206 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j *§ aéSrc�liæ nous demandent la paix ! Faites voir à l’ univers entier qu’il n’est qu’un peuple libre pour donner des lois; déjà les despotes vous demandent des leçons. Continuez, et bientôt vous les verrez venir les copier. Nous avons juré de ne vous abandonner qu’à la mort. Nous vous adressons encore notre serment pour vous prouver que nous aimons mieux la mort et que nous nous ensevelirons plutôt sous les débris de la Répu¬ blique, que de souffrir que les tyrans s’y réfu¬ gient. « Les sous-officiers et volontaires du détache¬ ment du 4e bataiUcn de VOise en garnison à Bouchain. » ( Suivent 14 signatures.) 3° Des membres de la Société populaire de Fruges, qui font la même invitation à la Con¬ vention nationale; ils envoient les détails de la fête civique qui a été célébrée dans cette com¬ mune, et annoncent que les saints de bois qui sont dans leur commune chaufferont désormais les corps de garde (1). Suit la lettre d’envoi de l’adresse (2). La Société populaire montagnarde de Fruges , au Président de la Convention. « Citoyen Président, « Nous te prions de vouloir bien communiquer à la Convention l’adresse ci-jointe, persuadés que tu vois du même œil le pauvre et le riche, le capitaliste et le villageois. Nous ne doutons pas que tu ne te rendes à nos vœux. « Les membres du comité de correspondance, « Demond; Lacoedaire. » « A Fruges, le primidi de frimaire, 2e année de la République française, une et indivisible. » Adresse (3). La Société populaire et montagnarde de Fruges, département du Pas-de-Calais, à la Convention nationale. « Représentants, « Nous croyons devoir vous instruire de la fête qui a eu lieu en notre bourg la veille et le jour de la dernière décade de brumaire, sachant avec quel intérêt vous apprenez les progrès de la raison. « Le nonidi de la troisième décade de bru¬ maire, il a été fait une souscription à la Société populaire pour subvenir aux besoins des défen¬ seurs de la patrie; la générosité est l’âme des vrais républicains, ils se font connaître en cet instant, tous souscrivent selon leurs facultés et bientôt il s’y trouve des chemises, des bas et des souliers pour au moins .3,500 livres (vous (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 79. (2) Archives nationales, carton.C 286, dossier 835. (3) Ibid. observerez que notre population n’excède pas 1,500 âmes et qu’il n’est pas une famille qui no vive de son travail). « Il est décidé, à la Société, que le lendemain,. jour de décade, il sera planté sur la place deux arbres vivaces, l’un pour nous représenter la liberté, l’autre la fraternité; le sapin et le chêne obtiennent la préférence, le premier comme devant, par sa hauteur, dominer l’univers et annoncer du plus loin aux tigres qui nous font la guerre, que cet arbre est le signe de notre ralliement et le pronostic certain de la chute des tyrans; le second, comme devant annoncer à nos neveux la victoire que leurs pères ont remportée sur l’esclavage; ils viendront se reposer sous ses rameaux; ils diront, pénétrés d’un saint en¬ thousiasme : « Ce chêne est planté pour nous, nos auteurs l’ont arrosé de leur sang. » Ils re¬ gretteront de n’être pas nés plus tôt pour par¬ tager nos glorieux travaux. Ces jours de décade nous nous rassemblerons sous son feuillage, nous y danserons et nous y chanterons le triomphe de la liberté. « Le lendemain, jour de la décade, nous sor¬ tons tous avec nos habits du dimanche jadis pour aller chercher nos arbres ; tous veulent avoir part à ce glorieux travail ; un moment voit leur cime à nos pieds, le moment qui suit la voit dans les nues. Nous revenons, glorieux de notre charge ; la garde nous attend, nous marchons au lieu indi¬ qué, tambour battant et drapeau déployé. « Nous apprenons en cet instant que nos prêtres ont déposé leurs lettres, reconnu publi¬ quement leur erreur et avaient juré de ne voir et de n’aimer que la Constitution; nous avons vu avec plaisir deux individus redevenir citoyens,. et, de passifs, devenir actifs : ils accompa¬ gnaient notre cortège la pique à la main. « On les plante enfin, ces arbres; c’était là le moment de plaisir. Ha, quel concert ! Ce n’était pas celui de l’Opéra, mais c’était celui de la nature; nous chantions tous ensemble tantôt l’hymne des Marseillais, tantôt les sans-culottes, etc., etc., car, grâce au génie de la liberté, nous en savons quelques-unes de ce genre, et si nous-n’en savions pas, nous en ferions, car nous som¬ mes poètes aussi, nous autres villageois. « Notre char de triomphe ne doit pas non plus être oublié, il portait notre musique et notre drapeau, mais que disons-nous notre drapeau! à l’instant même il ne l’est plus, on se rappelle avec horreur qu’il a été donné par un émigré, par un scélérat qui porte le poignard dans le sein de sa mère; les républicains, saisis d’une sainte horreur, le mettent à l’instant en lambeaux, le condamnent au feu; il subit son jugement au milieu des cris mille fois répétés de Vive la Bépublique ! vive la Montagne ! Ce drapeau est aussitôt remplacé par trois rubans tricolores (donnés par une républicaine, épouse de Courtois, président du district de la Montagne-sur-Mer), attachés à une pique surmontée du bonnet de la liberté, et reconnus par toutes les compagnies de la garde nationale qui lui ont juré fidélité. Cette journée s’est terminée par le banquet civique, où maintes rasades ont été bues à la santé de la sainte Montagne. Voilà notre journée et voici nos vœux : « C’est que vous n’abandonniez pas le gou¬ vernail que le vaisseau ne soit au port ; continuez vos glorieux travaux. Vous n’avez pas encore assez fait, l’enfant est exigeant et craint que son père ne l’abandonne dans le moment où il est [Convention nationale . ] ARCHIVES PARLEMENTAIRES . j » SSSbrTn W 207 encore dans le danger. Méritez, augustes repré¬ sentants* les noms qui vous sont dévolus, en couronnant votre ouvrage nous vous nommerons nos pères et nos libérateurs. « Il faut encore vous faire part de notre sollicitude. Nons n’aimons pas à voir nos maga¬ sins si près de l’ennemi. Que deviendrions-nous s’ils tombaient en leur pouvoir? Vrais Monta¬ gnards, conservez -nous du pain et la République ne manquera pas de bras. « Nous n’entendons plus de messes, la cloche ne sonne plus que pour rassembler le peuple pour délibérer sur ses droits; nous guillotine¬ rons, à la première décade, nos saints ; nous brûlerons leurs têtes sur la place et leurs corps au corps de garde; nous nous attendons à quelques miracles, mais nous espérons que Lebon, votre collègue, en sera témoin. « Les membres du comité de correspondance. « Demond; Lacordaire. ■ « Fruges, primidi de la première décade de frimaire, deuxième année de la République française une et indivisible. » 4° Du comité révolutionnaire et du maire de la commune de Condrecy [Condrecie (1)]; ils ins¬ truisent la Convention qu’il n’y a plus chez eux que des emblèmes de la liberté; que tout ce qui tenait aux prêtres est disparu, et que les dé¬ pouilles de leur église procureront au moins 9 à 10,000 livres (2). Adresse du comité républicain révolution¬ naire et du maire de Condrecie (3), Le comité républicainement révolutionnaire de Condrecie, et le maire, aux représentants du peuple formant la Convention nationale française, Salut . « Les hommes qui ont préparé la Révolution, et ceux qui l’ont amenée où nous en sommes, ont tant dit la vérité et nous l’attestons à nos derniers neveux, que les prêtres sont des fléaux de la société dont il faut se défaire et surtout de leur morale. Pour qu’ils n’en impo¬ sent plus dans notre commune, nous avons tout bonnement retiré leurs vases (et ce que nous ne connaissons plus), toutes leurs petites boîtes empiriques d’argent, leurs habits de petit et de grand opéra. Des uns nous avons ôté les galons; des seconds nous en avons fait une liasse pour les dégraisser. Cette opération faite cela vaudra au moins 9 à 10,000 livres. « Eh bien ! comme ces hommes nous ont trompés, nous leur avons déclaré saisir ce que nous croyons valide (sic), nous vous envoyons toutes les pièces pour nous défendre s’ils nous attaquaient. « Nous n’avons plus que des emblèmes de la liberté, tout ce qui tenait aux prêtres a dis¬ paru des places et chemins. Les cloches n’iront pas à Rome cette année, mais au creuset. Pas un ennemi de la République, la plupart sont (1) D’après le document des Archives. — Nous n’avons pas pu identifier cette commune. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 80. (3) Archives nationales , carton G 283, dossier 812. loin, les autres sont en «ûretcé, de manière que nos opérations se font tranquillement. Nos frères d’armes ne doivent pas être en peine de chemises, nous leur en enverrons au moins un mille que nos riches ont ici de trop ; nous leur ferons aussi passer des armes et autres effets que nous avons pris aux gens suspects. « Condrecie le 3 frimaire, 2e année de la République française démocratique. » (Suivent 9 signatures.) 5° De la Société populaire de Rhodez (Rodez), qui demande que l’argenterie de toutes les églises de la République soit convertie en monnaie, et que les prêtres se servent de vases ordinaires (1). Adresse de la Société populaire de J Rodes (2), La Société montagnarde de Rodez, aux citoyens représentants du peuple français. « Le 23 brumaire de l’an II de la République française, une et indivisible, à jamais impérissable. « Citoyens représentants, « Assez et trop longtemps le peuple français a gémi sous le poids de la servitude et de l’aris¬ tocratie sacerdotale; il est temps, législateurs, il est temps de réprimer l’orgueil de la secte célibatrice et de la forcer à se courber sous les lois de la sainte égalité. Pourquoi les palais des prêtres (qu’on appelle palais .de la divinité), pourquoi leurs temples révoltent -ils encore par leur splendeur et leur magnificence les yeux des bons républicains, des véritables sans-culottes? Pourquoi ces vierges, ces saints, ces croix d’or, d’argent, de bronze ou de tout autre métal qui pourraient servir contre nos enne¬ mis, changes en foudres de guerre, et pour sol¬ der nos troupes, fondus eu monnaie natio¬ nale? Pourquoi des hommes qui se disent pa¬ triotes, des prêtres constitutionnels, boivent - ils encore dans des vases riches et somptueux en sacrifiant à la divinité? Est -ce ainsi qu’ils imitent le simple et débonnaire Jésus, dont ils se disent les disciples? Vrai sans-culotte, ennemi du faste et du luxe, aimant ses sem¬ blables, aurait -il jamais institué une secte dont les principes sont si opposés aux lois de la nature et de l’ égalité? « Frappez, législateurs, frappez, anéantissez ee dangereux préjugé. Que toute l’argenterie de toutes les églises de la Répubbque soit changée en monnaie; que les saints soient fon¬ dus, que les croix soient converties en piques, que les prêtres boivent, en sacrifiant, dans des vases ordinaires, et le peuple ébloui par l’appa¬ reil qui les accompagne dans leurs sacrifices ne les regardera plus comme des hommes extraor¬ dinaires. Tel est, représentants, le vœu des sans-culottes de la ville de Rodez, attachés aux principes de la saine philosophie ; ils abhor¬ rent le mensonge, le fanatisme et l’hypocrisie; leurs bras ne sont élevés que vers la Montagne, de laquelle ils attendent leur salut. « Cabrol, président; Najac, secrétaire ; R. Itgé, secrétaire. » (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 80, (2) Archives nationales, carton G 286, dossier 835.