[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j g an. & 4« Nous nous bornerons à exposer des faits et des arrêtés. Une armée doit combattre et triompher, le gouvernement doit surveiller et agir. Un grand complot contre la liberté était médité dans le cabinet de Saint-James, et trans¬ mis par ses agents secrets au comité contre-révolutionnaire caché au sein de la République à Paris. Ce complot tendait à nous environner de plaintes, de malheurs et de besoins, à présenter aux malveillants et aux lâches plusieurs aspi¬ rants à la royauté, à porter des secours mari¬ times aux rebelles, à faire révolter quelques départements, à exciter le fanatisme, et à perdre à jamais la représentation nationale. Les brigands, obligés de fuir de Mortagne et de Cholet, étaient le principal instrument de’cet attentat contre-révolutionnaire. Ils passent la Loire, épouvantent les villes, se recrutent par force dans les campagnes et fuient vers les côtes de la mer. Qu’a fait le comité? Il évacuait d’une main les subsistances de la Vendée, faisait abattre les fours et les moulins pour ravir aux rebelles tout espoir de retour; de l’autre, il rassemblait des forces, il préparait la défense des côtes et organisait une nouvelle armée trop disséminée dans plu¬ sieurs départements, il veillait à la défense de la ville des Sables. Vous en jugerez mieux par la correspondance et ses arrêtés, que par une froide narration. Arrêté du 13 brumaire de Van II de la République française, une et indivisible. Le comité de Salut publie arrête : 1° Que les représentants du peuple envoyés près l’armée de l’Ouest feront occuper tous les passages, prendront toutes les mesures et feront établir les batteries nécessaires pour s’op¬ poser au passage de la Loire par les brigands, et les empêcher de rentrer dans la Vendée. 2° Qu’ils feront toutes les réquisitions de chevaux, de voitures et d’ouvriers, pour accé¬ lérer l’évacuation et le transport de toutes les subsistances, armes et munitions que les bri¬ gands ont laissées dans les départements de la Vendée et autres repaires qu’ils ont abandon¬ nés; 3° Que le versement des subsistances, armes, munitions, sera d’abord fait dans divers dépôts pour l’armée de l’Ouest, et les dépôts établis principalement dans les places fortes; l’excé¬ dent des subsistances sera transporté à Paris, dont le maire est chargé de prendre les mesures nécessaires pour effectuer le transport; 4° Que les représentants du peuple se con¬ certeront avec les divers généraux de division pour détruire sur-le-champ tous les moulins et les fours dans le département de la Vendée. Autre arrêté du 16 brumaire de Van II de la République française. Le comité de Salut public, d’après le compte qui lui a été rendu de la marche des rebelles fuyant de la Vendée, et après avoir examiné avec attention la correspondance des divers représentants du peuple qui préparent des forces contre ces brigands, voulant s’opposer aux projets dangereux que ceux-ci pourraient former pour s’emparer d’un port de mer qui les ferait éohapper à la vengeance nationale; Arrête ce qui suit : 1° Le ministre de la guerre, en conséquence de la demande du général Léehelle d’être dis¬ pensé pendant quelque temps du commande¬ ment de l’armée de l’Ouest, en chargera provi¬ soirement un général de division, et lui donnera l’ordre de poursuivre les rebelles avec toute la vigueur possible et de les exterminer complè¬ tement ; 2° Cet officier général, après avoir réglé le projet de ses opérations de manière à ne jamais perdre de vue les précautions qui doivent assu¬ rer la conservation des troupes de la Répu¬ blique, en donnera connaissance au général Rossignol et prendra ses ordres dès que la proximité de ses forces permettra cette com¬ munication sans nuire à la célérité nécessaire aux opérations; 3° Le ministre de la guerre nommera égale¬ ment un officier-général pour diriger et com¬ mander les rassemblements armés qui se sont formés ou se formeront dans les départements de la Sarthe et de l’Orne. Dans le cas de jonction de ces corps ou de leur rapprochement à un certain point des autres troupes de la Répu¬ blique, l’officier supérieur ou plus ancien prendra le commandement de tout, de quelque armée que ces corps soient tirés; 4° Le ministre de la guerre donnera aux généraux Sepher et Rossignol les ordres les plus précis pour qu’ils coupent aux rebelles, l’un, le chemin de la mer par le Calvados et la Man¬ che, l’autre par le département de l’Ille-et-Vi¬ laine ; 5° Les places de Granville et Cherbourg sont déclarées en état de siège ; il sera mis dans cha¬ cune une garnison suffisante avec un comman¬ dant temporaire qui puisse garantir leur con¬ servation à la République, et qui pour cela y prépare les moyens de défense nécessaire et une police vigoureuse. 6° Le ministre de la guerre renforcera le plus qu’il sera possible les différents corps qui doivent agir contre les rebelles, leur fera passer les armes, munitions et particulièrement des boulets de quatre dont ils auront besoin; enfin n’épargnera aucun moyen pour l’entière des¬ truction des brigands. Lettre écrite le 1 6 brumaire par le comité de Salut public à Jean-Bon-Saint-André, représen¬ tant du peuple à Brest. « Citoyen collègue, « Les brigands de la Vendée se sont échappés à travers le département de la Mayenne, qu’ils ont affamé; en effrayant les départements cir-con voisins, ils cherchent sans doute un moyen de fuite vers la mer dans le département de la Manche, à Granville ou Cherbourg. Nous venons d’apprendre que les brigands ont battu trois de nos bataillons à Fougères. Cet échee peut favoriser leur arrivée à la mer, par la terreur qu’ils ont pu inspirer. « Nous savons qu’il y a une bonne défense à Cherbourg, où. les autorités constituées viennent d’être épurées; nous espérons que les républi¬ cains se défendront du côté de Granville. Plu¬ sieurs représentants du peuple sont dans tous les départements environnants; mais il leur manque de l’énergie et de l’ensemble, il leur manque cette chaleur républicaine qui créé 492 {Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j ® f‘riraaire an n 1 (lo décembre 1793 des bataillons, qui leur donne de l’audace et qui double le courage. C’est toi, citoyen collègue, que nous avons cru pouvoir choisir pour rem¬ plir cette importante et pressante fonction; nous t’engageons à partir pour Cherbourg sur-le-champ, et tu sauveras la République dans cette partie, qui communique d’une manière si dangereuse avec nos plus cruels ennemis. « Les mesures fermes que tu as prises à Brest te permettent cette petite absence, et sont la caution de tes succès dans le département de la Manche. « Le comité de Salut public est fortement décidé à ne rien négliger pour déblayer le terri¬ toire de la République de cette race de brigands, et à prendre les mesures les plus fortes pour que la mer ou les départements maritimes devien¬ nent leur tombeau. Nous donnons dans le mo¬ ment des ordres pour qu’il arrive dans le dépar¬ tement de la Manche et aux environs, de nombreux secours et des troupes bien discipli¬ nées. Tu dois y compter, et par ce moyen hardi, nous sommes convaincus qu’il n’y aura plus ni guerre civile, ni brigands dans quelques jours; tu peux assurer les grands et les prompts secours aux départements que tu vas parcourir ; c’est par ce puissant effort que nous aurons pacifié enfin l’intérieur de la France. (f Dès cette lettre reçue, écris -noue, que tu pars. Dès ton arrivée, envoie-nous un autre courrier; en séjour à Cherbourg ou ailleurs, donne -nous très fréquemment de tes nouvelles ; ce n’est que par une correction active que le co¬ mité peut répondre à la Convention des me¬ sures qu’il prend et des moyens d’exécution qui sont employés. » Ce n’était pas assez pour l’énergie nationale et les besoins de la République, de disposer froidement des ressources qui étaient le plus à proximité, il fallait enfin terrasser les rebelles, sans courir le hasard des combats à armes trop égales. Le comité ordonn \ que 20,000 hommes seraient tirés de l'armée du Nord. Ce n’était pas compromettre la frontière, puisqu’il restait un nombre plus que suffisant pour la garantir des artificieuses expéditions de Cobourg, vu l’état avancé de la saison. Voici l’article isolé de l’arrêté qui concerne cette mesure. Nous ne lisons pas tout l’arrêté, parce qu’il contient des vues plus vastes, et dont la prudence veut que l’on diffère encore la publication : « Le comité de Salut public a arrêté que 20,000 hommes seront détachés sans délai de l’armée du Nord pour so joindre à l’armée de l’Ouest, et à celle des côtes de Cherbourg, pour combattre et détruire les brigands qui infestent les départements de la Mayenne, de l’Ille et-Vi-laine et de la Manche, et qui menacent les ports de Granville et de Cherbourg; qu’il y aura dans ce nombre de 20,000 hommes 1,500 hommes de troupes à cheval. » En attendant ce secours nouveau et puissant, les différents corps militaires devaient effectuer leur réunion. Et qu’on prenne garde qu’une réunion de corps militaires ne s’effectue pas en un instant comme la volonté ou la pensée. C’est déjà une opération qui fait honneur aux talents d’un général; il compte cela pour ud succès. Pour faciliter ces moyens, le comité leur prescri¬ vit un système de correspondance. Il est con¬ tenu dans l’arrêté suivant, en date du 20 bru¬ maire. « Le comité de Salut public, considérant que les circonstances exigent impérieusement qu’il soit informé chaque jour de la position des rebelles échappés de la Vendée, et des mesures prises et exécutées par les généraux, arrête ce qui suit : « 1° Il sera établi des courriers pour assurer une communication journalière entre les géné¬ raux commandant les différents corps d’armée de la République qui doivent agir contre les rebelles, afin de mettre dans les opérations l’en¬ semble et la subordination nécessaires, ainsi que pour instrume chaque jour le comité de Salut public de tout ce qui se passe ; « 2° En conséquence il y aura auprès de chacun des généraux Sepher, Rossignol et du commandant en chef de l’armée de l’Ouest, au moins deux courriers, constamment employés au service indiqué par l’article 1er, de manière que les comptes rendus ou les ordres soient transmis de proche en proche dans toute la ligne circulaire qui enveloppe les rebelles; ainsi, par exemple, la liaison sera établie entre Falaise, Mortain, Fougères, Vitré ou Rennes, Laval, Alençon et avec réciprocité de l’une à l’autre; « 3° Les généraux et les généraux de divi¬ sion feront reconnaître chaque jour la position des rebelles et en dresseront un bulletin qui sera remis aux courriers les plus à portée pour le faire parvenir à Alençon ; « 4° Deux courriers seront placés à Alençon, deux à Verneuil, et deux enfin à Houdan. Ils se relaieront dans le port des dépêches, qui seront recueillies à Alençon, pour être envoyées au comité de Salut public et au ministre de la guerre et pour rapporter leurs ordres ; 5° Le ministre de la guerre est chargé de toutes les mesures nécessaires à l’exécution du présent arrêté et lui en rendra compte. » Mais une réunion de corps militaires man¬ querait son principal avantage, si l’unité du commandement et la subordination graduelle n’était pas clairement déterminée. N’a-t-on pas vu tant de fois combien de petites jalousies et les misérables prétentions de l’orgueil nui¬ saient à la défense de la République? Le comité a dû calculer les passions et leur donner une diversion utile en écrivant en même temps aux généraux et aux représentants, et ne leur dissimulant pas leurs propres défauts. Lettre du comité de Salut 'public , au citoyen Laplanche, représentant du peuple. « Paris, le 24 brumaire, etc... « Citoyen collègue, « Nous ne pouvons te dissimuler que c’est le défaut d’ensemble dans les opérations mili¬ taires qui produit les plus grands maux et qui aggrave notre situation dans la nouvelle Ven¬ dée. Les représentants du peuple ne sont pas des généraux. Les plans de détail et les mesures partielles nous ont perdus sur quelques fron¬ tières, et peuvent amener de nouveaux désastres. C’est à ton patriotisme à les éviter. a Le comité a envoyé aux généraux en chef un plan général pour attaquer les brigands. C’est à l’exécution de ce plan que vous devez tous concourir. Vous serez toujours battus avec des moyens divisés : la victoire n’a jus-