684 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. J iy! î“u"fep “ai En un mot, nous avons deux objets : rétablir et venger la souveraineté du peuple; nous avons deux moyens : réintégrer la Convention dans Paris, ou en former ailleurs une nouvelle. Le premier parti exige un combat. Il faut attaquer la faction dans son camp, au milieu de sa puissance, de son or, de ses brigands. La vic¬ toire n’est pas douteuse, mais elle sera ensan¬ glantée; comme au 10 août, la tyrannie expirera, mais sur le corps de nos frères; les conjurés d’ailleurs ne seraient pas punis; leurs chefs, en¬ core dans la Convention, empêcheraient tout jugement, comme au 2 septembre, comme au 10 mars, et les bons députés même s’y prête¬ raient; se croyant parties (sic), ils voudraient être généreux. Le renouvellement soudain de la Convention et son placement provisoire hors de Paris, assure sans combat la souveraineté du peuple et sa vengeance. A Montpellier, de l’Imprimerie de J.-F. Tour-nel, père et fils, 1793, l’an II de la République. Ne varietur, à Paris, 7 nivôse, l’an II de la République une et indivisible. Voullani) ; Dubarran; Durand. VII. Précis de ma défense (1). On soupçonne mes sentiments, on m’accuse de fédéralisme, on dit que j’ai fait désarmer des patriotes pour armer des aristocrates ; enfin l’on dit que j’ai tenu six mois en prison un sans-culotte pour m’avoir traité d’aristo¬ crate. Mes sentiments. Je suis patriote depuis le premier joui-de la révolution, un des fondateurs du club et la garde nationale (sic); membre de la com¬ mune insurgeante qui, en 1789, chassa les an¬ ciens consuls, maire ensuite et renouvelé trois fois depuis cette époque. Aucune loi que je n’aie développée et fait aimer au peuple, soit de vive voix soit par écrit; aucun sacrifice que je n’aie fait; toujours donner et jamais recevoir, telle a été ma vie pendant quatre ans d’une magistrature aussi chère que gratuite. J’ai offert vingt-cinq mille francs à la République, vingt mille aux femmes de nos volontaires et toutes mes récoltes ont été remises au comité des subsistances, au prix le plus modéré, pour être distribuées au peuple; enfin aucun danger que je n’aie couru pour éviter au peuple des excès, dont il devient l’instrument et souvent la victime sans en être l’auteur, surtout dans le Midi; j’ai toujours couru aux insurrections sans armes et avec la seule force de la loi, de l’humanité et des bien¬ faits de la révolution que je faisais sentir. Jamais la loi martiale ne fut proclamée, aussi ai-je été blessé trois fois. La première fois par les femmes, à coups de pierres, lorsque j’installai les nouveaux curés; la deuxième fois d’un coup de sabre à la main lorsque je me (1) Archives nationales, carton W 309, dos¬ sier 405 bis. précipitai entre deux bataillons qui en venaient aux prises, et la troisième fois d’un coup de sabre dans le bas ventre lors des derniers recrute¬ ments; ce coup qui me renversa m’a laissé une hernie avec rétention d’urine, dont je souf¬ frirai toute ma vie. Mon patriotisme, prouvé par une foule d’é¬ crits, de sacrifices et de blessures, l’est aussi par les suffrages constants et unanimes de mes concitoyens. En 1791, les aristocrates s’étaient coalisés pour nommer un maire de leur parti; les patriotes prennent les armes, ils ont l’avan¬ tage et me confirment à l’unanimité. En ce moment encore, mon malheur n’a pu altérer leur confiance, la société populaire régénérée et l’ administration nouvelle ont répondu de mes intentions; il n’est aucun commissaire de la Convention, venu à Montpellier, qui n’ait été témoin de mon zèle, de mes efforts et de la confiance générale qui en était le prix. Mais, disent mes ennemis, j’aimais la Cons¬ titution de 1790. Je la maintenais, l’exécutais, mais ne l’aimais pas. Comme citoyen, je sentais le danger, la honte pour la liberté, pour les mœurs d’une royauté usurpatrice et corruptrice par nature. Ces principes je les ai professés, propagés aussitôt que la loi et la paix l’ont per¬ mis, notamment lorsque je proposai d’abattre la statue équestre de l’un de nos tyrans pour en faire des canons, et dans l’oraison funèbre de Le Pelletier, mort pour avoir fait mourir la tyrannie. Mais mon opinion comme citoyen se doit à mes devoirs comme magistrat, je devais attendre la loi, la désirer, mais en attendant exécuter les ordres et faire respecter les agents d’une autorité constitutionnelle et encore né¬ cessaire. Accusation de fédéralisme. Voici mes torts et ce que j’ai fait pour les réparer. Mes torts ont été en vaines paroles; mes services pour les réparer ont été en actions décisives. Voici la vérité. Depuis longtemps nous ne recevions que les écrits du parti Brissot, tous les journaux (ils sont les yeux du département) (sic) exaltaient le patriotisme et professaient les principes de ce parti conspirateur. Enfin, Isnaxd, président de la Convention, venait de faire la déclaration sur les dangers que couraient la liberté et la souveraineté du peuple dans la personne de ses représentants. Le 31 mai arrive. Trompés, aveuglés par tous les récits, par tous les journaux qui nous par¬ viennent, revêtus de noms encore bien impor¬ tants; encore remplis de l’inspiration prophé¬ tique d’Isnard publiée et envoyée par la Con¬ vention elle-même; trompés enfin par le rap¬ port même de Barère qui nous fut prescrite (sic) comme implorant les démissions volon¬ taires, il faut l’avouer, nous prîmes la révo¬ lution du 31 mai pour une conspiration dont les uns étaient victimes, les autres témoins mal¬ heureux ; attendris sur les uns, alarmés pour les autres, croyant la Convention en danger, nous jetâmes les hauts cris. C’était comme des aveugles ! Mais .des patriotes du Midi, trompés à ce point, pouvaient-ils ne pas le faire? Le club s’assemble. Motion de s’armer, d’arrêter les représentants du peuplee, les parents de tous les députés, leurs biens, etc., les motions enfin les plus emportées, comme de gens qui ont perdu la tête. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j � 680 J’ignorais cette assemblée, j’étais à mon travail à la commune. Les patriotes alarmés viennent me chercher. Je me rends avec eux à la Société populaire, le président rend compte des sentiments exprimés, des propositions faites. Je m’élève avec force contre celle-ci, mais je ne puis me défendre de l’opinion de l’erreur géné¬ rale sur le 31 mai, si étrangement défiguré à nos yeux. Cependant le département, réuni en conseil, convoquait les assemblées primaires; l’arrêté, premier acte dans cette affaire, est du douze du mois de juin. Les assemblées primaires de Montpellier invi¬ tent toutes celles du département à envoyer des commissaires dans leur sein. Le départe¬ ment et les quatre districts font passer et appuient cette invitation. Enfin les commissaires de toutes les assem¬ blées primaires du département forment un comité qui me nomme son président, comme premier magistrat de la principale commune. En cette qualité, je fis un rapport (c’est ma grande faute) où toutes nos préventions furent entassées et le plus vivement exprimées; ce rapport ne devait pas être imprimé, il le fut huit jours après par un abus de confiance; aussitôt que je le vis paraître au comité, j’en arrêtai la publication, surtout l’envoi aux campagnes, qui n’a pas eu lieu absolument, et je fis brûler par le secrétaire tout ce qui n’avait pas déjà été enlevé, presque l’entière édition. Ma manière de voir avait bien changé. L’ennemi approchait, les aristocrates se réjouissaient, enfin la Convention proposait la plus belle des constitutions. Frappé des dangers publics et saisi de joie de voir la Constitution paraître, je résolus de réparer par mes actions l’imprudence de mes paroles. Si je n’ai pu par¬ venir à calmer l’effervescence des esprits, j’ai tâché du moins d’empêcher toute mesure active, et aidé des bons républicains nous y sommes heureusement parvenus. On avait pensé à une force armée, je refusai absolument de requérir notre légion; le refus de Montpellier entraîna celui de tout le départe¬ ment. Marseille marchait pour Lyon contre Carteaux elle nous envoie des commissaires pour nous unir à elle, refus absolu. Le Gard, uni avec Marseille, s’était emparé de la citadelle et du Pont-Saint-Esprit, pour s’y soutenir contre le général Carteaux il nous requiert, il nous somme de lui envoyer des forces ; si nous l’eussions fait, tout le Midi aurait suivi; tout le Midi était embrasé, et l’armée républicaine éprouvait les plus grands obstacles ; refus absolu. Ce refus nous compromit vis-à-vis de Marseille et du Gard; nos concitoyens qui étaient à Beaucaire furent obligés de se retirer; mais ce refus sauva le Midi et peut-être la République, Le Gard resté seul prit la fuite. Marseille persistait encore. Le comité proposa au département une médiation pour faire ren¬ trer en elle-même et dans ses foyers une com¬ mune naguère si recommandable. Cette négo¬ ciation eut lieu et la Convention nationale en a mentionné honorablement et fait imprimer le rapport, quoique signé de deux membres du comité. Lyon se permit d’arrêter notre courrier à la Convention en demande de l’acte constitution¬ nel. Le comité lui répond par un mémoire plein de reproches, d’instructions fraternelles et des plus vives instances pour se détourner (il était temps encore) de sa révolte et de sa ruine. Enfin le tribunal de district reçoit l’acte constitutionnel, les commissaires du peuple se rendent ensemble au département pour l’invi¬ ter à demander communication officielle de l’acte le plus auguste, comme le plus cher, et à en faire sur le champ la publication. La publication faite en sa présence, le comité se sépara et chacun de ses membres fut dans ses assemblées voter et appuyer l’acceptation. Elle a été unanime dans le département. La conduite des commissaires du peuple a donc été régulière et patriotique. Régulière. — Le peuple usant du droit d’ex¬ primer sa volonté les avait nommés pour la rédiger, ils se sont renfermés dans ce mandat, ne levant aucune force, se refusant aux réqui¬ sitions fédératives, n’entreprenant rien sur les administrateurs, encore moins sur les repré¬ sentants du peuple, et maintenant la liberté, la sûreté de tous les citoyens. Patriotique. — L’erreur déplorable du comité venait de son patriotisme. Malgré son erreur, il s’est éloigné de toute mesure dangereuse, a empêché l’effet de celles prises par les départe¬ ments voisins, a procuré l’acceptation unanime de la constitution. Enfin a concouru au salut du Midi par ses refus réitérés envers Marseille et le département du Gard. Mais, disent ici mes ennemis, je n’ai point suivi, j’ai produit l’opinion publique sur le 31 mai (sie). — J’en suis incapable dans l’in¬ tention et dans le fait. — Dans l’intention, mes sentiments sont trop connus, trop éprouvés pour qu’on puisse soupçonner leur pureté; ce serait le comble de l’injustice. La gravité même de ma faute prouve ma bonne foi, un vil hypo¬ crite n’a pas cet abandon, cette franchise qui a signalé mon erreur dans le fait ; personne moins que moi ne peut former et suivre un système ; mon plus grand défaut, celui que mes ennemis m’ont toujours reproché, c’est la faiblesse, l’impuissance de résister à l’opinion de ceux qui ont mon estime. Tous mes concitoyens le savent, mon esprit est continuellement la dupe de mon cœur trop facile, trop aimant, qui a légèrement prêté foi aux récits les plus perfides, qui s’est ému, s’est attendri à la vue de tous les malheurs que des imposteurs trop accrédités lui ont fait voir. Ai-je désarmé les patriotes pour armer les aristocrates? Deux seuls patriotes ont été désarmés, mais comment l’ont-ils été? L’usage, la nécessité des circonstances, le besoin de conserver dans notre légion une confiance réciproque y a fait établir de tout temps que personne n’y entre, n’y reste sans son agrément. Cette règle, appui et garant de l’esprit révolutionnaire, a constamment été pratiquée dans notre légion et maintenue par les corps administratifs. Deux citoyens patriotes, à la vérité, mais considérés comme dangereux, furent rayés du club; leur bataillon assista à leur renvoi; le comité général de tous les bataillons le confirma et, suivant l’usage, les commissaires de la légion vinrent au conseil de la commune requérir un désarmement déjà jugé et prononcé. Le conseil de la commune l’ordonne. J’offris à ce3 deux citoyens d’être leur médiateur auprès du club et de la légion pourvu qu’ils revinssent à elle fraternellement et avec le désir de s’assurer 686 l Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ** Envier “mi leur confiance. Ils préférèrent la voie de la récrimination et des appels. Le district con¬ firma, le département confirma leur désarme¬ ment. Quant à l’admission dans les divers bataillons de beaucoup de citoyens qui jusque-là n’y avaient pas été admis ou même, pour quelques-uns, en avaient été renvoyés, voici pourquoi et comment elle a eu lieu : C’est le comité du bataillon qui scrutine le sujet proposé, et son admission si elle a lieu est confirmée ou annulée par le comité général de tous les bataillons. Cette règle a été suivie. La municipalité n’entre pour rien dans une admission. Elles ont été très fréquentes dans ces der¬ niers temps, et voici pourquoi : lorsque le départ en masse eut été décrété, tous les citoyens désirèrent entrer dans les bataillons, afin de servir à côté de leurs camarades, afin de soute¬ nir leur faiblesse par l’expérience des anciens, enfin pour n’être pas l’objet d’une distinction odieuse et d’une défiance continuelle; la garde nationale pourrait-elle refuser son appui sans union à des citoyens qui allaient se battre avec eux? Tous ceux à qui on n’avait à opposer que d’anciennes préventions furent admis. On leur dit : vous aurez l’ennemi devant vous, mais des amis, des frères à côté de vous. Vous y aurez aussi des surveillants. Tous partirent ensemble, la loi ne distinguait pas pour le danger, des frères pourraient-ils distinguer pour le service! Que reste-t-il à refuser à un citoyen que la patrie appelle à l’honneur de la défendre? Vous le placez dans vos armées, ils le seront plus dans vos légions : la République ne distingue pas entre ses défenseurs. Reste le reproche d’avoir emprisonné un sans-culotte pour m’avoir appelé aristocrate. Si jamais l’amour de la liberté et de mes semblables a pu me rendre magistrat intègre et homme sensible, c’est dans cette circonstance. Il y avait insurrection pour le blé, tous les journaliers de ville et de campagne étaient rassemblés, et sous prétexte de cherté et d’ac¬ caparement, ils menaçaient de tomber chez les négociants et sur le grenier de la commune pour les pauvres. Couru à l’insurrection, j’exhorte le peuple, je l’éclaire, lui expose les lois que la Conven¬ tion prépare et les mesures que la commune a prises pour l’abondance et le bon marché; enfin je propose aux citoyens de nommer des com¬ missaires qui, paisiblement et avec le magis¬ trat, visiteront tous les magasins et maisons de campagne. Le peuple, toujours bon et juste quand il n’est pas trompé, se rendait déjà à ma propo¬ sition, lorsqu’un citoyen prend la parole et, demandant un grand silence, s’écrie qu’il ne faut pas m’écouter parce que la municipalité est aristocrate, etc. J’attribuai au vin cette invective, et recommençant ma prédication, après bien des peines, j’eus le bonheur de réus¬ sir. Mais quelle fut ma surprise lorsque reve¬ nant à la commune, couvert de sueur, je vois le même citoyen au milieu du poste, déclamant contre la municipalité et exhortant les cama¬ rades à l’abandonner. Je lui dis que j’avais bien pu lui pardonner les dangers personnels qu’il m’avait fait courir, mais que pour le trouble public et bien évident intentionné qu’il causait, mon devoir m’obligeait de le dénoncer. La municipalité dénonça ce citoyen au juge de paix; le poste fut entendu et le tribunal correctionnel le condamna à six mois de prison. Aussitôt que je le sus, je fis prier la femme de ce citoyen de venir à la commune. Je lui témoignai combien j’étais fâché d’avoir été l’occasion du malheur de son mari, mais que sa femme, ses enfants n’en devaient pas souffrir et que je la priais de recevoir de moi, en qualité d’ami, de concitoyen, le montant de toutes ses journées pendant sa détention. Elle voulut bien l’accepter, et le club, instruit par le prison¬ nier lui-même, mentionna ma conduite sur ses registres. Je suis républicain de tout mon cœur. J’étais, je suis dévoué à la Convention. Comment ne pas aimer, ne pas estimer la République? J’ai trop d’amour, de respect pour mes semblables, dont la République seule peut maintenir les droits. Ces droits me sont aussi chers que sacrés; je les défendrai tant que je vivrai, par raison et par humanité. La raison me montre la vérité, et l’humanité me fait sentir les avan¬ tages des prinipes de la Révolution. Je lui appartiens en entier et mes moyens, ma vie, y seront consacrés. Vive la République, une et indivisible ! Le 23 brumaire de l’an II. Durand. Un membre demande qu’il soit défendu aux corps constitués d’envoyer de leurs membres en députation. On observe que cette proposition a déjà été dé¬ crétée, mais que le décret n’a point été rédigé, ni inséré au feuilleton. On fait à cet égard plusieurs propositions, elles sont toutes renvoyées au comité de Salut public (1). Un membre [Cambon (2)] propose de décréter que les citoyens qui possèdent une fortune excé¬ dant un capital de 200,000 livres ne seront pas admis aux avantages de la loi rendue hier sur les successions (3). Renvoyé au comité de législation (4). Compte rendu du Moniteur universel (5), Cambon-Citoyens, hier vous terminâtes une loi juste qui mérite bien une place dans le (1) Procès-verbaux de la Convention, i. 28, p, 303. (2) D’après la minute du décret qui existe aux Archives nationales, carton C 287, dossier n° 853. et la plupart des journaux de l’époque. (3) V. ci-dessus, séance du 14 nivôse an II, p. 627 le décret rendu sur la motion de Berlier. (4) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 303. (5) Moniteur universel [n° 106 du 16 nivôse an II (dimanche 5 janvier 1794} p. 427, col. 3]. D’autre part, le Journal des débats el des décrets (nivôse an II, n° 472, p. 213) et le Journal de la Montagne [n° 53 du 16 nivôse an II (dimanche 5 janvier 1793,) p. 422, col. 2] rendent compte de la motion de Cambon dans les termes suivants : I. Compte rendu du Journal des débals et des décrets. Cambon. Hier, citoyens, vous achevâtes une loi qui fera époque dans les fastes de la République, en assurant les droits des citoyens français dans les succcessions. Vous avez fait une exception favorable