[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 mars 1T91.J 71 reur général syndic du département, des évêques et des présidents, accusateur public, et greffier du tribunal criminel du département, seront jugées par le conseil on le directoire du département dont le chef-lieu sera le plus voisin, et l’appel sera porté, au choix de l’appelant, devant le conseil ou le directoire de l’un des trois départements dont les chefs-lieux seront les plus voisins de celui qui aura prononcé en première instance. Dans les cas d< s deux articles précédents, soit le procureur général syndic du département où les élections auront été faites, soit son suppléant, seront appelés pour défendre sur les contestations qui seront portées devant les conseils ou directoires des départements voisins. « Art. 4. Tout citoyen déclaré non actif ou inéligible, soit par une assemblée de commune, de section ou de canton, soit par une assemblée primaire ou électorale, pourra se pourvoir au tribunal de district du lieu de son domicile. La question de sa qualité y sera jugée suivant les formes ordinaires, comme toute autre question d’état ou de propriété, mais sans que sa réclamation puisse jamais faire déclarer nulles les délibérations de l'assemblée. « Art. 5. Si cette réclamation a lieu à la suite d’une assemblée dans laquelle on aurait procédé à la nomination d’un ou plusieurs juges du tribunal de district, elle sera portée en première instance au tribunal dont le siège sera le plus voisin du district. .< Art. 6. Le réclamant procédera contre le procureur-syndic du district où l’élection aura été faite, en présence du commissaire du roi du tribunal où l’affaire sera portée. « Art. 7. L’appel pourra avoir lieu dans la forme ordinaire, soit delà part du réclamant, soit de la part du procureur-syndic du distric : ne pourra être interjeté après le délai de h " peurs à dater de la signification du jugement. « Art. 8. Les tribunaux de district ne pourront, en aucun cas, recevoir ni juger des réclamations relatives à la régularité de la convocation, de la formation et de la tenue des assemblées, ou de la forme des élections qu’on y aurait suivie. Ils seront tenus de les renvoyer au conseil ou au directoire de district ou de départemen t, conformément aux articles ci-dessus, lors même qu’elles seraient présentées avec les questions sur l’activité et l’éligibilité des citoyens. « Art. 9. Tout citoyen actif sera admis à former action devant tes tribunaux sur la non-activité ou l’inéligibilité des citoyens nommés aux places municipales et aux fonctions d’administrateurs ou de juges, mais à la charge de consigner une somme de 100 livres, à laquelle il sera condamné par forme d’amende s’il succombe dans son action. L’exercice provisoire demeurera à ceux dont rétention se trouverait attaquée. « Art. 10. Les opérations d’aucune assemblée, dûmentconvoquée pour uneélection, ne pourront êlre attaquées sous prétexte, soit de l’exclusion d’un citoyen qui aurait été jugé citoyen actif, soit de l’admission de celui qui aurait été jugé non actif, soit de l’absence d’uri nombre quelconque de citoyens actifs ; ou enfin s’il s’agit d’une assemblée primaire, sous prétexte de l’absence de la totalité des citoyens d’une ou plusieurs communautés. (La discussion est ouverte sur ce projet de décret.) M. Pétion de Villeneuve. Vous avez déjà donné un grand degré d’autorité à vos corps administratifs : on vous propose dans ce moment d’étendre cette autorité de la manière la plus imprudente. Vous ne vous dissimulez pas que, par la Constitution que vous avez donnée aux corps administratifs, ces corps se trouvent entièrement dans la dépendance du pouvoir exécutif; c’est une raison de plus pour limiter, autant qu’il sera possible, le pouvoir de ces corps et ne leur laisser que le degré. M. Détnennier, rapporteur. Je vous prie de permettre de vous rendre compte d’un fait que j’ai oublié. Le comité de Constitution, dans le projet de décret sur l’organisation du ministère, a mis une disposition qui répond aux objections qu’on a faites dans la dernière discussion, et à celles que va faire M. Pétion : nous y disons formellement que le pouvoir exécutif, que le roi ne pourront en aucun cas se mêler des élections. Je demande pardon à M. Pétion de l’avoir interrompu. M. Pétion de Villeneuve. L’observation de M. Démeunier ne répond pas à ce que j’avais dit, parce que les corps administratifs n’en sont pas moins dans la dépendance la plus absolue du pouvoir exécutif. Par l’article premier et par ceux qui suivent, votre comilé vous propose de remettre entre les mains des corps administratifs la décision de toutes les contestations relatives à la régularité de la convocation et à la formation de toutes ces assemblées. La première question qui se présente, et qui me paraît décisive, c’est que, si vous donnez ce pouvoir à vos corps administratifs, vous les laissez juges absolus, et, en dernier ressort, de la formation de toutes les assemblées; vous leur donnez à exercer une espèce de souveraineté qui ne leur convient en aucune manière. Qu’en résulterait-il, Messieurs? D’abord une variété absolue dans l’espèce de jurisprudence de ces corps administratifs; car il n’y a pas de point central, de point unique auquel vienne aboutir la compétence de ces corps administratifs. Chaque corps en particulier déciderait à son gré, et vous auriez, Messieurs, sur les objets les plus importants, une jurisprudence de corps administratifs qui varierait en raison des corps qui auraient à prononcer. De plus, je ne sais comment on a pu imaginer de donner une compétence aux corps administratifs; pour prononcer sur quoi? Sur des matières d’administration; mais on ne voit pas que jamais un corps administratif, qui, par son essence, n’est pas un corps judiciaire, ait reçu le pouvoir d’appliquer des lois ou de faire lui-même des lois. Dans les dernières séances, on vous avait proposé de remettre à décider par le Corps législatif. On convenait que c’était là un principe vrai ; seulement on trouvait des difficultés, et la principale était qu’il y aurait des intervalles entre les sessions peut-être de cinq à six mois. Messieurs, je ne pense pas que dans aucun cas, dans aucune espèce de circonstances, vous puissiez mettre un semblable intervalle entre les sessions du Corps législatif. (Murmures.) Je crois que rien ne serait plus contraire à l’intérêt public, à l’intérêt de vos commettants; mais, Messieurs, lorsqu’on peut être facilement d’accord sur un principe, il faut chercher tous les moyens de le faire valoir. Or, dans cette Assemblée, on sentira combien il est avantageux que le Corps législatif pût établir une unité absolue dans les élections et dans toutes les contes- 72 [(Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. tâtions qui peuvent se présenter à cet égard; et lui seul peut établir cette unité. Remarquez, Messieurs, que si dans les commencements il se présente des contestations plus fréquentes, vous n’aurez pas passé deux ou trois ans, sans que les formes étant bien connues, elles ne soient point violées. Je crois, Messieurs, que faisant cette loi, vous devez la faire conformément aux principes, et dès lors que vous ne devez pas confier aux corps administratifs le jugement des contestations qui doivent se présenter, et que l’Assemblée doit s’attribuer le droit de juger ces contestations d’élection. Mais si vous n’admettiez pas le Corps législatif pour juger vos contestations, alors, Messieurs, je demanderais que les contestations fussent portées devant les tribunaux; et par là vous ne vous éloignez pas encore des principes. Vous avez rendu des lois, alors il ne s’agit que de leur application. Le Corps législatif fait la loi, les tribunaux l’appliquent. Eh! Messieurs, vous u’avez point à redouter les tribunaux actuels : vous n’avez point à craindre leurs usurpations. Quels sont les juges ? Ce sont les hommes choisis par le peuple, qui ont intérêt à conserver la confiance de leurs concitoyens. Vous pouvez donc sans aucun danger, sans aucun inconvénient, remettre aux tribunaux la décision, et vous avez, Messieurs, un grand avantage, c’est d’avoir un tribunal général, un tribunal qui maintienne l’unité, un tribunal qui décide si les formes ont été violées. Vous retrouverez encore ici un centre, ce qui ne se rencontre pas dans un corps administratif. Je conclus donc, Messieurs, à ce que le Corps législatif juge des élections, si vous trouvez des moyens d'exécution, et dans le cas contraire à renvoyer toutes les contestations devant les tribunaux. ( Applaudissements .) M. Alexandre de Lameth. Je m’élève avec M. Pétion, et je m’élève fortement contre le système présenté par le comité ne Constitution, relativement aux jugements à porter sur la validité des assemblées et les formes des élections; c’est une vérité qui, sans doute, ne sera contestée par aucun membre de cette Assemblée, qu’il n’y a pas de liberté dans un pays où, le gouvernement étant représentatif, les élections ne sont pas entièrement, absolument indépendantes du pouvoir exécutif; par le projet du comité, noo seulement elles n’en sont pas indépendantes, mais elles seraient directement à sa disposition; en effet, c’est après avoir subordonné de la manière la plus formelle les corps administratifs à l’influence du pouvoir exécutif, c’est après lui avoir donné le droit d’en suspendre les membres, c’est après l’avoir rendu l’arbitre de leur sort, qu’on vous propose de lui livrer celui des élections, dont la validité ne peut être séparée de celle des assemblées et des formes des élections; objets renvoyés par le comité au jugement des assemblées administratives ; il ne peut y avoir de liberté avec un pareil système ; je demande donc qu’il soit rejeté. Quant aux dispositions à y substituer, je pense que le nombre infini de questions à juger, ne pouvant peut-être pas l’être par le Corps législatif, c’est l’opinion de M. Pétion, qui tend à les remettre aux tribunaux, qui doit être adoptée : ces tribunaux étant, par leur essence, indépendants du pouvoir exécutif. Mais faut-il s’en remettre entièrement aux tribunaux, comme étant par leur essence hors de |1 3 mars 1791.) l’influence du pouvoir exécutif? Je ne crois pas que tout doive leur être subordonné, je ne crois pas qu’on doive leur remettre la connaissance des élections au tribunal de cassation, ayant la supériorité sur eux, et étant établi pour "tout le royaume. Je crois également que les élections à l’Assemblée nationale ne doivent pas être jugées par les tribunaux. Ce sont ces deux élections seulement, que dans mon opinion l’on doit réserver au Corps législatif. Je propose que toutes les difficultés soient portées aux tribunaux, à l’exception de celles relatives à l’Assemblée nationale et au tribunal de cassation, qui ne pourront être jugées que par le Corps législatif. M. Chapelier. Lorsque le comité vous a proposé un articL qui renvoyait aux corps administratifs, je ferai observer: 1° que le pouvoir exécutif ne devait être pour rien dans le jugement des élections quelconques; 2° que laques-lion de savoir si un homme est ou non ciloyen actif, était une véritable question d’Etat, qui devait être portée devant les tribunaux; et je prie d’observer que c’est sur cela que la discussion fut ouverte. Maintenant qu’avons-nous aperçu au comité de Constitution? Deux grands principes: 1° que les tribunaux ne doivent, d’aucune manière et sous aucun prétexte, se mêler d’administration; car c’est ainsi que, confondant tous les pouvoirs, ils deviendraient extrêmement dangereux; 2° c’est une véritable propriété, que la propriété d’un citoyen considéré dans l’état politique comme citoyen actif ou comme éligible aux places. Suivant l’un et l’autre de ces principes, nous avons dit : s’agira-t-il de l’activité ou de l’éligibilité d’un citoyen? ce sera une matière à porter devant les tribunaux, et sur laquelle le Corps législatif n’aura aucune influence. S’agit-il au contraire de savoir si une assemblée s’est tenue conformément aux règles établies par la Constitution? Alors c’est une pure administration que la conservation des formes établies dans les assemblées primaires et électorales. (Murmures.) Un moment donc... Mais le recours au Corps législatif devant être permis à tout citoyen, celui qui aurait essuyé une décision injuste, aurait le droit de plainte au Corps législatif. L’ Assemblée doit surtout faire attention que, si elle donne aux tribunaux le droit de juger les contestations qui pourraient s’élever dans les assemblées primaires ou électorales, elle donne aux tribunaux, dans la partie la plus importante de l’administration, un pouvoir sur la Constitution, et qu’elle attaque par ses bases la Constitution qu’elle a établie. Ainsi, j’aimerais mieux, si ou ce voulait pas donner aux départements, avec le recours au département voisin, le droit de prononcer sur ces questions; j’aimerais mieux, dis-je, qu’on en chargeât le Corps législatif; ce qui serait impossible, surtout dans tes commencements, à cause du grand nombre de contestations qui naîtraient à cet égard. En un mot, vous conserverez mieux les bases de votre Constitution, si vous donnez ce droit à tout autre corps plutôt qu’aux tribunaux . M. Robespierre. Le préopinant n’a pu soutenir l’avis du comité qui, en confondant des notions tout à fait disparates, les fonctions administratives et législatives avec les droits individuels et politiques de chaque citoyen, renverse Jes premiers principes de vôtre Constitution. Le premier principe de votre Constitution est la conservation du droit de souveraineté de la [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (13 mars 1791.] 73 nation; et cette souveraineté serait lésée dans les assemblée-primaires ou électorales, dans ces assemblées d’où émanent tous les pouvoirs délégués. Car ce sont ces assemblées qui créent ces pouvoirs; et c’est en les créant que la nation exerce sa souveraineté. Si donc vous donnez à un pouvoir quelconque, soit judiciaire, soit administratif, le pouvoir de juger si elles ont pu ou n’ont pas pu exister, vous anéantissez la souveraineté de la nation ; vous élevez au-dessus d’elle les pouvoirs que cette même nation a créés, et vous les rendez absolument maîtres d’empêcher l’exercice de sa puissance, ou de la diriger conformément à leurs vues. De là il résulte qu’aucun corps administratif ne peut juger si les assemblées primaires et électorales ont été valables ou non. Et quelles sont les fonctions que le peuple leur a données dans ses assemblées primaires? Qu’ont-elles de commun avec le jugement des droits politiques de la nation? Qu’est-ce que les fonctions des administrateurs, si ce n’est de répartir l’impôt, de veiller au maintien de la police, de régler les ouvrages publics qui peuvent être utiles à la nation? Qu’y a-t-il de commun entre ces fonctions, dans lesquelles l’autorité des corps administratifs est restreinte par l’autorité souveraine du peuple, et entre le pouvoir de juger. Si le peuple lui seul s’est légitimement assemblé, si les élections sorties de ces assemblées sont valides, n’est-il pas évident au contraire que donner aux corps administratifs l’inspection sur ces assemblées, c’est renverser tories ces idées, c’est mettre le délégué à la place du souverain, et le souverain à la place du délégué. ( Applaudissements .) Les mêmes principes s’appliquent également aux corps judiciaires; leur pouvoir consiste uniquement à juger les contestations des individus, mais il ne peut s’étendre à juger de la validité des assemblées politiques. En général, juger des droits politiques de chaque citoyen, c’est évidemment influer sur la souveraineté nationale; c’est élever le corps judiciaire au-dessus des assemblées où réside la souveraineté nationale. Il est donc impossible que les corps judiciaires, non plus que les corps administratifs, puissent exercer le droit de décider si ces assemblées sont bien convoquées, si les élections sont valides. Quel est donc le pouvoir qui doit décider cette grande question? Ce pouvoir ne peut être que celui du souverain, s’il peut l’exercer par lui-même; mais comme la nation, trop nombreuse, ne peut s’assembler que par sections, c’est à ses représentants immédiats à l’exercer; ce ne peut être qu’une assemblée qui se trouvera dépositaire du pouvoir politique de la nation, qui aura une qualité suffisante pour être son organe, pour être l’interprète de ses volontés ; et, quoi que l'on puisse m’objecter, il faut que le pouvoir dont je parle soit exercé par la nation ou par ses représentants, par le Corps législatif. Sans cela, la nation n’est plus souveraine, il n’y a plus de liberté. Personne n’entreprendra, sans doute, de contester ces principes, mais on suivra la méthode ordinaire qui est d’opposer des inconvénients. M. Démeunier, rapporteur. Ce n’est pas là la question. M. Robespierre. Eh bien! qu’on établisse la question sur les inconvénients, qu’on examine de quel côté sont les plus grands. Je consens à réduire là la question, mais je demande d’avance, à ceux qui objectent sans cesse des inconvénients, si les leurs peuvent balancer ceux que j’oppose à mes adversaires. Je conclus donc à ce qu’on rejette par la question préalable le projet du comité, comme fondé sur des principes destructifs de la liberté nationale, et qu’on ne confie ce pouvoir redoutable, qu’il veut remettre entre les mains des corps administratifs, qu’aux représentants véritables de la nation. M. Lanjuinais. Je vais examiner la question dans l’ordre des possibles, et je dis qu’il sera impossible pour le Corps législatif de décider chacune des contestations qui s’élèveraient dans les diverses parties duroyaume.il en résulterait un grave inconvénient pour chaque citoyen, qui souvent aimerait mieux abandonner son droit que de venir de 200 lieues par exemple pour le défendre. Enfin, vous avez décidé que le Corps législatif serait quatre mois de l’année en vacances. M. Duport. J’affirme qu’il n’y a point de décret qui fixe la durée des vacances du Corps législatif. M. l