu’elle soit appuyée, je demande à parler. (On demande à aller aux voix.) M. l’abbé Manry. Je n’ai point demandé la parole pour discuter les articles du projet du comité; une pareille matière ne peut jamais être un objet de délibération pour les ecclésiastiques. Sans m’écarter du silence le plus absolu sur ce projet, j’ai cru cependant qu’il importait que je demandasse la parole pour déclarer que les ecclésiastiques se regardent comme incompétents dans cette matière. M. RewbelI.Je demande que l’opinant soit rappelé à l’ordre. On ne monte point à cette tribune en qualité d’ecclésiastique. M. l’abbé Maury. J’ai cru, et je m’honore de le répéter, que nous étions incompétents pour opiner en pareille matière, et que je pouvais annoncer, au nom de mes collègues membres de cette Assemblée, que nous n’y prenions aucune part, pardonnez cette opinion de scrupule dans... (On entend quelques éclats de rires mêlés d'applaudissements.) Pardonnez, dis-je, cette opinion de scrupule dans un jour où vous avez bien voulu rendre un décret contre les scrupules. La seule observation à laquelle j’ai voulu me réduire, et à laquelle tout bon citoyen doit rendre hommage,