[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juillet 1790.1 221 M. Lebrun donne lecture d’un projet de décret en six articles. M. Goupilleau demande, par amendement, d’excepter de tous droits les ventes volontaires. M. Re�naud (de Saint-Jean d’Angely). 11 n’y a point de liberté sans impôts. Si l’on supprime les droits sur les ventes volontaires, voilà encore une des branches du revenu public réduite presqu’à rien, car toutes les ventes seront volontaires au dire des intéressés; et puis comment rembourser les oflices de jurés-priseurs, à la liquidation desquels vous avez affecté, sur le produit des droits, une somme annuelle de 8 à 900,000 livres? Je demande que l’article 1" reste tel qu’il a été proposé. (L’Assemblée rejette l’amendement.) Un autre membre propose d'attribuer exclusivement aux huissiers le droit de faire les ventes. M. l’abbé Gouttes. Pourquoi accorder aux huissiers un pareil privilège? Il faut laisser au peuple le droit de choisir. M. Regnaud (de Saint-Jean d’Angely). Les notaires et les grefliers inspirent une plus grande confiance. Je ne vois aucun motif de les exclure. (On demande la question préalable sur tous les amendements.) La question préalable est prononcée et le décret est rendu en ces termes : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité des finances, a décrété et décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les notaires, greffiers, huissiers et sergents sont autorisés à faire les ventes de meubles dans tous les lieux où elles étaient ci-devant faites par les jurés-priseurs. » Art. 2. « Les procès-verbaux de vente et de prisée faites par les officiers ci-dessus désignés ne seront soumis qu’aux mêmes droits de contrôle que ceux des jurés-priseurs. » Art. 3. Il ne pourra être perçu par lesdits officiers que 2 sols 6 derniers du rôle de grosse des procès-verbaux, 2 sols 6 deniers pour enregistrement d’une opposition, et 1 livre 10 sols par vacation de prisée, conformément à l’article 6 de l’édit* de février 1771; et ce, sans préjudice des conventions particulières qui pourront modifier ou abonner ces droits. » Art. 4. « Les 4 deniers pour livre du prix des ventes seront versés par les officiers qui les auront faites, dans les mains des contrôleurs des actes, lesquels en compteront à la régie des domaines. » Art. 5. « Les quittances de finances des oflices de jurés-priseurs supprimées, seront remises au plus tard dans deux mois, à dater du jour de la publication du présent décret, au comité de liquidation. » Art. 6. « Le comité se fera représenter le registre des parties casuelles à la décision qui pourra avoir modéré le prix desdits offices, et en fera son rapport à l’Assemblée pour y être statué. » M. «FAudlau, député d'Alsace, demande par l’organe de M. le Président, un congé de deux mois qui lui est accordé. M. Lebrun fait ensuite le rapport suivant sur l'organisation du Trésor royal ( 1). (1) Le Moniteur ne donne que le dispositif qui termine ce rapport. Messieurs, rien n’appelle plus fortement vos regards que l’organisation du Trésor public. C’est par elle que l’ordre, que l’économie, qu’une comptabilité sévère s’établira dans toutes vos dépenses, garantira la régularité de l’administration et la perpétuité de vos lois. Cette organisation, Messieurs, n’est plus aujourd’hui ce qu’elle était autrefois. Elle n’est point précisément ce qu’elledevait être d’après les règlements qui ont fixé sa constitution actuelle. Elle n’est point enfin ce qu’elle sera sous l’influence d’une législature permanente. Sous l’ancien régime (et ce régime remontait jusqu’à Colbert), deux gardes veillaient sur le Trésor royal. L’un était attaché aux années pairs, l’autre aux années impairs. La recette totale des revenus d’une année, le payement entier des dépenses d’une année, composaient ce qu’on appelait, ce qu’on appelle encore un exercice. Le Trésor royal recevait en masse et reversait en masse ies revenus de l’Etat-La maison du roi avait ses trésoriers ; La guerre, ses trésoriers. La marine, ses trésoriers; Toutes les parties de l’administration, leurs trésoriers et leurs caisses. Sous une administration mobile et incohérente, ces trésoriers et ces caisses tombaient et se relevaient, se doublaient et se dédoublaient au gré de la sagesse ou de l’impéritie des ordonnateurs, de l’aisance ou de3 besoins du Trésor public, souvent au gré de la faveur et de l’intrigue. La dépense de l’année une fois projetée et approuvée par le roi pour chaque département, les fonds étaient versés, à des époques fixes et par égales portions, dans les paisses des trésoriers particuliers. Les retards de payement, les suspensions, ies diminutions éventuelles de dépense, la négligence des parties prenantes, toutes les chances entin étaient perdues pour le Trésor public. Souvent il était vide, et les caisses secondaires étaient remplies. Elles l’étaient au moins de la représentation vaine des fonds qui travaillaient pour le trésorier. Quelquefois, et c’est un reproche que la malignité s’est permise contre quelques ministres, quelquefois ies fonds versés dans les caisses excédaient la dépense réelle, et ces excédents étaient la proie de la faveur et se perdaient en gratifications obscures. Les ministres, les ordonnateurs, maîtres de leurs caisses, les gouvernaient avec un empire absolu et sans contrôle. Ils les érigeaient en caisses de crédit ; et libres de l’inspection et des censures delà finance, ils exagéraient la dépense, anticipaient sur les recettes convenues, et souvent aussi empruntaient, sans le savoir, les fonds mômes que le Trésor royal avait versés. De là les mécomptes éternels des contrôleurs généraux, condamnés à la pénible tâche de chercher des ressources soudaines pour des besoins qu’ils n’avaient pu prévoir ni calculer. Ce fut là une des sources les plus constantes des erreurs de la finance et l’éternel désespoir des administrateurs. Quiconque a, depuis trente ans, suivi la marche des affaires, a prévu quel serait le résultat de cette incohérence dans les différentes parties