[Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 novembre I790.| 377 Ce retranchement est prononcé. Les articles 3 et suivants, qui deviennent les articles 1 et suivants, sont ensuite adoptés ainsi qu’il suit, après avoir subi quelques changements et additions : TITRE IV. Des demandes en décharges , etc. Art. 1er. « Si c’est une communauté qui se croit en droit de réclamer, elle s’adressera au directoire du département; la réclamation, envoyée par lui à l’administration du district, sera communiquée aux communautés dont le territoire touchera celui de la communauté réclamante, et il y sera de même statué contradictoirement et définitivement par l’administration du département, sur l’avis de l’administration du district. « Si la réduction de la cotisation est prononcée, la somme excédente sera de même portée la première année sur le fonds des non-valeurs, et répartie les années suivantes sur toutes les municipalités du district. Art. 2. « La réclamation d’une administration de district, qui se croirait lésée, sera de même adressée au directoire du département, et communiquée par lui aux autres districts de son ressort, pour y être ensuite statué contradictoirement et définitivement par l’administration du département, sur le rapport et l'avis de son directoire. « Les administrations de département adresseront chaque année à la législature leurs décisions sur les réclamations des administrations de districts, avec les motifs de ces décisions. « Quant aux sommes excédentes des contingents réduits, elles seront aussi portées la première année sur le fonds de non-valeurs, et réparties, les années suivantes, sur tous les districts du même département. Art. 3. * Enfin, si c’est une administration de département qui se croit fondée à réclamer, elle s’adressera par une pétition à la législature; la pétition sera communiquée aux administrations de département, dont le territoire touchera celui de la réclamante; et il y sera ensuite statué par la législature. « Le rejet de la somme excédente se fera de même la première année sur le fonds des non-valeurs, et les suivantes par reversement sur tous les autres départements. TITRE V. De la ■perception et du recouvrement, Art. 1er. « Chaque année, aussitôt que le mandement pour la répartition de la contribution foncière sera parvenu à la municipalité, les officiers municipaux de chaque commune feront afficher la recette pour l’année suivante. Il ne sera reçu de soumissions, pour en être chargé, que de sujets reconnus solvables, en donnant caution suffisante, et l’adjudication sera faite à celui ou ceux qui s’en chargeront au plus bas prix. Art. 2. « Si plusieurs ou même toutes les municipalités d’un canton jugeaient utile de se réunir pour confier en commun cette perception à un seul receveur, elles en conviendront par une délibération du conseil général de chaque commune ; et, dans ce cas, l’adjudication se fera dans le chef-lieu du canton, ou dans tel autre dont on conviendra, pardevant un certain nombre de commissaires nommés par chaque municipalité. Art. 3. « La somme qui aura été attribuée pour la perception sera répartie sur tous les contribua� blés, en sus de leur cotisation à la contribution foncière. Art. 4. « Les officiers municipaux pourront en tout temps vérifier sur le rôle l’état des recouvrements, et les receveurs des communes seront tenus de verser, chaque mois, dans la caisse du district, la totalité de leur recette. Art. 5. « La cotisation de chaque contribuable sera divisée en douze portions égales, payables le dernier de chaque mois. Art. 6. « Dans la première huitaine de chaque trimestre, c’est-à-dire dans la première huitaine des mois d’avril, juillet, octobre et janvier, il sera formé, par les receveurs des communautés, un état de tous les contribuables en retard du trimestre précédent; cet état visé par les officiers municipaux, sera publié et affiché; et, faute de payement dans cette première huitaine, le contribuable payera, à compter du premier dudit mois, l’intérêt de la somme dont il se trouvera arriéré. Art. 7. « L’intérêt courra au taux de 6 0/0 l’an, dans les quatre premiers mois, de 5 0/0 dans les quatre mois suivants, et de 3 0/0 dans les quatre autres, au bout desquels il cessera; et les intérêts seront au profit des receveurs, caissiers ou trésoriers, qui seront toujours obligés d’en faire l’avance. Art. 8. « A défaut de payement de la contribution foncière, les fruits ou loyers pourront être saisis, et il ne sera, en conséquence, décerné de contrainte pour cette perception, que sur ceux des contribuables dont l’espèce de propriété n’aurait pas un revenu saisissable, comme maisons non louées, bois non exploités, prés à tourber, etc. Art. 9. « Tous fermiers ou locataires seront tenus de payer, en l’acquit des propriétaires, la contribution foncière pour les biens qu’ils auront pris à ferme ou à loyer, et les propriétaires seront tenus de recevoir le montant des quittances de cette contribution pour comptant, sur le prix des fermages ou loyers. Art. 10. « La forme des états des contribuables en retard, celle des saisies et la nature des contraintes seront déterminées par un règlement particulier. » M. le Président. Le comité des finances est 278 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 novembre 1790.] prêt à faire à l’Assemblée un rapport d'instruction sur l'état du recouvrement des impôts. (Un profond silence s’établit.) M. Ijebrnn, rapporteur. Je vais vous présenter, d’après les instructions qui ont été fournies au comité par le contrôleur général, le tableau de l’arriéré sur le recouvrement des impôts. Les receveurs généraux sont en retard de vingt-deux millions cinq cent quatre-vingt mille livres. (M. le rapporteur présente le tableau de toutes les anciennes généralités qui sont en retard.) La généralité d’Alençon doit 360,000 livres, celle de Moulins 600,000 livres, celle de Riom 300,000 livres, celle de Tours plus de 2,000,000, celle de Bordeaux 3,000,000, celle de La Rochelle 130,000 livres, celle de Grenoble 53,000 livres, etc. (La faiblesse de la voix de l’orateur ne permet pas d’entendre les explications qu’il donne ensuite.) M. d’André. Il ne faut pas que les départements qui ont payé payent encore une seconde fois pour les autres; il faut donc prendre des mesures pour faire payer ceux qui sont en retard. Vous voyez que mon impatience à connaître l’état de notre situation n’était pas tout à fait inutile. Je demande que sous huitaine le comité des finances nous présente un projet de décret pour faire payer les départements arriérés. M. Embrun fait lecture de plusieurs lettres adressées soit par le comité des finances au contrôleur général, soit par le contrôleur général au comité des finances; il en résulte que l’un et l’autre ont mis beaucoup de zèle pour rétablir l’impôt. M. Charles de Lameth. Je demande si les vingt-deux millions sont dus seulement par les receveurs généraux, et non pas par le peuple? M. Anson. Je vais éclaircir ce fait. Les receveurs généraux n’ont pu faire, cette année, des soumissions précises à cause du retard qui a été apporté dans la perception des impôts. Leurs soumissions portent qu’ils ne seront obligés de verser dans le Trésor public que ce que les receveurs particuliers remettront entre leurs mains. Un receveur particulier donne vingt mille francs à un receveur général ; il n’est pas aisé à ce receveur général de vérifier si le receveur particulier n’en a pas reçu vingt-cinq ; il n'a qu’un seul moyen : c’est la vérification des quittances de tous les contribuables. On comprend, sans que je sois obligé de le détailler, combien cette opération est difficile. Elle le sera beaucoup moins d’après notre nouveau mode d’administration. Voilà pourquoi on ne peut rien articuler de précis. M. Charles de Lameth. Je m’aperçois qu’à la faveur de ces formes les receveurs généraux doivent plus que les peuples. Le système des compagnies de finances m’a été dénoncé; ils veulent garder en écus, parce qu’ils sont rares, le cautionnement de leurs charges, et en cela ils ont été protégés par le ministre des finances. Il n’est pas un bon citoyen qui ne soit étonné, qui ne soit effrayé de l’extrême rareté des espèces. Un ministre éclairé, s’il ne nous en avait pas démontré toutes les causes, en aurait du moins indiqué quelques-unes. M. Necker, qui savait si bien quel était le mouvement des espèces, aurait dû, du moins, nous donner son secret avant de s’en aller. (On applaudit.) Si l’Assemblée n’y prend garde, elle aura recours trop tard au remède.Un louis d’or se cache plus facilement qu’un setier de blé ; il semble que c’est par làque les ennemis de la Révolution veulent nous attaquer. Il est certain que si les agents du pouvoir exécutif n’y concourent pas, du moins ne s’y opposent-ils pas. N’est-il pas bien extraordinaire que, pour la première fois, on vienne nous annoncer que toutes les ci-devant généralités sont arriérées? Allez chez M. Lambert, et vous entendrez des commis qui vous répéteront (sans doute ils sont payés pour cela) que le peuple refuse d’acquitter les charges publiques. Malgré la circonspection que l’Assemblée a cru devoir se prescrire sur les ministres, la vérité, les plaintes du peuple se feront entendre du monarque et sa bonté le portera à écarter de lui des agents qui le trompent. On ne se fait point d’idées de l’insolence des sous-ordres. Quant à moi, je ne connais rien de plus déplorable. J’aimerais cent fois mieux la première aristocratie ; elle avait quelque chose de brillant, les chaînes du peuple étaient dorées. Pour conclure en deux mots, je demande que le contrôleur général soit mandé à la barre pour rendre compte des motifs qui ont occasionné le retard de la perception des impôts et des efforts qu’il a faits pour la maintenir. M. Duquesnoy. 11 résulte des éclaircissements qui nous ont été donnés par le comité quele peuple, dont on a si souvent exagéré les torts, n’est pas absolument en arrière sur les impositions ; il résulte que, quand le gouvernement voudra, il fera rentrer les deniers. Pour l’y contraindre, je ne connais pas d’autres moyens que de fixer un terme d’après lequel il ne sera accordé aucun secours extraordinaire. M. Regnaud, député de Saint-Jean-d'Angély. Il faut que le comité nous présente dans la quinzaine un projet de décret qui tende à autoriser le district à faire le relevé des recettes des collecteurs. M. de Cazalès. Cette opinion me paraît infiniment sage, et je m’y range : éclairez la comptabilité des receveurs particuliers, et vous aurez résolu le problème. M. l’abbé Afaary. Puisque l’Assemblée s’occupe de la perception des impôts, il faut l’examiner dans toutes ses parties. Cette perception est dans un état plus déplorable encore que ne l’a dit le comité des finances. On ne vous a point dit que, dans les sommes perçues, il fallait compter la contribution des ci-devant privilégiés, qui ont tous payé très exactement. (Plusieurs voix s'élèvent dans la partie gauche : Non !) Eh bien ! il faut les y contraindre. Je ne demande aucune grâce pour eux . Depuis longtemps vous vivez sur vos fonds, ou plutôt sur les nôtres; cela ne peut pas toujours durer : je ne ferai cependant pas contre le contrôleur des finances d’inculpations vagues, je lui demanderai seulement des éclaircissements. Comme je suis convaincu de nos malheurs, qui iront toujours croissant jusqu’à ce que l’ordre soit rétabli, je demande qu’il soit mandé, non pas à la barre, car ce n’est pas la forme qu’on observe lorsqu’il s’agit d’un ministre du roi, mais qu’il se rende dans cette Assemblée pour soulever le rideau derrière lequel sont placés tous les obstacles. Je sais que des paroisses entières se sont liguées, par serment, pour ne plus payer aucun impôt.