500 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Il décembre 1789.] dière, citoyen de la ville des Sables-d’Olonne, entra chez le sieur Caillot, pour y acheter du tabac. 11 s’y trouvait alors un sieur Debarre. On y parla des affaires du temps. Le sieur de la Richardière ne fut pas très-circonspect. Le sieur Debarre le dénonça à la milice bourgeoise. La milice rendit plainte à la municipalité. Debarre et Caillot, entendus comme témoins, déposent que le sieur de la Richardière leur a tenu les propros les plus indécents sur M. le marquis de Lafayette, commandant général de la milice parisienne ; les termes dont le sieur de la Richardière est accusé de s’être servi sont énoncés textuellement dans la déposition lue à l’Assemblée; on n’ose pas se permettre de les citer ici; on se bornera à remarquer que la moindre injure faite à ce commandant est l’épithète d’aristocrate, que les sieurs Debarre et Caillot disent lui avoir été décernée par le sieur de la Richardière, avec quelques prénoms analogues à cette qualité; qu’il a dit que les citoyens qui avaient déserté Paris étaient seuls de braves gens; qu’il n’y restait plus que des aristocrates; et que si le prince de Lambesc avait bien fait, il aurait tué plus de monde, qu’il méprisait le signe national, et qu’il s’en torcherait le derrière ; que si l’on envoyait des troupes dans la ville, il serait le premier à les faire tirer. Le sieur de la Richardière, interrogé sur ces faits, et interpellé de s’expliquer sur les dépositions des sieurs Debarre et Caillot, convient d’avoir dit qu’il sait que le prince de Lambesc a écrit à des personnes dignes de foi qu’il avait beaucoup modifié les ordres qui lui avaient été donnés, et que s’il avait fait un exemple plus frappant dans les Tuileries, il aurait dissipé l’attroupement du peuple, et prévenu les désordres qui s’en sont suivis ; qu’il est faux qu’il ait mal parlé des citoyens qui sont restés à Paris ; qu’il les regarde comme d’honnêtes gens ; qu’il n’a pas dit de M. de Lafayette ce qu’on le sup ¬ pose avoir dit, mais seulement que ce général jouait là un vilain rôle; qu’à l’égard de la cocarde, il a dit que c’était ce signe qui avait mis la France en feu, et qu’à la première occasion, sur la place du Cocardo, il en ferait l’usage qu’on lit dans les dépositions des témoins. L'officier municipal, après quelques autres formalités remplies, admonesta le sieur de la Richardière, lui recommanda d’être plus circonspect à l’avenir, le mit en liberté, et ordonna cependant l’envoi des pièces au comité des recherches. Le même jour ou le lendemain, la garde nationale, n’étant pas satisfaite de ce jugement, fit arrêter le sieur delà Richardière; il fut conduit en prison, et c’est là qu’il a adressé sa requête à l’Assemblée nationale. Le comité propose le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète qu’après le jugement des officiers municipaux des Sables-d’O-lonne, et contre sa décision les officiers de la garde bourgeoise de la dite ville n’auraient pas dû attenter à la liberté du sieur de la Richardière ; qu’elle doit lui être rendue et que le Roi sera supplié de faire mettre ce décret à exécution. » M. Lofficial observe que le sieur de la Richardière paraît mériter peu d’attention, et qu’il est parfaitement d’avis qu’il soit élargi; mais qu’il est important de s’attacher à la déclaration faite par ce particulier dans son interrogatoire, concernant le prince de Lambesc : qu’il dit savoir que M. le prince de Lambesc a écrit à des personnes dignes de foi, qu’il avait modifié les ordres qui lui avaient été donnés, etc. M. Lofficial demande que les pièces soient remises au Châtelet où s’instruit le procès du prince de Lambesc, pour être jointes à cette affaire. Son projet de décret est ainsi conçu : « Attendu que M. de la Richardière n’a pas été emprisonné par la milice nationale, d’après les ordres des officiers municipaux, M. le président se retirera vers le Roi, pour demander à Sa Majesté des ordres pour faire élargir le sieur de la Richardière. » L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur cette rédaction. M. Chasset propose une autre projet de décret qui obtient la priorité sur la rédaction du comité ; il est adopté en ces termes : « L’Assemblée nationale a décrété que M. le président se retirera par-devers le Roi, pour le supplier de donner des ordres pour faire mettre en liberté le sieur de la Richardière; et cependant que les pièces déposées au comité des recherches, seront remises au procureur du Roi du Châtelet, pour être sur icelles pris tel parti qu’il avisera en ce qui concerne l’affaire du prince de Lambesc, et contre qui il appartiendra ». M. le Président lève la séance à 10 heures 1/2 après avoir indiqué celle de demain pour 9 heures 1/2 du matin. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. FRÉTEAU DE SAINT-JUST. Séance du vendredi 11 décembre 1789 (1). Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de jeudi matin et donne ensuite communication à l’Assemblée des adresses suivantes : Adresse des communes de la ville de Saint-Girons en Couserans, qui félicitent de nouveau l’Assemblée nationale sur ses glorieux travaux ; elles demandent la formation d’un département dans le Couserans, et que Saint-Girons en soit le chef-lieu, ainsi que la nature du pays l’exige, ce qui est appuyé par un plan annexé à cette adresse. Dans une autre adresse, elles demandent l’établissement d’un tribunal supérieur. Adresse de félicitations, remercîments et adhésion de la ville de Bagé en Bresse. Adresse du même genre de la ville de Beau-marchez en Languedoc ; elle demande la conservation de son siège royal. Adresse du même genre des communautés de Lahas et Montiron en Gascogne; elles demandent des armes pour leur milice citoyenne. Adresse du même genre delà ville d’Huningue ; elle y joint un supplément à son cahier de pétitions et de doléances. Adresse du même genre de plusieurs citoyens de la ville de Castellane en Provence ; ils se plaignent contre le chef de la municipalité, et demandent qu’il soit librement élu. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 501 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 111 décembre 1789.] Délibération du même genre de la ville du Mur-de-Barrez ; elle prend des mesures pour arrêter la dégradation des biens ecclésiastiques commise par les corps religieux, prieurs et curés du canton. Délibération du même geure de la communauté de Montaut-Lassun en Béarn; elle adhère, purement et simplement, à la délibération de la ville de Pau, adressée à l’Assemblée nationale le 28 octobre dernier. Adresse du même genre de la communauté de Maxilly-sur-Saône, bailliage d’Auxonne; elle fait le don patriotique de la somme de 300 livres. Adresse du même genre de la communauté de Lonchamp en Lorraine. Adresse du même genre de la ville de Salers en Auvergne; elle demande la conservation de son bailliage, et d’être le chef-lieu d’un district : 35 communautés, dépendantes du ressort de ce bailliage, expriment ce væu. Adresse du même genre de la ville d’Arcis-sur-Aube; elle demande d’être le chef-lieu d’un district, et le siège d’une justice royale. Adresse du même genre de la ville de Beau-ency en Orléanais ; elle demande la conservation u couvent des Ursulines, établi dans leur ville, qui lui est de la plus grande utilité. Adresse des officiers municipaux et notables de la ville de Gharlieu, supprimés par un des décrets de l’Assemblée nationale, mais conservés dans leurs fonctions jusqu’à ce qu’ils aient été remplacés, qui présentent à l’Assemblée nationale l’hommage de leur adhésion à tous ses décrets, et jurent de les observer et faire observer au péril de leur vie. Réunis avec les habitants, ils demandent pour cette ville le siège d’une assemblée de district et d’une justice royale. Adresse des officiers municipaux de la ville d’Amiens, qui expriment, d’une manière énergique, les sentiments d’admiration, de reconnaissance et de dévouement dont ils sont pénétrés pour l’Assemblée nationale. Adresse de la communauté de Grateloup en Agénois, qui adhère aux décrets de l’Assemblée, romet payer le quart de ses revenus en contri-ution patriotique, et demande la suppression des huissiers aux tailles, comme particulièrement à la charge des plus pauvres habitants. Extrait des registres de la ville de Sauvetat-de-Caumont en Agénois, qui, dans une convocation générale de toutes les communautés de son ressort, a voté la contribution patriotique du quart de revenus de la même manière et dans la même forme que les autres villes du royaume. Arrêté du comité permanent de la même ville, qui dénonce l’inexécution des décrets de l’Assemblée concernant la libre circulation des grains dans l’intérieur du royaume. Mémoire de M. de la Chiche, ancien officier du corps royal du génie, brigadier des armées du Roi, qui offre à l’Assemblée un projet de canal très-important pour l’Alsace, et se plaint d’avoir été la victime, par une retraite forcée, des volontés arbitraires de ses supérieurs, sous le ministère de M. de Ségur. Adresse de la ville deSarreguemines,qui adhère à tous les décrets de l’Assemblée, témoigne la plus insurmontable aversion contre tous rebelles et perturbateurs du repos public, et demande la conservation et l’agrandissement du ressort de son tribunal et de sa juridiction. Adresse de la ville de Montendre en Saintonge, qui réclame avec instance l’établissement d’un siège royal, ayant perdu une justice segneu-riale qui s’étendait sur 34 paroisses-Adresse de Thil-Châtel en Champagne, bailliage de Langres, qui promet de payer exactement le quart de son revenu, déclare déchu du droit de citoyen actif tout homme qui fera sur cet objet des déclarations frauduleuses contre son honneur et le bien de la patrie; en outre renonce, au profit de l’Etat, aux avantages que les anciens taillables peuvent espérer de l’imposition des privilégiés en 1790. Adresse de la ville de Saint-Germain-Lambron en Auvergne, qui contient une adhésion pleine et entière à tous les décrets de l’Assemblée nationale, et des félicitations sur les importantes fonctions auxquelles elle se livre pour fixer les bases d’une heureuse constitution. Cette ville donne à l’Assemblée l’assurance de sa soumission à tous ses décrets, et de son éternelle reconnaissance ; elle annonce le vœu que forme un grand nombre de municipalités voisines, de voir établir un tribunal de justice dans ses murs; elle y joint enfin la demande d’une cour supérieure pour la ville de Clermont. Elle arrête qu’elle prendra toutes les mesures nécessaires pour parvenir au payement du don patriotique, et sa municipalité fait don à la patrie d’une créance, au principal, originairement de 3,000 livres et des arrérages échus depuis 16 ans. Cette créance est le seul revenu patrimonial qu’elle possède, mais elle se trouvera amplement dédommagée de ce sacrifice par les avantages inappréciables qui doivent résulter de la constitution. M. Chassebeuf de Volney, l'un de MM. les secrétaires, reprend la lecture du procès-verbal du lundi 7 décembre au soir qui avait été renvoyé à la rédaction. M. Malonet réclame de nouveau contre la partialitédu rédacteur dans l’affaire de M. d’Albert de Rioms, commandant de la marine à Toulon. Il demande qu’il soit fait mention expresse que la première affaire n’a aucune liaison avec la seconde. M. le marquis d’Estourmel propose de ne consigner aucun détail au procès-verbal, ni pour ni contre, attendu que l’affaire a été ajournée. Cette motion est mise aux voix et adoptée. Dom Gerle, suppléant de M. La Bastide, député de Riom, démissionnaire, est admis à prendre séance, ses pouvoirs ayant été vérifiés. M. le Président donne lecture d’une note relative à M. le baron de Montboissier, député de Chartres. L’Assemblée charge le comité de vérification de lui rendre compte si M. le baron de Montboissier a donné sa démission, et dans ce cas, de vérifier les pouvoirs de M. Talon, son suppléant. M. le Président. L’Assemblée aura à procéder demain à la nomination de nouveaux membres pour le comité des rapports, à raison d’un membre par bureau. Je propose de fixer la réunion à 9 heures du matin. Cette proposition est adoptée. M. Prienr observe que les 30 bureaux entre lesquels sont répartis les députés de l’Assemblée n’ont pas été changés depuis trois mois.