m [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. villes une assemblée particulière, afin de s’assurer que les campagnes en auraient une ; il conclut en disant que la ville deRozay doit avoir son assemblée particulière et il présente un projet de décret. Ce projet de décret obtient la priorité. Il est mis aux voix et adopté ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale décrète que l’article 14 du décret concernant les assemblées administratives, ensemble l’article des instructions sur les assemblées particulières des villes, seront exécutés selon leur forme et teneur ; en conséquence, que la ville de Rozay aura particulièrement son assemblée primaire, composée des seuls citoyens actifs de cette ville. » M. de Latude est introduit à la barre, et fait à l’Assemblée nationale l'hommage de ses mémoires. M. Thierry lit, au nom de M. de Latude, un discours que l’Assemblée nationale ordonne d’insérer dans son procès-verbal. « Messieurs, le sieur de Latude, dont je suis le défenseur, m’a laissé le soin de prendre la parole, que l’affaiblisement de ses organes et l’émotion qu’il éprouve en votre présence, ne lui permettent pas de vous adresser. « Cette malheureuse et trop célèbre victime du despotisme, a passé trente-cinq ans dans des prisons d’Etat : le sieur de Latude a usé trente-cinq années de sa vie dans les larmes et le désespoir ; et il était innocent ! ou, si l’on veut, son crime était d’avoir déplu à une favorite et à deux ministres. Il rend publique aujourd’hui l’histoire de tant d’infortunes : c’est à vous, Messieurs, qu’il en devait le premier hommage ; il vient vous l’offrir, et il ose croire qu’il est digne d’être placé sur l'autel de la patrie. « Une trop funeste expérience lui a appris de quoi cet ancien despotisme était capable. 11 l’a dévoilé, il a dit tout, et il l’a dit peut-être avec quelque énergie. « Qu’il est doux pour lui de pouvoir élever jusqu’à vous, Messieurs, des regards flétris si longtemps dans la solitude du cachot ! qu’il est consolant pour lui de pouvoir dire à ce moment qu’il a servi aussi sa patrie dans les fers, et de penser que les larmes qu’il y a versées ne sont plus stériles ! Oui, Messieurs, "en considérant cette triste victime de la haine de deux hommes puissants, en voyant la trace des chaînes dont ils l’ont accablé, vous trouverez des forces nouvelles; et, au récit de ce que l’on pouvait oser, et de ce que l’on osait impunément, nos citoyens, plus fiers de votre ouvrage, jouiront plus vivement de la tranquillité que vous nous avez assurée ; ils connaîtront mieux le prix de vos bienfaits. » M. le Président répond : t Monsieur, vous avez acquis depuis longtemps la triste célébrité du malheur. Il n'est aucun de nous qui n’ait été instruit de votre long supplice, de votre inébranlable constance, et du zèle infatigable de cette femme héroïque, qui, journellement auprès de vous, venge les torts des hommes, et remplace les soins de la providence. Ce sont vos mains qui, les premières, ont osé saper les fondements de ces cachots terribles auxquels vous avez eu le bonheur d’échapper et de survivre, et c’est le souvenir de vos outrages qui a redoublé le zèle que d’autres mains ont mis à les renverser. L’Assemblée nationale détourne un moment sa pensée de la pitié qu’excitent vos infortunes, pour s’applaudir de ce que leur J [7 mai 1 790.] époque éloignée ne permet pas d’en accuser le monarque bon et humain qui nous gouverne. Elles vous accablaient à son insu: il les a réparées dès qu’il a pu les connaitre, et vous savez qu’il n’est point de cœurs français qui en aient été plus vivement touchés que le sien. Puisse la nature prolonger vos jours, et puisse la plus célèbre victime du despotisme être le témoin le plus durable et le plus heureux de la liberté ! « L’Assemblée nationale vous permet et permet à votre ange tutélaire d’assister à sa séance. » M. d’André, député de Provence , prévient l’Assemblée qu’on débite un imprimé ayant pour titre : Marseille sauvée. Tous les détails en sont faux ; on n’a pas braqué et tiré sur le peuple des canons chargés à mitraille et aucune personne du peuple n’a été tuée. La vérité, c’est que la garde nationale a surpris le fort Saint-Jean et que l’officier qui commandait, M. de Galvet, a été massacré. M. le Président dit que l’ordre du jour est la suite de la discussion sur le projet de règlement pour la municipalité de Paris. Le titre I ayant été décrété dans les séances précédentes, la délibération va porter sur le titre II. M. Démeunier, rapporteur , développe l’esprit des articles . proposés. M. l’abbé Manry propose à l’article 2 un amendement qui consiste à ajouter après le mot jugera celui de définitivement. M. Démeunier, rapporteur , repousse l’amendement, mais il modifie la rédaction de l’article. Les articles 1 à 8 sont ensuite mis aux voix successivement et adoptés ainsi qu’il suit : TITRE II. Art. Ier. « L’Assemblée de chacune des quarante-huit sections commencera par l’appel nominal des citoyens actifs, d’après les titres qu’ils auront présentés en entrant. Art. 2. «S’ils’élèvedes difficultés sur l'admission d’un citoyen, sa section en jugera : le citoyen exclu par le jugement de sa section sera tenu de s’éloigner, sauf à faire reconnaître ses titres pour les élections suivantes, par l’administration du département, à qui la connaissance définitive en demeure attribuée. Art. 3. « Les citoyens actifs désigneront les personnes dans leurs bulletins, de manière à éviter toute équivoque; et un bulletin sera rejeté, si, faute de désignation suffisante entre le père et le fils, entre les frères et autres personnes de même nom, l’assemblée juge qu’il y a incertitude sur les personnes désignées. Art. 4. « Le recensement général à l’Hôtel-de-Ville, des scrutins des quarante-huit sections, sera fait par huit citoyens tirés au sort, dont quatre seront pris parmi les membres du corps municipal, et quatre parmi les commissaires des diverses sections. Art. 5. « Après l’élection du maire et du procureur de la commune, dont la forme est déterminée au premier titre, les deux substituts adjoints seront élus par les quarante-huit sections au scrutin de liste simple, mais ensemble et à la pluralité relative, laquelle sera au moins du quart des votants. 423 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 mai 1790.] Art. 6. « Si le premier scrutin ne donne à personne la pluralité du quart des suffrages, on procédera à un second, dans lequel chacun écrira encore deux noms sur son bulletin. Art. 7. « Si aucun citoyen n’obtient la pluralité du quart des suffrages, on procédera à un troisième et dernier scrutin : dans ce dernier scrutin, on ne pourra choisir que parmi les quatre personnes qui auront eu le plus de voix au scrutin précédent; on écrira deux noms sur les bulletins, et les deux citoyens qui obtiendront le plus de suffrages seront nommés substituts du procureur de la commune. Art. 8. « Si, au premier scrutin, un des citoyens a obtenu la pluralité du quart des suffrages, et accepté, on n’écrira plus qu’un nom au second scrutin, et au troisième on choisira entre les deux citoyens qui auront eu le plus de voix. » M. l’abbé Maury demande la parole avant de passer aux articles suivants. La parole est accordée. M. l’abbé Maury. Je demande que les élections soient définitivement achevées par chaque section. Les membres des districts doivent déterminer leur confiance à leur gré : vous n’avez pas décrété que l’élection d’une ville serait jugée par la ville voisine. Quel est le principe fondamental de la divisionde la ville de Paris en districts? C’est la supposition que les citoyens de tel ou tel quartier ne peuvent connaître ceux qui habitent un quartier opposé; en reconnaissant la nécessité de les séparer par classes, vous avez aussi reconnu la nécessité de les rendre indépendantes les unes des autres. Personne ne connaît mieux que moi l’homme digne de ma confiance, etje ne vois pas pourquoi vous y mettriez des bornes. Je demande donc, pour l’intérêt de la liberté, que l’élection des districts soit définitive. M. Moreau de Saint-Méry. Si le préopinant avait eu, comme moi, l’expérience des inconvénients qui résultent de la faculté d’avoir à la commune des représentants immédiats, il ne soutiendrait pas plus longtemps son opinion. Dans son système, il faudrait, pour conduire les quarante-huit sections, quarante-huit maires. Les officiers municipaux ne sont pas représentants d’une section, mais de la ville entière ; ce principe est consacré : et cependant, si les districts nommaient des représentants immédiats, il s’ensuivrait qu’ils ne devraient stipuler les intérêts que de leur section. (La discussion est fermée sur cet article.) M. l’abbé Maury. Vous compromettez l’autorité de l’Assemblée, car elle ne sera pas obéie si vous maintenez l’article 16. M. Camus. Je demande qu’on rappelle à l’ordre M. l’abbé Maury, pour avoir calomnié la ville de Paris. M. l’abbé Maury. Mettez-moi à l’ordre; inscrivez mon nom sur le procès-verbal; censurez-moi, je le demande. (L’Assemblée rappelle à l’ordre M. l’abbé Maury ; il applaudit lui-même au décret.) M. Dupont (de Nemours). J’observesurce même article 16 que, pour faire de Paris une unité politique, il faudrait considérer les sections comme les bureaux de l’Assemblée nationale; par suite, il ne faudrait pas examiner la majorité dans chaque section, mais la majorité des suffrages de toutes les sections collectivement prises. M. Démeunier, rapporteur. Le principe invoqué par M. Dupont n’est pas applicable au cas présent, parce que chacune des sections ne conclut point par elle seule ; mais elle concourt à un résultat unique. J’ajoute une seule observation, c’est que le dépouillement d’un scrutin individuel serait impraticable dans le cas de l’article 16. (On demande à aller aux voix.) M. le Président consulte l’Assemblée, qui ferme la discussion. Les art. 9 à 44 sont successivement mis aux voix et adoptés ainsi qu’il suit : Art. 9. « Lors de la première formation de la municipalité, chacune des quarante-huit sections élira parmi les citoyens éligibes, de sa section seulement, trois membres destinés à faire partie du corps municipal, ou du conseil général de la commune. Art. 10. « L’élection se fera au scrutin individuel et à la pluralité absolue des suffrages. Art. 11. « Si, au premier scrutin, la pluralité absolue n’est pas acquise, il sera procédé à un second ; si le second scrutin ne fournit pas non plus la pluralité absolue, il sera procédé à un troisième, entre les deux citoyens seulement qui auront eu le plus de voix au second. Art. 12. « En cas d’égalité de suffrages au second et au troisième scrutin, entre plusieurs citoyens ayant le nombre de voix exigé, la préférence sera accordée à l’âge. Art. 13. « Les nominations étant faites dans les quarante-huit sections, il sera envoyé par chacune d’elles à rHôtel-de-Ville un extrait du procès-verbal, contenant tes noms des trois citoyens élus. Art. 14. « Il sera dressé une liste des cent quarante-quatre citoyens ainsi nommés; cette liste, désignant leurs demeures et qualités, sera im-rimée, affichée et envoyée dans les quarante-uit sections. Art. 15. « Les sections seront tenues de s’assembler le lendemain de cet envoi, et elles procéderont à la lecture de la liste imprimée, à l’effet d’accepter la nomination des citoyens qui y seront compris, ou de s’y refuser. On recueillera les voix par assis et levé, et sans aucune discussion, sur chacune des cent quarante-quatre personnes comprises dans la liste, mais une section ne soumettra point à cette épreuve les trois qu’elle aura nommées. Art. 16. « Les résultats de la présentation de la liste dans chaque section seront envoyés à l’Hô-tel-de-Ville, et les citoyens qui n’auront pas été acceptés par plus de la moitié des sections, seront retranchés de la liste, sans autre information. Art. 17. « Les sections respectives procéderont, dès le lendemain de l’avis qui leur en aura été donné par le corps municipal, au remplacement des membres retranchés de la première liste. Art. 18. « Les noms des citoyens ainsi élus en remplacement, seront envoyés dans les sections pour y être acceptés ou refusés dans le jour, de la même manière que les premiers. Art. 19. « La liste des cent quarante-quatre élus étant définitivement arrêtée, les quarante-huit sections procéderont, de la manière suivante, à l’élection des quarante-huit membres du corps municipal.