[États gén. 4789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Sens.] 757 Impositions. Le député représentera, lors de la répartition nouvelle de l’impôt, que cette généralité est une des plus chargées du royaume. Maréchaussée. Le député demandera un établissement d’une maréchaussée à pied, pour la sûreté des villes et des banlieues ; et ce que l’on peut désirer de mieux, est que sa conduite et sa police, confiées aux mômes officiers, soient aussi bonnes que celle de la maréchaussée à cheval, qui n’est insuffisante que par son nombre. Droits d'entrée) don gratuit , etc. Le député demandera l’abolition des droits d’entrée, dons gratuits, et divers droits réservés, payés dans de simples villages et autres lieux, qui, ayant été jadis villes et bourgs, sont aujourd’hui réduits à l’état des plus petites communautés. CONCLUSION. L’ordre de la noblesse du bailliage de Sens, mettant la plus grande confiance dans, le député qu’il s’est choisi, s’en rapporte entièrement à sa prudence sur la part qu’il prendra à la discussion des objets concernant le bien publie, et qui ne sont pas insérés dans le présent cahier; mais il insiste d’autant plus sur ce qu’il soutienne de tout son pouvoir les demandes dont il est expressément chargé, qu’elles ne renferment rien qui ne tende au maintien de la constitution monarchique et à la conservation du respect filial, que tout Français, par reconnaissance, et par des sentiments héréditaires , a voué à l’antique race de ses rois. Les vertus de celui qui nous gouverne lui vaudront sans cesse l’affection de ses peuples ; mais dans l’exemple qu’en donnera à l’envi toute la noblesse du royaume, celle du bailliage de Sens se fera toujours remarquer par un attachement sans bornes. Lecture faite du présent cahier, dont la rédaction avait été confiée à MM. le duc de Mortemart, de Rossel de Gercy, le marquis de Bombelles, le marquis d’Argenteùil, d’Etigny, le comte de Flo-gny, le marquis de Maubec, et de Foacier, il a été arrêté à l’unanimité, dans la chambre de l’ordre de la noblesse, par tous les membres soussignés. A Sens, ce 21 mars 1789, à sept heures du soir. Signé Le Bascle d'Argenteuil; de Biencourt ; de Bombelles; Bouvyer; de Bullioud; de Ghastenay; de Crenolles père ; de Crenolles fils ; de Groissÿ ; Deugny; Duhamel; Duperret; d’Etigny; de Flo-gny ; deFormanoir; Gaudes Voves ; dèGenouilly; Girardin de Tréfontaine ; de La Houssaye; de Juigné; de Jussy des Espenards ; de Jussy, de Jussy de l’E vision ; de Marsangis ; de Maubec ; de Moinville ; Demont-Feu ; de Montreuil ; de Pimel-les; de Princourt; de Rebourceaux; Renaut; Renaut de Tessy ; Rossel de Gercy ; de Trécesson ; de Treignac ; de Treignac fils ; dé Vaufin ; de Vil-lereau; de Viviers ; chevalier de Vivier ; le duc de Mortemart, président ; de Foacier, secrétaire. CAHIER Des remontrances , plaintes et doléances que le tiers-état du bailliage de Sens présente à l'assemblée des Etats généraux de ce royaume , convoquée par Sa Majesté à Versailles leTl avril 1789 (1). S’environner de ses sujets pour établir l’ordre dans toutes les parties de l’administration ; s’occuper deS( moyens de surmonter les difficultés relatives à l’état actuel des finances, tels sont les objets principaux qui ont déterminé Sa Majesté à convoquer les Etats généraux de son royaume. Elle a désiré connaître les maux publics et particuliers qui affligeaient l’Etat, et y apporter un remède prompt et salutaire, et afin qu’aucun des moyens d’arrêter les progrès du mal et de faire le bien n’échappât à sa vigilance et à sa bonté , elle a permis à tout son peuple les plaintes et les demandes, en réservant aux villes principales le privilège, tout à la fois honorable et précieux, de les recueillir pour les porter aux pieds du trône. Le tiers-état du bailliage de Sens et de celui de Villeneuve-le-Roi, réunis pour l’exécution de ces volontés augustes et paternelles, avant d’entrer dans le détail des objets dont il s’est particulièrement occupé, ose offrir à Sa Majesté et à la nation l’assurance qu’en procédant à la rédaction du cahier général de ses doléances, il n’a pris pour base de ses délibérations que son amour inviolable pour la personne sacrée du Roi , son attachement inébranlable à la monarchie française, une fidélité à l’épreuve de plusieurs siècles dans les temps les plus difficiles, enfin la considération unique du bien général à faire et des maux à éviter. CHAPITRE PREMIER. CONSTITUTION DES ÉTATS GÉNÉRAUX. Art. 1er. Les députés du tiers-état demandent avec instance : Le retour périodique des assemblées de la nation aux époques que les prochains Etats jugeront à propos de fixer, et qu’à cet effet la forme des convocations soit par eux généralement et irrévocablement déterminée d’une manière plus simple et moins onéreuse. Art. 2. Qu’il n’y ait dans aucun cas, et notamment à l’assemblée des Etats généraux, aucune distinction humiliante pour le tiers-état, lequel jouira, dans la personne de son orateur et de ses députés, de la considération qu’il a eue aux Etats d’Orléans de 1560. Art. 3. Que dans l’assemblée des Etats généraux les suffrages soient recueillis non par ordre, mais par tête, en sorte qu’il soit pris alternativement la voix d’un ecclésiastique, celle d’un noble et celle de deux membres de l’ordre du tiers-état. Art. 4. Qu’il soit statué que dans les assemblées des Etats généraux, chaque ordre soit représenté par députés choisis librement parmi ses pairs, et qu’en conséquence il ne pourra être pris par les électeurs, pour représenter le tiers-état, aucuns nobles ou ecclésiastiques. Art. 5. Que les Etats généraux soient extraordinairement convoqués quand les besoins urgents de l’Etat l’exigeront, sans qu’aucun corps puisse, dans aucun cas, prétendre ni se dire représenter la nation. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. 758 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Sens.] CHAPITRE II. ADMINISTRATION § 1. — Etablissement d'Etats provinciaux. Les députés du tiers-état demanderont : Art. 1er. Que la France soit divisée en pays d’Etats, pour s’imposer et s’administrer par eux-mêmes suivant la-forme qui sera jugée la plus convenable par les prochains Etats généraux; que néanmoins la liberté dans la nomination et le choix des membres qui devront composer les Etats provinciaux soit réservée à chaque province, en observant que cette composition soit telle que le tiers-état y soit en nombre égal à celui des deux autres ordres réunis, et que les délibérations y soient mises par tête et non par ordre. Art. 2. Que de la partie méridionale de la généralité de Paris, il soit formé�une province particulière, dont Sens sera le chef-lieu. Art. 3. Qu’il soit accordé aux Etats provinciaux le droit de répartir les impositions sur toutes les villes, paroisses et communautés de leur arrondissement ; qu’il soit pris, par eux, les mesures les plus sages pour simplifier la perception desdits impôts, et leur versement au trésor royal, déduction faite des fonds destinés à l’entretien de la province, et qu’ils soient, en général, chargés de tous les objets d’utilité publique, avec le pouvoir et l’autorité nécessaires pour opérer le bien et les avantages dont cet établissement est susceptible. Art. 4. Qu’il soit interdit aux Etats particuliers des provinces de pouvoir faire, au nom du Roi, et pour le compte du gouvernement, aucun emprunt soit perpétuel, soit viager, sous quelque prétexte que ce soit. Art. 5. Que, pour assurer l’exécution du précédent article, les Etats provinciaux seront tenus, chaque année, de rendre un compte détaillé et public, par la voie de l’impression, tant de la recette et dépense, que de toutes les parties de leur administration. §2. Art. 1er. Que, suivant les principes du droit public, aucun citoyen n’étant exclu des places ecclésiastiques, civiles et militaires auxquelles il peut être appelé par son mérite, il ne soit porté à l’avenir aucune loi contraire à ce principe, et que celles qui existent soient abrogées, à l’exception des places qui, par leur institution primitive, appartiennent à la noblesse. Art. 2. Que dans aucun cas il ne puisse être réuni plusieurs bénéfices sur une même tête, lorsque, joints ensemble, ils excéderont 1,000 livres, et qu’il ne soit accordé aucune survivance dans telles charges et emplois que ce puisse être. Art. 3. Qu’il soit tenu la main à l’exécution des ordonnances concernant la résidence des évêques dans leur diocèse, celle des bénéficiers et abbés dans leurs bénéfices. Art, 4. Que dans toutes les paroisses les déci-mateurs soient tenus de toute les réparations et reconstructions des chœurs, nefs, clochers, presbytères et de tout ce qui concerne le culte public, les bénéfices devant supporter les charges qui leur sont propres. Art. 5. Qu’il soit avisé à une sage réforme des ordres religieux et des monastères, tant d’hommes que de filles; que la liberté de l’homme soit conservée dans l’émission des vœux, et qu’à cet effet il ne puisse en être prononcé dans aucun ordre, ni dans aucune maison, avant l’âge de vingt-cinq ans accomplis ; que la déclaration de mars 1768 soit d’ailleurs exécutée selon sa forme et teneur. Qu’en conséquence, tous les monastères, tant d’hommes que de filles, soient composés au moins de dix profès ; que si les différents ordres ne pouvaient pas fournir un nombre suffisant de sujets pour remplir toutes les maisons, les mènses ou les conventualités qui ne pourront pas être établies sur ce pied soient supprimées et réunies, avec tous les bénéfices simples qui en dépendent, aux collèges, hôpitaux ou séminaires, suivant les dispositions qu’en feront les évêques diocésains sur l’avis des Etats provinciaux. Art. 6. Qu’il soit avisé aux moyens les plus propres à améliorer l’éducation publique ; qu’il soit pourvu, par la réunion des menses conventuelles, à la dotation des collèges, en sorte que non-seulement tous les maîtres�nécessaires puissent y être convenablement entretenus, mais qu’il puisse encore y être fondé un nombre de bourses proportionné à l’étendue de la province pour le soulagement des pauvres étudiants, le tout d’après l’avis des Etats provinciaux. Art. 7. Que les abus introduits dans les universités, les collèges et autres établissements qui ont pour objet l’instruction publique, soient réformés. Art. 8. Que l’Ecole militaire soit rétablie sur le pied de son ancienne institution, et qu’elle ne soit pas dispersée dans les differents collèges de province, étant infiniment préjudiciable à l’éducation des autres citoyens. Art. 9. Qu’il soit avisé aux moyens d’établir dans les villes des écoles gratuites pour les deux sexes, sous la direction clés Frères des Ecoles chrétiennes pour les hommes, et desUrsulines ou autres ordres voués à l’éducation publique pour les filles. Art. 10. Qu’une partie des monastères de filles, du nombre de ceux qui ne s’occupent point de l’éducation des jeunes personnes, soit supprimée, et qu’à leur place il soit établi des chapitres roturiers de filles dans lesquels seront admises, à l’âge qui sera réglé, les filles roturières d’un état honnête, lesquelles ne feront aucun vœu, et pourront se marier en quittant leur prébende. §3. LIBÉRALITÉS ET PRIVILÈGES. Art. 1er. Qu’il soit fait un examen scrupuleux de toutes les pensions qui sont payées par l’Etat ; qu’on en retranche ce qui paraîtra n’avoir été obtenu que par la faveur et l’importunité, et tout ce qui passe les bornes d’une bienfaisance éclairée ; qu’en conséquence, il ne puisse en être accordé aucune excédant la somme de 6,000 livres, et qu’elles ne puissent être données que pour services rendus à l’Etat, et à mesure de l’extinction de celles qui seront conservées. Art. 2. Qu’il soit accordé des remises ou gratifications annuelles aux chefs de familles pauvres ayant dix enfants vivants. §4. MILICES, TROUPES ET MARÉCHAUSSÉES. Art. 1er. Que le tirage des milices soit dorénavant supprimé comme étant onéreux aux habitants des campagnes ; que, pour en tenir lieu, chaque communauté soit tenue de fournir la quantité fixée d’hommes, lesquels seront domiciliés et connus. Art. 2. Que les troupes seront, à l’avenir, em- 759 FÉtats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Sens.] ployées à la confection des grandes routes et travaux publics. Art. 3. Qu’il soit accordé par les Etats provinciaux une indemnité aux communautés sujettes aux passage et logement de troupes. Art. 4. Que, pour la plus grande sûreté intérieure du royaume, il soit établi dans les lieux où il sera jugé nécessaire, et principalement dans ceux où il y a foire et marché, des brigades de maréchaussée à pied. § 5. SUPPRESSIONS. Art. 1er. Que les étalons royaux soient supprimés, étant à charge à l’Etat, et n’étant d’aucune utilité dans les campagnes, l’expérience ayant démontré, dans cette province, que depuis leur établissement, la quantité des élèves est diminuée de la moitié, et la hauteur baissée de trois pouces ; qu’en conséquence, il soit permis à tout particulier d’avoir des étalons. Art. 2. Que tous les privilèges exclusifs accordés aux postes et messageries soient supprimés, comme contraires à la liberté du citoyen et surtout du voyageur, et qu’il soit permis à chacun de se faire conduire comme il jugera à propos. Art. 3. Que les officiers municipaux soient généralement supprimés; en conséquence, les villes autorisées à rentrer dans le droit d’élire leurs administrateurs, en remboursant les linances desdits offices. Art. 4. Qu’il soit ordonné que les officiers de justice, receveurs et fermiers des seigneurs particuliers des villes ne puissent à l’avenir être élus pour remplir lesdits offices municipaux. Art. 5. Que les receveurs généraux et particuliers des finances soient supprimés ; que les deniers, provenant des impôts, soient versés directement , aux moindres frais possibles, dans la caisse des Etats provinciaux, et de là au trésor royal. §6. COMMERCE. Art. 1er. Que les avantages ou désavantages qui peuvent résulter du traité de commerce passé entre la France et l’Angleterre soient scrupuleusement examinés et discutés. Art. 2. Que le prêt à terme avec intérêts soit généralement autorisé, tant pour faciliter la circulation de l’argent que pour obvier aux inconvénients du prêt à usure. Art. 3. Que, pour étendre la liberté du commerce intérieur du royaume et diminuer la contrebande, les barrières et domaines soient reculés aux frontières. Art. 4. Que la liberté du commerce des grains soit indéfinie dans l’intérieur du royaume, sauf aux Etats provinciaux à en demander l’exportation lorsqu’ils le jugeront à propos. Art. 5. La culture des tabacs en France pouvant y introduire une branche avantageuse de commerce, les députés du tiers-état proposeront aux Etats généraux de discuter cet important objet, et d’aviser aux moyens qu’il y aurait de suppléer au produit de la ferme du tabac, en fixant un droit sur chaque arpent consacré à cette culture. DOMAINES DU ROI. Art. 1er. Les députés du'tiers-état demanderont aux Etats généraux qu’il soit pris par eux connaissance de tout ce qui concerne les domaines de Sa Majesté, tant de ceux qui sont en sa main que de ceux qui sont aliénés; que Sa Majesté soit suppliée de rentrer dans tous ses domaines aliénés à titre de vente ou engagement; que, pour opérer cette rentrée d’une manière prompte et sûre, les Etats provinciaux soient chargés de s’occuper, aussitôt après leur établissement, des moyens de l’effectuer et de pourvoir aux remboursements auxquels elle donnera lieu. Art. 2. Que les aliénations des domaines, à titre d’échange, soient scrupuleusement examinées, particulièrement celles faites dans les derniers temps, à l’effet de rentrer dans ceux de ces domaines dont l’échange aurait été préjudiciable à Sa Majesté. Art. 3. Que cette rentrée, une fois effectuée, il soit procédé à l’aliénation de ces domaines, à titre de bail emphytéotique. Art. 4. Lesdits députés déclareront que l’ordre du tiers-état n’entend point comprendre dans la demande portée à l’article précédent, les domaines et forêts que Sa Majesté jugera à propos de conserver, et qui sont destinés à ses plaisirs, et la supplieront de pourvoir, avec le plus d’économie possible, au repeuplement de ses forêts, et à la meilleure administration des domaines qu’elle conservera. CHAPITRE III. JUSTICE. § 1er. LOIS GÉNÉRALES DU ROYAUME-Art. 1er. Les députés du tiers-état demanderont qu’il soit procédé à la révision de toutes les ordonnances du royaume sur le fait de la justice pour y faire les réformes convenables. Art.' 2. Que dans cet examen on s’occupe, principalement en matière civile, de l’abréviation des procédures, ainsi que de l’abrogation des formes qui auront été reconnues par l’expérience nuisibles ou superflues, et en matière criminelle des moyens d’établir une juste proportion entre les délits et les peines, et de pourvoir à la défense des accusés. §2. SUPPRESSIONS. Art. 1er. Que tous les tribunaux d’exception soient généralement supprimés, et leurs fonctions réunies aux justices ordinaires. Art. 2. Que lesjuridictions consulaires ne soient conservées que dans les grandes villes de commerce, et que dans les autres villes elles soient supprimées, et leurs fonctions attribuées aux juges ordinaires, pour être les contestations jugées comme elles l’auraient été par les juges consuls, conformément aux règlements de l’ordonnance de Blois, articles 140 et 280, et que la contrainte par corps ne soit prononcée que pour des sommes au-dessus de 100 livres. Art. 3. Que les évocations, gardes-gardiennes, committimus et autres attributions quelconques, soit générales, soit particulières, même en faveur des princes, soient supprimées de manière que le principe Actor sequitur forum, Rei soit rigoureusement observé sans aucune exception. Art. 4. Que le privilège attribué à différentes justices seigneuriales, même à celles des pairie� de relever nûment au parlement, soit supprimé 76'J [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Sens.] comme contraire aux lois du royaume et à l’intérêt des : ujets de Sa Majesté. Art. 5. Hue les offices d’huissiers-priseurs, tels qu’ils existent aujourd’hui, soient supprimés. Art. (3. Que toutes juridictions attribuées aux intendants et commissaires départis soient supprimées. Art. 7. Que les offices de receveurs des consignations et des commissaires aux saisies réelles qui, ayant été levés dans la majeure partie du royaume, aux parties casuelles pour une très-modique finance, produisent aux titulaires des intérêts considérables, soient supprimés , sauf aux juges à ordonner les consignations entre les mains de gens solvables, suivant les anciennes règles. §3. RÈGLEMENT. Art. 1er. Que l’on étende à trois mois, au lieu de deux, le délai fixé par l’édit des hypothèques pour l’obtention des lettres de ratification sur les ventes d’immeubles, et que la durée des oppositions soit prorogée à six années. Art. 2. Que les épices et droits de secrétaires soient supprimées dans toutes les cours et juridictions du royaume; qu’il soit pourvu, par un nouveau tarif, aux droits à percevoir par juges, greffiers et autres officiers généralement , et qu’il soit pourvu suffisamment aux honoraires des juges. Art. 3. Que la liberté individuelle des citoyens soit inviolable et sacrée, et qu’ils ne puissent être tenus au delà du temps nécessaire, pour qu’ils soient remis dans une prison légale entre les mains de leurs juges naturels, sauf à supplier Sa Majesté d’accorder une exception pour soustraire à la société les sujets qui pourront déshonorer leurs familles, sur les demandes desdites familles, et après information suffisante. Art. 4. Que les ministres soient comptables de leur conduite et de leurs opérations à la nation, et qu’ils soient tenus de rendre tous les ans un compte public. Art. 5. Qu’en exécution de l’édit de 1664, il soit établi des notaires royaux dans les lieux où il y a foires et marchés, et qui sont composés de plus de deux cents feux; qu’il soit fait défenses aux seigneurs d’acquérir ces offices, comme aussi dans le cas où ils les auraient acquis ou réunis, qu’il soit permis de leur en rembourser la finance, et qu’il ne soit accordé aucunes lettres de comptabilité. §4. EAUX ET FORÊTS. Art. 1er. Que l’exécution du règlement du 15 mai 1779, sur le fait de la chasse, étant ruineuse et impraticable, il soit fait une nouvelle loi claire et simple, en vertu de laquelle les juges royaux seront autorisés à forcer les seigneurs de détruire le gibier, lorsque, par sa trop grande quantité, il pourra nuire aux productions de la campagne. Art. 2. Que les dispositions des coutumes et des règlements relatives aux pigeons soient rigoureusement exécutées; qu’en conséquence, nul ne puisse avoir de colombier ni volée que ceux auxquels la faculté en est accordée par lesdites coutumes et règlements, et que ces derniers seront tenus de les renfermer pendant les semences, et un mois avant la récolte. Art. 3. Que les procès-verbaux pour délits de bois et pèches soient signifiés dans le délai d’un mois, à peine de nullité. Art. 4. Qu’il soit établi une forme plus simple, moins longue et moins coûteuse pour parvenir à la vente des bois des gens de mainmorte. Art. 5. Que lorsque l’utilité publique exigera que l’on s’empare d’une propriété particulière, on ne puisse le faire qu’au préalable le propriétaire n’ait été suffisamment indemnisé. § 5. JURIDICTIONS. Art. 1er. Que dans les villes qui en seront jugées susceptibles, il soit établi des bailliages royaux; que les justiciables de leur arrondissement, dans les justices seigneuriales, aient la faculté d’y porter leurs demandes, et les défendeurs d’y révoquer, avant contestation en cause, celles qui seront formées contre eux ; qu’il en soit usé de même quant à la prévention dans les bailliages présidiaux, dans l’étendue immédiate de leur ressort. Art. 2. Que les arrondissements des bailliages royaux soient faits de manière que les justiciables ne soient éloignés de plus de quinze lieues du chef-lieu de leur bailliage. § 6. DROITS SEIGNEURIAUX. Art. lep. Que toutes les servitudes, et principalement les banalités, droits de champart et corvées, seigneuriales soient éteintes, et les sujets du Roi rendus à leurs franchises, et que, pour y parvenir, les communautés collectivement prises soient autorisées à en faire le remboursement aux seigneurs, à dire d’experts. Art. 2. Que les droits des commissaires à terrier pour les déclarations, devenus exorbitants par le règlement du mois d’août 1786, soient réduits à la perception de cinq sous pour le premier article et moitié pour les autres ; que, pour obvier aux abus, le double du terrier soit déposé au secrétariat de chaque municipalité pour la conservation des droits du seigneur et du vassal, et pour servir à la répartition exacte des impôts ; qu’il soit passé un temps pour la clôture des terriers au delà duquel les titres demeureront surannés. Art. 3. Qu’il soit statué que le droit défaire un terrier aux frais des vassaux, n’appartiendra qu’aux seigneurs ayant cens, lods et ventes, et non sur les terres franches et allodiales. CHAPITRE IY. IMPOTS. Art. 1er. Qu’il ne puisse être consenti aucun impôt avant qu’il ait été présenté aux Etats généraux un tableau exact et démontré : 1° De la recette ordinaire de toutes les impositions et revenus du royaume, sous telle dénomination que ce puisse être ; 2° Des frais de perception ; 3° De la dépense ordinaire et extraordinaire, et enfin de la dette actuelle nationale, afin de déterminer l’imposition qu’il faudra lixerpour subvenir aux besoins de la nation. Art. 2. Qu’il soit posé pour principe constitutionnel de l’impôt, qu’à la nation seule appartient de le consentir ainsi que les emprunts, et que tous ceux qui seraient faits ou établis sans son consentement ne pourront être perçus et seront nuis de droit, et qu’aucun de ceux qui seront ac- [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Sens.] 7(]4 cordés par la nation ne pourront être perçus que pendant l’intervalle déterminé d’une tenue d’Etats à l’autre. Art. 3. Qu’il est à désirer que la suppression entière soit ordonnée de tous les impôts existant sous la dénomination d’aides, taille, capitation et accessoires, corvées ou prestations en argent représentative d’icelle, vingtièmes, droits de marque, francs-fiefs et échanges, vu leur nomenclature innombrable, leur complication, les abus elles vexations qui résultent de la forme de leur perception , de l’obscurité, de l’extension et de l’interprétation arbitraire des lois bursales qui les ont établies. Art. 4. Que les droits des entrées de Paris soient néanmoins conservés pour empêcher le dépeuplement des provinces et campagnes qui en reçoivent un préjudice notable, et que ces entrées se perçoivent au profit du Roi sans aucuns privilèges. Art. 5. Que, pour tenir lieu de taille, accessoire, prestation en argent représentative de la corvée et vingtièmes, il soit établi une imposition réelle et personnelle qui frappe indistinctement sur les propriétés des trois ordres, leurs facultés et commerce, et dont la perception sera faite par un seul et même rôle au moyen de quoi les décimes n’auront plus lieu pour le clergé. Art. 6. Que, pour remplacer les droits d’aides et régie, il soit fait un relevé exact du produit net qui résulte de leur perception dans les différentes provinces, soit comme productrice, soit comme consommatrice, à l’effet d’établir un abonnement par tout le royaume, lequel sera réparti sur toutes ses provinces, en raison de leur étendue, richesses, quantité de vignes et activité de commerce, sauf aux Etats provinciaux, dans leur intérieur, d’aviser aux moyens de répartir cette imposition aux contribuables, propriétaires, consommateurs ou commerçants. Art. 7. Que, pour rendre la gabelle moins onéreuse, le sel soit mis à un taux modéré et uniforme dans toutes les provinces du royaume, et les frais d’administration et de perception diminués. Art. 8. Les Etats généraux sont instamment priés de prendre ces moyens en considération et de ne rien négliger à cet effet ; le soulagement qu’en espèrent les sujets du Roi par la cessation des vexations et recherches auxquelles l’exercice des employés les expose journellement sera un des plus puissants motifs qui les détermineront à l’effort généreux que Sa Majesté doit attendre d’eux dans le moment présent. Art. 9. Ils n’ont pas un moindre intérêt à désirer qu’il soit fait un nouveau tarif des droits de contrôle et insinuation, qui n’ont été établis qu’a-fin de donner de l’authenticité aux actes qui intéressent la société. Art. 10. Que les actes notariés ne payent les droits que sur les sommes y énoncées, sans que, sous quelque prétexte que ce soit, on puisse avoir l’option de les percevoir sur la qualité ou sur les-dites sommes. t Art. 11. Que dans le cas où lesdits actes ne contiendraient que des conventions particulières, ils soient assujettis à un simple droit d’enregistrement de dix sous. Art. 12. Que les actes sous signatures privées ne soient assujettis qu’à la formalité de l’enregistrement ou du contrôle, à la volonté des parties, à moins qu’il n’en soit fait usage en justice. Art. 13. Que l’insinuation au tarif qui se perçoit sur les donations entre-vifs continue d’être faite au bureau de la justice royale du domicile du donateur, et que les droits soient fixés. Art. 14. Que les droits d’insinuation du centième denier sur les mutations d’immeubles réels soient réduits à 10 sous par 100 livres, et perçus sur les actes notariés, en même temps que les droits de contrôle ; quant à ceux qui se trouveront dus sur les actes sous signatures privées, qu’ils ne soient exigibles en aucune circonstance, à moins qu’il n’y ait des demandes juridiques, et sans droits en sus. Art. 15. Que les droits de recherche pour l’insinuation soient réduits à trois ans. Art. 16. Que le centième denier des successions collatérales ne soit exigé qu’ après l’année du décès révolue, et perçu sur la représentation des titres ou baux, déduction faite des charges rache-tables ou non, aussi sans droits en sus. Art. 17. Que les droits de greffe soient fixés par un nouveau tarif sous le nom de petit scel; que les émoluments, épices, droits de cédules soient supprimés, les droits de contrôle d’exploits réduits à 5 sous, et qu’on n’en puisse percevoir qu’un seul, quel que soit le nombre des demandeurs et défendeurs. Des plans plus lumineux, des vues plus étendues seront peut-être présentés et développés par d’autres provinces à l’assemblée des Etats généraux ; mais dans tous les cas, les représentants du tiers-état des bailliages de Sens et de Viileneuve-le-Roi se souviendront qu’ils ne doivent voir leur intérêt particulier que dans le bien général. Que, parmi les moyens, ceux qui seront trouvés les plus sages et qui’ s’éloigneront le moins de la constitution de la monarchie, sont ceux qui devront être préférés; enfin, que les Français réunis autour de leur souverain ne sont que les enfants d’une même famille qui s’occupent de l’intérêt commun. Fait, clos et arrêté à Sens par les commissaires nommés en l’assemblée du 18 du présent mois qui ont procédé à la rédaction d’icelui, sous la présidence de M. le lieutenant général audit bailliage de Sens, cejourd’hui 21 mars 1789. Signésurla minute des présentes : Frenet; Duval; Ratifier; Bourasset ; Golmet d’Aage; Deschamps; Salmon; de La Frenaye, Lemoine, avocat ;Cheret; Bonnerot; Menu de Chomorceau; Jaillant; Jodrillat, président; et Bobillard, secrétaire, avec paraphe. Et est la minute des présentes paraphée, ne va-rietur , et les pages d’icelui, cotées pàT première et dernière et signée de la main de mondit sieur Jodrillat, président. Ledit cahier est coté conformément au règlement, collationné et délivré par nous, greffier en chef du bailliage de Sens. Robillard.