[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 mars 1790.] 241 gers, et que, dans les campagnes, on leur laisse en outre les endos, quand ils n’excéderont pas six arpents. M. l’abbé DSUon propose d’ajouter, après les mots « six arpents », ceux-ci, « mesure de Paris ». Ges deux amendements, mis aux voix, sont adoptés. L’article, ainsi amendé, est décrété comme il suit: « Les religieux qui préféreront se retirer dans les maisons qui leur seront indiquées jouiront, dans les villes, des bâtiments à leur usage et des jardins potagers; dans les campagnes, ils auront en outre l’enclos y attenant, lorsqu’il n’excédera pas six arpents, mesure de Paris; le tout sous la charge des réparations locatives et des frais de culte divin, excepté pour les églises paroissiales. « Il sera en outre assigné auxdites maisons un traitement annuel, en raison du nombre de religieux qui y résideront: le traitement ne sera pas le même pour les religieux mendiants et pour les religieux non mendiants; il sera proportionné à l’âge des religieux, et en tout conformément au traitement décrété pour les religieux qui sortiront de leurs maisons. « L’Assemblée nationale se réserve de déterminer l’époque et la manière dont les traitements alors seront acquittés. La quête sera interdite à tous les religieux. » M. ©uval d’Eprénicsnil propose d’envoyer au roi et à la reine une députation pour complimenter Leurs Majestés sur la mort de l’empereur et leur témoigner la sensibilité de l’Assemblée nationale sur cet événement. Cette motion est adoptée à l’unanimité. M. le Président est chargé de se retirer dans la journée, par devers le roi, pour demander quel jour et à quel moment Sa Majesté pourra recevoir cette députation. La séance est levée à trois heures du soir. ANNEXE A la séance de V Assemblée nationale du 19 mars 1790. Opinion de M. Mayct, curé de Rochetaillée, député de Lyon , sur l'emploi des biens ecclésiastiques (1). Messieurs, l’Assemblée nationale, depuis qu’elle est en activité , s’est imposé la tâche glorieuse, mais pénible, d’atteindre pour les réformer les abus de tout genre, qui, par le laps des années, l’impéritie ou l’infidélité des agents de l’administration avaient jeté de profondes racines dans toutes les parties politiques de ce vaste empire, et semblaient encore, il n’y a guère, vouloir s’y éterniser pour en consommer la ruine. Au milieu des travaux difficiles auxquels vous vous êtes livrés jusqu’à ce jour, avec un zèle si persévérant, vous n’aviez pu, Messieurs, porter sur le clergé de ce royaume, et sur les besoins de ses membres, qu’un coup d’œil général, qui, (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. lre SÉRIE, T. XII. embrassant dans leur ensemble toutes les parties de l’administration temporelle de l’Eglise, ne nous avait pas permis, faute de temps ou d’instruction suffisante, d’entamer sur ce point aucune opération de détail, bientôt cet objet important sera soumis à votre sagesse, et c’est un devoir pour moi d’y rappeler pour un instant votre attention. La majesté du culte catholique d’autant plus cher à la nation française, que son établissement dans les Gaules, remonte à des temps bien antérieurs à la fondation de cette monarchie, l’entretien des temples, la décoration des autels, le soulagement des pauvres, la subsistance des ministres de l’Eglise , tels sont , Messieurs, les grands objets sur lesquels vous aurez successivement à prononcer. Sans doute, l’examen le plus approfondi, les vues les plus judicieuses, par conséquent les mieux appropriées au bien général, présideront au décret qui va régler de si grands intérêts et j’aurais à me reprocher si je pensais qu’il fût nécessaire aujourd’hui de faire entendre en leur faveur la voix de la religion, d’invoquer dans cette cause les sentiments de votre justice et de votre humanité. L’ancienne administration du clergé vous a paru si vicieuse dans le partage des biens ecclésiastiques, et jusqu’à un certain point dans leur emploi, que vous avez mieux aimé anéantir totalement ce régime défectueux, que de chercher à le réparer, en y appliquant les règles d’une réforme, dont il vous a paru n’être plus susceptible. Je n’examinerai pas, Messieurs, jusqu’à quel point les circonstances, et peut-être des passions particulières, ont amené cette étonnante révolution dans le régime administratif du clergé ; je ferai seulement preuve de ma soumission sincère aux décrets de l’Assemblée nationale, en ne lui proposant sur l’emploi des biens ecclésiastiques, que des vues à peu près conformes aux principes qu’elle a consacrés. Mais il me semble que, pour procéder avec méthode dans une matière qui présente de si grands détails, il est indispensable d’embrasser, dans un plan général, toutes les parties du régime économique du clergé, de bien connaître d’abord, de fixer avant tout , la masse totale de ses revenus et l’étendue de ses charges; de descendre ensuite par degré, et d’appliquer à chacun des titulaires de bénéfices ou des établissements ecclésiastiques des moyens de subsistance, honorables, suffisants et assurés. Je commence par examiner les ressources que nous offrent les biens du clergé; je passerai bientôt aux dépenses que ses besoins exigent. Avant le décret fameux du 4 du mois d’août dernier, le clergé jouissait du produit des dîmes, du revenu de ses propriétés territoriales et de la contribution du casuel, ce dernier article spécialement affecté aux pasteurs des paroisses; par un motif dont le principe ne saurait être assez loué, puisqu’il vous était inspiré par le désir de soulager les peuples, vous avez déclaré abolies tes dîmes, et cette portion du casuel dont avaient joui jusqu'alors les curés de la campagne ; de manière qu’aujourd’hui ce n’est guère que dans le produit des propriétés territoriales du clergé, placées d’ailleurs dans la disposition de la nation par le décret du 2 novembre, qu’il faut essayer de trouver des ressources, pour fournir avec dignité aux dépenses du culte national, et à la subsistance de ses ministres. 16 242 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 mars 1790.] Mais je n’ai pas de peine à me persuader, Messieurs, et je pense que vous serez bientôt convaincus vous-mêmes, que cette dernière portion des revenus ecclésiastiques, quelle que soit l’évaluation que vous en fassiez, pourvu qu’elle ne passe pas les bornes de toute vraisemblance, sera de beaucoup et peut-être plus que de moitié insuffisante pour remplir l’objet auquel vous l’avez destinée ; qu’il est indispensable ou de rétablir les dîmes telles qu’elles ont été perçues jusqu’ici, ou d’en remplacer le produit par une taxe pécuniaire et équivalente sur les peuples; je suis tellement convaincu de la nécessité de revenir à ce moyen, qu’il formera le premier article de nos ressources, dans le calcul des revenus ecclésiastiques que je vais avoir l’honneur de soumettre à votre examen. Le roi, dans saréponseà l’Assemblée nationale, le 18 septembre dernier, évalue le produit total des dîmes ecclésiastiques, de soixante à quatre-vingts millions; quelques membres de cette Assemblée, d’après des renseignements particuliers, et qui paraissent être d’un grand, poids dans leur esprit, imaginent devoir le porter à cent millions ; je prends entre ces deux évaluations une moyenne proportionnelle, et je dis que le produit des aimes ecclésiastiques peutêtre de quatre-vingts millions. Mais si l’on ajoute à cette somme l’augmentation à laquelle se soumettront infailliblement les fermiers des dîmes, si, ainsi qu’un membre de cette Assemblée vous l’a proposé, vous ne faites plus dépendre à l’avenir, du décès des titulaires la résiliation des baux à ferme, si vous en prolongez la durée jusqu’au terme de dix-huit années, au lieu de six ou de neuf, si entin, vous supprimez ces jouissances anticipées, ces dons d’usage non compris dans le prix des baux, et connus sous le nom d’étrennes, de pots-de-vin, il n’est pas douteux que, dans ce cas, les fermiers n’étant plus astreints d’une part, à des avances, souvent à pure perte, par la mort imprévue des titulaires ; de l’autre, espérant de trouver, dans la durée fixe et plus prolongée de leurs baux, des compensations avantageuses, des chances de bénéfices plus fréquentes, se prêteront aisément à une augmentation sur le prix actuel des baux à ferme des dîmes ecclésiastiques; on peut l’évaluer en masse à dix millions, ce qui porterait à quatre-vingt-dix millions le produit net de toutes les dîmes ecclésiastiques, ci 90,000,000. Les biens territoriaux du clergé forment le second article de ses revenus; plusieurs ouvrages sur les finances en ont arbitré le produit à soixante millions; mais il s’élèvera certainement aussi, à un taux plus considérable, quand les baux à ferme des propriétés ecclésiastiques se trouveront débarrassés de ces clauses onéreuses et décourageantes dont j’ai parlé plus haut, qui nuisent également aux progrès de l’agriculture, et aux véritables intérêts des propriétaires; quand les fermiers assurés, surtout, a’une jouissance plus longue et non interrompue, pourront sans crainte de se voir frustrés de leurs peines et de leurs dépenses, se livrer à des défrichements, à des améliorations dont ils ne seront pas les seuls à retirer de grands avantages ; alors le prix des baux ecclésiastiques augmentera d’une manière .sensible, et peut-être, il n’y a pas d’exagération à fixer à un sixième ce produit d’accroissement : ce qui porterait la totalité du revenu des biens territoriaux du clergé à la somme de soixante-dix millions, ci 70,000,000. Enfin, si l’on ajoute à ces deux articles le produit des revenus fixes de toutes les fabriques du royaume, des agrégations, confréries, celui du casuel dans les villes et que vous estimerez peut-être devoir conserver ou remplacer d'une manière quelconque, comme étant le seul moyen de contribuer dans les villes aux dépenses, du culte public, celui enfin provenant de la réfusion, que porteront à la masse, les seigneurs propriétaires ae dîmes inféodées, et tenus à ce titre au paiement des portions congrues, ces différents objets réunis pourraient s’élever à la somme de vingt millions, lesquels, ajoutés au produit des dîmes et des domaines ecclésiastiques, présenteraient pour masse totale de revenula somme d’environ cent quatre-vingts millions, ci 180,000,000. Il faut maintenant, Messieurs, vous mettre sous les yeux l’état des charges dont les biens du clergé demeurènt essentiellement grevés d’après le texte même de vos décrets; je les diviserai pour plus grande clarté, en deux sections : là première comprendra les dépenses fixes et perpétuelles qui ont pour objet le culte, et la seconde celles qui, par un décroissement graduel, finiront par s’éteindre totalement un jour. PREMIÈRE SECTION. Dépenses fixes et perpétuelles. 11 faut placer dans cette classe les ministres de Ja religion, les cathédrales, les fabriques, les séminaires, les retraites pour les anciens curés et vicaires, les reconstructions des églises et des presbytères, etc., etc. Des ministres essentiels de la religion. Le régime juridictionnel de l’Eglise, est composé, comme tout le monde sait, de ministres de différents grades; les uns supérieurs, les autres subordonnés; cette institution qui date de la plus haute antiquité forme la hiérarchie ecclésiastique qu’il ne peut pas être dans la volonté de l’Assemblée nationale de changer ou de détruire; les archevêques et évêques y tiennent, après le pape, le premier rang, ensuite viennent les curés qui ont sous eux des vicaires. Des archevêques et évêques. On compte dans le royaume cent trente archevêchés ou évêchés ; ce nombre a paru trop considérable à quelques membres de cette assemblée; en effet, si l’on considère que quelques diocèses ne renferment dans leur territoire que de trente à cinquante paroisses, que près de cent n’en contiennent pas au delà de trois cents ; on comprendra sans peine qu’une réduction modérée dans le nombre des archevêchés et évêchés, pourrait s’effectuer sans apporter nui dommage à l’Eglise. L’idée de n’attacher qu’un siège épiscopal à chaque département serait heureuse, si dans la nouvelle division du royaume décrétée par l’Assemblée nationale, d’après le travail de son comité de constitution, plusieurs départements ne présentaient pas une trop grande étendue, pour ne former qu’un seul diocèse; j’estime que pour atteindre à une bonne administration ecclésiastique, la surveillance d’un évêque ne doit pas s’étendre au delà de quatre cents paroisses : il y aurait alors dans le royaume cent archevêchés ou évêchés; la France pourrait être divisée [Assemblée nationale.] en dix provinces ecclésiastiques, au lieu de dix-huit, le siège métropolitain au centre, et autour de lui neuf évêchés suffragants qui relèveraient de sa juridiction. Sans doute, vous penserez qu’il est indispensable d’attacher à ces sièges des revenus proportionnés à la modeste, mais pourtant nécessaire représentation de ces premiers pasteurs des diocèses, et qui les mettent à même de soulager les pauvres dont ils doivent être essentiellement les bienfaiteurs; je ne crois pas devoir porter à moins de quarante mille livres la dotation des archevêques et de trente mille celle des évêques, l’excédent des uns tournant à l’avantage des autres suivant la différence des localités et des charges plus ou moins étendues de chacun; ainsi la dépense de ces deux articles s’élèverait donc savoir pour ; 10 archevêques, à la somme de . 400,000 fr. 90 évêques, à celle de. . . . - 2,700,000 » Total. . . 3,100,000 » Des curés. La dotation des curés forme le second article de la dépense relative au culte ; d’après les calculs les moins exagérés, leur nombre s’élève à plus de quarante-deux mille y compris les annexes ; aussi cet objet de dépense est-il le plus considérable; je ne crois pas qu’il soit possible de réduire le nombre des curés dans la même proportion que j’ai proposée pour les archevêques et évêques ; les rapports mutuels des pasteurs avec leurs paroissiens sont bien plus fréquents que ceux des évêques à l’égard de leurs diocésains ; les premiers sont de tous les jours, de tous les instants ; l’obscurité de la nuit, la rigueur des saisons, le mauvais état des chemins, rien ne doit arrêter le zèle du pasteur vigilant, quand la piété de ses paroissiens, moribonds ou infirmes réclame son secours, ce serait encore, suivant moi, une bien grande faute, aux yeux de l’humanité comme de la religion, si en assignant à chaque paroisse un territoire beaucoup plus étendu qu’il ne l’est aujourd’hui, on rendait par là plus difficiles et par conséquent moins fréquentes les pratiques d’une religion, qui seule, soutient le courage du pauvre par l’espoir d’un avenir plus heureux, et qui fait aujourd’hui presque l’unique consolation du malheureux habitant des campagnes. D’après ces réflexions, Messieurs, qui me paraissent solides, parce qu’elles sont le fruit de plusieurs années d’expérience, je demanderai quel autre motif que celui d’une économie parcimonieuse a pu porter un membre de cette assemblée à vous proposer sérieusement, dans un projet imprimé et distribué à chacun de nous, de réduire à huit mille le nombre des curés qui s’élève aujourd’hui à plus de quarante-deux mille? Quand l’ Assemblée nationale s’est déterminée à entreprendre la réforme des abus qui ont pu se glisser dans l’administration temporelle du clergé, elle n’a consulté que son zèle pour la religion, pour le plus grand avantage des peuples, et sans doute elle n’a point eu pour arrière-pensée, l’idée de soumettre à une opération purement financière, et à tous les calculs rigoureux de la fiscalité, des biens spécialement consacrés à la majesté du culte et à la gloire de la religion. D’ailleurs, Messieurs, les habitants des campagnes, car c’est d’eux spécialement dont il est ici 243 question, verraient-ils avec indifférence, où plutôt ne repousseraient-ils pas par tous les moyens qui pourront se concilier avec le respect dû à vos décrets, une disposition qui leur deviendrait si onéreuse, qui les placerait pour la plupart à la distance de trois à quatre lieues de l’église de leur paroisse, les mettrait par conséquent dans une impossibilité réelle de remplir leurs devoirs de religion et romprait ainsi, d’un seul coup, tous ces liens de culte, de consolation, de bienfaisance qui les attachent aujourd’hui à leurs pasteurs? Je ne pense pas cependant, qu’il faille laisser subsister en entier cette inégalité frappante que nous remarquons assez généralement dans l’étendue et dans la population des paroisses ; on peut sans doute la faire disparaître en partie par des réunions sagement combinées ; mais encore, dans ce cas, faut-ii compter pour beaucoup les divers obstacles que présentent les localités, tels que le passage d’une rivière, des ravins profonds, des rochers à pic, des habitations trop éparses qui rendent les communications beaucoup plus difficiles, et semblent s’opposer à toute réunion. Je ne m’appesantis pas sur ces détails; il est vraisemblable que vous en renverrez l’examen aux assemblées de départements et de districts, comme bien plus à portée de les connaître et de les apprécier. Quoiqu’il en soit; de cette opération qui aurait pour objet (sauf les exceptions commandées par les circonstances) d’établir une sorte d’égalité entre toutes les paroisses, en combinant l’étendue du territoire avec la population, il résulterait une diminution quelconque dans le nombre des Cures par la réunion des unes avec les autres ; on peut supposer que leur nombre total s’élèverait alors à environ trente-deux mille au lieu de quarante-deux mille, et c’est d’après cette base qu’il faut calculer cette partie de la dépense du culte public; on sentdéjà qu’elle ne peut être qu’ëdorme. Cependant si l’on considère qu’il s’agit aujourd’hui d’assurer enfin à tous les curés du royaume, un sort fixe, convenable, qui les mette pour toujours à l’abri du besoin ; que dans le plan que j’ai conçu, je les suppose assujettis, ainsi que tous les autres bénéficiers, à la contribution commune de l’impôt, c’est-à-dire à un dixième ou environ de leur revenu ; que d’ailleurs un pasteur ne peut attirer sur sa personne, la considération de ses paroissiens, si utile cependant pour exercer avec fruit son ministère, qu’en faisant par lui-même des aumônes abondantes, qu’en allant surtout au-devant de l’indigence qui se cache, de ces pauvres honteux dont le nombre s’accroît chaque jour qui, accoutumés à rendre leur pasteur dépositaire de leurs chagrins domestiques, ne se feront pas une peine de lui confier leur misère, mais que rien aii monde ne pourrait contraindre à la divulguer aux yeux d’un bureau de charité, dont les actes de bienfaisance acquièrent toujours à ses yeux une trop grande publicité; peut-être ces considérations, Messieurs, me feront-elles pardonner dé porter la dotation des moindres cures, un peu au delà de la fixation que l’Assemblée nationale semble avoir indiquée dans son décret du 2 novembre dernier; et comme je suppose enfin, que par une disposition digne de votre justice, et nécessaire d’ailleurs pour entretenir l’émulation, vous établirez une différence dans la dotation des cures, en proportionnant le revenu de chacune à sa situation, à la nature et à l’étendue de ses charges, j’ai pensé qu'il fallait former différentes ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 pars 1790.] 244 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 mars 1790.] classes de revenus, pour vous présenter, sur ce point, un résultat de dépenses, a peu près vraisemblable ; je suppose donc qu’il n’y aura à l'avenir, que trente deux mille cures, savoir : ■IC! AAA A /ttiîn r* r% Ann Irt liimna a» \4u11UiV v/uiivo *1 t i vu de revenu montent à ...... 22,500,000 liv. 8,000 à seize cents livres.... 12,800,000 4,000 à dix-huit cents livres. 7,200,000 2,000 à deux mille livres .... 4 ,000,000 1,000 à deux mille quatre cents livres .............. 2,400,000 1,000 à trois mille livres.... 3,000,000 500 à quatre mille livres. . . 2,000,000 300 à cinq mille livres. . . . 1,500,000 200 à six mille livres ...... 1,200,000 32,000 cures. Total ........ 56,600,000 liv. Des vicaires. Le nombre des vicaires est aujourd’hui inférieur, à peu près de moitié, à celui des curés. Si le service, plus pénible dans les ville, a exigé qu’il y fût établi un ou plusieurs vicaires, par une raison contraire, un grand nombre de curés à la campagne a pu se passer de ce surcroît de secours. Mais j’ai toujours regardé comme un inconvénient bien grave, que les paroisses, même les moins nombreuses, n’aient été jusqu’ici desservies que par un seul prêtre ; une indiposition subite, survenue au pasteur, à la veille, le jour même des plus grandes solennités, une longue maladie, quelquefois une courte absence, ont souvent été la cause, ou qu’une communauté entière de paroissiens n’a pu satisfaire aux préceptes de l’Eglise, les jours de dimanches et de fêtes, ou que des individus ont été privés, en mourant, des derniers bienfaits de la religion. Combien cette considération, Messieurs, ne devient-elle pas plus pressante, aujourd’hui qu’il s’agit, d’une part, de multiplier les charges pastorales, en donnant une plus grande étendue à toutes les paroisses qui en sont susceptibles, et que, de l’autre, la suppression que vous venez de prononcer de tous les corps religieux, va former, sous plus d’un rapport, quoi qu’en diseut leurs détracteurs, un vide effrayant dans l’Eglise. Ce vide, dont je désire bien sincèrement que la religion n’ait pas longtemps à gémir, ne peut être réparé qu’en multipliant, sans autre mesure que celle du besoin, le nombre de ces ministres utiles, appelés, par état, à partager les travaux et les sollicitudes des pasteurs. L’Assemblée nationale ne peut donc pas se dispenser d’établir un vicaire dans chaque paroisse, et d’en augmenter le nombre dans celles qui eu sont déjà pourvues. Je ne crains pas de dire que le service habituel du culte, exige que le nombre des vicaires soit porté au moins à trente-trois mille. Leur dotation ne peut pas être au-dessous de sept cents livres, pour le moindre vicariat dans la campagne; elle s’élèverait graduellement jusqu’à 1,200 livres dans les grandes villes, excepté cependant la capitale, où le haut prix de tous les objets de consommation exige qu’elle soit portée à 1,500 livres. Cette dépense, que j’ai calculée d’après les mêmes règles qui m’ont guidé dans l’article concernant les curés, s’élèverait à peu près à la somme de ....... ............ 26,000,000 liv. Des cathédrales. Les chapitres des cathédrales tiennent essentiellement à l’ancien régime de l’Eglise; ils forment le clergé de l’évêque, autrefois ils étaient son conseil, et il està désirer qu’ils le deviennent encore, surtout quand ils seront composés de la manière que je dirai bientôt; d’ailleurs si, dans toutes les paroisses d’un diocèse, l’office catholique ne peut pas être célébré avec la solennité qui convient à notre sainte religion, il me paraît essentiel qu’il y ait dans chaque diocèse au moins une église principale, où, par la majesté du culte, par la pompe des cérémonies, par le nombre plus considérable des ministres, les fidèles soient rappelés plus efficacement à la piété, et se pénètrent, de plus en plus, du respect qu’ils doivent à nos saints mystères. Les canonicats de cathédrales, présentant en outre une retraite honorable aux pasteurs qui auraient blanchi sous le fardeau de leurs fonctions, on doit conserver religieusement des établissements que tant de motifs réunis rendent intéressants et indispensables. Il y aurait donc cent cathédrales, composées chacune de trente chanoines, ayant pour revenu la sommede 3,000 livres, ce qui ferait 90,000 liv., par chapitre de cathédrale; on ajouterait à cette somme celle de 10,000 livres, pour réparations d’église, entretien des ornements, vases sacrés, fournitures journalières et pour stipendier quelques jeunes ecclésiastiques qui chanteraient au chœur, et soulageraient les chanoines, que nous avons dit devoir être les anciens curés et vicaires du diocèse, parvenus par conséquent à l’âge de décrépitude et des infirmités. Ainsi, les cent cathédrales à 100,000 livres de revenu chacune, seraient un objet de dépense de 10 millions, ci ............................. 10,000,000 liv. Des pensions de retraite pour les anciens curés et vicaires. Les intentions de justice et d’humanité que l’Assemblée nationale a manifestées hautement, en faveur de cette portion aussi nombreuse qu’utile des ministres de la religion, ne se trouveraient qu’imparfaitement remplies, si elles ne présentaient pour toute perspective de retraite, aux anciens curés et vicaires, que l’espérance d’obtenir à la fin de leur carrière, un canonicat dans l’église cathédrale de leur diocèse. Le cours ordinaire de la nature ne permet pas de présumer qu’il puisse vaquer plus d’un canonicat par année commune, dans un chapitre composé de trente chanoines, même en les supposant tous sexagénaires; et au-dessus de cet âge, il est cependant certain que chaque année il se trouvera dans tous les diocèses composés, d’après ce projet, d’environ quatre cents paroisses, un plus grand nombre de curés et vicaires aspirant à des places de retraite que leur âge ou leurs infirmités forceront à solliciter. On pourrait, il me semble, suppléer à l’insuffisance du moyen indiqué ci-dessus, soit en assignant à chaque diocèse une somme convenable, pour former des pensions de retraite aux pasteurs qui seraient dans le cas de les obtenir, soit en conservant une ou deux collégiales par diocèse dont les canonicats leur seraient spécialement affectés, sauf à adoucir, en considération de leur (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 mars 1790.] $45 grand âge, la partie de l'office canonial qu’il leur serait trop pénible de remplir, ce dernier moyen me paraît réunir plusieursavantages dignes d’être pris en considération : celui de ne pas isoler entièrement de toutes fonctions ecclésiastiques ces vénérables pasteurs, pour qui, n’être plus utiles à l’Eglise, serait une privation bien sensible; celui de leur faire trouver dans la société de leurs collègues les liens d’une douce confraternité; celui enfin de conserver, pour l’édification publique, quelques-uns de ces monuments élevés à la religion par la piété de nos pères. Quelle que soit la détermination de l’Assemblée nationale, sur l’un ou l’autre de ces moyens, cet objet de dépense, pour chaque diocèse, ne peut pas être moindre de vingt-cinq mille livres, ce qui donne un total de deux millions cinq cent mille livres, ci ................... 2,500,000 livres. Des séminaires. L’Assemblée nationale, en décrétant la suppression des dîmes, s’est engagée expressément, à doter, d’une manière convenable, ces maisons d’éducation ecclésiastique dont l’utilité, je l’imagine, ne sera contestée par personne; il me paraît d’autant plus nécessaire d’effectuer aujourd’hui celte promesse, que le ministère des autels ne devant plus présenter à l’avenir ni les mêmes moyens d’avancement qu’autrefois, ni, s’il m’est permis de le dire, les mêmes motifs d’encouragement fondés sur la considération publique, le nombre de ceux qui s’y destinent, déjà diminué d’uue manière si alarmante, serait encore infiniment moindre, si la certitude d’obtenir dans les séminaires une éducation absolument gratuite, ne devenait pas pour plusieurs un avantage déterminant. Cette dépense, y compris la nourriture, entretien des supérieurs, directeurs, réparations, etc., ne peut pas être au-dessous de vingt mille livres par séminaire, ce qui donne un total de deux millions, ci ....... 2,000,000 livres. corder à chaque paroisse pour cet objet; en fixant cette dépense à raison de cinq cents livres par fabrique, nous aurions une base commune qui donnerait, pour les trente-deux mille paroisses du royaume, une dépense de seize millions, ci ......................... 16,000,000 livres. Des reconstructions d'églises et de presbytères. Il reste maintenant, Messieurs, l’article des reconstructions et grosses réparations des églises et des presbytères. Suivant la jurisprudence actuelle, les communautés des paroisses sont chargées d’y pourvoir en ce qui les concerne ; mais cette dépense extraordinaire relative au culte public, est devenue pour les peuples dans les campagnes surtout, un impôt si onéreux que l’Assemblée nationale en les affranchissant pour toujours de toute contribution à cet égard, s’acquerra des droits immortels à la reconnaissance publique; dans ce cas, elle assignerait à tous les les diocèses une somme fixe et annuelle pour les réparations, reconstructions d'édifices sacrés, d’églises et de presbytères; j'estime que cette dépense pourrait s’élever dans chacun à la somme de trente mille livres; ce qui ferait une dépense totale de trois millions, ci .......... ...... 3,000,000 Il faut maintenant rapprocher tous les articles de la dépense fixe et perpétuelle relative au culte, et nous aurons, savoir : Pour dix archevêques, une somme de.. ................ 400,000 Quatre-vingt-dix évêques .......... 2,700,000 Trente-deux mille curés .......... 56,000,000 Trente-trois mille vicaires ......... 26,000,000 Cent cathédrales .................. 10,000,000 Retraite pour les anciens curés, etc. 2,500,000 Séminaires ....................... 2,000,000 Fabriques ....................... 16,000,000 Reconstructions d’églises, etc ...... 3,000,000 Total .......... 118,600,000 Des fabriques. Ce n’est pas le moment d’examiner si les administrateurs des fabriques les plus richement dotées, telles que celles des grandes villes, de Paris par exemple, et de quelques autres paroisses même de la campagne, verront avec indifférence détourner de sa destination naturelle, pour être appliquée aux fabriques les plus pauvres, une portion de ces biens que leur générosité et celle de leurs ancêtres ont consacrée d’une manière spéciale à l’entretien, et si l’on veut à l’embellissement de l’église de la paroisse dont ils sont membres; sans doute, Messieurs, la promulgation de vos décrets trouvera partout les esprits disposés à l’obéissance, et à étouffer des murmures qui dans d’autres circonstances, il faut l’avouer, eussent paru très légitimes; j’observerai seulement que l’Assemblée nationale, en sechargeantde pourvoir à cette dépense essentielle du culte, doit à sa justice et à toutes les convenances, de proportionner les secours aux besoins; et, sous ce rapport, les différences relatives de paroisse à paroisse sont énormes; telle église peut être entretenue décemment au moyen d’une somme de trois à quatre cents livres, telle autre ne le serait pas avec deux mille écus; il est donc impossible de suivre en détail toutes ces gradations, et de déterminer au juste ce qu’il convient d’ac-J’observe que je n’ai point compris dans les articles mentionnés ci-dessus quelques autres objets essentiels, mais qui m’ont paru trop minutieux pour en faire une mention séparée, tels que des places d’aumôniers sur les vaisseaux, dans les régiments, de prêtres habitués dans les grandes paroisses des villes, de chantres, clercs de sacristie et autres serviteurs d’église, supposons que tous ces objets réunis ne nécessitent qu’une dépense d’un million quatre cent mille livres, nous aurous en dernier résultat, une dépense totale de cent vingt millions, ci ..... 120,000,000 J’ai dit plus haut qu’il entrait dans mon plan d’assujettir à la contribution commune de l’impôt, tous les titulaires de bénéfices, même tous les établissements ecclésiastiques qui tiennent au régime essentiel de l’Eglise, c’est peut-être le moment de faire connaître mes motifs et d’évaluer le montant de cette contribution. Vous avez attaché, Messieurs, à de certaines conditions, l’éligibilité aux assemblées politiques ; une des principales est de payer la quotité d’impositions déterminée par un de vos décrets ; sans doute l’Assemblée nationale n’a pas l’intention d’exclure des fonctions honorables de l’administration civile, une classe entière de citoyens, qui par ses rapports religieux et par l’influence que donnent à ses membres, sur l’esprit des peuples, les fonctions d’un ministère respectable, demande au moins à ne pas être avilie par une exception [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 mars 1790.] qui la retrancherait, pour ainsi dire, dut corps de la société politique. Sous un gouvernement arbitraire, l’impôt était une charge pesante, parce qu’aucune compensation n’en allégeait le fardeau ; mais aujourd’hui que par une disposition bien digne de votre sagesse, il va ouvrir à tous les Français la route des honneurs civiques ; aujourd’hui que les plus hautes distinctions vont devenir comme le patrimoine de tout citoyen qui, à raison de son revenu, portera dans le Trésor public, chaque année, le tribut déterminé par la loi; toute exemption, disons mieux, toute exemption en matière d’impôt serait à la fois injuste et avilissante. On peut présumer que les besoins de l’Etat exigeront qu’il soit imposé à peu près un dixième sur tous les revenus territoriaux du royaume; la quote-part des ministres de la religion, et pour lesquels je réclamerai quand il sera temps une dotation, en fonds de terre, conformément au vœu de mes commettants exprimé dans mon cahier,, serait donc douze millions, ce qui réduirait définitivement, et toutes charges prélevées, à cent huit millions la dépense relative au culte public, ci .......... . ..... ... ..... . . 108,000,000 DEUXIÈME SECTION. Dépense extraordinaire et à terme. Il faut placer dans cette classe : 1° les pensions à accorder aux titulaires actuels des archevêchés, évêchés et cures dont les titres viendraient à être supprimés par les réunions dont j’ai parlé plus haut; 2,° Les pensions à accorder aux abbés, prieurs, chanoines de collégiales, chanoinesses, abhés, bénéficiers, religieux de l’un et l’autre sexe, et généralement à tous les individus du clergé séculier et régulier, dont les bénéfices et communautés seraient éteints et supprimés; 3° Les intérêts de la dette et remboursement des capitaux dus par le clergé de France , clergé dit étranger, diocèses, .abbayes, prieurés, chapitres, monastères, etc., qui ont été autorisés à emprunter en vertu des lettres-patentes dûment enregistrées. Des pensions aux archevêques , évêques , curés , etc. La nécessité d’accorder des pensions à tous les titulaires de bénéfices, dont les titres viendraient à être supprimés est trop évidente pour que je m’applique à la démontrer; lia plus légère observation sur ce point blesserait évidemment les sentiments de justice et de délicatesse dont tous les membres de l’Assemblée nationale sont animés; la seule question qui se présente ici, c’est de déterminer la quotité de la pension à laquelle chacun a droit de prétendre; en principe de justice rigoureuse, ou elle devrait être équivalente au revenu actuel, ou il serait convenable de ne consommer les réunions dont il s’agit qu’après le décès des titulaires; c’est bien déjà une privation assez sensible, que celle de se voir dépouiller d’un état dont on avait la profession, dans lequel la force de l’habitude, le charme de la jouissance faisaient trouver le bonheur, et je ne sais pas si, dans certaines positions, un dédommagement quelque fort qu’il fût, pourrait être jamais pour la partie intéressée une compensation suffisante; mais comme il est dans le cœur de tout bon citoyen de se prêter aux plus grands sacrifices, et de souffrir sans se plaindre que la rigueur des principes en ce genre le cède à l’empire des circonstances quand le bien général l’exige, j’estime qu’une pension qui s’élèverait aux deux tiers du revenu actuel, toutes charges déduites, serait, pour les titulaires dont je parle, un traitement à peu près convenable. Ainsi l’Assemblée nationale aurait à pourvoir : 1° au traitement de trente archevêques ou évêques, dont je suppose les sièges supprimés et la pension fixée à 25,000 livres les unes dans les autres; ce .qui fait un total de.. 750,000 liv. 2° de dix mille curés à 900iiv. 9,000,000 Total... 9,750,000 liv. Des pensions à accorder aux abbés , prieurs , chanoines, religieuses, etc., etc. Les observations que j’ai plutôt indiquées que développées dans l’article précédent, s’appliquent également ici dans toute leur force; pour ne pas me répéter, je dirai seulement, qu’il y a une telle disproportion de revenu , entre les différents bénéficiers ou individus ecclésiastiques qui composent cette classe nombreuse qu’il est absolument impossible d'établir un taux moyen qui puisse nous donner une idée exacte du montant de la dépense que nous cherchons à connaître, depuis l’abbé commanditaire qui jouit de cinquante mille livres de rentes, jusqu'à l’humble prébendier qui n’a pour tout revenu que 20 ou 30 livres, il y a tant de nuances, tant de degrés intermédiaires, qu’on ne peut se flatter d’arriver à un résultat, qu’à travers des calculs d’approximation nécessairement vagues, et dont il faut bien se garder, faute de connaissances de détails, de garantir l’exactitude ; on sait seulement qu’il y a dans le royaume plus de cinquante mille individus, à qui l’Assemblée nationale, pour être juste, doit un dédommagement convenable; ce n’est pas ici le lieu d’examiner si la suppression de tant d’établissements ecclésiastiques , ne soit pas infiniment préjudiciable à la religion ; en morale, ainsi qu’en politique, cette grande question était bien digne d’attirer l’attention des représentants d’une nation chrétienne, et je pense que ce problème, si toutefois c’en est un, n’eût pas été difficile à résoudre. Il s’agit uniquement aujourd’hui d’un calcul de finance , et de déterminer à quelle somme peut s’élever la dépense que cet article exige ; après avoir réclamé au nom de la justice et de l’humanité, une pension rigoureusement équivalente en faveur de titulaires de bénéfices tellement modiques qu’ils fournissent à peine le plus strict nécessaire à ceux qui en sont pourvus, je ne craindrai pas de dire que la dépense totale de cet article s’élèvera au moins à quarante-cinq millions, ci .......... . ........... . . 45,000,000 De la dette du clergé. Quelles que soient les dispositions de l’Assemblée nationale, relativement aux biens ecclésiastiques, les créanciers du clergé ont sur toute leur masse une hypothèque spéciale ; et il doit être exactement pourvu à l’acquit des intérêts, ainsi que des capitaux dont ces biens se trouvent grevés par des emprunts, revêtus du sceau du [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 mars 1790.] %AÎ souverain et de toutes les formalités légales ; l’état de cette dépense annuelle, qu’il est d’une bonne administration de chercher à éteindre le plus tôt-possible, par des remboursements graduels de capitaux, consiste : 1° Dans les intérêts de la dette générale du clergé de France , montant à la somme ....... . ........ .' .......... 6,000,000 2° Intérêts de la dette du clergé, dit étranger, et des diocèses particuliers. ........... . ..... ... . ....... . 1,200,000 3° Intérêts des dettes particulières des évêchés, chapitres, monastères, en vertu d’emprunts autorisés par lettres-patentes ..... ......... ...... . . 2,500,000 4° Caisse d’amortissement pour le remboursement des capitaux, à raison de six millions par année, ci... . 6,000,000 Total .......... 15,700,000 Récapitulons maintenant tous les articles de la dépense extraordinaire et à terme ; nous aurons, savoir ; 1° Pour pensions aux archevêques et curés, dont le bénéfice serait supprimé, une somme de . ........ .. ............. . 9,825,000 2° Pour pensions aux abbés, prieurs , chanoines , religieux de l’un et de l’autre sexe, etc. , une somme d’environ ........................... 45,000,000 3° Pour intérêts des dettes générales et particulières du clergé de France, de celui dit étranger , des diocèses, évêchés, chapitres, monastères, et en vertu de lettres-patentes, une somme d’environ quinze millions sept mille livres, y compris six millions de remboursement annuel de capitaux , ci .............. 15,700,000 Total.... ........ 70,525,000 La dépense fixe et perpétuelle relative au culte public, s’élève à la somme de cent vingt millions, le dixième d’imposition non déduit, ci.. ....... .......... ............ 120,000,000 La dépense extraordinaire et à terme monte à., ............... . 70,525,000 Total. . . ...... 190,525,000 Mais nous avons supposé que le revenu total des biens ecclésiastiques est de ...................... 180,000,000 La dépense surpasserait donc la recette de la somme de ........... 10,525,000 Tel serait, Messieurs, dans le moment actuel, l’état de situation entre les ressources et les charges du clergé ; le résultat de ces calculs, que certainement je n’ai cherché ni à grossir ni à diminuer, serait véritablement alarmant, en ce que l’opération de l’Assemblée nationale sur les biens ecclésiastiques, bien loin d’offrir dans la détresse de nos finances une ressource certaine, deviendrait au contraire une nouvelle charge bien onéreuse pour le Trésor public ; mais je prie d’observer qu’une très grande partie de la dépense totale aura bientôt un terme ; que chaque jour verra diminuer le nombre d’ecclésiastiques pensionnaires de l’Etat, auxquels la justice, l’humanité, la loyauté françaises vous imposent aujourd’hui l’obligation d’accorder un traitement honorable; que les douze millions que j’ai supposé former le montant de la contribution, à laquelle je désire que le clergé, reconnu nécessaire, soit perpétuellement imposé, pourraient être employés momentanément, et suffiraient au delà pour rétablir la balance entre les ressources et les charges actuelles. Je dirai donc que l’Assemblée nationale, surtout après avoir décrété au profit de l’Etat la vente des immeubles non productifs du clergé, jusqu’à la concurrence de 400 millions, lesquels au denier vingt représentent un revenu de vingt millions, doit suspendre sur le reste toute opération fiscale ; qu’il faut dans ce moment se contenter de jouir de l’avenir, suivre la marche rapide des années et se placer à ce terme, qui ne peut pas être bien éloigné, mais qui n’est après tout qu’un point imperceptible dans la durée des empires, où par la mort successive de tous les pensionnaires ecclésiastiques, par l’extinction totale de la dette du clergé, plus de 70 millions se trouveront disponibles dans la main de la nation, et pourront être employés à de grands objets d’utilité publique. Mais, Messieurs, je n’ai rien dit des pauvres ; et l’on sent bien qu’étant appelé par mon état à connaître d’une manière plus particulière toute l’étendue de leurs besoins, c’est un devoir pour moi de rappeler en leur faveur les droits inaliénables que leur ont donné sur les biens ecclésiastiques, la munificence des fondateurs, et les lois positives de l’Eglise; ce n’est donc pas seulement au nom de l’humanité, mais c’est à titre de justice, et comme propriétaire, que cette portion nombreuse et souffrante de la société se présente aujourd’hui, pour réclamer la part qui lui revient dans l’application que vous vous proposez de faire des biens de l’Eglise, et dont, il faut l’avouer, le clergé n’avait que l’administration. Tout autre emploi des revenus ecclésiastiques (la dépense du culte largement prélevée) qui n’aurait pour objet d’utilité générale que la libération des dettes de l’Etat, que la suppression d’un impôt qui pèse proportionnellement sur toutes les classes de citoyens, par conséquent sur le riche ainsi que sur le pauvre, serait à mes yeux une violation du droit sacré de propriété; sans doute, si l’Assemblée nationale, qui embrasse dans leur ensemble toutes les parties d’une vaste administration, pensait qu’il fût convenable aujourd’hui, pour le bien général, de détourner de sa véritable destination la portion des biens ecclésiastiques qui appartient aux pauvres, elle s’empresserait de la remplacer d’ailleurs par une compensation juste et équivalente. 11 faut avoir habité parmi eux, Messieurs ; il faut avoir connu, comme nous, les besoins de tout genre qui les assiègent journellement pour ne pas trouver excessive une somme qui encore qu’elle soit très considérable, ne sera qu’à peine suffisante quand elle sera répartie par petites portions dans toute l’universalité du royaume. J’ai souvent entendu, dans cette assemblée, louer les principes qui ont dirigé dans la formation de ses lois une nation célèbre, voisine de la France; voyez, Messieurs, ce qu’elle a fait pour ses pauvres, à quelle somme s’élève la taxe qu’elle s’est imposée pour bannir de son île la misère et la mendicité; sa population cependant forme à peine le tiers de la nôtre; la nation française si justement renommée dans l’univers pour la douceur de ses mœurs, pour sa sensibilité envers les, malheureux, serait-elle donc à l'égard de ses 248 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 mars 1790.1 pauvres , moins généreuse , moins compatissante? Le premier acte d’une bienfaisance éclairée, que �Assemblée nationale ait à exercer envers les pauvres (et quel est aujourd’hui le canton fortuné qui n’en soit pas couvert?) c’est, suivant moi, de multiplier autour d’eux, pour les cas de maladie, des moyens faciles de guérison, des secours absolument gratuits. Combien la misère, l’ignorance, le prix des remèdes, toujours trop élevé pour celui qui ne peut y atteindre, n’onl-ils pas immolé de victimes, dans les campagnes surtout? Isolés de tout secours, placés loin des regards du riche qui pourrait les assister, ne trouvant pas à leur proximité, comme le pauvre qui habite les villes, une ressource certaine dans les hôpitaux et établissements consacrés à recueillir l’humanité souffrante, combien de malheureux succombent chaque jour, emportés par une maladie qui, si elle eut été attaquée dans son principe, eût bientôt cédé elle-même à la force des remèdes, au secours de l’art ! L’Assemblée nationale ne peut donc se dissimuler la nécessité d’assigner à tous les départements, des fonds suffisants pour établir dans chaque canton, c’est-à-dire dans un arrondissement de dix à douze paroisses, un médecin et un chirurgien au moins, auxquels, après un examen préalable, il serait alloué un traitement annuel, à la charge par eux de visiter gratuitement les malades du canton, sous l’inspection des bureaux de charité des paroisses, qui leur rembourseraient en outre le montant des remèdes qu’ils auraient fournis. Un autre objet d’utilité publique non moins essentiel, c’est l’éducation des enfants pauvres. On doit sentir combien il est intéressant pour la religion, pour le maintien des mœurs publiques, pour l’accomplissement de tous les devoirs de la vie sociale, que l’Assemblée veuille bien prendre en considération des établissements aussi utiles, et procurer à la classe obscure du peuple une instruction gratuite accommodée à sa situation, à son genre de vie, à ses habitudes, et dont les principes reposeraient sur les deux grandes bases de toute société, la religion et les mœurs. Je propose donc que dans toutes les paroisses, même de la campagne, il soit établi un maître et une maîtresse d’école, qui, après avoir justifié de leurs mœurs et capacité, seraient admis à enseigner gratuitement aux enfants sous l’inspection des municipalités et des pasteurs, les éléments de la religion catholique, la lecture, l’écriture, les premières règles de l'arithmétique, etc. Eh ! combien, Messieurs, les besoins des pauvres se multiplient devant nous, à mesure que nous les examinons plus attentivement ! Aux causes générales qui enfantent la misère, voyez combien de fléaux destructeurs, combien de calamités locales viennent se joindre et concourent encore à la multiplier. Tantôt c’est un incendie qui consume tout un village; c’est une grêle affreuse ou un froid excessif qui vient tromper l’espoir du malheureux cultivateur, et le plonger tout à coup, lui et sa famille, dans toutes les horreurs de la misère, dont il avait su se garantir jusqu’alors par un travail assidu joint à l’économie la plus sévère. Tantôt des villes manufacturières qui renferment dans leur sein une multitude d’ouvriers industrieux, mais dont la subsistance dépend uniquement des variations, de la mobilité d’un commerce, fondé tout entier sur le luxe, voient aujourd’hui, plus souvent que jamais, le nombre des pauvres s’accroître par milliers, au moment de la cessation subite du travail, au point que les efforts les plus généreux de la part des citoyens aisés n’atteignent jamais au niveau des besoins. 11 est digne, Messieurs, d’une administration bienfaisante et paternelle, telle que celle que vous venez de créer pour la France, de se ménager des ressources pour séchèr les larmes, et Eour adoucir l’infortune de tant de malheureux. eureusement ces ressources seront un jour dans vos mains: vous les trouverez dans cette partie des biens du clergé qui n’est poiût nécessaire à la décence du culte, à l’entretien de ses ministres. En appliquant ainsi une portion des revenus ecclésiastiques à des objets si intéressants pour l’humanité, vous ne ferez que les rappeler à leur véritable destination, vous serez à la fois justes et bienfaisants. Je propose donc qu’il soit pris sur les revenus du clergé, à mesure qu’ils deviendront libres, des fonds suffisants pour établir des ateliers de travail dans chaque ville des départements et des bureaux de charité dans les villages, sous l’inspection des officiers municipaux et des curés, où les pauvres valides trouveraient de l’occupation, et les pauvres vieillards, les infirmes, les malades, des secours proportionnés à leurs besoins et administrés avec discernement. Une telle disposition qui tendrait, d’accord avec l’autorité, à concentrer les pauvres dans leurs paroisses respectives, serait peut-être la solution de ce grand problème politique, que tant d’estimables auteurs ont cherché à résoudre, je veux dire, serait le moyen le plus efficace de détruire à jamais la mendicité, et surtout ce honteux vagabondage, si nuisible aux bonnes mœurs, et trop souvent alarmant pour la sûreté publique. Au reste, Messieurs, quelles que soient les dispositions de l’Assemblée nationale sur tous ces objets, j’aurai toujours satisfait à un devoir bien pressant, en vous soumettant les réflexions dont je viens d’avoir l’honneur de vous faire part; j’ose vous assurer, et je le dis hautement, qu’elles ne m’ont été inspirées par aucune considération étrangère au bien public. S’il est une circonstance où ce qu’on appelle esprit de corps, où des vues particulières, l’intérêt personnel enfin, doivent s’abaisser, s’anéantir devant l’intérêt général, c’est dans ce moment où pour consolider sur une base invariable l’édifice majestueux de cette constitution autour de laquelle vous voulezque tousles Français se rallientcomme autour du bonheur, tous les esprits, tous les cœurs doivent s’unir d’une même intention, d’une même volonté, pour achever de concert ce grand ouvrage de la génération présente, et qui fera un jour l’étonnement de la postérité. Mais, Messieurs, au titre de Français dont je m’enorgueillis, il s’en joint un autre qui ne m’est pas moins précieux, celui de prêtre, de pasteur chrétien ; c’est en cette qualité que tout retranchement dans la majesté du culte catholique, que toute innovation qui tendrait à affaiblir dans l’esprit des peuples le respect pour une religion que nous devons tous nous faire gloire de professer, deviendraient pour moi une affliction bien sensi-sible. Le clergé possédait des richesses, vous les avez enviées; elles sont aujourd’hui dans vos mains ; puissiez-vous, au prix die nos sacrifices, acheter le bonheur de tous nos concitoyens. Mais, Messieurs, que la religion de nos pères soit toujours en honneur dans cet empire; que le culte catholique, le seul national, ne perde rien de sa [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 mars 1790.) 249 majesté; que les pauvres, l’objet de nos sollicitudes, soient secourus ; que les intentions pieuses de ceux qui nous avaient donné leurs biens, soient remplies; enfin que les ministres des autels trouvent dans l’exercice de leurs fonctions, des moyens de subsistance honorables et suffisants; le clergé n’aura rien perdu, et tous les membres qui le composent, sans en excepter un seul, n’auront rien à regretter. Nota. — Je ne prétends pas garantir également l’exactitude de tous les calculs; il est vraisemblable que tous les articles de la dépense ne sont pas portés aussi haut qu’ils doivent l'être, surtout celui qui a pour objet le traitement à accorder aux abbés, prieurs, religieux, etc., dont on sait en général que le nombre s’élève à plus de cinquante mille; il faudra peut-être quelques millions de plus pour compléter cette dépense. Et cétte observation est une nouvelle preuve que l’opération sur les biens ecclésiastiques sera pendant plusieurs années une grande charge pour l’Etat. 2e annexe à la séance de V Assemblée nationale du 19 mars 1790. Nota. M. l’abbé Sieyès, en mars 1790, fit imprimer et distribuer à tous les membres de l’Assemblée nationale, un Aperçu d'une nouvelle organisation de la justice et de la police en France. Ce document, émanant d’un homme aussi considérable que M. l’abbé Sieyès, devait trouver place dans les Archives parlementaires ; c’est par ce motif que nous l’insérons ici. Aperçu d’une nouvelle organisation de la justice et de la police en France, par M . l’abbé Sieyès (1 ), mars 1790. AVERTISSEMENT. Ce projet d’organisation judiciaire a été rédigé, au mois de septembre dernier (2), sur des principes adoptés depuis longtemps par tous ceux qui ont tant soit peu réfléchi sur l’ordre social. Les bases sur lesquelles le second comité de constitution a voulu établir son travail à cet égard, m’ayant paru inconciliable avec mon plan, je l’avais rejeté dans mon portefeuille, d’où il ne sort aujourd’hui, contre mon gré, que par des considérations de devoir, dont il est inutile de rendre compte. Pourquoi, dira-t-on peut-être, ne nous pas donner en même temps, dans un ou plusieurs discours préliminaires, l’esprit général, les développements, les notes, etc., que votre plan suppose, et dont il ne présente ici que les résultats et l’ensemble? Pourquoi ? parce que ces dissertations, ces sommaires, etc., peuvent suffire à l’auteur dans leur forme actuelle, et que pour rendre tout cela lisible pour autrui, il faudrait se donner une peine que j’avais espéré n’avoir pas (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. (2) J’étais dès lors concurremment chargé de ce travail, puisque j’étais aussi du ler comité de constitution. besoin de prendre, et qui, en ce moment, passe mes forces. Mais je désire ardemment que mon travail puisse servir à d’autres, pour en faire un moins imparfait. On voudra bien seulement ne pas oublier que ce n’est ici que l’organisation de la machine judiciaire et non un système général de justice. Il faut toujours distinguer la constitution de la législation et même de cette partie de la législation qui présente les devoirs des agents publics. Un projet de constitution de police et justice ne dispense pas de faire ensuite un Code de police et un Code de justice. PROJET DE DÉCRET. Art. 1er. Au 1er juin de la présente année 1790, l’ancienne organisation de la police générale et de la justice, et tout ce qui en tient lieu, cesseront à la fois dans toutes les parties du royaume, et seront remplacés par un nouvel ordrejudiciaire et de sûreté publique, tel qu’il est constitué par le présent décret. Art. 2. La direction de la police et la dispensation delà justice continueront de se faire partout au nom du roi. TITRE PREMIER. De la police et de la justice primaires dans les villes et dans les campagnes. Art. 3. Tous les ans, au premier dimanche de décembre, chaque assemblée primaire nommera dans son sein, et pour toute l’étendue de son ressort local, un lieutenantde police et un lieutenant de justice, lesquels entreront en fonction le 1er janvier suivant. Art. 4. Ces deux magistrats primaires pourront être continués pendant trois années consécutives ; après lesquelles, ni l’un ni l'autre ne pourra être réélu qu’après un intervalle au moins d’un an. Art. 5. Quant à la présente année 1790, le lieutenant de police et celui de justice seront partout nommés le premier dimanche de mai, pour être en activité de service au 1er juin suivant, et cette élection tiendra lieu, pour la présente année, de celle qui, aux termes de l’article précédent, devrait se faire au mois de décembre ; de sorte que la première élection des lieutenants de justice et de police sera pour dix-neuf mois, et que la seconde élection n’aura lieu qu’en décembre 1791. Art. 6. Les fonctions des lieutenants de police sont: 1° De prévenir, autant qu’il est possible, les délits, et même les contestations juridiques ; 2° De rechercher les auteurs des délits commis ; 3° De les livrer à la justice. Ges trois sortes de fonctions an té-judiciaires constituent la police proprement dite, ou la police générale qu’on ne doit point confondre, d’une part, avec les polices administratives confiées aux municipalités et autres corps administratifs; et de l’autre, avec cette partie de la police purement contentieuse , qu’il n'est pas possible de séparer de l’autorité judiciaire. Art. 7. 11 sera fait, pour caractériser ces différentes polices, pour déterminer leur étendue et leurs limites, et pour régler la manière d’en exercer les fonctions, un code de police générale , où la police générale surtout, dont l’organisation