656 [Assemblée nationale.] loterie pour vous la présenter sous des formes séduisantes. Je laisse à ceux qui ont étudié les calculs de ce projet à en développer le-autres vices. Je m’étonne que, pour le faire adopter, on vous ait présenté un amendement fait u’abord pour en imposer à l’Assemblée nationale, je veux parler de celui de M. de Mirabeau : je ne suis point la dupe de l’appât qu’il présente. (On entend quelques applaudissements.) Quoique le genre de courage qu’il faut montrer dans cette circonstance soit le plus difficile de tous, puisqu’il sert à combattre des vues d’humanité, je dirai cependant u’il faudrait avoir de soi-même et du caractère es représentants de la nation une bien haute idée pour ne pas voir en cela un intérêt personnel quelconque et j’oserai combattre l’amendement. Le salaire des représentants de la nation n’est pas une propriété individuelle, c’est une propriété nationale. La nation leur donne une indemnité, parce que l’intérêt public exige qu’ils soient indépendants. Toute motion tendant à détourner de sa destination le salaire des représentants «de la nation n’est point un secours accordé aux malheureux, c’est l’anéantissement d’un des principes protecteurs de l’Intérêt public. Faites attention que cette bienfaisance serait tout entière au préjudice du peuple. [Murmures.) Je prie l’Assemblée de faire moins attention à une expression impropre qu’à la nature de la chose. Je dis que ce sacrifice, léger pour plusieurs, serait peut-être pénible pour quelques-uns. Je demande en conséquence que le projet et l’amendement soient rejetés. (Applaudissements .) M. ISegiiaud (de Saint-Jean-d' Angély). Les différents amendements me paraissent importer peu au fond du projet; il ne faut donc pas h s confondre. Les calculs de M. Lafarge ont été vérifiés par l’Académie des sciences qui les a trouvés justes. Son plan me paraît renfermer de grands avantages. En vain voudrait-on chercher à l’écarter, en lui donnant le nom de loterie ; tous les emprunts viagers sont aussi des loteries. Les comités de mendicité et de finances lui < nt donné leur approbation. Je conclus à ce qu’il soit adopté. M. ttuzot. Si je trouvais dans le projet proposé que le pauvre pût en effet, par son économie, retirer pour ses vieux jours un moyen sur de soutenir son existence et celle de sa famille, j’y applaudirais sans doute; mais il me semble qu'il lie présente aucune chance en faveur du pauvre; au contraire, il en est une qui lui est très défavorable. En effet, que donnez-vous donc au pauvre, en lui présentant une sorte de loterie qui flatte d’abord son imagination, et qui ne rend rien de ce qu’elle promet, absolument rien pendant dix années; il faut que le malheureux prenne sur sou nécessaire une somme annuelle de 9 livres pour nourrir ses actions; car si, dans le cours des dix années, il arrive une seule où il ne puisse pas l’entretenir, tout ce qu’il a mis jusqu’alors est absolument perdu. C’est une compagnie qui voudrait s’approprier la sueur du malheureux. On objecte que le projet ne présente aucun objet d’intérêt pour la compagnie elle-même; ce fait n’est pas vrai; car je vois à l’article 2 du projet que le directeur est autorisé à percevoir 8 deniers pour livre en sus du prix intégral de Faction. Mais il suffit que l’Etat veuille spéculer sur la misère des hommes les plus malheureux de la société, pour que l’As-[3 mars 1791.] semblée nationale rejette à l’instant un projet si désastreux. (Applaudissements .) Un membre demande la question préalable sur le projet de décret. M. Buzot. Je ne puis cependant m’empê cher de dire un mot sur l’amendement de M. de Mirabeau. Sans doute que, flatté par les idées que présente ce même projet, il a cru que les représentants de la nation se feraient un plaisir, un honneur, une gloire de concourir avec le peuple pour sa pronre subsistance et son bonheur, et en cela il ne s’est pas trompé; mais il me semble que de celte idée il en naît une autre. J’entends toujours parler dans cette Assemblée de moins populariser le peuple: Eh ! qui sommes-nous donc, Messieurs? Ne sommes-nous pas nous-mêmes le peuple! Je voudrais mettre à l’écart toutes c.es idées qui tendent à isoler les représentants du peuple du peuple lui-même. Quand un homme fait ici son devoir, il ne fait pas seulement un acte de popularité, il fait un acte personnel. Car, indépendamment de la représentation que nous avons ici, nous sommes nous-mêmes nos représentants, et nous sommes peuple aussi. ( Aoplaudissements .) Quant à ce moyen usé dont s’est servi M. Foucault, je n’y réponds qu’en disant : Nous ne sommes pas ici encore une fois pour nous, mais pour tous les autres. Si une assemblée légi-lative osait un jour se priver de quelque salaire, i lie exposerait sensiblement la liberté publique II est intéressant que les hommes qui travaillent pour le peuple soient payés par lui; car ils seraient bien tôt payés par d’autres. Je conclus avec M. Robespierre à la rc-jection du projet et des amendements. Plusieurs membres demandent à aller aux voix. (L’Assemblée décide que la discussion est fermée.) M. le Président. Je mets aux voix la question préalable. (L’Assemblée, consultée, adopte la question préalable et repousse le projet de décret du comité et les amendements.) M. Baband-Saint-Etienne , au nom du comité de Constitution, fait un rapport sur les contestations auxquelles a donné lieu l’élection de la municipalité de Mauriac et propose le projet de décret suivant ; « L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait sur le différend survenu dans la ville de Mauriac au sujet de l’élection de la municipalité; ouï l’avis du directoire du département du Cantal, sans avoir égard audit avis, déciète qu’il sera procédé incessamment, sons l’inspection de deux commissaires de l’administration dudit département, à l’élection d’une nouvelle municipalité dans ladite ville de Mauriac ; et néanmoins improuve l’assemblée des citoyens, formée le 18 avril en la chapelle des pénitents de Mauriac, comme illégale et inconstitutionnelle; enjoint auxdits citoyens de se conformer, à 1 avenir, à l’ordre établi, et invite les citoyens dudit Mauriac à l’union et à la concorde. » (Ce décret est adopté.) M. le Président lève la séance à neuf heures et demie. ARCHIVES PARLEMENTAIRES.