ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 octobre 1789.] 404 [Assemblée nationale. ] pétuelles, et le remboursement des créances ainsi remboursées, s’il y avait lieu, seront déterminés par une instruction réglementaire. La motion de M. de Taüeyrand est vivement applaudie. L’Assemblée ordonne l’impression et la distribution à deux exemplaires par député. M. le Président lève la séance et l’Assemblée se réunit dans ses bureaux pour la nomination d’un président et de trois secrétaires. Séance du samedi 10 octobre 1789, au soir. La séance a commencé par la lecture des adresses ci-après : D’une adresse de félicitations et de dévouement du prévôt royal de Boisset en Carladès, au nom des officiers de la prévôté et de la municipalité dudit lieu ; d’une nouvelle adresse de félicitations, remerciements et adhésion de la ville de Bour-mont, capitale de Bassigny en Barrois; d’une adresse des habitants des Pyrénées, contenant un acte solennel de confédération pour maintenir l’ordre et la tranquillité publique : ils présentent à l’Assemblée le tribut de leur admiration et de leur dévouement, et demandent son approbation; d’une adresse de félicitations et dévouement de la ville de Puy-l’Evêque en Quercy, qui demande une justice royale ; d’une délibération de l’assemblée générale des habitants de la ville de Saint-Malo, par laquelle ils ont arrêté une contribution volontaire et patriotique pour venir au secours de l’Etat près de périr; d’une délibération de félicitations et adhésion de la Vallée d’Ail-lant en Bourgogne, qui demande une justice royale ; d’une adresse de la ville de Sierck, généralité de Metz, contenant des réclamations contre le décret de l’Assemblée nationale relatif à l’impôt de la gabelle : elle offre de payer un impôt représentatif de ce que la gabelle produit au Trésor royal, et déclare que si son offre n’est pas acceptée, elle sera livrée aux plus grands malheurs ; et enfin d’une déclaration de la ville de Strasbourg, présentée par son député, laquelle rend hommage au patriotisme qui a guidé l’Assemblée nationale clans ses décrets du 4 août; et en annonçant qu’elle défendra, par tous les moyens qui sont en son pouvoir, l’autorité légitime du Roi, auquel seul appartient le pouvoir exécutif suprême, et le droit de donner, par sa sanction, la force aux lois déterminées par le Corps législatif; et en renouvelant sa renonciation à tous privilèges et exemptions en matière de contributions aux charges publiques, à l’exception de ne plus supporter en leur entier celles dont l’objet serait l’intérêt commun de la province ou l’intérêt général du royaume, et au droit exclusif de chasse, elle exprime comme réserves formelles : 1° la conservation de la religion protestante dans son état actuel et dans ses propriétés, ainsi que l’égalité parfaite entre les deux religions, quant à l’exercice du culte et l’admission aux charges ; 2° le droit d’élection de son magistrat et de ses collègues, et le maintien de sa juridiction civile et criminelle; 3° la conservation de tous ses revenus, péages, pontonages, douane, droits territoriaux régaliens et féodaux dans ses possessions, commerce, navigation exclusive du Rhin, et au droit d’admettre librement, à son gré, à la participation de la commune; 4° elle s’oppose formellement au reculement des barrières, autant qu’il comprendrait l’Alsace et son territoire particulier. Un de MM. les secrétaires annonce quelques dons patriotiques qui seront mentionnés dans le registre destiné à cet usage. Plusieurs membres demandent des congés pour raison de santé. M. Barnave propose de décréter que les demandes de congé, pour cause de maladie, ne seront admissibles qu’autant qu’elles seront appuyées par un certificat de médecin. L’Assemblée reprend son ordre du jour qui appelle la discussion sur les motions présentées dans la séance du matin concernant l’inviolabilité des membres de l’Assemblée nationale. M. de Montlosier. J’appuie les motions proposées et je demande que ceux qui les repoussent nous exposent leurs raisons. M. le comte de Mirabeau (1). Je m’en charge et je me flatte de répondre avec une netteté qui, j’ose le dire, m'est assez ordinaire. Je m’oppose à ce qu’il soit rendu un décret sur l’inviolabilité des députés, parce qu’il en existe déjà un. Je m’oppose à ce qu’il soit renouvelé, parce que le premier suffit, si la force publique vous soutient ; et que le second lui-même serait inutile, si la force publique est anéantie. Ne multipliez pas de vaines déclarations ; ravivez le pouvoir exécutif; sachez le maintenir; étayez-le de tous les secours des bons citoyens : autrement la société tombe en dissolution et rien ne peut nous préserver des horreurs de l’anarchie. L’inviolabilité de notre caractère ne tient donc pas à nos décrets. J’entends beaucoup de gens qui parlent de cette inviolabilité comme si elle était la tête de Méduse qui doit tout pétrifier. Cependant tous les citoyens ont un droit égal à la protection de la loi ; la liberté môme dans son acception la plus pure est l’inviolabilité de chaque individu : le privilège de la vôtre est donc relatif aux poursuites judiciaires et aux attentats du pouvoir exécutif. La loi ne vous doit rien de plus ; mais telle est la sainteté de votre caractère, que le plus indigne membre de cette Assemblée, s’il en était un qui pût mériter cette dénomination, le plus indigne lui-même serait tellement protégé, qu’on ne pourrait aller à lui que sur les cadavres de tous les gens de bien qui la composent. Bornons-nous donc à nos anciens décrets ; il y a bien plus de grandeur à les conserver qu’à les recréer. Que le pouvoir exécutif agisse ; s’il ne peut rien, si nos décrets sont nuis, la société est dissoute : il ne nous reste qu’à gémir sur elle. M. Deschamps, député de Sens. J’appuie la motion de M. Malouet, parce que les députés jouissent des privilèges des ambassadeurs ; parce que, comme les ambassadeurs, ils représentent les nations ; parce que comme eux, ils auraient des vengeurs et que la capitale est responsable à toutes les provinces du dépôt qu’elles lui ont confié. M. le vicomte de Mirabeau. 11 faut un (1) Nous recueillons les paroles de Mirabeau dans le Recueil de ses discours publié par Barthe en 1820. Cetl« version diffère de celle du Moniteur.