[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 décembre 1789.] 499 M. Cochelet, député par la ville de Ghar-leville , paraît à la barre et donne tous les détails qui sont à sa connaissance. M. le Président. L’Assemblée vous a entendu avec satisfaction, mais voire discours doit être signé et déposé sur le bureau pour être communiqué au comité des recherches. M. Coehelet remet alors le discours suivant : « J’ai l’honneur d’exposer à l’Assemblée nationale que depuis le mois d’octobre 1788, époque de la prohibition de l’exportation des blés, les officiers municipaux de la ville de Charleville avaient pris les précautions les plus sages pour empêcher qu’elle n’eut lieu : que cette ville située sur les confins du Luxembourg, des provinces de Champagne, du Hainaut français et des Trois-Evêchés, est le marché d’approvisionnement de près de soixante lieues carrées d’un pays qui ne produit aucun froment ; que son port, sur la rivière de Meuse, y facilite l’importation des froments que les Champenois amènent à son marché ; que, sous prétexte de l’approvisionnement de la ville de Givet, dernière ville du Hainaut français, on élude souvent la prohibition de l’exportation ; et que, dans ce moment, le séjour de quinze mille Prussiens dans l’Evêché de Liège, y nécessitait un surcroît de subsistances; qu’il y avait lien de croire que l’exportation se pratiquait par les environs de Rocroi, qui n’est éloigné que de deux lieues des terres de Liège ; que depuis ce temps il était passé à Rozoy, ville de la Thiérache, à huit lieues de distance de ce pays, la quantité « de cent trois mille mesures de froment » (pesant quarante-cinq livres) sous la désignation d’approvisionnement du marché de Charleville, tandis qu’il n’y en est pas parvenu « sixmille mesures » ; que le !2novembre dernier, 4,000 paysans s’étaient rassemblés à une lieue de Rozoy et avaient arrêté et vendu ce jour-là, et le lendemain, la quantité de huit cents mesures de froment qu’ils ont soupçonné destinées à être exportées à l’étranger ; que les officiers municipaux de Charleville s’étaient confédérés avec les municipalités de Rozoy, Maubert-Fontaine, Ru-migny, Revin, Fumay, pour former un cordon de troupes nationales qui interceptassent depuis Rozoy jusqu’à l’étranger; qu’ils avaient ajouté à cette' précaution celle d’envoyer un député à Rozox et dans les environs, pour découvrir les auteurs et fauteurs de ces fausses déclarations, et de ces exportations criminelles ; qu’aussitôt qu’ils auraient acquis, par ces députés, des preuves suffisantes, ils me les enverraient, et que je les remettrais au comité des recherches; que je suppliais l’Assemblée nationale de m’ordonner de réunir ces perquisitions à celles des officiers municipaux de Charleville ; qu’il y avait lieu de croire que ces manœuvres étaient dirigées par des mains ennemies de la nation, et qui voulaient empêcher d’achever l’édifice de la constitution, en détruisant les fondements de la tranquillité . publique, sur lesquels elles reposent. « J’ai l’honneur de joindre à ce rapport, pour pièces justificatives : « 1° Le procès-verbal dressé par le conseil général de la ville Charleville, le novembre dernier. « 2° Le procès-verbal de l’Assemblée de la municipalité de Charleville, du... de ce mois, qui nomme un député à l’effet de rechercher les auteurs et fauteurs de ces fausses déclarations et de ces exportations. Signé , Cochelet, lieutenant général du bailliage, et député de la sénéchaussée de Charleville. » A la suite de ce discours, le député de Charleville supplie l’Assemblée de prononcer sur la demande de la députation de là principauté de Charleville du 13 août dernier et dont le rapport est prêt à être fait à l’Assemblée. Plusieurs membres demandent que M. Cochelet soit admis dès à présent comme député direct de la principauté de Charleville qui nè tenait à la couronne qu’honorifiquement avant sp, lj|)re adhésion aux décrets du 4 août. L’admission est ajournée jusqu’à la vérification des pouvoirs. M. le Carlier observe que ce n’est pas seulement dans la Champagne que l’exportation se fait; quelle a aussi lieu dans le Vermandois, et qu’elle y augmente tous les jours. Plusieurs décrets sont proposés relativement à ces diverses plaintes ; mais on demande, avant de les discuter, que le comité des rapports, chargé de celui de Lyon sur le même objet, soit de nouveau entendu. M. Hébrard, membre du comité des rapports, dit que le comité a pensé, que vu les malheurs qui seraient infailliblement la suite de l’exportation, il fallait effrayer les coupables par la peine la plus rigoureuse, En conséquence, il propose, au nom du comité, de décréter : « Que quiconque sera pris exportant ou faisant exporter chez l’étranger des grains à farine et des farines, sera puni de mort ; « Que quiconque sera pris arrêtant ou faisant arrêter avec violence les grains dans l’intérieur du royaume, sera puni de peines afflictives plus ou moins grandes suivant les circonstances. « Il est dès à présent défendu à toutes les municipalités et aux comités de faire aucune délibération, prendre aucun arrêté sur l’exportation ou la circulation des grains, contraires à ceux de l’Assemblée, sous peine contre les membres qui auront signé, d’interdiction perpétuelle de toutes fonctions publiques. « Le Roi sera supplié d’accorder sa sanction au présent décret, qui, dès qu’il l’aura obtenue, sera envoyé à tous les corps et municipalités du royaume. » La lecture de ce projet de décret est plusieurs fois interrompue par des signes d’improbation. M. Hébrard. Les marques d’improbation font l’éloge de votre sensibilité, mais elles ne conjurent pas les maux qui nous menacent. M. Bouche. Celui qui affame son pays est un assassin, il mérite la mort. M. le marquis Lezay de llaruesia observe que l’on ne peut, dans les séances du soir, s’occuper de lois générales; que la peine de mort est un article important du code pénal à rédiger, et que cet objet appartient à la constitution, conséquemment aux séances du matin. Sur cette observation, appuyée par plusieurs membres, il est arrêté que la délibération actuelle est renvoyée, dans l’état où elle est, à lundi prochain, à l’ordre d’une heure. M. tturget, membre du comité des recherches , demande à faire un rapport. Le 12 novembre, le sieur Baudry de la Richar-