| Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 août 1789.1 399 au Te Deum dans le costume ordinaire, ou bien dans celui de cérémonie. Il est décidé que le grand costume convient a cette cérémonie. Un de MM. les secrétaires fait lecture du proces-verbal de la séance du 4. M de Gaillon. Puisqu’on veut détruire le régime féodal, il faut porter la hache sur mus les abus qui en naissaient; en conséquence, je propose l’abolition du droit d’aînesse. M. le prince de Poix s’élève contre cette proposition. M. le comte de Mirabeau fait remarquer que, cette loi ne pouvant appartenir qu’à la législation civile, on ne doit s’en occuper qu’après l’achèvement de la constitution qui est en ce moment le véritable objet des travaux de l’Assemblée. M. le duc de Liancourt, au nom, du comité des finances, dit : Plusieurs membres du comité ont pensé que le traitement des députés devait être fixé. Dans un temps où vous ne pouviez offrir à la nation aucun avantage, aucune [réforme, où les finances étaient dans le plus grand désordre, il n’était pas temps de vous entretenir de cet objet ; aujourd’hui les circonstances ne sont plus les mêmes ; vous avez accordé un emprunt qui va remplir la caisse nationale et vous avez à montrer à la France tous les sacrifices qui ont été faits. Il est de toute vérité que les commettants doivent pourvoir aux besoins de leurs représentants. Plusieurs provinces ont déjà rempli ce devoir et il semble que l’Assemblée nationale doit faire un traitement égal pour tous et qu’il convient d’indemniser les députés de leurs frais de voyage. Je propose donc l’arrêté suivant: projet d’arrêté. « L’Assemblée nationale, sur la motion d’un de ses membres, a décrété : « lo Que le traitement qui doit être fait à chaque député serait payé par jour ..... et que pour le voyage de chacun, il lui serait tenu compte de quatre jours s’il n’est pas au delà de 50 lieues de Versailles, de huit jours s’il est dans la distance de cent lieues et de quinze jours si l’éloignement est plus considérable ; « 2° Qu’il serait établi un comité de quatre personnes pour s’entendre avec le ministre de la feuille des bénéfices, pour aviser au moyen de payer ce traitement. » M. Chasset fait ensuite une motion tendant à la nomination de plusieurs comités, pour l’exécution de l’arrêté pris le 11 : 1° D’un comité de quinze personnes choisies au scrutin dans les bureaux, et parmi les membres n’ayant aucune fonction particulière dans l’Assemblée, pour préparer le travail des affaires du clergé ; 2° D’un comité composé d’un même nombre de membres, et élus de la même manière pour s’occuper des règlements à faire sur la liquidation des offices de judicature ; 3° D’un comité pour les droits féodaux, dont les membres seraient choisis par généralité Cette motion est accueillie par l’Assemblée. M. Desmeuniers. Si l’on discute séparément dans l’Assemblée les divers projets de déclaration des droits, on perdra un temps considérable: en conséquence, je demande l’établissement d’un comité, qui, après l’examen de ces divers projets, présentera lundi prochain une déclaration des droits qui sera soumise alors à la discussion de l’Assemblée, et je demande que les membres qui avaient déjà proposé des projets de déclaration soient exclus de ce comité. Cette proposition est adoptée, et il est décidé en outre que ce comité sera composé de cinq membres. M. Target, membre du comité de rédaction , lit un projet d'adresse au Roi, conçu dans les termes suivants : a Sire, l’Assemblée nationale apporte à Votre Majesté une offrande vraiment digne de votre cœur: c’est un monument élevé par le patriotisme et la générosité de tous les citoyens. Les privilèges, les droits particuliers, les distinctions nuisibles au bien public ont disparu. Provinces, villes, ecclésiastiques, nobles, citoyens des communes, tous ont fait éclater, comme à l’envi, le dévouement le plus mémoralile ; tous ont abandonné leurs antiques usages avec plus de joie, que la vanité n’avait jamais mis d’ardeur à les réclamer. Vous ne voyez devant vous, Sire, que des Français soumis aïix mêmes lois, gouvernés par les mêmes principes, pénétrés des mêmes sentiments, et prêts à donner leur vie pour les intérêts de la nation et de son Roi. Comment cet esprit si noble et si pur n’aurait-il pas été ranimé encore par l’expression de votre confiance, par la touchante promesse de cette constante et amicale harmonie , dont jusqu’à présent peu de rois avaient assuré leurs sujets, et dont Votre Majesté a senti que les Français étaient dignes? « Votre choix, Sire, offre à la nation des ministres qu’elle vous eût présentés elle-même. C’est parmi les dépositaires des intérêts publics, que vous choisissez les dépositaires de votre autorité. Vous voulez que l’Assemblée nationale se réunisse à Votre Majesté pour le rétablissement de l’ordre public et de la tranquillité générale. Vous sacrifiez au bonheur du peuple vos plaisirs personnels. « Agréez donc, Sire, notre respectueuse reconnaissance et l’hommage de notre amour, et portez dans tous les âges le seul titre qui puisse ajouter de l’éclat à la Majesté Royale ; ;le titre que nos acclamations unanimes vous ont déféré; le titre de restaurateur de la liberté française. » On propose de renouveler le comité de rédaction, le temps d’exercice de ceux qui le compo-saientétant expiré. M. Régnault rappelle qu’il a été décidé que le comité de vérification ferait une liste des députés vérifiés, et demande qu’elle soit remise incessamment, afin qu’elle puisse servir à faire l’appel dans les délibérations importantes qui se préparent pour les jours suivants. M. Lavle, qui avait formé opposition à la députation de M. Gobel, évêque de Lydda, suffragant de Bâle, déclare se départir de son opposition, et demande que le jugement de cette contestation soit remis à la fia de la session. M. Gobel, évêque de Lydda, fait ses remercî-ments à M. Lavie; il proteste qu’il prouvera tou- 400 [Assemblée nationale.] A R CTI I vas PARLEMENT AIR ES. [12 août 1789.] jours à l'Assemblée son zèle et ses vœux pour le bien public, vœux trop longtemps contrariés par des mandats impératifs. La proposition de M. Lavie est décrétée. M. PisonduGalland propose l’établissement d’un comité composé de trente -quatre membres élus par généralités pour la liquidation des droits féodaux et des rentes foncières. Cette proposition est adoptée. M. le Président invite les membres de l’Assemblée à se retirer dans les bureaux pour procédera l’élection des membres qui doivent former les divers comités dont l’établissement a été décrété, et à l’élection d’un archiviste. La séance est levée. ANNEXE à la séance de l’Assemblée nationale du 12 août 1789. CHARTE CONTENANT LA CONSTITUTION FRANÇAISE DANS SES OBJETS FONDAMENTAUX Proposée à l’Assemblée nationale par Charles-François Bouche, avocat au Parlement et député de la sénéchaussée d’Aix (1). DIEU, LA LOI, LA PATRIE ET LE ROI. Le .... du mois de....; de l’an 1789 après Jésus-Christ, 1371 ans après Pharamond, premierRoi de France; 892 ans après Ilugues-Capet, tige de l’auguste Maison des Bourbons, actuellement régnante, et la seizième année du règne de Louis XVI, proclamé le restaurateur de la liberté française , la nation, considérant que la succession des siècles, le changement de règne, les guerres de terre et de mer, le luxe, de nouvelles mœurs, de nouveaux besoins, ont altéré la constitution politique, économique, civile, militaire et fiscale de la monarchie française, a, sous les yeux d’une multitude innombrableide spectateurs de tous les Etats, proposé, discuté, rétabli et lixé la constitution par l’organe de l’Assemblée nationale convoquée à Versailles le 27 du mois d’avril dernier, séante en cette ville, et composée de représentants librement élus dans toutes les provinces, villes, bourgs et villages du royaume, et chargés de pouvoirs exprès pour régénérer la constitution. Elle l'a recueillie dans les maximes suivantes, destinées à devenir Ja charte des droits de l’homme, du citoyen, du monarque et du sujet français, et à faire le bonheur de Ja génération présente et de celles qui lui succéderont, Art. 1er. En se dégageant des mains de lasimple nature pour vivre en société, l’homme n’a point renoncé à sa liberté ; il ne s’est soumis qu’à eu régler l’exerciôe et l’usage par des lois modérées, justes et convenables; ou ce qu’il a perdu de la liberté, la société s’est obligée de le lui rendre en protection. Art. 2. Chercher des soutiens, se rendre heureux, futle motif qui fondales premières sociétés; rendre heureux les autres, ne leur jamais nuire dans leurs propriétés, leurs personnes et leur liberté, fut le lien de ces sociétés ; il doit l’être encore de toutes celles qui existent. Art. 3. Toute société que les hommes forment entre eux, doit être l’effet d’une convention libre. Les lois, les devoirs et les peines, la promotion et la sûreté, doivent y être égaux, lors même que les talents, l’industrie, les litres, les dignités, la fortune ou la naissance n’y admettent point une égalité de profits, d’honneurs et de préséances. Art. 4. La société est imparfaite, si elle n’a pas pour but le bien de tous les associés en général, et de chacun en particulier. Art. 5. La sûreté y dépend des services mutuels. Art. 6. Le bien commun doit donc être, en société, la règle de nos actions. On ne doit jamais y chercher l’avantage particulier, au préjudice de davantage public. Art. 7. Les hommesinégaux en moyens moraux et physiques, sont égaux en droits aux yeux des lois qui dirigent la société dontils sont membres. L’inégalité des premiers a donc dû établir l’égalité des seconds. Art. 8 .Rien n’étant plus convenable à la société que la compassion, la douceur, la bénéficence, la générosité, il suit que les hommes vivant eu société doivent se secourir dans leurs infirmités, leur vieillesse et leur indigence : ce qui établit la loi de la reconnaissance, de l’hospitalité, de l’humanité. Art. 9. Les devoirs, qui nous règlentpar rapport à nous-mêmes, nous aident à nous régler aussi par rapport aux autres hommes. Art. 10. De ces devoirs, nous voyons naître la religion et la morale, bases nécessaires de toute société. Art. 11. Les lois dont la société est armée, n’ont de force que pour empêcher les hommes de violer la justice et leurs devoirs envers les autres. Art. 12. C’est à la société que l’homme est redevable d’un nouveau genre de devoir, l'amour de la patrie, sentiment qui n’existe pas dans l’état de nature, et qui doit surtout caractériser le Français. Art. 13. La religion n’a aucun pouvoir coactif semblable à celui qui est dans les mains des lois civiles, parce que des objets qui diffèrent absolument de leur nature, ne peuvent s’acquérir par le môme moyen. Art. 14.’Dans toute société, il doit y avoir un culte publie et dominant; mais cette loi ne peut gêner la croyance ou les opinions particulières des individus associés, lorsqu’elles ne troublent point l’harmonie générale et l’ordre reçu, public et dominant dans la société. Art. 15. Considéré du côté des lois naturelles, tout homme a le droit de vendre, d’acheter, de trafiquer, de se livrer à tous les genres d’industrie dont il est capable, de parcourir l’étendue des terres et des mers qui se présentent à ses regards, de rester, de sortir, de revenir, de penser comme il le juge à propos, de publier ses pensées, de les faire circuler librement ; mais considéré du côté des lois sociales, il ne peut et ne doit jouir de ce droit, qu’autant qu’il ne blesse point les lois de la société. Art. 16. Une société bien ordonnée a des principes et des lois. Les premiers soumettent la raison, les secondes commandent à la volonté. Art. 17. Une république, un peuple, une nation ne font qu’une grande société qui doit être régie par les maximes qu’on vient d’exposer. Ces maximes regardent donc tous les Français réunis en corps de nation. Art. 18. Plus que tout autre peuple de la terre, les Français naissent et viventlibres. La magnait) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur.