263 [Assemblé© nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 juin 1790.] de la France, s’élève à une hauteur qui surpasse la valeur des trois royaumes. L’Angleterre prospère, elle craindrait de blesser les droits sacrés de la propriété en dépouillant le clergé, elle craindrait le reproche des nations, si elle recourait à ce moyen, inconnu jusqu’à nos jours. La France voudrait-elle reconnaître chez sa rivale une supériorité de génie en moyens politiques dans des circonstances bien moins embarrassantes ? Le sort des religieux n’intéresse pas moins le culte public; ils suppléent à la pénurie des ecclésiastiques, qui se fait sentir depuis longtemps. Que de moyens pour rendre les ordres religieux aussi utiles à l’Etat qu’à l’Eglise ! est-ce donc en politique comme en morale, qui se consacrent à faire respecter les lois de l’Eglise et de l’Etat, n’est pas infiniment précieuses ? Les couvents de femmes sont un asile pour la vertu et pour la piété ; c’est une ressource précieuse pour l’éducation des personnes de leur sexe, et puisqu'il est impie de dire que c’est offenser la nature que de vouer à Dieu sa liberté, pourquoi la réclamer en faveur d’ordres religieux qui ne la réclament pas eux-mêmes? Le peuple ne connaît que le Dieu qu’il adore et le pain qui le nourrit; l’un est aussi nécessaire que l’autre : les malheurs qui l’accablent s’accumulent sur sa tête, et dans le moment où l’impôt direct s’accroît dans une progression étonnante, il voit saper dans ses fondements la religion qui peut seule le consoler. Signé : P.-B. de Sainte-Foy, comte Dercq, président ; de Molières, G. Malartic La Grotelle, Chesteil, l’abbé de Mondésir, Bouillac, commissaire; Delbreil, adjoint; Mouisset, France, C. Garrigues, David Glaret, secrétaire ; Faure, Foillac, Sarrat, commissaire ; de Raismes, Couderc, le chevalier Darassus de l’Isle, commissaire; Gouttes, commissaire ; Lamolmairie, commissaire ; Gerbe aîné. A Nosseigneurs de V Assemblée nationale. Nosseigneurs, les catholiques de Montauban, formant la très grande majorité des citoyens de cette ville, ont l’honneur de vous représenter qu’ils ont été pénétrés de la plus vive douleur, en apprenant que vous aviez prononcé qu’il n’y avait lieu à délibérer sur la proposition du décret que la religion catholique était la religion de l’Etat. Il n’y a que des raisons du plus grand poids qui aient pu déterminer les représentants delà nation à ne point délibérer sur un décret qui aurait comblé de joie tant de millions de citoyens. Pénétrés de confiance pour les pères de la patrie, nous attendrons, avec la plus grande sollicitude, l’époque heureuse où les difficultés qui pourront s’opposer à un pareil decret étant applanies, vous jugerez, Nosseigneurs, dans votre sagesse, convenable d’accorder à la religion catholique uoe distinction qui lui est due à tant de titres, et qui lui estessentiellement inhérente, puisque c’est celle de la très grande majorité de la nation. Cette religion divine est, depuis quatorze siècles, celle de l’Etat; et la France lui doit beaucoup, même relativement à sa prospérité temporelle. Nosseigneurs, la prééminence que les citoyens de Montauban demandent pour la foi catholique, ne tend point à atténuer les décrets qui ont été rendus en faveur des non catholiques, et nous avons applaudi en voyant la patrie les rendre susceptibles de ses bienfaits. Le décret que nous sollicitons en faveur de la foi catholique est pour lui assurer cette protection spéciale, cette stabilité, cette prééminence, qui est due à une religion qui peut être considérée comme celle de toute la nation, eu égard à la très grande majorité des Français qui la professent. Nous prendrons la liberté de vous représenter, Nosseigneurs, que les nations les plus libres et les plus tolérantes ont eu une religion nationale; et dans combien d’occasions la religion nationale ne fut-elle pas de la plus grande utilité aux anciennes républiques? C’est surtout dans les gouvernements où le peuple a le plus d’influence que la religion nationale est la plus nécessaire ; il faut dans ces gouvernements que la religion acquière sur les hommes d’autant plus de force et d’action, que la force publique et coactive semble perdre davantage de son ressort. La majorité des citoyens de Montauban espère, Nosseigneurs, que vous voudrez bien accueillir avec bonté leurs supplications, et décerner le titre glorieux de religion nationale à la foi catholique, qui éclaire cet Empire de ses lumières depuis quatorze siècles ; qui a été constamment la religion de l’État, qui est celle de presque toute la France, et dont les principes, pleins de douceur, d’humanité et de charité, s’accordent si fort avec l’esprit d’égalité qui respire dans vos décrets. Ce sera, Nosseigneurs, un nouveau bienfait ajouté à ceux que nous prépare la Constitution que vous élevez pour le bonheur de la patrie. Pour copie conforme à l'original : D’Elbreil, adjoint général du Comité. annexe n» 7. Délibération de V Église Cathédrale de Montauban. L’an mil, etc. Un des messieurs a dit que les justes craintes qui avaient affecté différents corps ecclésiastiques en faveur de la religion, dans ces circonstances douloureuses où cette religion divine était menacée des plus grandes perles, devaient faire une loi au chapitre de Montauban de donner son adhésion aux nombreuses adresses de ces corps ; que les plaies qui affligent l’Eglise étaient trop profondes pour que le silence de ceux qui sont consacrés par état aux fonctions saintes ne parût un crime aux yeux d’un peuple qui avait déjà prévenu par ses pieuses démarches la manifestation des vœux du sanctuaire ; qu’il était temps de parler le langage des prêtres du Dieu vivant, et de porter aux pieds d’un trône dont la religion consacra la gloire et étendit la puissance, les réclamations du sacerdoce humilié ; qu’en rappelant au fils aîné de l’Eglise, à un roi très chrétien, dont les vertus et la foi avaient signalé le règne ; qu’en lui rappelant le vœu solennel qu’il fit au jour de sa consécration, de maintenir la foi ne nos pères, et de protéger l’Eglise de Jesus-Christ, c’était assurer le succès de nos demandes auprès de ce religieux monarque, il a prié le chapitre de délibérer sur les propositions suivantes : 1° D’adresser au roi, comme protecteur-né de la religion catholique, une lettre qui renferme et la vive expression de nos alarmes et le vœu du chapitre pour le maintien de cette religion et de tous ses privilèges; [Assemblée nationale,! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 juin 1790.' 2* B’adhérer aux réclamations de la plupart des corps ecclésiastiques du royaume, et notamment à celle de l’Eglise de Paris, à qui il sera envoyé une copie particulière de la présente délibération et de la lettre au roi, avec prière de vouloir bien compter l’Eglise de Montauban au nombre de celles dont elle a reçu l’adhésion et exprimé le vœu; comme aussi d’adhérer, dans tout son contenu, à la généreuse protestation d’un grand nombre de membres de l’Assemblée nationale en faveur de la religion catholique ; 3° D’envoyer une copie de la présente délibération et de la lettre au roi, à monseigneur l’évêque. Ces propositions mises aux voix, ont étéunani-mement adoptées. Et ont signé : L. Dupin de Saint-André, doyen; Domingon, grand archidiacre ; Corne, précenteur ; Drapier, chanoine ; Bonnafous; Labrugade-Saint-Maurice, chanoine; Verdier de Port-de-Guy, théologal; Lalbenque, chanoine; Debosque primus, chanoine, syndic général; Cornac, chanoine; Debosque secundus, chanoine ; Ladoux, chanoine ; Roger, prêtre, prébendé syndic; Pacaud, prêtre, prébende syndic. Lettre au roL Sire , le chapitre de votre église cathé - drale de Montauban ose déposer dans le sein de Votre Majesté, les alarmes qu’il partage avec tous les sujets catholiques de votre Empire, et les justes réclamations dont le plus saint des devoirs lui fait la loi. Quand la nation en deuil frémit aux dangers qui menacent la religion de nos pères, quand votre peuple, sire, étonné des atteintes qu’on porte à la foi, vient en foule dans nos temples implorer le secours du ciel, pour le maintien de cette religion divine ; quand vos fidèles sujets, sire, vous nomment de concert le défenseur et le protecteur du sanctuaire, serions-nous les derniers à élever nos voix, à intéresser votre piété aux disgrâces qui semblent nous être préparées ? Non, sire, les ministres d’une religion qui vous est chère à tant de titres ne craignent point de vous appeler leur consolateur et leur appui. une respectueuse confiance dans les travaux de nos représentants a pu quelque temps suspendre les mouvements de notre zèle. Dépositaires de nos sentiments, organes de nos volontés, les membres de l’Assemblée nationale nous promirent, sur la foi du serment, de protéger celle de de nos pères, de respecter ses droits, de consacrer ses antiques prérogatives ; et nos autels furent les témoins et les garants de leurs promesses : aujourd’hui, sire, que, par la plus étonnante fatalité, nos espérances sont déçues ; aujourd’hui que, par des motifs bien difficiles à concevoir, on semble craindre d’accorder à une religion respectée dans les Gaules, avant même rétablissement de la monarchie, une prérogative dont le titre se perd dans la nuit des temps ; nous osons, sire, recourir à votre justice ; nous osons intéresser votre puissance et les engagements que vous prîtes avec le dieu qui vous a fait régner, à la cause de ce dieu dont on ébranle les autels, à celle d’un peuple religieux et tremblant pour sa foi, à celle de votre propre gloire. Quelle religion, sire, mérita mieux que celle de vos fidèles sujets, un culte exclusif et constant ? Par elle, victorieux des ennemis de l’Empire, Clovis assura les fondements d’un trône dont l’Europe admira tant de fois l’éclat et redouta la puissance. C’est elle qui immortalisa les triomphes de Charlemagne, de Philippe-Auguste, de Saint-Louis et de Louis XIV, et ses maximes ont fait d’une nation barbare et guerrière le peuple le plus religieux, le plus doux et le plus fidèle à ses rois. N’est-il pas à craindre, en affaiblissant les lieux qui nous attachent à la foi, d’étouffer le germe de tant de biens ? Nous vous en conjurons, sire, au nom de Dieu dont nous sommes lesministres, et dont vous êtes l’image sur la terre, nous vousen conjurons prenez la défense de cette religion si chère à votre peuple, si respectée par vos augustes aïeux, et dans laquelle les prêtres de i’Eternel doivent aujourd’hui mettre toute leur confiance; qu’aprês avoir pesé dans leur sagesse les puissants motifs qui nous animent, les représentants de la nation, déterminés par ces motifs et l'intérêt précieux que le fils aîné de l’Eglise prend au maintien d’une religion qui fut depuis tant de siècles celle des Français, consacrent à jamais l’exercice dont elle ne saurait avouer le partage, lui rendent son premier éclat et assurent ses droits, qu’ils ne redoutent point de porter atteinte, par une déclaration aussi juste, aux lois nouvelles qu’ils méditent pour le bonheur de l’Empire. C’est, nous osons l’assurer, d’une démarche aussi conforme aux vœux de vos fidèles sujets, sir,e, que dépend le bonheur et la gloire de l’État. Une expérience de quatorze siècles est la preuve de cette vérité. La religion des Français rendit cette nation la première de l’Europe ; en affaiblissant son éclat, ne serions-nous pas exposés à perdre nos vertus ? Nous craindrions, sire, de trahir et nos devoirs et notre ministère, si nous gardions plus longtemps le silence sur un objet si digne de vous fixer. Les alarmes d’un peuple religieux, ses plaintes douloureuses, ajoutent à nos vives sollicitudes pour le dépôt de la foi qui nous fut confié. Tarissez, sire, tarissez nos larmes, rassurez des sujets effrayés par les atteintes portées à leur religion ! Que parmi tant de vertus qui distiu-guentvotre majesté, et qui font l’orgueil des Français, l’Eglise de Jésus-Christ se glorifie surtout de celle qui vous rendra son proteccteur et son ange tutélaire, dans les jours de sa douleur ! Daignez, sire, recevoir avec cette bonté qui vous est si naturelle, nos justes réclamations, l’hommage de nos voeux pour la prospérité de vos jours et celui du très profond respect avec lequel nous sommes, sire, de Votre Majesté, les très humbles et très obéissants serviteurs et fidèles sujets. Les dignitaires, chanoines, chapitre et bénéficiers de l’église cathédrale de Montauban. Montauban, ce 10 mai 1790.