170 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 novembre 1789.] banqueroute, de la disette et de la famine. » (La lecture de cette lettre est suivie de vifs applaudissements.) M. Malouet a parlé encore pour sa justification en demandant que la lettre fût insérée dans le procès-verbal comme une réparation authentique. — Il n’y a, dit-il, qu’esclavage et tyrannie où l’honneur n’accompagne pas la liberté. M. Diicjnesnoy appuie la demande de M. Malouet et fait la motion de supprimer le comité des recherches aussitôt que les affaires actuellement subsistantes seront terminées. M. Glezen, qui avait parlé de la lettré, a répondu aux inculpations de M. Malouet. Il s’est défendu par la discrétion que le comité a mise dans son premier rapport, par les instances qui lui ont été faites de s’expliquer davantage, par l’opinion que le comité s’en était formée. L’ajournement a été demandé. M. Malouet s’y est opposé ; puis il a déclaré consentir que l’affaire finît là, pourvu que son innocence fût reconnue. Un membre de l'Assemblée a fait la motion de prononcer que, ouï la lecture de la lettre, M. Malouet est honorablement déchargé de toute accusation. Un autre membre a proposé, par amendement, que le décret portât qu’il n’y a lieu à inculpation. La motion, ainsi amendée, a été mise aux voix ; avant de les recueillir, la question préalable a été demandée. Un membre, qui l’avait d’abord appuyée, l’a abandonnée ensuite. Les voix ont été prises sur Itfond, et l’Assemblée a porté le décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir ouï la lecture de la lettre de M. Malouet, en date du 26 septembre dernier, déclare qu’il n’y a lieu à aucune inculpation. » L’Assemblée a été levée à près de minuit. ANNEXES à la séance de l'Assemblée nationale du 21 novembre 1789. PREMIÈRE ANNEXE. Mémoire sur les finances et sur le crédit, par M. le baron de Cormeré (imprimé par ordre de l’Assemblée nationale) adresse à l’Assemblée nationale , ou précis des éléments du plan général. Messeigneurs, livré depuis plus de vingt ans à l’étude de l’impôt, j’ai obtenu, par un travail pénible et suivi, quelques connaissances sur cette partie essentiellement liée à la prospérité de l’Etat. J’ai reconnu tous les vices du système de la fiscalité. ; j’ai senti combien il était incompatible avec l’ordre social, avec la prospérité de l’agriculture, du commerce, de l’industrie ; je me suis persuadé qu’un mode plus simple d’impositions présenterait des ressources beaucoup plus étendues, et procurant un soulagement sur la masse énorme des contributions, ferait cesser les vexations inhérentes à la perception. Dès lors, je me suis imposé l’obligation de travaillera la réforme de ces impôts ; j’ai pensé que c’était le plus sûr moyen d’acquitter la dette d’un vrai citoyen. Je ne me suis point dissimulé, Messeigneurs, les longueurs, les difficultés de cette entreprise : son succès était incertain; je ne me suis point découragé : j’ai toujours espéré qu’il viendrait un temps où le bonheur public fixerait l’attention du ministère; je n’osais alors me flatter de la convocation d’une Assemblée nationale, je ne pouvais avoir l’idée des nobles entreprises qu’elle formerait pour la prospérité de ses commettants ; que ces entreprises seraient encouragées par la bonté d’un souverain chéri, empressé de sanctionner les décrets des représentants de la nation. Il fallait, Messeigneurs, la réunion successive de ces circonstances, pour donner à la France cette nouvelle constitution qui rendra chère à la postérité la plus reculée, la mémoire de l’Assemblée nationale de 1789. 11 est bien digne des représentants de la nation de couronner cet ouvrage immortel par la destruction absolue du régime de la fiscalité. J’avais présenté mes idées à M. Necker dès 1778 : ce ministre gémissait sur le mode de l’impôt'; mais il n’était point investi de l’autorité des représentants de la nation ; il avait à craindre les préventions, les contrariétés des privilèges existants : les maux de la gabelle l’avaient particulièrement frappé ; il conçut l’idée de simplifier cet impôt, de le modérer, en respectant les franchises qui n’y étaient point assujetties ; ces vues étaient celles* d’un administrateur, ami du peuple et de l’humanité. Honoré de sa confiance pour la rédaction de ce plan de bienfaisance, je ne négligeai rien pour y répondre : mais quelque juste, quelque simple que fût ce projet, je ne fus point surpris de son irréussite; je connaissais par l’expérience l’invincible horreur de plusieurs provinces, de la Bretagne surtout, pour tout ce qui pourrait avoir quelque similitude avec l’impôt de la gabelle. Ce fut après la confection du travail sur l’impôt du sel que M. Necker voulut bien me confier celui qui concernait le plan de réforme des traités : ce ministre savait combien cette partie était essentielle sous tous les rapports. Inutilement, depuis près de deux siècles, le commerce et l’industrie sollicitaient l’abolition des droits intérieurs, l’uniformité des perceptions sur les relations de la France avec l’étranger, la facilité des exportations : inutilement cette entreprise avait été tentée; M. Trudaine avait échoué; la ferme générale avait perpétué cette foule de perceptions immorales, bizarres, et preuves vivantes du danger qu’il y a de consulter , en fait d’impôt, le génie de la fiscalité. Ces difficultés ne m’ont point rebuté : soutenu par M. Necker, encouragé par ses successeurs, je m’étais ilatté que cette opération importante serait consommée par l’Assemblée des notables de 1787 : les objections étaient résolues; le travail était achevé : s’il n’était point parfait, si le tarif était rédigé dans la vue de ne point compromettre trop essentiellement les produits, j’avais au moins cherché tous les moyens praticables de venir au secours du commerce intérieur : il eût été facile de perfectionner l’opération. Le traité de commerce avec l’Angleterre la rendait indispensable ; la ferme a trouvé le secret de la différer, et ce retard, l’inexécution des conditions sous la loi desquelles le traité de corn- lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 novembre 1789.] 171 merce avait été signé, ont diminué, peut-être de 30 millions, la balance antérieure de notre commerce. Il vous était réservé, Messeigneurs, de mettre un terme à ces délais pernicieux : votre comité d’agriculture et de commerce s’occupe essentiellement avec zèle de la révision du travail exécuté : bientôt il vous sera présenté; et la nation ne tardera pas à mettre au rang de vos bienfaits, la promulgation du nouveau tarif, l’abolition de tous les droits intérieurs et de fabrication. Je n’ai donc point douté, Messeigneurs, que l’impôt de la gabelle et le nouveau régime des traites fixeraient essentiellement votre attention; mais j’ai pensé que les représentants d’une grande nation étendraient leurs vues sur le système entier des finances qu’ils rechercheraient les causes du désordre; qu’ils prendraient enfin les mesures les plus efficaces, pour anéantir Je déficit et parer aux causes de sa renaissance. Ces motifs ont déterminé la confection de l’ouvrage, que l’amitié d’un de mes frères a rendu public, peu de temps avant les séances de l’Assemblée nationale (1). J’y ai développé la situation réelle des finances à cette époque ; j’ai prouvé que la nation était mal à propos alarmée par l’existence d’un déficit, que de simples opérations pouvaient faire évanouir, sans accroissement d’impôt, en diminuant la masse des contributions : j’ai fait connaître les causes, les principes du désordre; j’ai proposé les moyens de les faire cesser : 1° par la création d’une caisse nationale dont j’ai démontré les ■avantages ; 2° par l’organisation de la dette, par la facilité des reconstitutions volontaires à un intérêt plus modéré; 3° par l’organisation de l’impôt, par la facilité de recouvrement, par l’anéantissement ou la conversion des impôts indirects les plus contraires à la félicité publique ; 4° enfin par la fixation d’un fonds d’amortissement applicable, en temps de paix, à la libération, en temps de guerre, aux secours extraordinaires que ces circonstances exigent. J’ai vu, Messeigneurs, avec une véritable satisfaction, ces idées adoptées par votre comité des finances ; les rapports qui vous ont été faits par M. le marquis de Montesquiou, au nom de ce comité, vous ont présenté l’utilité, je dirai même la nécessité d’une caisse nationale, dont les recettes seraient distinctes de celles destinées aux dépenses, à la charge du pouvoir exécutif; ils vous ont fait pressentir les ressources que la nation trouvera dans des emprunts constamment ouverts par la voie de la reconstitution; ils vous ont enfin exposé les avantages d’un fonds d’amortissement. Je puis donc, Messeigneurs, me flatter d’avoir conçu des idées heureuses, puisqu’elles vous sont présentées comme le moyen le plus efficace, peut-être le seul, d’éviter à jamais la renaissance du désordre et de la dilapidation. Je ne doute pas que ce ne soit, après un examen très-réfléchi de mes propositions, que votre comité des finances ne les ait accueillies et que M. le marquis de Montesquiou ne les ait soumises à la sagesse de vos délibérations. Mais depuis la confection de cet ouvrage, j’ai suivi constamment, Messeigneurs, la marche de vos opérations, et j’ai reconnu qu’un plan rédigé dans un temps où la constitution n’était encore (1) Recherches et considérations nouvelles sur les finances. que projetée, dans un temps où je ne pouvais me former une idée des grandes vues que vous avez développées, avait besoin d’être travaillé de nouveau sur les bases et les principes de vos décrets. Ces motifs, Messeigneurs, ont redoublé mon zèle ; j’ai cru qu’il était permis à un citoyen qui, depuis 20 ans, ne respire que le bien public, de s’associer, pour ainsi dire, à vos travaux, et de vous présenter les moyens capables d’applanir les difficultés : j’ai exposé mes principes à plusieurs des honorables membres de l’Assemblée; ils les ont accueillis avec bonté, avec le désir de la réussite. M. le baron d’Allarde a profondément discuté les bases que je lui avais présentées, et c’est d’après sa conviction personnelle, après les avoir rédigées conjointement avec moi, qu’il a sollicité votre attention pour le développement d’un nouveau régime des finances. Vous avez pensé, Messeigneurs, que les détails de ce plan général demandaient une attention particulière, une sévère discussion ; vous avez ordonné l’impression de la motion de M. le baron d'Allarde, et des pièces à l’appui. Cet objet est rempli ; mais depuis cette motion, plusieurs de vos décrets ont encore apporté un changement à l’état des choses ; celui qui rend à la nation la disposition des biens du clergé, est essentiellement lié avec la suppression des dîmes, des droits fêodau-x, etc. ; il m’a donc paru nécessaire de s’occuper de la confection d’un plan général, dont l’exécution ne fut contrariée par aucun de vos décrets ; et dès lors je me suis fait un devoir d’y travailler avec le même zèle, qui m’a guidé depuis 20 ans. Lorsque ce nouveau travail a été terminé, j’ai pris, Messeigneurs, la liberté de vous en faire hommage : j’ai présumé que vous en permettriez le rapport sommaire ; mais vous avez pensé qu’il convenait préalablement de le faire examiner. Votre comité des finances a nommé plusieurs de ses membres pour cet examen : M. le baron d’Harambure s’y est particulièrement livré depuis deux mois; il a tout approfondi, tout discuté; et c’est d’après la persuasion qu’il a acquise sur la facilité de l’exécution, qu’il vous en a fait un rapport sommaire ; que depuis il a demandé vos ordres, pour que le mémoire vous fût distribué par la voie de l’impression. Vous avez bien voulu, Messeigneurs, acquiescer à sa demande; je me suis empressé de me conformer à vos intentions : je vous prie d’agréer l’hommage de mes efforts ; heureux s’ils remplissent vos vues ! Si vous jugez ce travail digne de votre examen, permettez que je vous en présente les éléments. Le discrédit est extrême; il a deux causes : 1° la France est débitrice envers l’étranger, de sommes très-considérables pour raison des capitaux qu’il a placés dans nos emprunts, soit viagers, soit à termes fixes. Lorsque le système des emprunts successifs était en usage, l’étranger plaçait dans les nouveaux emprunts et ses intérêts, et les remboursements effectués à son profit sur les emprunts antécédents. Depuis que la situation des finances est connue, la voie des emprunts est fermée ; il faut donc payer les intérêts et les remboursements ; le numéraire est exporté dans la proportion de l’intérêt que l’étranger a dans ces emprunts. Cet intérêt est considérable :il exige impérieusement et annuellement une exportation d’espèces de plus de 60 millions : la balance de notre commerce, fort altérée : 1° par l’inexécution des clauses sous la foi desquelles le traité de commerce 172 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 novembre 1789.] avec l’Angleterre a été consenti ; 2° par les achats de grains chez l’étranger ; 3° par les émigrations et la moindre affluence des étrangers en France, ne nous procure pas un accroissement de numéraire proportionnel ; il est conséquemment certain que la somme des espèces en circulation est journellement altérée ; on peut évaluer cette perte à 30 ou 40 millions par année ; le discrédit suit la rareté des espèces ; plus elle augmente, plus le discrédit prend de forces, et la ruine de l’Etat serait infaillible, s’il n’y avait des moyens de diminuer la somme des exportations du numéraire ; de se ménager un accroissement d’espèces par une balance de commerce plus avantageuse. 2° La dépense est variable, elle est énorme : les recettes sont incertaines ; une grande partie des impôts est marquée du sceau de la réprobation ; leur recouvrement est nul : ainsi les capitalistes gardent soigneusement leurs espèces ; les créanciers de l’Etat sont inquiets, la confiance ne renaîtra qu’avec la fixation de la dépense, lorsqu’une recette positive leur garantira le capital et les intérêts de leurs créances. Telles sont les bases qui m’ont guidé, Messeigneurs, dans la confection du plan général que je n’hésite pas a soumettre à vos lumières ; je le partage en trois parties : PREMIÈRE PARTIE. Des moyens d'obtenir un accroissement annuel de numéraire , supérieur à la masse des intérêts et des remboursements dus à l'étranger. Ces moyens sont simples ; ils sont justes, ils sont infaillibles. 1° Exécution du nouveau régime des traites et des clauses arrêtées par le traité de commerce avec l'Angleterre. Lorsque l’Assemblée nationale aura décrété la promulgation d’un nouveau tarif, rédigé sur les principes les plus favorables au commerce ; lorsque les droits impolitiques, vexatoires de la marque des fers, de la marque des cuirs, de la fabrication des huiles, des papiers et cartons, des poudres et amidons, de circulation et autres qui énervent l’industrie, n’existeront plus; lorsque la suppression de la gabelle permettra la multiplication des bestiaux, facilitera les salaisons et la fabrication des fromages ; toutes les branches de commerce et d’agriculture seront vivifiées; les importations de l’étranger s’affaibliront ; nos exportations augmenteront : la balance de notre commerce ne tardera pas à reprendre son ancienne splendeur. 2° L’impôt du tabac nécessite annuellement une exportation de 12 millions au moins, tant par les achats de la ferme que par les introductions de la contrebande. Permettez, Messeigneurs, la culture des tabacs -, bornez les produits à un droit modéré de fabrication, vous convertirez l’exportation actuelle en un accroissement de numéraire ; car il est avéré que plusieurs provinces de France produiront du tabac de la meilleure qualité : vous diminuerez il est vrai, cette branche des revenus mais vous reconnaîtrez que ce ne sera point un sacrifice, puisqu’il ne demandera pas de compensation . 3° Les rentes viagères dues à l’étranger forment au moins le tiers , peut-être moitié de celles qui subsistent. Si vous décrétez, Messeigneurs, la faculté de leur remboursement, les moyens de l’effectuer ne vous manqueront pas ; vous diminuerez de 20 à 25 millions la masse des intérêts dont la nation est tributaire envers l’étranger. La seule objection contre cette proposition est facile à résoudre : Le rentier viager peut mourir le lendemain de sa constitution; l’Etat profite de son capital ; il est injuste de le priver de l'intérêt subordonné à la durée de son existence. La réponse est simple : Le rentier viager peut mourir le lendemain de son remboursement, l’Etat perd son capital, et renonce à la chance qui lui était acquise par le payement des intérêts. Par ces divers moyens, vous substituerez à la déperdition actuelle du numéraire un accroissement annuel de plus de 30 millions : vous ne tarderez pas à recouvrer les extractions d’espèces qui sont effectuées. SECONDE PARTIE. De la fixation des dépenses ; de l’organisation de la dette; des ressources qui sont au pouvoir de la nation, pour opérer les remboursements et compenser les intérêts. Tranquilles sur la cessation du discrédit, à raison de la déperdition du numéraire, il est essentiel, Messeigneurs, de ramener la confiance par la balance incontestable des revenus et des dépenses, même parla détermination positive d’un fonds d’amortissement qui, présentant des moyens assurés de libération en temps de paix, procure, concurremment avec ses accroissements, des ressources suffisantes en temps de guerre, et préserve conséquemment à jamais de la renaissance d’un déficit alarmant. Vous y parviendrez aisément par l’adoption des moyens que j’ai l’honneur de vous proposer ; mais je dois vous observer qu’il est préalablement indispensable de former l’établissement delà caisse nationale. Cet établissement peut seul garantir la permanence de l’ordre : s’il était différé, vous vous flatteriez en vain que les temps de la confusion et des dilapidations seraient passés : je conviens que vous n’auriez pointa redouter ce malheur, sous l’administration du premier ministre de finances; mafa vous fixerez vos regards sur l’avenir , et vous pouvez avoir la même confiance dans ceux qui lui succéderont. Il est donc essentiel de prémunir le ministre des finances contre les importunités; et vous y réussirez en ne laissant à la disposition du pouvoir exécutif, qu’une recette correspondante à la somme que vous aurez fixée pour les départements. La caisse nationale décrétée, il vous sera facile, Messeigneurs, de régler les dépenses à la charge du pouvoir exécutif, de déterminer les dépenses d’administration intérieure. D’après les économies qui vous sont annoncées par votre comité des finances, il me paraît que les dépenses du pouvoir exécutif n’excéderont pas 165 millions; l'on peut arbitrer à 60 millions celles de l’administration intérieure. Il est donc évident que s’il n’existait point de dette, la masse générale des contributions ne serait, en temps de paix, que de 225 millions, et qu’il ne serait question que d’assurer le subside extraordinaire des temps de guerre. Mais la dette existe, vous l’avez reconnue; votre justice vous a fait contracter l’engagement d’assurer les capitaux, de payer les intérêts, sans retenues : ainsi vous avez, Messeigneurs, à pourvoir aux moyens d’exécuter cet engagement. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 novembre 1789.] 173 La dette constituée en rentes perpétuelles et les indemnités, montent à ...... 62,500,000 liv. Les rentes viagères forment un objet de 105 millions; niais en décrétant la faculté de leur remboursement, en laissant subsister les petites parties nécessaires à l’existence des citoyens, au profit desquels elles sont constituées, les intérêts des capitaux présentement constitués en viager, n’excéderont pas. . . . 55,000,000 Les intérêts de la dette du clergé concernent la nation, puisqu’elle a, d’après vos décrets, la disposition des biens dont le clergé avait ci-devant la jouissance, et ces intérêts peuvent être estimés à ................ 7,000,000 Vous avez décrété la suppression des dîmes ecclésiastiques, sauf le remplacement nécessaire pour subvenir à l’entretien du culte public, aux secours des pauvres, à l’entretien, aux réparations des églises et des presbytères, dans le cas où les autres biens du clergé seraient insuffisants pour ces dépenses; vous penserez qu’il est juste de faire participer à la même faveur les propriétaires des héritages sujets aux dîmes inféodées, à la charge par eux de contribuer à l’impôt de remplacement : dès lors il deviendra nécessaire de fixer l’indemnité des propriétaires de dîmes inféodées, et de leur conserver, jusqu’au remboursement; un revenu égala leur jouissance actuelle; cet arrangement naturel formera une charge annuelle qui peut être évaluée à ........ 8,500,000 Enfin les capitaux de la dette non constituée montent à 2 milliards 280 millions; les propriétaires de ces créances méritent tous la même justice; et je pense. que l’opération la plus équitable, la plus simple, la plus légitime, est deprocéder à la liquidation de toutes ces créances, et de les convertir en assignations sur la caisse nationale, portant intérêts à 5 0/0, sans retenues : ce moyen rendra une justice complète aux propriétaires de ces diverses créances ; dès lors , la caisse nationale aura à pourvoir aux intérêts, à raison de 5 0/0, sans retenues, soit ................. 114,000,000 Total des intérêts de la dette. 247,000,000 liv. lions la masse des intérêts, conséquemment ces intérêts n’exigeront qu’une dépense de. En résumant, Messeigneurs, tous les articles de la dépense, ils seront, savoir : Dépenses du pouvoir exécutif. Dépenses d’administration intérieure ...................... Intérêts de la dette, ci ....... 191,000,000 liv. 165,000,000 60,000,000 191,000,000 Total, ci ....... 416,000,0001iv. Et c’est à cette somme que la recette devrait être limitée, si votre sagesse et votre prudence n’avaient à statuer sur les moyens d’opérer la liquidation, en temps de paix; sur les ressources capables d’affranchir, en temps de guerre, des secours onéreux, usités jusqu’à présent, et dont l’expérience ne démontre que trop les funestes effets. Celte considération, Messeigneurs, m’a persuadé que vous estimeriez utile de fixer le fonds d’amortissement à 50 millions; je vous observerai que les accroissements, dans la proportion de l’intérêt des capitaux remboursés, seront très-rapides, qu’ils ne tarderont pas à être suffisants pour les dépenses de la guerre; que même il serait juste d’en appliquer une partie au soulagement de l’impôt sur les propriétés. D’après ces réflexions, il est sensible que vous aurez à pourvoir aux moyens d’assurer une recette de 466 millions : avec ce revenu, votre caisse nationale subviendra à toutes les dépenses et procédera d’une manière très-rapide à la libération de l’Etat. TROISIÈME PARTIE. De la fixation des objets de recette qui composeront le revenu de 466 millions, qu'exigent les dépenses de l’Etat et le fonds d’amortissement. Il sera question, Messeigneurs, d’après les bases énoncées à la seconde partie, d’asseoir un revenu positif de 466 millions pour assurer la libération, et subvenir aux dépenses de l’Etat. Il faut l’obtenir par des moyens qui se concilient avec l’exécution de vos décrets, qui soient à l’abri du reproche de la fiscalité : ceux que j’ai l’honneur de vous proposer me paraissent remplir complètement ce double objet; ils sont partagés en onze articles. Art. 1er. Bénéfices de la caisse nationale dans le cas où ses administrateurs seraient autorisés à J’escompte pour la facilité du commerce (1) ................. 8,000,000 liv. Art. 2. Produit d’une nouvelle législation sur les hypothèques, utile au débiteur, à son créan-Mais vous pouvez affecter des ressources immenses, positives et nullement incertaines à la caisse nationale. Ces ressources, dont vous trouverez l’énumération dans le mémoire que j’ai l’honneur de vous présenter, excéderont 1 ,200 millions ; elles réduiront de 56 mil-A reporter. . 8,000,000 liv. (1) S’il est jugé qu’il y aurait de l’inconvénient à autoriser les opérations de banque au profit de la nation, par les administrateurs de la caisse nationale, cet article de produit n’existera pas : dès lors il serait nécessaire de réduire à 42 millions le fonds d’amortissement. 174 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 novembre 1789.J Report ...... cier, ......................... Art. 3. Régie des poudres et salpêtres ; prix de la ferme des affinages ; droit de seigneuriage sur la fabrication des monnaies ; intérêts des sommes prêtées. . . . Art. 4. Fixation de l’impôt de propriété à la somme de 200 millions , qui sera répartie entre toutes les provinces, proportionnellement à ce qu’elles payent dans l’état présent pour taille, capitation taillable, vingtièmes, et autres impositions de toutes sortes sur les propriétés, dont le recouvrement est confié, soit aux receveurs généraux des finances, soit aux trésoriers des pays d’Etats (1) ....................... 200,000,000 Art. 5. Impôt personnel ou de capitation, à titre de remplacement d’une multitude d’impôts indirects, dont la perception générale, dans tout le royaume, s’élève à 76 millions, et dont le remplacement sera seulement e(2) ........................ 36,000,000 Art. 6. Impôt de consommation dans les villes, et de licence ou de permission de cabaret dans les campagnes, à titre de remplacement de la gabelle, des aides , et de quelques autres droits perçus localement ; ces perceptions montent à 98 millions : je propose de fixer le remplacement à 40 millions, qui seront répartis à raison des 2/5 de la contribution actuelle de chaque province, dans le produit de 98 millions 13} ............. 40,000,000 Art. 7. Abonnement de la ville de Paris. La municipalité de Paris sera chargée de toutes les dépenses qui la concernent, des frais de sa milice, de ceux de sa police, du pavé, etc. Elle jouira des entrées de Paris, de A reporter ........ 289,600,000 liv. 8,000,000 liv. 2,400,000 3,200,000 (1) Les impositions diverses qui seront remplacées par l’impôt de propriété, en y comprenant les décimes du clergé et l’accroissement de 15 millions, récemment consenti par décret, à raison de la suppression des privilèges, montent à 207 millions : ainsi remise de 7 millions. J’observe que cet impôt ne doit être supporté que par les propriétés, et proportionnellement à leur produit reconnu. (2) L’impôt personnel ne doit affecter que les habitants des villes et ceux des campagnes non cultivateurs. Le journalier doit en être affranchi, et ne payer aucune contribution, à moins qu’il ne le demande, pour acquérir le caractère de citoyen actif : dans ce cas, le journalier doit avoir la faculté de déléguer sa taxe sur les particuliers qui l’emploieront. (3) Dans les provinces qui seront sujettes à cet impôt de remplacement, il sera facile de l’obtenir par des droits de consommation à l’entrée des villes, et par des licences ou permissions de cabaret dans les campagnes, ainsi que le pratiquent les Etats de Bretagne, ceux de Languedoc, d’Artois, etc., pour venir au soulagement de la taxe sur les propriétés, pour laquelle ces Etats sont abonnés avec le gouvernement. Report ............ 289,600,000 Jiv. la capitation, des vingtièmes, des droits de la ferme de Sceaux et de Poissy, moyennant un prix de ferme ou d’abonnement de. . 22,400,000 Art. 8. Impôt de remplacement des dîmes. Les propriétaires des dîmes ecclésiastiques et inféodées les supporteront dans la proportion du tiers de la perception actuelle ; ils auront la faculté de s’affranchir, à raison du denier 20 : le produit de cet impôt sera de ......... 40,000,000 Art. 9. Droit de traites à la frontière, droits sur les marchandises des îles, postes et messageries ; droits de péage général par terre, et de navigation sur les rivières; impôt du tabac réduit à la fabrication, et au prix de 30 sous la livre; le produit de ces objets sera au moins de (1) ............... . ....... 65,000,000 Art. 10. Produit des loteries, jusqu’à ce que la balance de notre commerce en permette la suppression ............... 12,000,000 Art. 11. Droits sur les cartes à jouer; droit de la marque d’or et d’argent; droit de contrôle des exploits ; droit de contrôle des actes ; droit d’insinuation; droit de centième denier sur la vente des immeubles; débit du papier timbré; vente exclusive des sels à la Savoie, Genève, la Suisse, l’Allemagne; annuel des maîtrises; droit de marc d’or sur les grâces et pensions (2) . . . 37,000,000 Ges différents objets de recette - donneront un produit de ...... 466,000,000 liv. Somme égale à la dépense dans laquelle j’ai compris le fonds d’amortissement de 50 millions, dont l’emploi, concurremment avec ses accroissements, et les emprunts par la voie de la reconstitution, opéreront infailliblement la prompte libération de l’Etat. Tels sont, Messeigneurs, les moyens qui me paraissent certains pour arrêter la déperdition du numéraire, pour assurer une balance de commerce avantageuse, pour rendre aux créanciers de l’Etat la justice la plus complète, pour assurer un fonds d’amortissement sur des bases immuables. Si vous les adoptez, je suis convaincu que la confiance renaîtra, que les espèces rentreront dans la circulation, que les recouvrements ne souffriront aucun retard, que bientôt la dette entière sera volontairement reconstituée, à l’intérêt modéré de 4 0/0. (1) La régie de ces objets peut être confiée aux administrateurs de la caisse nationale : leur réunion est essentielle : 1° les messageries réunies aux postes, faciliteront les transports d’argent; 2° les postes et messageries pourront faire, sans frais, le service de la caisse nationale; 3° lorsque les postes seront réunies aux traites, la fraude des courriers sera impraticable; 4° les milices nationales prêleront volontiers main-forte aux employés, lorsque les perceptions seront au profit de la caisse nationale : toute cette administration sera presque sans frais. (2) Six régisseurs suffiront pour la régie de ces droits, dont la perception sera facile et simplifiée. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 novembre 1789.] 175 Je ne me dissimule point, Messeigneurs, la nécessité de vérifier mes assertions, de discuter mes propositions; j’ose espérer que vous voudrez bien confier cette discussion à un comité d’impositions, composé de douze personnes choisies par liste dans le sein de l’Assemblée. Cette demande vous paraîtra fondée, si vous considérez que votre comité de constitution doit examiner si ce plan n’est point contrarié par vos décrets ; que votre comité des finances doit s’assurer du rapport exact entre la recette et la dépense ; que votre comité d’agriculture et de commerce doit connaître du mode de l’impôt; que celui des domaines et droits féodaux doit être consulté sur les aliénations des bois et domaines et sur les rachats des droits féodaux ; que le comité ecclésiastique doit connaître de l’impôt de remplacement des dîmes, et de ce qui concerne la disposition des biens du clergé; que celui de judicature enfin doit examiner les règlements sur l’impôt, et qu’il est seul compétent de ce qui concerne la suppression et le remboursement des offices. lime paraît donc indispensable de nommer un comité d’impositions, qui se concerte avec tous ceux qui sont établis, même avec les députés de chaque province, afin que le plan soit généralement examiné, et que vous puissiez arrêter une prompte détermination. En prenant ce parti, Messeigneurs, vous serez très-incessamment en état de décréter un plan général de finances, bien digne de couronner l’ouvrage immortel de la constitution. Je suis avec le dévouement le plus entier, le plus respectueux, Messeigneurs, de l’Assemblée nationale, Le très-humble et très-obéissant serviteur, Mahy de Cormeré. MÉMOIRE GÉNÉRAL Sur le crédit et sur les finances, La partie des finances et du crédit mérite une grande attention. Inutilement l'Assemblée nationale aurait édifié la nouvelle constitution; inutilement elle se serait occupée du bonheur des peuples, si les vices de l’ancienne administration continuaient d’exister, si l’imprévoyance des ressources pour les temps de guerre forçait de recourir à des accroissements d’impôt, à des emprunts successifs, inconsidérés, qui seraient suivis de la renaissance d’un déficit alarmant; si enfin la nature des contributions actuelles était maintenue : car alors la liberté serait idéale; elle est incompatible avec le régime de la fiscalité. Il est donc indispensable d’organiser et la dette et l’impôt ; il faut s’occuper des moyens d’anéantir le déficit, de parer aux causes de sa renaissance ; il faut substituer au régime vicieux de la fiscalité un mode d’impositions d’une perception peu dispendieuse, claire, facile, exempte de l'arbitraire, et proportionnelle aux facultés ; il faut enfin trouver dans la masse des revenus, assez de ressources pour subvenir aux nouvelles dépenses qui seront Je résultat des décrets de l’Assemblée nationale. Tels sont les différents rapports sous lesquels je traiterai du nouveau régime des finances. Je diviserai ce mémoire en trois parties. La première traitera des causes de la pénurie du numéraire; de ses effets; de la nécessité de les faire cesser; des moyens d’y parvenir. La seconde (après avoir établi la somme des dépenses annuelles à la charge du pouvoir exécutif), présentera des moyens très-simples d’organiser la dette; de diminuer la masse des intérêts; d’assurer la fidélité des engagements : elle fera connaître les accroissements de dépense que nécessitera l’exécution des décrets de l’Assemblée nationale; enfin elle motivera l’utilité d’un fonds d’amortissement applicable, en temps de paix, à la libération; en temps de guerre, aux dépenses extraordinaires que ces circonstances exigent. La troisième déterminera la nature et le produit des contributions affectées aux dépenses à la charge du pouvoir exécutif, à celles de l’administration confiée aux assemblées provinciales, de district et de municipalité; aux intérêts de la dette; au remboursement des capitaux. Elle justifiera la modération d’impôts que procurera le nouveau régime, ses avantages pour l’agriculture, le commerce et l’industrie. PREMIÈRE PARTIE. Des causes de la pénurie de numéraire ; de ses effets; de la nécessité, des moyens de les faire cesser. Sans entrer dans des détails inutiles et fatigants, j’observerai que, de temps immémorial, les revenus étant supérieurs aux dépenses fixes de l’administration, la dette n’aurait point été contractée, s’il avait toujours existé un fonds disponible et suffisant, pour subvenir aux dépenses de la guerre. Cette imprévoyance inexcusable a forcé de recourir, à l’ouverture des hostilités, aux ressources les plus onéreuses, les plus impolitiques. Anticipations, emprunts viagers, services extraordinaires, emprunts à termes fixes, etc., tous les moyens ont été mis en usage : on ne voulait que de l’argent; on s’en est procuré; mais quels ont été les effets d’une pareille administration? Au retour de la paix, le mal s’est manifesté dans toute son étendue; la balance entre la recette et la dépense s’est trouvée rompue : le génie fiscal a été consulté sur les moyens de la rétablir; il a prodigué ses inventions : de nouveaux impôts ont été successivement créés, sans consulter la politique, les intérêts du commerce, ceux de l’agriculture; et la richesse nationale a diminué proportionnellement à l’accroissement des nouvelles contributions. Mais il est un terme à V impôt : les suites de la guerre de 1756 avaient nécessité de très-fortes extensions, des réductions de rentes et diverses économies; ces moyens avaient à peine rétabli la balance entre la recette et la dépense : il existait encore un déficit en 1777, époque à laquelle M. Necker fut appelé au ministère. A cette époque, les préparatifs d’une guerre inévitable et dispendieuse nécessitèrent de nouvelles ressources. Il en fallait d’immenses : le ministre n’avait le choix que de l’emprunt ou de l’impôt. L’impôt devait répugner à un administrateur éclairé, juste et vertueux : il ne se dissimulait point le vice des contributions; leur inégalité l’avait frappé : en adoptant un accroissement d'impôt sur les propriétés, le pauvre était surchargé; les classes privilégiées n’y auraient que faiblement contribué; les provinces abonnées n’au- 176 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 novembre 1789.] raient point été taxées dans la commune proportion. Si au contraire il eût adopté, pour bases de nouvelles contributions , des sous additionnels au principal des impôts sur les consommations . il eût augmenté la misère des provinces soumises à ces impôts, tandis que les autres n’y auraient contribué que dans une proportion insensible; comme si le malheur d'être grevé d’un fardeau accablant était un titre pour en augmenter la surcharge . Ces considérations décidèrent bientôt M. Necker pour la voie de l’emprunt; mais en même temps cet administrateur habile s’occupa des moyens d’économie, d’amélioration, de réductions de dépenses, pour subvenir, au moins en partie, à la fidélité des engagements contractés. La facilité de ces emprunts tenait principalement à l’estime, à la confiance publique pour la personne de M. Necker. Retiré du ministère, ses successeurs n’ont pas eu les mêmes avantages un troisième vingtième (en faveur duquel ont été sacrifiées les améliorations que l’on devait attendre du régime sage et prudent des vérifications , par le secours desquelles M. Necker avait projeté d’écarter V arbitraire de l’impôt des vingtièmes, de ramener au moins sur cet article la proportion des contributions avec les facultés), de nouveaux sous pour livre sur les impôts indirects, perçus par les trois grandes compagnies de finances, accablants pour quelques provinces, nuis pour une grande partie : telles furent les ressources qui furent proposées et consenties, pour servir de gage à de nouveaux empruuts; mais leur produit n’avant point répondu aux espérances, les emprunts se sont rapidement succédé; le bénéfice des conditions a augmenté; les engagements inconsidérés ont été multipliés ; ils ont accru les charges de l’Etat, à tel point, qu’il n’a plus été possible de se faire illusion, sur l’impossibilité de payer les intérêts, de satisfaire les remboursements; alors la situation des finances a cessé d’être un secret; le ministère en a fait l’aveu à l’Assemblée de 1787 ; dès lors la confiance s’est évanouie; les rentiers, les capitalistes ont eu des inquiétudes; l’arrêt qui a suspendu les remboursements, les a fortifiées; les troubles qui agitent le royaume depuis 18 mois, ont achevé le discrédit: il est extrême; le numéraire disparaît; une partie passe à l’étranger pour valeur des subsistances qu’il nous a fournies; pour les intérêts des capitaux qu’il a placés dans nos emprunts; pour l’achat des tabacs; les émigrations enlèvent une très-grande quantité d’espèces; l’affluence des étrangers est diminuée : enfin, pour comble de malheurs, le traité de commerce avec l’Angleterre facilite la concurrence des marchandises anglaises, restreint le débit, même les exportations de notre industrie ; malheur qu’il eût été facile d’éviter si le nouveau régime des traites eût été mis en activité; si les productions du sol et de l’industrie avaient été déchargées de tous droits de fabrication et de circulation ; si leur exportation à l’étranger eût été favorisée; si les droits convenus dans le traité de commerce avaient été fidèlement acquittés; si enfin le produit de ces droits avait été affecté à des encouragements, à des indemnités en faveur des fabriques et manufactures qui, dans le principe, devaient naturellement souffrir de la concurrence des marchandises anglaises. Le mal est grand ;on ne peut se le dissimuler; il était utile d’en rechercher la cause, pour garantir de nouvelles imprudences : il est essentiel d’y remédier. En effet, la déperdition successive du numéraire entraîne le discrédit ; les capitalistes gardent leurs espèces et ne consentent à les mettre dans la circulation, qu’à des conditions onéreuses; elles influent sur le taux de l’intérêt; le propriétaire, le cultivateur, le fabricant, l’artisan, le commerçant sont privés des ressources nécessaires; l’agriculture languit, l’éducation des bestiaux est négligée; les fabriques sont abandonnées ; le commerce diminue; et ces résultats amèneraient infailliblement la ruine de l’Etat, s’il n’y avait des moyens d’y remédier. Heureusement, il en existe de puissants, de positifs, et je dois les exposer. La déperdition du numéraire est une conséquence de l’insuffisance de la balance de notre commerce , pour subvenir aux intérêts que la France doit à l’étranger; il est donc essentiel d’accroître à notre profit la balance du commerce, de diminuer la masse des intérêts dus à l'étranger. La balance du commerce présentait, avant l’exécution du traité de commerce avec l’Angleterre, un avantage au profit de la France , de plus de 50 millions, déduction faite de la valeur des tabacs achetés chez l’étranger et des bénéfices de la contrebande. Cet accroissement de numéraire n’était point altéré par le payement des intérêts dus à l’étranger : bien loin de les exiger , il les plaçait , concurremment avec de nouveaux capitaux , dans les emprunts successifs et contractés pour remplir les intérêts et les remboursements des engagements antécédents. Depuis plus de deux ans, le traité de commerce avec l’Angleterre a diminué de 30 millions les bénéfices de notre balance de commerce ; une disette de grains a nécessité des achats très-considérables chez l'étranger ; le discrédit a forcé de renoncer au système des emprunts ; il a donc été nécessaire de recourir à la suspension des remboursements ; mais il a fallu payer les intérêts des emprunts antécédents ; j’ignore pour quelle part l’étranger y est intéressé ; des personnes instruites m’ont assuré qu’il était créancier de plus de 50 millions d’intérêts ; il a donc fallu consentir l’exportation de 50 millions de numéraire ; et si ces résultats continuaient pendant plusieurs années, il est évident que le numéraire disparaîtriat entièrement; que l’étranger serait forcé de manquer à tous ses engagements. Divers moyens peuvent obvier à ce mal : ils ne sont point incertains ; ils sont faciles à mettre en exécution : 1° L’Assemblée nationale peut décréter la faculté de rembourser les rentes viagères ; je démontrerai incessamment la facilité d’effectuer ces remboursements ; ils diminueront de 20 à 25 millions la masse des intérêts que nous devons à l’étranger; 2° La conversation des anticipations et autres titres de créances exigibles ou à termes fixes, en assignations sur la caisse antionale, portant intérêt à 5 0/0, fera bénéficier de 8 à 10 millions sur les intérêts ; elle diminuera la masse des remboursements promis par les édits d’emprunts; l’impossibilité de remplir ces engagements a déterminé leur suspension ; il est juste d’y mettre un terme et d’effectuer les remboursements aussitôt que la caisse nationale en aura la faculté ; cette opération prolongera l’extraction des espèces, dans la proportion des capitaux que l’étranger a dans ces emprunts : j’exposerai dans la seconde partie les moyens qui pourront accélérer [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 novembre 1789.] 177 ces remboursements, et rassurer sur cet objet les créanciers de l’Etat. 3° La balance de notre commerce est amoindrie, depuis que le traité de commerce avec l’Angleterre est en activité, ceux qui n’ont point approfondi les bases de ce traité, lui imputent la décadence de nos fabriques et manufactures ; mais ses effets n’auraient point été funestes, si le nouveau régime des traités avait eu son exécution au même instant; ce traité n’avait été signé que dans cette confiance; tous les travaux étaient achevés, examinés par une commission choisie, approuvés par l’assemblée desnotables; la promulgation du nouveau tarif devait avoir lieu immédiatement après la séparation de cette assemblée ; la suppression des douanes et des droits intérieurs en était la conséquence : dès lors les productions de nos manufactures, de notre industrie, favorisées à l’exportation, affranchies de tous droits à la circulation, à la fabrication, auraient soutenu la concurrence des marchandises anglaises grevées d’un droit de 12 à 15 0/0 ; et si la quotité de ce droit n’avait point été suffisante pour leur obtenir la préférence, ou au moins une concurrence avantageuse , le ministre aurait eu les moyens de soutenir nos fabriques, en appliquant à des encouragements , à des indemnités le produit des droits d’entrée sur les marchandises anglaises. Telles étaient les vues du ministère, lors de la confection, lors de la signature du traité de commerce avec l’Angleterre ; mais elles n’ont point été remplies : l 'époque du 1er mai 1787 est arrivée; il a fallu recevoir les marchandises anglaises ; elles devaient acquitter des droits de 12 et 15 0/0, sur des estimations vérifiées par des appréciateurs habiles et choisis par le commerce. La France a disposé de ces places en faveur du commerce sans aucune connaissance dans la science ■du commerce ; la retenue des marchandises mésestimées était expressément stipulée : le traité y avait affecté les capitaux nécessaires : les commis de la ferme n’ont point contesté les estimations ; les droits ont été acquittés sur le taux de 4 à 5 0/0 ; la ferme a négligé la faculté des retenues: elle a refusé de faire les fonds qu’elles exigeaient ; les droits intérieurs devaient être supprimés ; la ferme s’y est opposée ; dès lors les manufactures nationales n’ont pu soutenir la concurrence avec celles de l’Angleterre. Il est temps de mettre un terme aux délais de cette opération utile et nécessaire : le plan général a subi une nouvelle révision; les produits ne sont point compromis ; l’assertion de la ferme, sur un sacrifice de 11 millions, a été démontrée fausse ; elle est prouvée telle d’une manière irrésistible : ainsi rien ne peut, rien ne doit arrêter l’exécution de cette opération importante. Lorsque les droits stipulés par le traité de commerce seront fidèlement acquittés; lorsque des appréciateurs instruits et nommés par les chambres de commerce seront chargés de vérifier les estimations ; lorsque les mésestimations seront punies par les retenues; lorsque le produit des droits d’entrée sur les marchandises anglaises sera spécialement affecté à des encouragements, à des indemnités en faveur de nos fabriques et manufactures, lorsqu’elles ne seront plus rançonnées par les droits impolitiques, arbitraires, vexatoires, rigoureusement exigés à la fabrication, à la circulation; lorsque les exportations ne seront plus contrariées par des droits exorbitants, lorsque enfin toutes les branches de commerce seront vivifiées, alors la balance de notre com-lre Série, T. X. merce reprendra son ancienne splendeur, et nous obtiendrons un accroissement de numéraire supérieur aux extractions d’espèces que nécessite le payement des intérêts que nous devons à l’étranger. 4° Si l’Assemblée nationale juge nécessaire de fortifier ces divers moyens de parer à la déperdition du numéraire, il est facile de trouver un supplément très-important dans la suppression du privilège de la vente exclusive dn tabac. Les approvisionnements en tabac coûtent 8 à 10 millions en temps de paix, beaucoup plus en temps de guerre ; le prix du tabac excite la fraude, et je crois qu’on peut évaluer à 3 ou 4 millions le prix des tabacs que la contrebande introduit dans le royaume. Aussi l’impôt, du tabac diminue de 12 millions au moins les profits de la balance de notre commerce; s’il était anéanti, nous conserverions ce numéraire, nous l’augmenterions même dans la proportion des tabacs qui seraient exportés à l’étranger , et cet article serait important, car il est reconnu que plusieurs provinces du royaume sont en état de produire le tabac de la meilleure qualité. Il n’est donc pas douteux que, sous le point de vue de la politique l’impôt du tabac est immoral, et doit être proscrit. Mais son produit exigerait un remplacement de 32 millions ; j’ai démontré qu’il serait injuste de l’affecter sur l’universalité des propriétés ; j’ai prouvé qu’on ne pouvait le trouver dans une imposition particulière sur les terres qui seraient ensemencées en tabac ; j’ai fait connaître que l’équité ne permettait pas de le convertir en un impôt sur les consommations (1); il serait donc nécessaire de le supprimer sans un remplacement spécial ; je justifierai, dans la troisième partie, que ce moyen peut être adopté d’autant plus facilement que la compensation de 32 millions serait réduite à 16 millions, si, en permettant la culture du tabac, la fabrication était exclusivement réservée à une régie pour le compte de la nation, et si le prix du tabac fabriqué était réduit à 30 sous la livre. En me résumant sur cette partie, je poserai comme certain : 1° que la balance de notre commerce reprendra son ancienne splendeur lorsque le nouveau régime des traites accroîtra notre industrie, la fabrication des huiles, celles des fers ; lorsque l’abolition des droits sur les cuirs, sur les papiers, sur les amidons retirera de l’oppression de la fiscalité ces branches de commerce ; lorsque la suppression de Yinfernale gabelle multipliera les bestiaux, permettra les salaisons de chairs et de beurres, favorisera la fabrication des fromages ; dès lors cette balance sera au moins de (2) ... ..................... 50,000,000 liv. 2° Que si la culture des tabacs est permise, nous serons affranchis du tribut que nous payons à l’étranger et des introductions de la contrebande; que même nous profiterons d’une nouvelle branche d’exportation; ainsi notre balance de commerce augmentera à notre avantage au moins de 15,000,000 Total..- 65,000,000 liv. (1) Voyez mon ouvrage intitulé : Recherches et considérations nouvelles sur les finances, I« volume, p. 168 et suivantes. (2) Je dois observer que, sans le secours des productions des îles, la balance du commerce serait constamment à notre désavantage. 12 178 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 novembre 1789.] 3° Que le remboursement des rentes viagères et la conversion des divers titres de créances, en assignations sur la caisse nationale, réduiront à des intérêts légaux le payement de ceux dont noussommesredevablesà l’étranger, pour raison des capitaux qu’il a placés dans nos emprunts, et qu’alors la masse de ces intérêts et des remboursements n’excédera pas ...................... 35,000,000 liv. D'où il suit qu’il est facile de substituer à la déperdition effective du numéraire un accroissement annuel de. ...... . ....... 30,000,000 liv. Le mal est donc facile à réparer; mais il s’agira : 1° d’examiner si la déperdition effectuée de numéraire depuis trois ans est un motif suffisant pour déterminer la fabrication d’un papier-monnaie ; 2° de rechercher, dans le cas où la création de ce papier-monnaie serait jvgée nécessaire, dans quelle proportion cette ressource devrait être employée, dans quelle proportion elle devrait s’éteindre annuellement, à quel emploi le papier-monnaie devrait être spécialement affecté : le mémoire, sous le n° 9 des pièces justificatives de la motion de M. le baron d’Àllarde, présente des réflexions propres à déterminer à ce sujet la décision de l’Assemblée nationale. térêts et les remboursements des nouveaux emprunts queces circonstances pourraient nécessiter. Il est donc indispensable de s’occuper de cette balance ; mais avant de déterminer l’impôt il faut connaître quelles seront les dépenses : de leur fixation dépend celle des contributions qu’exigeront les besoins de l’Etat. Je diviserai ces dépenses en quatre parties : 1° Dépenses à la charge du pouvoir exécutif ; 2° dépenses d’administration auxquelles doit pourvoir la caisse nationale ; 3° intérêt de la dette; 4° fonds d’amortissement destiné pour les remboursements et pour les subsides des temps de guerre. article 1er. Dépenses a la charge du pouvoir exécutif. Ges dépenses comprennent : 1° la maison du Roi et des princes ; 2° les départements des affaires étrangères, de la guerre et de la marine ; 3° les dépenses diverses de l’administration; traitements des ministres, bureaux, etc.; elles seront, y compris les dépenses imprévues, de (1) 165 millions de livres. Et c’est à cette recette que doit être bornée celle du Trésor royal, sauf à la caisse nationale à fournir, en temps de guerre, le supplément qu'exigeront ces circonstances. SECONDE PARTIE. De la fixation des revenus dans une proportion suffisante pour subvenir : 1° aux dépenses à la charge du pouvoir exécutif ; 2° à celles des pensions et des frais d’ administration intérieure ; 3° aux intérêts de la dette ; 4° au fonds d'amortissement pour le remboursement des capitaux , en temps de paix; pour le supplément à fournir au pouvoir exécutif, en temps de guerre . La pénurie du numéraire dérive, en partie, de la masse des intérêts et remboursements dus à l’étranger dans une proportion supérieure à l’accroissement de numéraire que procure la balance de notre commerce; cette cause cessera lorsque l’Assemblée nationale aura statué sur les moyens que je viens d’indiquer. Mais un autre motif de cette pénurie est le discrédit : il est extrême. Les rentiers sont alarmés par le retard qu’ils éprouvent sur le payement de leurs intérêts; les capitalistes sont mécontents de la suspension illimitée des remboursements promis et convenus par les édits d’emprunts ; tous les citoyens sont inquiets, à raison de la difficulté de convertir les billets de caisse en écus; de là naît un discrédit général : les espèces sont resserrées avec soin, elles manquent dans la circulation. Cette pénurie prive le commerce, l’industrie, l’agriculture de leur aliment, et si cette détresse continuait la ruine de l’Etat serait infaillible. Inutilement les décrets de l’Assemblée nationale ont mis la dette sous la sauvegarde de l’honneur et de la loyauté française ; la confiance ne renaîtra, les espèces ne seront remises dans la circulation qu’après l’organisation de la dette, qu’après l’organisation de l’impôt : le créancier ne sera rassuré que par une balance entre la recette et la dépense, dont le résultat présentera un fonds positif d’amortissement propre à opérer graduellement le remboursement des capitaux, suffisant pour assurer, en temps de guerre, les in-i (1) Etat des dépenses à la charge du pouvoir exécutif. 1° Maison du Roi, ou liste civile ............. 20,000,000 Maison des princes , 4,000,000 frères du Roi. Pension de Mgr le duc d’Angoulème et de Mgr le duc de Berry. 24,700,000 liv. 700,000 2“ Département des affaires étran-Nota. Celte dépense est conforme à l’évaluation du mémoire présenté par M. le marquis de Montesquiou, au nom du comité des finances, à l’exception de l’article des dépenses imprévues, qui n’y est porté que pour 2,400,000 livres. Dans une grande administration, ces sortes de dépenses sont toujours considérables, et je crois même faible la fixation de 5,500,000 livres. Je présume que les autres articles sont convenus avec le ministère. J’ai compris au nombre des charges qui doivent être acquittées par le pouvoir exécutif, les primes et encouragements pour le commerce, et les frais de procédure, parce que ces sortes de dépenses ne peuvent concerner ies administrateurs de la caisse nationale. Je n’y comprends point les pensions qui doivent être payées sur la caisse nationale, par les motifs que je donnerai à cet article. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 novembre 1789.] {79 ART. 2. Dépenses d'administration à la charge de la caisse nationale. Report ...... 25,000,000 liv. 5° Les pensions. Il convient d’en assigner le payement sur la caisse À reporter. . . , 25,000,000 liv. Elles consisteront : 1° dans les frais de recouvrement des impositions, dont l’assiette et l’administration seront confiées aux assemblées provinciales de district et de municipalité ; 2° dans les frais particuliers de ces assemblées; 3° dans les décharges et modérations qu’exigeront des événements imprévus, tels que grêles, inondations, épizooties, etc.; 4° dans les travaux des ponts et chaussées, ateliers de charité, curement des rivières, haras : ces diverses dépenses, que les assemblées provinciales retiendront sur le montant de leurs impositions , n’excéderont pas (1) ............. 25,000,000 liv. À reporter.. 25,000,000 liv. (1) La dépense des ponts et chaussées est de, ci ......................... . . . Les travaux de charité, et les dépenses pour destruction du vagabondage et de la mendicité, montent à, ci ........ La construction et l’entretien des bâtiments publics sont de .......... ..... Le moins imposé, ou les remises, décharges et modération sur les impositions foncières, sont, année commune, de .............................. Los dépenses variables dans les provinces, .................. . ........... 5,680,000 liv. 3,055,000 1,874,000 7,123,000 4,500,000 Total de ces dépenses.... 22,232,000 liv. Frais de perception des impositions actuelles. Droits d’exercice des receveurs généraux ................................ 129,930 liv. Idem de ceux de Bordeaux et Auch, 6,600 Remises et taxations des préposés et collecteurs ....................... . . 1,670,150 Idem des receveurs particuliers des impositions .......................... 1,700,400 Idem des receveurs généraux des finances .................. . .......... 1,905,660 Gratifications annuelles aux receveurs particuliers ............. . ..... . ...... 1,310,620 Frais de rôles, appointements des receveurs et contrôleurs des vingtièmes.. 730,000 Frais de comptes, épices et dépenses communes ........................... 435,900 Intérêt du prompt payement de 10 millions par les receveurs généraux ...... 500,000 Frais de perception des impositions des pays d’Etats, dont les abonnements perçus par leurs trésoriers généraux montent à 21,618,210 livres; lesdits frais évalués à un sou pour livre, ou 5 0/0 ............................... 1,080,910 Frais de la tenue des Etats du Languedoc ..... . .......... . ............. 141,773 Idem de Bretagne ................. 197,546 Dépense au compte du Roi sur les Etals de Bourgogne .................. 39,000 Frais de perception et traitement des receveurs du Roussillon .............. 101,330 Idem de Bresse, Bugey, Gex et Dom-bes ................................. 27,092 Idem du receveur général de Provence et terres adjacentes ............ 40,851 Idem des généralités de Pau et Report .......... 10,017,762 liv. Bayonne, et des états qui y sont situés. 62,493 Frais du receveur général, des rece-ceveurs particuliers de Bretagne, et de recouvrement pour l’imposition des milices.. ............. . ................ 56,524 Frais de perception pour le recouvrement des décimes et autres impositions du clergé, estimés au sou pour livre sur une imposition générale de 11,000,000 livres ......... . ........... 550,000 Total ........... 10,686,779 liv. A déduire pour retenues sur les traitements des receveurs généraux ........ 436,000 Objet effectif des frais de recouvrement ............................... 10,250,779 RÉCAPITULATION. Dépenses diverses d’administration dans les provinces ........... ........ 22,232,000 liv. Frais de recouvrement des impositions foncières et territoriales .............. 10,250,000 Total .............. 32,482,000 liv. Une grande partie de ces dépenses sera considérablement diminuée, lorsque les assemblées provinciales seront chargées de leur administration ; elles feront également des économies très-importantes sur les frais de recouvrement lorsqu’ils seront simplifiés, ainsi qu’on peut le voir, par l’organisation de la caisse nationale, et de ses relations avec les assemblées provinciales. ( Voyez le n° 12 des pièces justificatives de la motion de M. le baron d’Allarde.) Mais d’un autre côté, les provinces auront les frais des assemblées provinciales, de district et de municipalité, qui seront assez considérables. D’après ces motifs, et vu que les provinces auront à fournir, tant pour les impositions foncières, que pour le remplacement de l’impôt des dîmes, et d’une grande partie des impôts indirects, au delà de 300 millions, cet article de dépense ne peut-être au-dessous do 25,000,000. Ce qui sera à peu près dans la proportion d’un sou 6 deniers pour livre du montant de l’imposition. Celte estimation est fort éloignée de celle de M. le marquis de Montesquiou ; il évalue la dépense de ces objets, savoir : Ponts et chaussées ................. 2,840,000 liv. Frais de recouvrement de toutes les impositions, dont l’assiette et la répartition seront confiées aux assemblées provinciales ......................... 3,400,000 Moins imposé, travaux de charité, mendicité, construction et entretien des bâtiments publics, dépense variable dans les provinces, police et garde de Paris, pavé de Paris, et travaux dans les carrières ............................. 5,134,250 Total ............. 11,374,250 liv. Sur quoi, faisant distraction de la dépense de Paris, objet de .............. 3,985,000 Il ne resterait, pour les dépenses des provinces et pour les frais de recouvrement, que ........................ 7,389,250 liv. A reporter ...... 10,017,762 liv. Cette somme serait notoirement insuffisante. sera 180 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 novembre 1789.] Report ....... nationale, afin d’éviter les extensions au delà du fonds qui y sera affecté, et qui, d’après les opérations du comité des finances peut être évalué à (1) . ...... 6° Les honoraires des magistrats choisis par le vœu public pour la reddition de la justice gratuite, et qui peuvent être estimés au moins à (2), ci ..... 7° Les frais annuels de la tenue des assemblées nationales et les dépenses de la caisse nationale que j’arbitrerai à (3). . . 25,000,000 liv. 18,000,000 12,000,000 5,000,000 Total de cet article, ci (4) . . 60,000,000 liv. ART. 3. Intérêt de la dette publique. L’Assemblée nationale a mis la dette publique sous la sauvegarde de l’honneur et de la loyauté française; elle a garanti le payement des intérêts sans retenues nouvelles, ainsi' que le remboursement des capitaux. Cet acte de justice était bien digne des représentants de la nation ; les décrets de l’Assemblée doivent être exécutés; il est donc indispensable de connaître la force et la nature de l’engagement contracté. doue indispensable que, pour subvenir à leurs dépenses les provinces augmentassent leurs contributions d’environ 18 millions; mais M. le marquis de Montesquiou ne parle pas de cet accroissement d’impositions. (1) Il paraît que l’intention de l’Assemblée nationale est de fixer invariablement le fonds destiné pour les pensions à une somme fixe de 18 millions, et que les nouvelles pensions ne puissent être accordées que dans la proportion des extinctions. Pour assurer que cet ordre soit immuable et constant, il est indispensable que les brevets des nouvelles pensions soient visés et enregistrés par les administrateurs de la caisse nationale, qui refuseront à l’enregistrement et au payement les nouvelles pensions qui excéderont le fonds déterminé. (2) M. le marquis de Montesquiou n’estime les frais de justice gratuite qu’à une modique dépense de 6 millions; ce qui est notoirement au-dessous de la possibilité la plus économique.: je crains môme que l’évaluation de 12 millions ne soit inférieure à la réalité. (3) M. le marquis de Montesquiou n’estime cet article de dépense qu’à 1,350,000 livres, et ne parle nullement de celle qu’exigera la tenue annuelle des Assemblées nationales : je crois que ce dernier article ne peut être évalué au-dessous de 3 millions, et que les dépenses de la caisse nationale, chargée de la régie des hypothèques, dépôts et consignations, de toutes les fonctions d’une banque vraiment nationale, et d’une infinité d’autres opérations ( Voyez le n° 12 des pièces justifi-catives_ de la motion de M.le baron d’Allarde) seront, au moins, de 2 millions; ainsi la différence de mon estimation et de celle de M. le marquis de Montesquiou est de 3,650,000 livres. (4) Je ne comprends point dans les dépenses de l’administration à la charge de la caisse nationale : 1° les traitements du clergé, 2° les secours, dons, aumônes pour les pauvres; 3° l’entretien et les réparations des presbytères et des églises : ces dépenses doivent naturellement être assignées sur le produit du bien du clergé et sur 1 impôt en remplacement des dîmes, si les biens uu clergé sont insuffisants pour subvenir aux objets que je viens d’indiquer. La dette est de trois sortes : 1° les rentes constituées; 2° les rentes viagères; 3° les capitaux d’emprunts à termes fixes, les fonds d’avance, cautionnements des fermiers, régisseurs et de leurs employés, les finances des comptables , le prix des offices qui seront supprimés par suite du décret portant abolition de la vénalité des charges, et quelques autres créances exigibles. Recherchons quelle est la nature des engagements contractés sous ces divers rapports. Des rentes perpétuelles. Les rentes dites perpétuelles proviennent des anciens emprunts effectués à titre de constitutions, et des capitaux de divers emprunts à termes fixes qui ont été convertis en rentes. J’y comprends plusieurs indemnités à différents titres : ces intérêts forment un objet de (1) . . . 62,677,245 Rentes viagères. Il n’est point d’emprunts plus onéreux que ceux qui sont effectués en viager : il n’est point de ressource plus assurée, lorsque, ne consultant que les besoins du moment, ne considérant point les conséquences, ces sortes d’emprunts sont mis en usage : il est en effet prouvé qu’une rente viagère à 9 0/0 sur deux têtes, ne s’éteignant pas dans la révolution de soixante ans, coûte en intérêts le quadruple de ceux qu’exige un emprunt à termes fixes, remboursable en quatorze années, et produisant l’intérêt à 5 0/0 sans retenue (2). Ces appâts n’ont point échappé aux spéculateurs : leur empresst‘ment à placer dans les emprunts viagers en est une preuve sans réplique : ces emprunts, depuis douze ans, se sont multipliés à l’excès ; leurs intérêts forment une surcharge énorme pour le peuple, et leurs extinctions, n’étant pas du 1/60 par année, ne présentent qu’un moyen très-lent de libération, fort inférieur à l’intérêt des capitaux qui seraient remboursés (1) Voyez l’état détaillé des rentes perpétuelles, page 127, IIe volume de mon ouvrage intitulé : Recherches et considérations nouvelles sur les finances : il faut en distraire les intérêts du dépôt de 70 millions par la caisse d’escompte, et ceux d’un emprunt de 4 millions, fait à Gènes par les acquéreurs des terrains des Quinze-Vingts, et dont le Roi s’est chargé ; ces articles seront compris dané celui des remboursements à époques fixes. M. le marquis de Montesquiou porte en dépense les rentes perpétuelles pour 56,796,224 livres et les indemnités à différents titres pour 3,179,000 livres. Total, 59,975,924 livres. Il est possible qu’il ait porté à l’article des rentes non constituées plusieurs articles que j’ai mis au nombre des rentes perpétuelles ; mais je ne les comprends pas à l’article des rentes exigibles ou remboursables. (2) Un emprunt de 60 millions à 5 0/0, sans retenues, remboursable en 14 années, coûte en principal et intérêts 85,364,334 livres ; un emprunt de 60 millions en viager, à 9 0/0 sur deux têtes, coûte, dans la révolution de 60 ans, et en supposant l’extinction à raison de 1/60 par année, 164,700,000 livres (Voy. le tableau, page 153, IIe volume de mon ouvrage intitulé : Recherches et considérations nouvelles sur les finances)', mais je dois observer que dans les premières années, les extinctions ne sont pas du 1/60 ; en sorte que la défaveur est beaucoup plus grande : en effet, dans les 15 premières années, l’Etat paye en intérêt viager une somme égale à celle qui aurait éteint l’emprunt à termes fixes, et reste grevé d’intérêts viagers énormes pendant la durée de 45 ans. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 novembre 1789.] 181 par la moindre dépense en intérêts annuels, si les rentes viagères étaient remboursées (1). En effet, les rentes viagères actuellement existantes montent à 105,000,000 livres. Plus des 3/4 proviennent de constitutions effectuées depuis 1777, c’est-à-dire depuis 12 ans; l’autre quart de celles qui ont eu lieu de 1766 à 1777, à l’exception de 9 millions qui subsistent depuis un temps plus reculé (2). 11 est donc constant que ces rentes ; qui reposent en général sur des individus bien constitués) ne s’éteindront que dans une proportion très-modérée pendant 30 ou 40 ans, et privent l’Etat des moyens de rembourser des capitaux très-onéreux. Il suit de cet exposé que l’intérêt de l’Etat ne sollicite pas moins puissamment, que celui de la balance du commerce, un décret qui accorde aux administrateurs de la caisse nationale la faculté de rembourser les rentes viagères. Je présenterai incessamment les moyens de mettre ce décret à prolit; mais je dois, avant tout, examiner si le remboursement de rentes viagères ne blesserait point l’équité, s’il peut être autorisé par l’auguste Assemblée des représentants de la nation. Il est de principe constant et reconnu dans le ressort de plusieurs parlements, qu’entre particuliers le remboursement d’une rente viagère ne .peut être refusé, lorsque le contrat de constitution ne stipule aucune clause contraire : si la loi subsiste entre particuliers, je ne vois aucun motif qui doive en faire exclure la nation : tout débiteur doit être admis 'à se libérer, et les spéculateurs étrangers, propriétaires de la majeure partie des rentes viagères, n’auront point à se plaindre lorsqu’ils recevront le remboursement de leurs capitaux, sans aucune imputation de la portion qu’ils en ont touchée par la jouissance des intérêts viagers. La dette est reconnue, la nation a promis de l'acquitter en principaux et intérêts ; mais l’Assemblée nationale ne s’est point interdit la faculté de se rédimer de cette masse d’intérêts viagers, qui nous privent d’une partie de notre numéraire et qui nécessitent une surcharge effrayante de contributions. On forme contre cette proposition une objection qu’il est facile de résoudre : « Un particulier place en viager sur le gouvernement ; s’il meurt trois mois après son placement, l’Etat profite de son capital : il est injuste de le priver d’un avantage qu’il n’a acquis que par le risque de son capital. » RÉPONSE. En remboursant le capital d'une rente viagère l’Etat renonce au bénéfice du capital constitué en viager. Si le rentier remboursé meurt trois mois après son remboursement , l'Etat perd le (1) Je suppose le remboursement de renies viagères effectué par la voie de la reconstitution, l’Etal gagnerait 52 millions sur la masse des intérêts dont il est grevé ; il est évident que ce capital éteindrait annuellement 2,600,000 livres d’intérêt, tandis que, par les extinctions graduelles et successives, la masse des intérêts viagers diminue au plus de 1,500,000 livres par an : cette réflexion est d’autant plus importante, qu’il est avéré que d’ici à 20 ans les extinctions ne seront pas de 1,500,000 livres par année. (2) Voy. le tableau, page 152, IIe volume des Recherches et considérations nouvelles sur les finances. Les rentes viagères, depuis 1777, montent 4 72,595,989 livres, celles créées de 1766 à 1777, à 16,709,082 livres ; le surplus, objet d’environ 14,000,000 livres provient de constitutions antérieures à 1766, des tontines, et de quelques autres articles. capital qui lui était acquis par la constitution en viager , quoiqu'il ait payé des intérêts énormes pendant plusieurs années. Ainsi les deux chances sont balancées à l’avantage du rentier qui sera remboursé, et auquel il ne sera fait aucune imputation de ce qu’il a reçu sur son capital, par le payement de ses intérêts viagers. Cependant en décrétant la faculté de remboursement des rentes viagères, faculté qui libérera bientôt la nation de 50 millions sur la masse des intérêts actuels, je crois juste d’avoir égard aux rentiers viagers qui ont profité de ces sortes de constitutions pour se mettre au dessus du besoin: l’Assemblée nationale pourrait autoriser les administrateurs de la caisse nationale à constituer, à leur profit, de nouveaux contrats viagers, après l’examen des mémoires qu’ils présenteront, et qui seront annexés comme pièces justificatives aux registres de ces nouvelles constitutions: cette facilité pourrait même être indéfiniment consentie jusqu’à concurrence d’un fonds de 6 millions de rentes viagères, et sous la condition expresse que les constitutions de ce genre ne seraient accordées que dans la proportion des extinctions. En partant de ces bases, les administrateurs de la caisse nationale appelleront la totalité des rentiers viagers; ils leur proposeront ou la reconstitution sur la caisse nationale, du capital de leurs rentes viagères, avec jouissance de l’intérêt légal, ou le remboursement sur le taux du denier dix. Ceux qui accepteront la reconstitution quittanceront leurs contrats, en échange desquels ils recevront des titres nouveaux sur la caisse nationale. Ceux qui préféreront leurs remboursements continueront de jouir de leurs intérêts viagers, jusqu’au moment où ils seront appelés à remboursement. Ceux enfin qui seront admis à conserver des rentes viagères remettront leurs anciens contrats, en échange desquels ils en recevront de nouveaux, où seront libellés les motifs qui les auront admis à la jouissance des rentes viagères. Il n’est pas douteux qu’une grande partie des rentiers viagers profitera avec empressement de la faculté de convertir sa jouissance viagère en capitaux constitués sur la caisse nationale ; il en est de même beaucoup qui, pressés par le besoin, ont aliéné leur jouissance : iis auront la faculté de se libérer par l’abandon d’une partie de leur nouvelle constitution, et jusqu’à concurrence de de la somme qu’ils ont empruntée ; le surplus leur appartiendra (1). Il est également certain que les rentiers viagers qui recevront leurs remboursements trouveront difficilement de nouvelles constitutions viagères ; qu’ils seront embarrassés pour l’emploi solide de leurs capitaux, qu’ils n’en trouveront pas de plus assuré que celui de la caisse nationale, et que bientôt ils rapporteront leurs fonds; en sorte que, suivant toutes les vraisemblances, un capital de 100 millions, affecté au remboursement des rentes viagères, suffira pour opérer l’extinction de toutes celles qui existent, soit par la reconstitution volontaire, soit par des remboursements effectifs, dont les capitaux seront bientôt rapportés à la caisse nationale. (1) On ne pourrait du moins contester la faculté des reconstitutions volontaires ; et je suis convaincu qu’elles opéreraient le tiers ou le quart au moins de l'anéantissement des rentes viagères actuellement existantes. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 novembre 1789.J 182 Au moyen de ces dispositions, il est évident que la masse des rentes viagères sera remplacée par de nouvelles constitutions, dont l’intérêt, en l’estimant à 5 0/0, sans retenue, jusqu’à ce que le crédit permette de les remplacer par des reconstitutions à 4 0/0, s’élèvera à (1). . 52,000,000 Mais j’ai proposé de conserver des rentes viagères jusqu’à concurrence de 6 millions, j’estimerai pour le supplément de 5 0/0 sur ces espèces de rentes ................ . ........ 3,000,000 Conséquemment cet article de la dette coûtera ..................... 55,000,000 Intérêts des capitaux exigibles , ou remboursables à termes fixes. La masse de cette dette est énorme : elle émane de titres différents, et qui tous doivent être respectés, puisque la dette est généralement consolidée, puisque l’Assemblée nationale a garanti son payement, a promis d’en payer les intérêts sans aucune retenue, pour quelque cause et sous quelque prétexte que ce soit ou puisse être. Mais en contractant cet engagement, l’Assemblée nationale n’a pu certainement entendre et n’a point entendu s’imposer la loi de rembourser, subito , les capitaux dont les remboursements ont été suspendus par l’arrêt du 16 août 1788. Elle n’a point contracté l’obligation de rendre, sur-le-champ, aux fermiers, régisseurs et employés, leurs fonds d’avance ou cautionnements, à ceux pourvus de charges de linances, les sommes qu’ils ont déposées, pour sûreté de leur manutention ; aux magistrats et autres qui possèdent des offices tenant à la judicature, le prix de leur charges. Toutes ces créances sont exigibles, je le sais ; mais celles qui étaient dues il y a 18 mois n’ont pu être remboursées du moment où le discrédit a, tr'es-heureusement, fermé l’accès à de nouveaux emprunts. Le souverain a déclaré positivement que ces remboursements seraient suspendus ; le terme de cette suspension est, par le fait, illimité, puisqu’il ne peut cesser qu’au moment où la disposition d’un fonds libre permettra l’amortissement graduel et successif des capitaux qui constituent la dette publique. Lanouvelle constitution de l’Etat, l’abolition du régime affreux de la fiscalité, sont des bienfaits inappréciables, bien dignes de l’Assemblée nationale; mais il faut pourvoir au remboursement des fonds de la finance : il faut assurer celui des offices de judicature ; et ces sortes de créances ne méritent pas moins d’égards que celles qui dérivent des emprunt à termes fixés : il est donc nécessaire de pourvoir également à leurs remboursements. Ces principes posés, je pense que la totalité de ces créances doit être convertie en assignations sur la caisse nationale, portant intérêt à 5 0/0, sans� retenue, jusqu’à ce que le retour de la | confiance et du crédit permette de les rembourser par la voie de reconstitutions à 4 0/0 ; je suis persuadé que l’intérêt sera naturellement réduit à ce taux, lorsque les créanciers de l’Etat auront la preuve démontrée d’un revenu suffisant pour les (1) Les rentes viagères actuellement existantes sont, d'après M. le marquis de Montesquioü, de 105,253,000 livres ; mais les extinctions de cette année doivent être au moins de 1,253,000 livres ; ainsi, mon calcul est fait sur 104,000,000 livres de rentes viagères, supposées existantes au ler janvier 1790. dépenses du pouvoir exécutif, pour celles de l’administration, pour les intérêts de la dette, et finalement pour un fonds primitif d’amortissement de 50 millions, qui (prenant des accroissements rapides dans la proportion de l’intérêt des capitaux remboursés) pourvoira aux dépenses extraordinaires que la guerre exige, saris le secours de nouveaux emprunts, de nouvelles contributions. Je suis convaincu {et je le dis d'après l’assertion d’un très-grand nombre de personnes intéressées au sort des créances ) que des assignations sur la caisse nationale, fondées sur un gage spécial et solide, contenteront parfaitement les créanciers de l’Etat. Je ne doute même pas qu’une grande partie de ceux qui seront appelés à remboursement ne sollicitent la reconstitution à l’intérêt de 4 0/0, et qu’ainsi l’intérêt de 101,465,490 livres pour un capital de plus de 2 milliards (1), à 5 0/0 sans retenue, ne soit très-(1) M. le marquis de Montesquiou divise les créances non constituées en trois parties : 1° les dettes criardes ; 2° les offices de judicature ; 3° les autres créances constituées. Mais une simple observation suffira pour convaincre les représentants de la nation que toutes ces créances doivent être considérées sous le même point de vue, et que les préférences seraient injustes. M. de Montesquiou propose : 1° de subvenir par préférence au remboursement des anticipations, des cautionnements de finances, des charges comptables, de l’arriéré des rentes et des départements ; 2» de ne payer que les gages des offices de magistrature jusqu’à leur remboursement ; 3° de se contenter de porter en dépense les intérêts actuels des autres créances exigibles. Les anticipations, cautionnements et finances de comptables, sont de véritables emprunts à terme fixe, qui ne méritent aucune préférence sur ceux qui dérivent des différents édits d’emprunts à époques, et des engagements contractés vis-à-vis de divers particuliers, pour vente, etc. En supprimant la vénalité des charges, les magistrats et autres pourvus des offices qui seront supprimés sont privés de l’état en faveur duquel ils avaient consenti à ne recevoir qu’un intérêt modique ; ils seraient dans le cas de réclamer le remboursement, non-seulement de leurs finances, mais encore de leurs provisions. Si la situation des finances ne permet pas d’effectuer sur-le-champ ces remboursements ; si même les pourvus d’offices ne réclament point le prix de leurs provisions, il est juste au moins de les traiter comme les autres créanciers de l’Etat, et de leur payer l’intérêt à 5 0/0, sans retenue, jusqu’au remboursement, pour lequel ils doivent concourir avec tous les autres propriétaires de créances non constituées. Les porteurs d’effets à termes fixes, dont les remboursements sont échus, ont le même droit que les porteurs d’anticipations ; ceux qui seront privés de leurs remboursements aux époques promises et convenues, et qui seront frustrés des primes et lots attachés à divers emprunts, doivent au moins être traités comme les propriétaires d’anticipations, de finances de comptables, etc. Il est donc juste de convertir tous ces titres de créances en assignations sur la caisse nationale, sans aucune exception, et de les faire tous concourir au remboursement plus au moins éloigné par la voie du sort. Ils jouiront de l’intérêt à 5 O/O, sans retenue, jusqu’à ce remboursement ; ainsi il ne s’agit que de déterminer la masse de ces capitaux. Etat des capitaux exigibles ou remboursables à termes fixes, et qu’il convient de réunir en assignations sur la caisse nationale, portant intérêt à 5 0/0, sans retenue, jusqu'au remboursement, ou jusqu’à la reconstitution volontaire à 4 0/0. 1. Anticipations. Cet article comprend les rescrip-tions, les billets des fermes, et autres régies. On pré- 183 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES» [21 novembre 1789-} incessament réduit â 4 0/0, c’est-à-dire à 81,172,392 livres. tend qu’elles ont été augmentées ; mais ce ne peut être considérablement ; je me contenterai de les évaluer au taux de 1788, c’est-à-dire à ........ 225,300,000 liv. 2. Dépôt de la caisse d’escompte, pour sûreté de ses engagements vis-à-vis du public .................... 70,000,000 3. Avances faites ou à faire par la caisse d’escompte, pour subvenir aux besoins extraordinaires de cette année et de l’année 1790 ....... . ......... 170,000,000 4. Fonds d’avance des fermiers et régisseurs et cautionnements des employés des fermes et régies ......... 201,799,000 5. Finances des comptables ...... 119,179,000 6. Rentes arriérées pour un semestre ............................... 81,000,000 7. Finances des payeurs des rentes supprimés ........................ 2,500,000 8. Arriéré des départements, évalué à. ........................... . 80,000,000 9. Finances des offices de judica-ture, et autres en dépendant, supprimés par le décret qui abolit la vénalité des charges, estimés par aperçu .................... . ....... 600,000,000 10. Dépôt de 31. Necker, exigible à volonté ..................... .... 2,400,000 11. Solde de l’acquisition du Cler-montois, à M. le prince de Condé... 2,400,000 12. Solde de la construction de l’iiô tel des monnaies .............. . 300,000 13. Parfait payement des bâtiments de la grande écurie ................ 800,000 14. Idem, de ceux du Jardin des plantes, etc ....................... 200,000 15. Dépenses arriérées de la maison de Madame ................... 432,000 16. Prêt de la ferme générale sur les bénéfices du dernier bail ........ 12,300,000 17. Solde du prix de l’hôtel des messageries .......... . ............ 300,000 18. Parfait remboursement du papier-monnaie des îles de France et de Bourbon ....................... 5,280,000 19. Solde du prix des forges de M. de La Chaussade ............. . 1,416,000 20. Brevets de retenues des capitaines des gendarmes et chevau-lé-gers .............................. 1,100,000 21. Arriéré des dépenses ordinaires de la maison du Roi, de celle de la Reine, etc ...................... 38,075,000 22. Fonds d’avance de la ferme de Sceaux et Poissy, et de la ferme du droit d’entrée sur les veaux à Paris. 902,600 23. Capitaux restants dus sur divers emprunts effectués directement à Gênes, Bruxelles et en Hollande... 19,060,000 24. Capitaux et intérêts des offices supprimés du parlement de Pau.... 555,800 25. Prix de la terre de Viviers, vendue par M. le prince de Soubise. 1,200,000 26. Solde du prix des forêts de Cumors et Floranges, à 31. le duc de Liancourt ......................... 600,000 27. Solde d’une indemnité à la succession de 31. le duc de Choiseul. 200,000 28. Solde du prix du comté de 3Iontgommery, à 31. de Barville ..... 1,450,000 29. Idem, des terres de Saint-Priest et Saint-Etienne, à 31. Gilbert des Voisins ........ . .................. 748,700 30. Remboursement des charges supprimées de la maison du Roi et de celle de la Reine ............... 6,276,000 31. Solde d’un emprunt delà Bresse et du Bugey ................... ... 81,900 Ainsi l’Assemblée nationale exécutera ponctuel lement les décrets provoqués par la justice, eu faveur des créanciers de l’Etat," en convertissant tous les titres de créances exigibles et remboursables à époques fixes, en assignations sur la caisse nationale, portant intérêts à 5 0/0 sans retenue, jusqu’au remboursement, soit en espèces, soit par la voie de la reconstitution volontaire. Mais pour que ces assignations soient acceptées volontairement, même avec reconnaissance par les créanciers de l’Etat, il faut qu’elles soient assises sur un gage spécial, sur une hypothèque infaillible ; je prouverai incessament que cette condition sera solidement et parfaitement remplie ; ainsi j’estimerai les intérêts des capitaux exigibles, ou remboursables à termes fixes, à 114 millions. Intérêts de la dette du clergé. Les biens du clergé sont à la disposition de la nation ; les dîmes ecclésiastiques sont suprimées sauf un remplacement proportionnel â l’insuffisance des propriétés foncières du clergé, tant pour les frais du culte public, que pour l’entre-Report. ....... 1,645,856,000 liv. 32. Emprunts de 1777 et 1781, sur le domaine de la Ville de Paris.... 21,624,000 33. Rentes sur l’ordre du Saint-Esprit ............................ 2,302,000 34. Actions et billets d’emprunts de l’ancienne compagnie des Indes.. 79,460,000 35. Loterie de 1780, pour capitaux et intérêts ..................... . . 18,320,000 36. Loterie d’avril 1783 .......... 13,936,000 37. Loterie d’octobre 1783 ........ 16,652,600 38. Primes et lots échus aux tirages des deux loteries énoncées aux deux articles précédents ............ 1,567,300 39. Emprunt de 100 millions, de décembre 1782 .................. .. 78,210,000 40. Emprunt de 125 millions, de décembre 1784 .................... 115,000,000 41. Primes et lots échus aux tirages effectués dudit emprunt ....... . 1,750,000 42. Empruflt de 80 millions, de décembre 1785 ................... . 64,000,000 43. Primes et lots échus aux tirages effectués dudit emprunt ........ 1,600,000 44. Capitaux des emprunts effec tués par les pays d’Etats ........... 160,000,000 45. Emprunts divers, effectués depuis le mois de septembre 1788, des notaires de Paris, de la caisse d’assurances, etc, environ ............... 20,000,000 46. Emprunt national, non compris les parties des emprunts précédents, employés dans ledit emprunt, et qui ne seront point portées ici, comme faisant un double emploi .......... 40,000,000 Total des capitaux exigibles ou remboursables à époques fixes, dont je propose le payement en assignations sur la caisse nationale, portant intérêt à 5 0/0 ....................... 2,280,277,900 liv. L’intérêt de ce capital, à 5 0/0 sans retenue sera de ....... . ........... 114,000,000 liv. Si ces capitaux sont remboursés par des reconstitutions volontaires à l’intérêt de 4 0/0, il est sensible que la masse de ces intérêts diminuera d’un cinquième, et qu’ils seront réduits à ................... . ...... 91,200,000 liv. A reporter. . . . 1,645,856,000 liv. 184 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 novembre 1789.] tien et le secours des pauvres, les réparations et reconstruction des églises et des presbytères : il est juste également que le remplacement des dîmes procure à la nation les moyens de se libérer tant en principaux qu’intérêts de la dette inconsidérément et successivement contractée par le clergé pour le payement de ses dons gratuits ; je traiterai dans la partie suivante de cet impôt de remplacement et des moyens de le rendre facile, avantageux pour les déclinables ; ici je me borne à observer que le remboursement des capitaux dus par le clergé sera assigné sur la caisse nationale, et que les intérêts de sa dette, y compris celle de divers diocèses, forme un objet d’environ ...................... 7,000,000 liv. Intérêt de l’indemnité qui sera due aux propriétaires de dîmes inféodées, pour raison de leur abolition , conséquence naturelle de celle des dîmes ecclésiastiques. L’Assemblée nationale a justement considéré la dîme sous le point de vue défavorable ce l’impôt : il n’en est point effectivement de plus cruel, puisqu’il prive ledécimable d’une forte partie de sa récolte, sans que le décimateur supporte aucune des dépenses inhérentes à la propriété ; puisque les frais qu’exige la perception de cet impôt sont au moins du cinquième c’est-à-dire 4 sous pour livre du produit qu’en retirent les décimateurs. 11 était bien digne des représentants de la nation de faire cesser une perception, un tribut aussi contraire à l’intérêt de la propriété : mais en même temps l’Assemblée ne s’est point dissimulé que l’impôt des dîmes était entré en considération dans le prix des biens-fonds y assujettis ; que la remise de cet impôt, si elle était gratuite, ferait profiter une classe de propriétaires au préjudice de Puniversalité des propriétés, qu’il serait indispensable de grever dans la proportion des dépenses affectées sur le produit des dîmes ; en conséquence, il a été statué que les dîmes ecclésiastiques continueraient d’être acquittées jusqu’au remplacement, et que les dîmes inféodées seraient perçues jusqu’au rachat. Je traiterai dans la troisième partie du remplacement des dîmes ; mais j’observe que ce remplacement, jusqu’à la concurrence nécessaire pour fournir aux dépenses affectées sur le produit des dîmes, doit être commun tant aux dîmes ecclésiastiques qu’aux dîmes inféodées. En effet, les décimables vis-à-vis des laïques ont le même droit au soulagement de l’impôt que les décimables envers l’Eglise ; et si le remplacement des dîmes est dans une proportion inférieure au produit actuel de l’impôt, il est évident que les uns et les autres ont le même droit à la modération. D’après ces principes, je pense que les dîmes inféodées doivent être supprimées en même temps que les dîmes ecclésiastiques, et que l'impôt de remplacement doit être supporté par toutes les propriétés sujettes à la dîme sans aucune exception. Mais, dans cette hypothèse, la caisse nationale recevant l’impôt représentatif des dîmes inféodées, il est juste et naturel de stipuler l’indemnité des propriétaires de ces sortes de dîmes ; il faut que cette indemnité soit proportionnelle au produit qu’ils en retirent et qu’ils soient payés de leurs intérêts jusqu’au remboursement du capital. A cet effet, je propose : 1° qu’il soit fait, par paroisse, un état estimatif du produit net des dîmes inféodées, avec l’indication de ceux au profit desquels la perception a lieu ; 2° que le prix de l’indemnité soit fixé à raison du denier 25 du produit net ; 3° que les propriétaires jouissent jusqu’au remboursement de l’intérêt de cette indemnité à raison de 5 0/0, sur lequel intérêt il sera fait retenue de trois vingtièmes auxdits propriétaires. Les motifs de cette retenue sont justes et sensibles : en effet, le propriétaire d’une dîme inféodée est en quelque sorte copropriétaire de l’héritage sujet à la dîme, et doit conséquemment sa part contributoire à l’impôt de propriété, qui ne peut être évalué au-dessous de trois vingtièmes , ainsi le possesseur d’une dîme inféodée ne sera point grevé par la retenue des trois vingtièmes sur l’intérêt de l’indemnité qui lui sera due pour raison de l’affranchissement des dîmes inféodées (1). Je n’ai point de base positive pour évaluer le produit des dîmes inféodées ; mais en se rapportant aux calculs de M. Dupont, calculs qui me paraissent fondés sur des faits assez positifs, on peut les évaluer au dixième des dîmes ecclésiastiques du produit de 100 millions; ainsi celui des dîmes inféodées est de (2) ...... 10,000,000 liv. Déduction de trois vingtièmes pour la part contributoire à l’impôt de propriété ............... 1,500,000 L’intérêt de l’indemnité en faveur des propriétaires de dîmes inféodées jusqu’au remboursement sera de .................. 8,500,000 Récapitulation des intérêts de la dette publique. Rentes perpétuelles et indemnités à différents titres .......... 62,677,000 liv. Intérêts des capitaux de rentes viagères, y compris 6 millions de rentes viagères à conserver.. 55,000,000 Intérêts des capitaux exigibles ou remboursables à époques fixes, etqui seront convertis en assignations sur la caisse nationale (3). 114,000,000 Intérêts de la dette du clergé.. 7,000,000 Intérêts de l’indemnité due pour la suppression des dîmes inféodées ....................... 8,500,000 Total des intérêts de la dette publique ..................... 247,177,000 liv. Je viens de justifier qu’au moyen du remboursement des rentes viagères, opération dictée par la politique et l’intérêt de la balance de notre commerce, conseillée par celui de la nation, commandée par l’intérêt social, puisque les rentes viagères atténuent tous les liens de la société ; qu’au moyen de la conversion de tous les capitaux exigibles ou remboursables à époques fixes en assignations sur la caisse nationale; je viens, (1) Un propriétaire d’une dîme inféodée du produit de 1,000 livres sera liquidé à une indemnité de 25,000 livres ; il jouira de l’intérêt de 1,000 livres à la déduction de 150 livres pour les vingtièmes jusqu’au remboursement, c’est-à-dire de 850 livres de rente. (2) Voyez le discours prononcé par M. Dupont à l’Assemblée nationale. (3) Ces 114 millions d’intérêts supposent un capital de 2,280 millions de dettes exigibles ou à termes fixes ; je les crois moins considérables. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 novembre 1789.] dis-je, de justifier que les intérêts de la dette publique seront réduits à une dépense fixe de 247,177,000 livres. Mais ce calcul ne serait qu’idéal, s’il n’existait des moyens positifs d’effectuer le remboursement des rentes viagères, si la caisse nationale n’avait un gage spécial à offrir pour sûreté des assignations qui seront livrées en payement des capitaux exigibles et remboursables à époques fixes. 11 en subsiste de très-puissants, et je dois les exposer : 1° J’ai compté dans l’article des dettes exigibles et qui seront converties en assignations sur la caisse nationale, les avances faites et à faire par la caisse d’escompte, pour subvenir aux besoins extraordinaires de cette année et de l’année 1790. La taxe ou contribution patriotique est destinée pour cette dépense; mais puisque je la comprends dans la dette, il est sensible que le produit de cette taxe doit être versé dans la caisse nationale, qui l’emploiera au remboursement de la caisse d’escompte. Dès lors, je dois en faire recette; je me contenterait de l’évaluer à 180 millions, afin de ne faire aucune assertion problématique (1). Les domaines de la couronne sont de trois sortes; les uns existent dans la main du Roi, ou des princes apanagistes; les autres sont engagés; enfin une grande quantité est possédée à titre d’échange par les particuliers, en faveur desquels ils ont été consentis. Les domaines qui sont dans la main du Roi ou des princes apanagistes coûtent un entretien énorme, nécessitent des frais de régie très-dispendieux : leur aliénation à perpétuité est une opération sage, prudente, et qui ne doit point être négligée, sauf à payer aux princes apanagistes pendant la durée de leur jouissance, l'intérêt à 4 0/0 du prix des ventes qui seront faites dans l’étendue de leurs apanages (2). 11 dépend de ces domaines et de ceux possédés à titre (Rengagements divers droits féodaux, que les redevables ont la faculté de racheter; il est nécessaire de leur en faciliter les moyens. Les domaines possédés par engagement ne présentent aux détenteurs qu’une jouissance précaire, et dont ils peuvent être dépossédés par l’enchère d’un nouvel engagiste : il est juste de leur assurer une propriété réelle, en les assujettissant au payement de la plus-value de leurs finances d’engagement, par comparaison à la valeur effective dss domaines dont ils jouissent en vertu de ces mêmes finances. Les domaines échangés appartiennent incontestablement à ceux qui les possèdent ; mais il en est beaucoup qui n’ont pas fourni en contre-échange la valeur de leurpropriété : la soulte due par ces propriétaires porte intérêt à compter de la date des contrats d’échange; il est naturel de l’exiger : ou les évaluations sont faites, et dans ce cas la soulte est connue ; ou ces évaluations ne sont point achevées, et dans ce cas il est nécessaire de procéder à leur confection, afin de connaître la soulte dont ils seront redevables en principal et intérêts : j’ignore quel sera le pro-(1) M. le marquis de Montesquiou estime le produit de cette taxe à 275 millions de livres. Il est certain que celle des propriétés ne peut excéder 130 millions, et l’on ne peut évaluer celle des rentiers et autres à plus de 50 millions. (1) Peut-être y aura-t-il des motifs pour ne point aliéner les domaines et lois des apanages. 185 duit de ces recouvrements ; on assure (et je le crois) qu’il s’élèvera à 80 millions. 2° Les bois appartenant au Roi et ceux qui sont affectés à l’approvisionnement des salines (1) sont mal aménagés, mal gardés, et détériorés de toutes les manières : leur vente à perpétuité présentera les plus grands avantages. _ On objecte contre cette aliénation, qu’elle nuirait à la conservation des futaies; cette objection est facile à résoudre : l°les assemblées provinciales peuvent être chargées de vérifier la valeur ou le produit annuel des bois de la couronne et de ceux des apanages, par assimilation aux bois des particuliers d’une situation égale; 2° cette valeur déterminée, les assemblées provinciales fixeront les aménagements dont les bois seront susceptible, eu égard à leur qualité; 3° les ventes et aliénations seront à la charge par les acquéreurs de se conformer aux aménagements déterminés, et de ne pouvoir faire leurs coupes annuelles que sur les délivrances qui leur seront faites par les assemblées provinciales, de district et de municipalité, à peine contre les contrevenants d’une amende du double de là valeur des bois exploités contre les conditions du contrat de vente, et de la confiscation de la propriété dans le cas delà récidive. En prenant ces précautions, il est évident que les bois seront aménagés d’une manière convenable, et que les acquéreurs seront tenus de laisser en nature de bois ceux qui subsistent, sans pouvoir les mettre en terres labourables; qu’ils ne pourront se soustraire à l'obligation de conserver en futaies ceux qui seront destinés à ce genre d’exploitation. L’objection détruite, il est certain que la vente des bois ne doit et ne peut souffrir aucune difficulté; elle procurera une ressource immense et qui facilitera les opérations de la caisse nationale. En effet, il est constant que la vente des domaines et des bois de la couronne; que les prix de rachat des cens et rentes foncières, et autres droits féodaux ; que le supplémenta fournir par les engagistes, pour convertir leur jouissance précaire en propriété incommutable, procureront un capital au moins (2)de, 600,000,000 liv. On peut évaluer le prix des domaines et bois des apanages, et le montant des soultes qui seront dues par les propriétaires des domaines échangés, tant en principal qu’intérêts, au moins à. . . . 100,000,000 Total ......... . ......... 700,000,000 liv. Mais comme on ne peut se flatter de réaliser sur-le-champ un capital aussi considérable, il conviendra de donner les facilités aux acquéreurs, aux propriétaires qui devront des soultes d’échange à ceux qui désireront affranchir leurs profil h est constant que la gabelle supprimée, les salines factices seront bientôt abandonnées. Le sel de ces salines ne pourra soutenir la concurrence du sel marin, moins cher et de meilleure qualité; c’est une vérité constante, et que ne détruiront pas les expériences de chimie que fait la ferme générale pour justifier le contraire. (°2) Voy. le mémoire, sous le n° 10 des pièces justificatives delà motion de M. le baron d’Allarde, sur un nouveau régime de finances. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 novembre 1789 186 [Assemblée nationale.] priétés des droits de mutation, cens, rentes foncières, terrages, champarts et autres droits féodaux dont Us sont tenus envers les domaines du Roi et des apanages. Je crois que pour obtenir des prix d’acquisition relatifs à la valeur des immeubles, et pour faciliter les rachats et la rentrée des soultes d’échange, on pourrait consentir: 1° que le payement des acquisitions, rachats et soultes d’échange, et suppléments d’engagements, ne fût effectué en argent que jusqu’à concurrence du quart seulement; 2° la faculté d’acquitter les trois quarts restants, soit en quittances de rentes viagères, soit en assignations sur la caisse nationale; 3° le consentement en faveur de ceux qui le désireraient, d'un délai de dix années pour le payement des trois quarts restants du prix de leurs adjudications, avec clause de l’intérêt à 4 O/Ô, sans retenue. Je propose en outre de procéder à ces ventes sous la condition, en faveur des acquéreurs, de l’affranchissement de tous droits de servitude, et de mutation à perpétuité, et de leur accorder l’exemption des droits de contrôle et de centième denier sur le prix de leurs acquisitions ou de leurs rachats. Ces facilités établiront la concurrence des acquéreurs ; en les adoptant, je ne doute pas que les ventes, les rachats et payements de soulte ne soient effectués en totalité dans le cours d’une année. Il est aisé de sentir quelles ressources ils procureront à la caisse nationale. 3" La disposition des biens du clergé appartient à la nation; je crois qu’il serait impolitique d’aliéner les propriétés susceptibles d’accroissement de revenus ou d’amélioration: en effet, ces propriétés doivent spécialement et constamment être affectées à l’entretien du culte public, sauf à pourvoir à l’insuffisance de ces biens sur l’impôt de remplacement des dîmes, dans le cas où cette insuffisance serait reconnue. Mais les propriétés inutiles et stériles pour le produit, telles que les monastères et couvents des villes et leurs enclos; celles qui sont sujettes à dépérissement, à des entretiens, à de fortes réparations, telles que les maisons appartenant aux religieux, aux hôpitaux, aux fabriques, doivent et peuvent être aliénées. Les monastères et enclos des villes ne sont point compris dans le revenu estimatif des biens du clergé: leurs emplacements, leurs bâtiments sont précieux et d’une aliénation facile : les couvents et monastères des campagnes seront suffisants pour les religieux des deux sexes, qui préféreront à une pension la vie solitaire à laquelle ils se sont consacrés; ainsi la nation chargée de pourvoir au culte divin sur les propriétés du clergé, peut et doit user de la disposition de ces biens à son plus grand avantage : la vente d’une grande partie des monastères des villes procurera plus de 100 millions à Paris, et je l’estime, dans l’universalité des villes du rovaume, à ............... 160,000,000 liv. Les propriétés des religieux, des hôpitaux et des fabriques, en maisons de villes, doivent également être aliénées, sauf à payer aux hôpitaux et fabriques l’intérêt à 4 0/0 du prix de ces aliénations, pour les propriétés qui les concerneront, et j’estime que ce prix de vente s’élèvera au moins à ..... 40,000,000 À reporter... 200,000,000 liv. Report ....... 200,000,000 liv, De plus, l’assemblée nationale a décrété la faculté du rachat des cens, rentes foncières, terrages, champarts, droits de mutation et autres droits féodaux de toutes sortes; cette faculté doit s’étendre aux propriétaires qui sont grevés de ces droits, en faveur des biens du clergé, des hôpitaux et des fabriques ; il est donc juste d’autoriser ces rachats, sous condition que le prix en sera versé dans la caisse nationale, sauf à tenir compte aux hôpitaux et fabriques de l’intérêt à 4 0/0 des rachats qui les concerneront. J’ignore à quoi pourront s’élever ces rachats ; mais je me persuade qu’ils fourniront un capital au moins de ........... 40,000,000 Total de cet article . . . 240,000,000 liv, Il conviendra d’adopter, pour la vente et les rachats qui viennent d’être énoncés, les mêmes facilités que pour les bois et domaines de la couronne. Les dépôts et consignations retiennent dans les caisses de séquestre des capitaux perdus pour la circulation, qui ne produisent aucun intérêt en faveur du débiteur malheureux et de son créancier, qui même diminuent à leur préjudice, dans la proportion des attributions allouées aux dépositaires. Je propose sur la législation des hypothèques et sur les dépôts et consignations, une régie très-utile, très-favorable aux débiteurs, à leurs créanciers, et qui ne peut manquer d’obtenir le vœu général (1). Cette régie affranchit les sommes déposées des attributions qui se prélèvent sur les capitaux ; elle accorde un intérêt de 2 1/2 0/0, en faveur de ceux qui auront droit aux sommes déposées ; elle garantit des pertes qui sont, dans l’état actuel, la conséquence de l’inconduite et de l’insolvabilité des dépositaires, et procure à la caisse nationale le fonds habituel des dépôts et consignations, dont les capitaux, d’après l’assertion des personnes instruites dans cette partie, forment un objet de ......... 100,000,000 liv. Il est évident que la caisse nationale aura constamment la disposition de ce capital, attendu que les paiements des sommes déposées à ceux qui y auront droit seront habituellement remplacés par de nouvelles consignations. ün peut fortifier ces ressources par une nouvelle consignation, qui facilitera l’exécution du décret de l’Assemblée nationale concernant la suppression des droits féodaux de toutes sortes. Il serait juste de procéder à la liquidation de ceux qui appartiennent à des seigneurs particuliers ; la nation leur en payerait l’intérêt jusqu’au remboursement, et recevrait le prix des rachats qui serait versé dans la caisse nationale. Cette opération serait très-utile pour les (1) Voy . le mémoire sous le n° 11 des pièces justificatives de la motion de M. le baron d’Allarde, sur un nouveau régime de finances. 187 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 novembre 1789.] redevables et les propriétaires de droits féodaux; mais jusqu’à ce que cette proposition soit acceptée, je ne dois estimer cette ressource, que pour (1) ............ Mémoire. Eu rapprochant ces différents articles, la caisse nationale aura à sa disposition un fonds disponible de 1,220,000,000. Ce capital ne sera point en espèces ; il rentrera dans le cours de dix années ; mais il est évident que la taxe patriotique, les dépôts et consignations, les soultes d’échange, et le quart ou environ des prix d’aliénations et rachats que je viens d’énoncer, procureront au moins, dans le cours de 1790, un capital de 400 millions. On ne disconviendra pas que ce capital employé au remboursement des rentiers viagers, qui le préféreront à la reconstitution, et que le secours d’emprunts, constamment ouverts par la voie de la reconstitution, opéreront sur-le-champ l’extinction absolue des rentes viagères actuellement existantes ; qu’ainsi la nouvelle forme d’administration ne sera plus grevée du poids de ces rentes immorales, et qui doivent à jamais être proscrites par un bon gouvernement. 11 en sera de même des assignations par lesquelles je propose d’anéantir les titres divers de créances exigibles ou remboursables à époques fixes : il est sensible que la caisse nationale aura, tant par les capitaux que lui procureront, dans le cours de 10 années, les aliénations et rachats ci-devant énoncés, que par la voie de reconstitution, et par les fonds d’amortissement dont je vais incessamment parler, les moyens de procéder à leur prompt remboursement, et que dans le terme de 2 à 3 ans au plus, il ne subsistera d’intérêts qu’aux taux de 4 0/0. Il n’est personne qui puisse contester cette vérité ; car il n’est pas douteux que les capitalistes qui seront appelés à remboursement rapporteront leurs capitaux, au moins en grande partie, à la caisse nationale, qui leur offrira plus de sûreté, un emploi plus utile, que celui qu’ils trouveraient chez les autres nations. J’ai démontré que la masse des intérêts de la dette publique s’élèverait à la somme de ......................... .. 247,177,000 liv Je viens d’exposer que les ressources de la caisse nationale procureront un capital de 1,220 millions qui permetra d’éteindre des capitaux, ou procurera un revenu de ....... . . . 61,000,000 Ainsi la dépense pour la dette - publique sera réduite à ....... 186,177,000 liv. Mais en peu de temps l’intérêt de la dette sera borné à 4 0/0 et diminuera conséquemment d’un cinquième le résultat ci-dessus ........ ...... 37,000,000 Conséquemment l’intérêt de la dette publique n’exigera plus dans le terme de 2 à 3 années qu’une dépense de ............ 146,177,000 Cependant afin d’éviter toutes - bases hypothétiques, je porterai cet article de dépenses à ..... 186,000,000 liv. ( (1) Je donnerai des observations propres à faciliter l’ exécution du décret de l’Assemblée nationale, concernant le rachat des cens, renies foncières, terrages, champarts et droits féodaux. ART. 4. Fonds d’amortissement applicable , ÉN TEMPS DE PAIX, aux remboursements des capitaux de la dette ; destiné , EN TEMPS DE GUERRE, aux secours extraordinaires que ces circonstances exigent. Il résulte de l’exposé de la lrft partie, que le désordre des finances ne doit son origine qu’à l’imprévoyance continuelle du ministère pour assurer les ressources extraordinaires que la guerre exige. L’expérience du passé nous avertit de la nécessité de parer à de pareilles imprudences ; on doit également pourvoir aux moyens d’éteindre graduellement la dette actuelle, et ces considérations me déterminent à comprendre au nombre des dépenses annuelles une somme fixe de 50 millions, qui formera le fonds primitif d’amortissement : recherchons quel doit être son emploi, soit en temps de paix, soit en temps de guerre. Emploi du fonds d’ amortissement en temps de paix. Ce n’est point à la fixation des dépenses de l’administration, au payement des intérêts de la dette que les représentants de la nation doivent mesurer la somme des tributs que les peuples supporteront. Il faut, en temps de paix, s’occuper des moyens de libération ; et c’est à cet effet que je propose un fonds d’amortissement de 50 millions. Ce fonds permettrait le remboursement de 50 millions de capitaux dès la première année, et se fortifiant annuellement de l’intérêt des capitaux remboursés, il serait, à la révolution de dix années, de plus de 80 millions; il assurerait la très-prochaine et parfaite libération de l’Etat; il préparerait à nos descendants la perspective d’un soulagement énorme sur le poids des contributions, lorsqu’ils n’auraient plus qu’à pourvoir aux dépenses à la charge du pouvoir exécutif et à celles de l’administration. Mais la justice demande qu’une partie des accroissements qui dériveront du remboursement des capitaux soit appliquée au soulagement actuel des peuples : d'ailleurs il est juste que les impôts, qui seront établis dans la proportion des charges de l’Etat, décroissent annuellement dans la même proportion que ces charges. D’après ces considérations, je propose d’affecter, sur les accroissements que prendra le fonds d’amortissement dans la proportion de l’intérêt des capitaux remboursés, un soulagement d’un million par année à la réduction de l’impôt sur les propriétés; en sorte qu’il sera diminué d’un million en 1792, de deux en 1793, de trois en 1794, et ainsi de suite jusqu’à ce 'que l’impôt de propriété, que je proposerai, dans la troisième partie, de fixer à 200 millions, soit réduit à 150 millions; mais sous condition : 1° que la réduction d’un million par année sera appliquée au soulagement des provinces qui, dans le principe , se trouveraient taxées supérieurement aux autres, et ce jusqu’à ce que la proportion, relative aux facultés, soit parfaitement établie entre toutes les provinces ; 2° que les réductions progressives d’un million par année, sur l’impôt de propriété, n’auront lieu qu’en temps de paix ; et qu’à l’ouverture des hostilités, l’impôt de propriété sera maintenu, pendant le cours de la guerre, au taux 188 [21 novembre 1789.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. où il se trouvera à l’époque des hostilités ; eu sorte que, si, par supposition, une guerre se déclare en 1797, l’impôt de propriété, qui ne sera diminué que de 5 millions pendant les 5 années précédentes, sera perçu à raison de 195 millions pendant la guerre, et ne protitera du bénéfice de la nouvelle réduction qu’au retour de la paix. Le fonds d’amortissement augmentera donc annuellement de l’intérêt des capitaux remboursés à la déduction de 1 million par année, applicable à la modération de l’impôt de propriété, et sera conséquemment de 60,000,000 livres, à la révolution de 5 années, de 70,000,000 livres à celle de dix années, et ainsi de suite. Cette progression est rapide; mais combien ne sera-t-elle par fortifiée, lorsque le crédit et la confiance faciliteront les remboursements par la voie de la reconstitution à 4 0/0 ? J’ai fait connaître que cette opération diminuera de plus de 30 millions la masse des intérêts : j'ai prouvé qu’elle sera facile, qu’elle n’est point problématique, et que la reconstitution générale de la dette à l’intérêt de 4 0/0, sera vraisemblablement opé-rée dans le cours de deux à trois années : dès lors ii est évident que le fonds d’amortissement ne tardera pas à être de 100 millions, et qu’il s’élèverait à beaucoup plus à la révolution de 10 années. Que l’on calcule, s’il est possible, les ressources immenses d’un pareil fonds d’amortissement! Mais on ne doit pas oublier que ce fonds cessera d’être employé, pendant la guerre, au remboursement des capitaux de la dette; que, pendant le cour des hostilités, il doit être spécialement affecté aux dépenses que ces circonstances exigent : considérons-le maintenant sous ce rapport intéressant. Emploi du fonds d'amortissement en temps de guerre. Lorsque la guerre entraîne des dépenses extraordinaires, il est imprudent de s’occuper de l’amortissement de la dette ; ce serait une conduite très-impolitique que de rembourser dans le temps où la nécessité contraint de recourir soit à l’emprunt, soit à l’impôt. Ainsi je propose : 1° de suspendre en temps de guerre tous les remboursements de capitaux qui seront affectés sur le fonds d’amortissement, et de borner la dépense relative à la dette au payement des intérêts; 2° de suspendre également les réductions sur l’impôt de propriété ; 3° de verser le fonds libre de l’amortissement au Trésor royal, pour subvenir à l’accroissement des dépenses du pouvoir exécutif en temps de guerre; 4° d’autoriser les administrateurs de la caisse nationale à faire des emprunts dans la proportion de l’insuffisance du fonds libre pour les temps de guerre, avec faculté d’affecter le fonds d’amortissement, tant à l’intérêt qu’au remboursement de ces emprunts, et sous condition que ces administrateurs ne pourront stipuler les remboursements, que pour le retour de la paix. Qu’il me soit permis de présenter quelques réflexions sur la marche de cette opération. 1° Je suppose qu’un secours extraordinaire de 100 millions, en temps de guerre, sera suffisant, lorsque la certitude de ce secours permettra les achats au comptant, n’exposera plus à des crédits, à des conditions onéreuses, et permettra sur ses dépenses l’économie que le pouvoir exécutif est dans l’intention d’apporter sur celles de divers départements. 2° J’admets que la guerre se déclare dans 5 années, époque à laquelle il est vraisemblable que la totalité de la dette sera reconstituée à l’intérêt modéré de 4 0/0. 11 est évident qu’à cette époque le fonds d’amortissement, fortifié de ses accroissements, sera au moins de 80 millions ; il y aura donc insuffisance de 20 millions, pour subvenir aux dépenses de la guerre. 3° Il est constant que les temps de guerre demanderaient plutôt des soulagements, que des accroissements d’impôts ; ainsi la politique, l’humanité veulent également que l’on renonce à des augmentations de contributions : il sera donc nécessaire de recourir à l’emprunt dans la proportion de l’insuffisance. 4° J’admets que la durée de la guerre soit de huit années ; ii sera nécessaire d’emprunter, tant pour l’insuffisance du fonds d’amortissement que pour les intérêts de nouveaux emprunts, environ 200 millions; et si l’on suppose que l’intérêt de ces nouveaux emprunts soit stipulé au taux de 5 0/0 sans retenue, il est évident que le fonds d’amortissement de 80 millions, subsistant à l’ouverture des hostilités, sera réduit, au retour de la paix, à 70 millions. 5° Trois années de paix suffiront et au delà pour le remboursement des 200 millions empruntés pendant la guerre, pour subvenir à l’in ¬ suffisance du fonds d’amortissement et si la nouvelle paix dure dix années, il est certain que les accroissements naturels du fonds d’amortissements, dans les proportions de l’intérêt des capitaux remboursés, le porteront à plus de 100 millions, à l’ouverture de nouvelles hostilités, en sorte qu’une seconde guerre serait soutenue sans qu’il fût nécessaire de recourir à l’emprunt et d’asseoir de nouvelles contributions. Ces réflexions prouvent toute l’utilité d’un fonds d’amortissement, qui perdra ce caractère pendant le cours des hostilités, affranchira la nation de la surcharge de nouveaux impôts, conservera toujours la balance entre la recette et la dépense, et pourvoira aux dépenses de la guerre, sans difficulté, sans désordre, sans confusion; parla simple suspension des remboursements, par de modiques emprunts dans la proportion de l’insuffisance du fonds d’amortissement. En rapprochant toutes les parties de la dépense, elles seront, savoir : Dépenses à la charge du pouvoir exécutif .......... 165,000,000 liv. Dépenses d’administration à la charge des assemblées provinciales et de la caisse nationale. 60,000,000 Dépenses de la caisse nationale, pour les intérêts de la dette publique, compensation faite des intérêts qui serout éteints ou remplacés parl’aliénation des domaines et bois de la couronne, et des apanages par la vente des monastères, des villes, etc. . . 186,000,000 Fonds d’amortissement. . . . 50,000,000 Total ........ 461,000,000 liv. Il faut y ajouter l’indemnité de 4 0/0 qui sera due aux princes apanagistes, aux hôpitaux A reporter ........ 461 ,000,000 liv. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 novembre 1789.] 189 Report ...... 461,000,000 liv. et fabriques, pour raison du prix de l’aliénation des domaines et bois de leurs apanages ou de leurs propriétés, ainsi que l’intérêt de 2 1/2 0/0, qui sera payé sur les capitaux provenant des dépôts et consignations ........ 5,000,000 En sorte que, pour subvenir à toutes les dépenses, pour asseoir un fonds positif d’amortissement, il est nécessaire d’obtenir un revenu net de ................ 466,000,000 liv. TROISIÈME PARTIE. De l’organisation de l'impôt, de la qualité des contributions, du mode de leur perception. J’ai démontré dans la seconde partie, qu’en organisant la dette, en affranchissant la nation du poids énorme des rentes viagères, dont les extinctions seraient très-lentes pendant 20 à 30 années ; en convertissant en assignations solides sur la caisse nationale les engagements inconsidérés et contractés par le discrédit, la dépense générale serait réduite à une somme fixe de 416 millions ; mais qu’au moyen de cette fixation, il serait pourvu à l’exécution des décrets de l’Assemblée nationale concernant la justice gratuite et de la suppression de la vénalité des charges, aux frais et dépens des Assemblées nationales, à l’indemnité des propriétaires des dîmes inféodées dont la suppression est une conséquence du décret portant abolition des dîmes ecclésiastiques, sauf aux redevables des dîmes inféodées à contribuer au remplacement dans la proportion qui sera jugée convenable. J’ai dit en même temps que la prudence demandait impérieusement la détermination positive d’un fonds d’amortissement, applicable, en temps de paix , au remboursement de la dette, suffisant pour subvenir, en temps de guerre, aux dépenses que ces circonstances exigent, sans le secours de nouvelles contributions. Au moyen de ces dispositions, la dépense générale est de 466 millions; il est donc nécessaire d’assurer un revenu égal, et qui ne soit susceptible d’aucune contradiction. 11 faut en même temps que les contributions qui donneront ce produit ne soient point immorales; qu’elles soient d’une perception simple, claire, facile et peu dispendieuse; qu’elles ne contrarient point l’agriculture, le commerce, et l’industrie. Tels seront les rapports sous lesquels je traiterai de l’impôt. J’observerai d’abord que le point le plus essentiel dépend de la division absolue de la recette en deux parties : l’une affectée au Trésor royal jusqu’à concurrence des dépenses à la chargé du pouvoir exécutif; Vautre destinée aux dépenses d’administration qui concernen t le pouvoir législatif, au payement des intérêts, de la dette, à son remboursement : cette partie de la recette doit appartenir à uue caisse nationale, dont les administrateurs, choisis par l’Assemblée nationale, ne seront comptables de leur gestion qu’aux représentants de la nation, et seront spécialement chargés des recouvrements, ventes et aliénations ci-devant énoncées, ainsique de la disposition du fonds d’amortissement. L’organisation de cette caisse mérite une attention particulière. Il est essentiel que cet établissement soit promptement décrété. Je ne me suis point fait illusion sur l’importance des fonctions qui seront confiées à ces administrateurs; j’ai pensé qu’il était convenable qu’elle fût tout à la fois caisse et banque nationale; que sous ce dernier rapport, elle procurât à l’agriculture, au commerce, les plus grandes facilités. Je m’en suis occupé concurremment avec un des honorables membres de l’Assemblée nationale : les détails seraient trop longs; ils sont consignés dans un mémoire particulier : les fonctions de la caisse; ses relations avec les trésoriers des provinces ; les moyens d’assurer le recouvrement des impositions ; les facilités qu’y trouveront les rentiers, les capitalistes, les propriétaires de terres, les négociants, y sont développés (1). Ainsi je me bornerai à observer que les bénéfices de la caisse comme banque nationale procureront au soulagement des contributions un produit annuel ou revenu au moins de 8,000,000 liv. 2° La législation actuelle des hypothèques est préjudiciable aux intérêts du propriétaire et de son créancier ; celle des dépôts et consignations est réellement barbare : j’ai concerté avec la même personne une nouvelle législation sur ces deux parties intéressantes, étrangères à l’impôt. Un mémoire très-détaillé donne, sur ces articles, tous les éclaircissements désirables (2). Ainsi je me contenterai d’observer : 1° que le propriétaire ne sera plus privé des ressources que doit naturellement lui procurer sa propriété ; 2° que le créancier ne sera jamais inquiet sur le sort de son hypothèque; 3° que les dépôts et consignations cesseront d’être un fonds mort, dépérissable entre les mains des séquestres, et souvent perdu pour le débiteur et le créancier ; que l’un et l’autre seront sans inquiétude sur le sort des dépôts auxquels ils auront droit, qui porteront même un intérêt modéré. Le produit de cette régie fera bénéficier la caisse nationale de plus de 5 millions; mais comme j’ai fait emploi, dans la partie précédente, du capital provenant des dépôts et consignations, je ne puis le porter ici que pour mémoire, puisque autrement ce serait un double emploi ; il ne restera donc que le produit de la régie des hypothèques, qui doit être évalué au moins à 2, 400*, 000 livres. 3° Le régime delà fiscalité doit nécessairement être banni de la perception ; chaque assemblée provinciale doit être chargée de l’assiette du recouvrement de ses impositions. Il est juste d’accorder le même avantage à la commune ou municipalité de Paris. Son abonnement (en lui allouant les reprises convenables pour ses dépenses personnelles , et qui seront à son compte } doit être fixé, d’après les détails qui ont été présentés, à 22,460,000 livres (3). 4° L’intérêt des sommes prêtées aux Etats et aux princes d’Allemagne sera , y compris les (1) Voy. le mémoire intitulé : Vues et réflexions sur l’organisation de la caisse nationale , n° 12 des pièces justificatives de la motion de M. le baron d’Allarde. (2) Voy. le mémoire intitulé : Réflexions sur la régie des hypothèques et sur les dépôts des saisies réelles, consignations et séquestres, n° 11, des pièces justificatives de la motion de M. le baron d’Allarde, (3) Yoy. Bases de V abonnement à faire avec la municipalité de Paris, n° 6, des pièces justificatives de la motion de M. le baron d’Allarde. <1Q0 [Assemblée nationale.] intérêts arriérés des Etats-Unis , qui prennent des arrangements pour les acquitter, au moins de (I ) ............. ...... ........ 1,900,000 liv. Le produit des monnaies et affinages .................... . • • • . 600,000 La régie des poudres et salpêtres, déduction faite des frais de contribution, entretien et réparations, au moins ........................ . 700,000 Total de cet article. . . . 3,200,000 liv. Ces quatre articles donnent un produit général de 36,709,000 livres; il ne reste donc plus à pourvoir qu’à une dépeûse de 430 millions de livres. Trois moyens d’y subvenir : 1° l’impôt indirect sur les consommations, sur les conventions, etc. ; 2° l’impôt direct sur les propriétés, sur les personnes et sur le luxe ; 3° l’impôt de remplacement des dîmes ecclésiastiques et inféodées. ARTICLE PREMIER. De r impôt indirect. J’entends par l’impôt indirect les contributions générales qui dépendent de l’aisance ou des volontés. Il faut que cet impôt soit assez bien combiné pour ne point laisser distinguer au consommateur la différence entre la valeur originaire de la denrée et le prix additionnel de l’impôt, car alors la différence provoque la fraude; le consommateur élude partie de l’impôt par le plus bas prix de la contrebande, mais il augmente sa surcharge puisque le fisc, ne pouvant compter que sur le produit effectif, multiplie les contributions dans la proportion du préjudice qu’il reçoit de la concurrence des fraudeurs. Il faut que la perception de cet impôt soit simple et facile ; qu’elle n’exige aucune inquisition domestique; qu’elle ne contrarie ni l’agriculture, ni l’industrie, ni le commerce , car autrement l’écu que perçoit la fiscalité ruine le fabricant, le cultivateur et le commerçant ; le découragement naît de la gêne; l’ordre social est troublé, tout est dans l’anarchie, dans la confusion. Sans ces précautions, l’impôt indirect est immoral, contraire à tous les principes de l’humanité, destructeur de l’agriculture et de l’industrie; ce sont ces vices qui frappent d’une proscription éternelle l 'infernal impôt de la gabelle, celui des aides, non moins odieux, et cette foule d’impôts indirects sur les cuirs, les fers, les huiles, les papiers et cartons, poudres et amidons, etc., preuves vivantes du danger qu’il y a de consulter, en fait d’impositions, le génie des financiers. C’est l’immoralité de l’impôt du tabac, relativement à ses funestes effets pour la balance du commerce, à la contrebande qu’il provoque, à la perte d’une branche de culture intéressante, à la quelle il s’oppose, qui sollicite l’abolition de cet impôt, ou ne permet son existence que sous le rapport de la fabrication. Il est donc nécessaire de n’admettre, en fait d’impôts indirects, que des perceptions à l’abri des reproches qui viennent d’être exposés : celles que je propose se partagent en quinze divisions. (1) M. le marquis de Montesquiou ne tire cet objet en recette que pour mémoire; mais il ne peut être problématique au moins pour les intérêts. [21 novembre 1789.] PREMIER OBJET. Droits de traites à la frontière et droits sur les marchandises des îles. Chargé depuis plus de dix ans de reprendre ce travail important sur les bases adoptées par M. Trudaine, j’ai dû répondre à la confiance dont le ministère a bien voulu m’honorer, j’ai dû prendre toutes les précautions convenables pour démentir toutes les assertions insidieuses de la ferme générale. Cette compagnie a toujours apporté la plus grande résistance à la réforme des traites ; ses agents ont fomenté des inquiétudes de la part de quelques provinces ; la ferme a donné des ombrages sur les produits ; elle n’a pas rougi de présenter les résultats de cette opération comme une perte de 10 à 12 millions ; enfin, au moment où l’exécution de cette réforme était convenue, décidée, au moment où elle était indispensable, relativement à l’exécution du traité de commerceavec l’Angleterre, denouvelles instance de cette compagnie y ont apporté un nouveau retard. J’en ai fait connaîlre les funestes effets dans la première partie de ce mémoire. Je ne me permettrai point une discussion sur une matière aussi étendue ; on trouvera tous les détails, toute l’exposition dans l’ouvrage que j’avais composé pour le ministère, que l’amitié d’un de mes frères a rendu public (1). J’observerai seulement : 1° que les droits du nouveau tarif sur les relations de la France avec l’étranger sont combinés sur les principes les plus favorables aux productions du sol et de l’industrie ; que ce tarif est exempt des vices de la fiscalité; que les matières premières sont affranchies de tous droits à l’importation ; que les manufactures, l’industrie, les productions du sol, ont le même avantage à l’exportation, ou ne sont imposées qu’à de modiques droits, qui ne peuvent nuire à leur débouché ; 2° que le commerce de spéculation, celui de commission, prohibés depuis un siècle par les efforts de la fiscalité, reparaîtront au moyen des facilités et du transit, qui feront gagner à notre commerce peut-être plus de 20 millions par année ; 3° que i’ordonnance ou le règlement pour la perception des droits ont été médités avec le plus grand soin; que je les ai concertés avec MM. de Mon-taran, Dupont, Boyetet et Paulze, sous la direction de M. de Fourqueux; que tout y est prévu pour la sûreté des perceptions, sans fatiguer le commerce par des formalités inutiles; 4° que les commerces particuliers des îles, de la traite des noirs, de l’Inde et de la Chine, du Levant et du Nord, y sont traités avec la plus mûre attention ; que je me suis appliqué à développer tous les moyens de les vivifier, de créer, pour ainsi dire, celui du Nord, qui est encore au berceau, et dont la France peut tirer les plus grands avantages pour la formation des matelots, le débit de nos productions, et les approvisionnements de la marine ; 5° que tous les droits bizarres, vexatoi-res, impolitiques, perçus à la fabrication, à la circulation, sont à jamais anéantis ; 6° que le nouveau régime des traites ne demande néanmoins aucun sacrifice important, et que la com-(1) Voy. mon ouvrage intitulé : Recherches et considérations nouvelles sur les finances , Ier volume, pages 209 et suivantes. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 191 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {21 novembre 1789.] pensation sera très-avantageusement opérée par les accroissements du commerce. Ainsi cette partie de l’impôt indirect est protectrice de notre agriculture, de notre commerce et de notre industrie : le comité de commerce et d’agriculture s’en occupe essentiellement; j’ose espérer que son examen prouvera que j’ai répondu dignement à la confiance dont j’ai été honoré; que le nouveau régime des traites sera très-incessamment mis en activité ; que la balance de notre commerce ne tardera pas à reprendre son ancienne splendeur. Le produit des droits de traites et dépendances, sera, déduction faite des frais de régie de toutes sortes, de ceux de gardes des côtes èt de la frontière, y compris le rétablissement du droit d’induit, de 25 millions (1). SECOND OBJET. Impôt du tabac. J’ai fait connaître, dans la première partie de ce mémoire, la nécessité de fortifier la balance de notre commerce, afin d’en obtenir une qui nous procure un accroissement de numéraire supérieur à l’exportation d’espèces que nécessitent les intérêts et les remboursements des capitaux que nous devons à l’étranger, pour raison de son intérêt dans les emprunts effectués. J’ai proposé comme moyen infaillible, positif , de nous affranchir du tribut que nous nous sommes imposé vis-à-vis de l’étranger , pour l’approvisionnement des tabacs qu’il vend à la ferme générale, pour prix de ceux que la contrebande introduit; j’ai dit que cet affranchissement était facile, qu’il ne préjudicierait nullement à la consommation, qu'il procurerait à plusieurs provinces une nouvelle branche de culture, d’autant plus intéressante, qu’il est généralement avoué, reconnu, que le tabac du crû de quelques provinces serait d’une qualité supérieure à celui des Etats-Unis, et qu’ainsi nous acquerrions une nouvelle branche d’exportation; j’ai avancé que, par ces divers moyens, la balance de notre commerce serait fortifiée de 15 millions à notre avantage, et je ne crains point d’être taxé d’exagération. A cette considération importante, je puis ajouter : 1° que le nouveau régime des traites ne sera plus susceptible d’exception en faveur de la province d’Alsace ; qu’il serait nécessaire de laisser cette province libre du côté de l’Espagne , si l’impôt du tabac continuait d’exister sous le régime actuel, parce qu’il serait barbare, impolitique de la priver d’une culture dont elle tire les plus grands avantages; 2° qu’il est essentiel de supprimer les barrières locales qui séparent la Flandre et l’Artois de la Champagne et de la Picardie ; mais que ces provinces étant exceptées du privilège de la vente exclusive du tabac, ayant la liberté de cette culture, il serait indispensable, ou de laisser subsister des lignes d’employés sur les limites de l’Artois et du Gambrésis (1) La partie des traites ne doit jamais être considérée sous le point de vue des intérêts du fisc. Pour gagner 2 ou 3 millions, il faudrait ruiner nos fabriques et manufactures : les représentants de la nation penseront différemment de la ferme, qui n’a de thermomètre de la propriété de l’Etat que la force des perceptions, et qui ne s’inquiète pas du préjudice qu’elles causent à l’agriculture, au commerce, à l’industrie. pour empêcher les versements du tabac, ou d’en supprimer la culture dans Ja Flandre, l’Artois , le Catnbrésis et le Hainaut , ce qui pourrait exciter des plaintes et des réclamations. En rendant , au contraire, commune à toutes les provinces la culture du tabac, toutes les difficultés disparaissent; le nouveau régime des traites n’a plus besoin d’exception ; la surface entière du royaume est entièrement délivrée de ces légions d’employés , qui nous représentent sans cesse le tableau de la misère, de l’esclavage et de la servitude la plus intolérable. Tout provoque donc un décret qui, dérogeant aux règlements rendus depuis 1719, autorise généralement la culture du tabac, l’encourage et nous délivre à jamais du tribut honteux que nous nous sommes imposé pour prix d’une matière première que nous avons la faculté de multiplier au gré de nos besoins. Mais il faut pourvoir au remplacement du produit qne procure la vente exclusive du tabac; ce produit est dans l’état présent de 30 millions ; un traité plus avantageux pour la fourniture des tabacs, la faculté de la vente du tabac râpé dans les provinces où l’usage en est interdit, porteraient ce produit à 32 millions ; il est est donc utile d’opérer une compensation jusqu’à concurrence de 32 millions. J’ai prouvé d’une manière irrésistible : 1° que le remplacement, par un accroissement sur l’impôt de propriété, serait injuste, en ce qu’il serait supporté par les propriétés dont le soi ne permettrait pas ce genre de culture; 2° qu’il serait impossible de l’affecter sur les terres ensemencées en tabac, parce que, le cultivateur ayant alors à se récupérer de l’impôt, le prix du tabac s’élèverait à un taux qui ne permettrait point l’exportation, qui provoquerait la concurrence de la fraude; parce que les provinces où la culture en. est permise refuseraient de payer cet impôt , quoiqu’il fût juste de les y assujettir, puisque leurs tabacs passeraient dans l’universalité du royaume ; 3° que ce remplacement ne pourrait être demandé par addition à l’impôt personnel de la capitation ; parce que le tabac étant un impôt volontaire, qui dépend du caprice ou des facultés, il serait injuste de le convertir en une contribution forcée, à laquelle serait assujetti le citoyen qui ne fait point usage des tabacs , soit par volonté , soit à défaut de facultés (1). Il faut donc renoncer au remplacement de l’impôt du tabac par les divers moyens que je viens d’indiquer: il faut en chercher qui seraient exempts de tous inconvénients. A cet effet, je propose: 1° de permettre et d’encourager la culture du tabac en France, sans que les propriétés qui y seront employées, soient grevées d’un surcroît d’impôt; 2° de laisser libre tant à l’exportation qu’à la circulation, le commerce du tabac en feuilles; 3° de prohiber l’importation des tabacs en feuilles aussitôt que la culture du tabac en France sera correspondante à notre consommation; 4° de réserver la fabrication du tabac en rôles et carottes, même du tabac râpé, à une régie pour le compte de la nation, à la charge de ne pouvoir y employer que des tabacs récoltés en France ou dans nos (1) Voy. le mémoire sur l’impôt du tabac, dans mon ouvrage intitulé : Recherches et considérations nouvelles sur les finances, Ier volume, pages 168 et suivantes. 192 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 novembre 1789.] colonies, lorsque cette culture sera assez abondante ; 5° de fixer à trente sous la livre, le prix auquel cette régie pourra vendre le tabac en rôles, carottes et râpé; 6° de charger les assemblées provinciales de veiller à ce qu’il n’y ait aucunes fabriques particulières autres que celles qui seront établies pour le compte de la nation. En prenant ce parti il est évident: 1° que la culture du tabac sera promptement en activité, puisque les cultivateurs seront assurés du débit de leurs productions ; 2° que la contrebande sera, dans le fait impossible, puisque le prix du faux tabac coûterait au moins 20 sous la livre aux contrebandiers, et que les consommateurs ne trouveraient point un avantage à lui donner la préférence sur du tabac de meilleure qualité; que d’ailleurs les risques de l’introduction ne seraient pas compensés par un bénéfice équivalent ; 3° que la fabrication exclusive ne serait point dans le cas de souffrir des fabrications particulières, parce que les assemblées provinciales de district et de municipalité ne manqueront pas de moyens pour s'opposer à l’établissement de fabriques particulières. J’ajouterai que les fabriques de tabac peuvent être sous l’inspection immédiate des assemblées provinciales ; que le débit du tabac râpé en rôles, en carottes, n’exigera aucune régie, qu’il doit être libre et commerçable; que tous particuliers qui voudront se livrer à ce genre de commerce pourront le faire, et prendre directement aux fabriques les quantités de tabac qu’ils désireront, au prix de 30 sous la livre, sauf à ceux qui le débiteront à l’augmenter dans la faible proportion de leurs bénéfices naturels et des frais de transport. J’observerai enfin que les assemblées provinciales veilleront à ce que les directeurs des manufactures de tabac versent leurs fonds entre les mains des trésoriers généraux, à la déduction de leurs traitements, des frais d’achats et de fabrication. On pourrait peut-être objecter contre cette proposition que les provinces d’Alsace, de Franche-Comté, de Flandre, Artois, Hainaut et Gambrésis seraient en droit de réclamer contre la vente des tabacs fabriqués au prix de 30 sous la livre; mais cette objection ne serait pas fondée : 1° la culture du tabac dans ces provinces augmentera prodigieusement; et ce sera une compensation avantageuse de l’impôt; 2° le débit et l’usage du tabac en feuilles seront libres; ainsi que le tabac à fumer ( principale jouissance du pauvre et de V habitant des campagnes) sera franc de tout impôt ; 3° la ferme vend actuellement 50 sous la livre le tabac en Franche-Comté, province qui ne fait point partie du privilège exclusif, et cette vente est du tiers au moins de la consommation de la province. En Flandre, en Artois, le prix du tabac fabriqué est de 24 sous la livre, et ce tabac n’est pas de bonne qualité: celui de la régie à 30 sous la livre serait certainement préféré. il n’est donc question que de rechercher quel pourrait être le produit du prix de 30 sous la livre de tabac pris dans les fabriques ou manufactures qui seront établies pour le compte de la nation. La consommation actuelle de la vente exclusive est d’environ 10 millions; l’Alsace, la Franche-Comté, la Fiandre, l’Artois, le Hainaut et le Gambrésis ne sont point sujets à l’impôt du tabac; ces provinces forment à peu près le dixième de la population. Les introductions de la contrebande sont très-considérables; d’ailleurs le haut prix du tabac s’oppose aux progrès de la consommation: ainsi je ne crains pas d’être taxé d’exagération en évaluant que la consommation en tabac fabriqué s’élèvera à 20 millions de livres lorsque l’impôt sera général et que le prix du tabac sera modéré à 30 sous la livre. Les prix d’achat (modiques, lorsque le tabac fera partie des productions du sol) et les frais de fabrication, y compris les traitements des employés, n’ excéderont pas 10 sous la livre; ainsi une consommation de 20 millions donnera un produit net de ........ . ........ 20,000,000 liv. Mais il faut en distraire la garde des côtes et de la frontière, à la charge du tabac, objet de. . . 4,000,000 Le produit effectif sera réduit à 16,000,000 liv. Il ne sera donc plus nécessaire que d’une compensation de 16 millions; on la trouvera facilement dans l’impôt de remplacement des dîmes, dont je traiterai incessamment; conséquemment, l’impôt du tabac, comme impôt indirect, ne donnera qu’un produit de ........... 16,000,000 fr. TROISIÈME OBJET. Droit de péage par terre et de navigation sur les rivières. Il n’est point de droits plus onéreux que ceux qui, dans l’état présent, sont levés sur le transport des marchandises, sous le nom de péages, et sont perçus au profit du Roi, des engagistes, des communautés, d’abbayes, de bénéfices, et de particuliers : ces droits sont multipliés à l’excès; il dérivent, sans exception, du régime proscrit de la féodalité; ils sont possédés sous des conditions qui ne sont point remplies par les propriétaires; leur perception est obscure, bizarre, arbitraire ; elle est encore plus accablante que celle des droits de circulation dépendant de la régie des traites ; c’est beaucoup dire, mais le fait n’est pas moins vrai, on en sera convaincu par la lecture du mémoire que j’ai rédigé sur cette partie (1). Il en est de même des droits de minage : M. Lambert, contrôleur général, m’a remis, sur la perception de ces droits, des détails curieux et qui font connaître le préjudice énorme que leur existence cause à l’agriculture, au commerce des grains; je les ai pareillement développés (2). De pareils droits sont d’une immoralité, d’une gêne, d’une vexation, qui les rend incompatibles avec la liberté, sans laquelle le commerce et l’agriculture n’auront jamais l’activité désirable : il est donc utile, même nécessaire de les supprimer. Mais ces suppressions exigeront des indemnités, une compensation de produits pour le fisc : nous ne sommes pas assez riches pour consentir l’abolition de tous les droits onéreux, sans remplacement ; il serait impolitique de les opérer par un accroissement d’impôt sur les propriétés : ainsi nul inconvénient de conserver des impôts indirects, lorsque leur perception peut s’allier avec la liberté du commerce, lorsqu’elle ne présente aucune difficulté; lorsque la quotité du droit est (1) Voy. le mémoire sur les droits de péage, page 458, Ier volume de mon ouvrage intitulé : Recherches et considérations nouvelles sur les finances. (2) Voy. Observations importantes sur les droits de minage, page 521, Ier volume du même ouvrage. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 novembre 1789.] 193 si faible qu’elle ne peut influer que d’une manière absolument insensible sur les valeurs premières ou sur les frais de transport. Ces considérations m’ont fait penser que les droits de péage et de minage pouvaient, sans charge pour le commerce, sans entraves pour la circulation, être commués en un droit uniforme et général de péage par terre, et de navigation sur les rivières. J’éviterai toute discussion sur cet objet ; je l’ai présenté dans tous ses détails, à la suite du plan de réforme des traites (1). J’observerai seulement: 1° que la perception du droit n’exigera ni visites, ni retards dans les transports ; 2° que sa quotité ne sera point arbitraire, qu’il sera trop modique pour influer sur les prix des voitures; 3° que le mode de sa perception contribuera au soulagement de la prestation par laquelle les corvées sont heureusement remplacées, ainsi qu’au meilleur entretien des routes; 4° que son produit, déduction faite des frais de perception et de régie, sera au moins de ........ ..... ; ..... 8,000,000 liv. QUATRIÈME OBJET. Ferme des postes et des messageries. Les postes sont une ferme séparée de celle des messageries; il n’est personne qui ne reconnaisse combien cette division est impolitique. Depuis que la manie des améliorations sur la régie des messageries s’est emparée des agents du ministère, il en coûte à l’Etat plus de 20 millions en folles dépenses, en pensions, indemnités, gratifications, etc. aux anciens fermiers, aux régisseurs, aux nouveaux fermiers, etc., etc. Il est temps d’arrêter le cours de cette mauvaise administration, en réunissant les messageries à la ferme des postes, qui sous-affermera les routes à des particuliers, comme avant 1774. Le produit de ces deux parties est, déduction faite des reprises sur la ferme des postes, de 12,600,000 livres ; on prétend que cette ferme serait susceptible d’une très-forte augmentation, si le port des gros paquets était diminué ; je le crois aisément, et la chose serait facile si la réunion des messageries aux postes était effectuée. Mais une amélioration non moins certaine serait la conséquence de la réunion des postes à la régie des traites : ce moyen préviendrait efficacement les fraudes qui sont commises par les courtiers ; cette considération mérite d’autant plus d’égard que la fraude des courtiers n’est pas moins préjudiciable à nos manufacturiers qu’aux produits affectés à la dépense de l’Etat. Il est d’ailleurs probable que le prix de ferme est susceptible d’accroissement. Ainsi, au moyen des bonifications que je viens d’indiquer, et de l’augmentation naturelle sur le prix de bail de la ferme des postes, j’estimerai le produit net de cet article à 16 millions. CINQUIÈME OBJET. Loteries. Cette partie du revenu public ne peut être excusée que par l’importance de son produit, et (1) Voy. le mémoire sur les droits de péage, et leur remplacement, page 458, Ier -volume de mon ouvrage. lre Série, T. X. par la crainte que la suppression des loteries n’influant sur la balance de notre commerce, ne provoque une nouvelle cause de déperdition de numéraire, dans la proportion des mises qui seraient effectuées au profit des loteries étrangères. Il est donc utile, il est peut-être nécessaire de conserver les loteries, jusqu’à ce que les opérations de la caisse d’amortissement en permette le sacrifice, jusqu’à ce qu’une balance de commerce avantageuse autorise le risque d’une extraction de numéraire dans la proportion des bénéfices que ferait l’étranger sur les mises effectuées à son profit. Cet article de produit n’a jamais été évalué au-dessous de 9,600,000 livres ; mais le premier ministre des finances a amélioré cette branche de revenus, en admettant les mises jusqu’à la veille du tirage : opération au moyen de laquelle les bureaux clandestins ont été privés de leurs spéculations ; j’ignore quels sont les bénéfices de cette opération : ils doivent être considérables, puisque M. Necker porte en recette le produit des loteries pour 14 millions ; je me contenterai de l’évaluer, déduction faite des reprises, frais de régie et traitement des régisseurs, à 12 millions. SIXIÈME OBJET. Droit sur les cartes à jouer. Le droit sur les cartes à jouer à été imaginé par le génie fiscal pour former la dotation de l’école royale militaire; on a pensé que cet impôt sur les plaisirs du riche et de l’homme aisé était un moyen très-convenable de pourvoir à l’institution de la jeunesse élevée pour la défense de l’Etat. Sous ce point de vue, l’impôt n’est certainement pas immoral ; mais le régime destructeur de la fiscalité a poursuivi, tyrannisé cette branche d’industrie ; elle a tombé de moitié ; nous vendions autrefois une très-grande quantité de cartes à l’étranger ; l’impôt des papiers et cartons a commencé par renchérir la fabrication ; le droit sur les cartes en a porté la valeur à un taux qui ne permettait que faiblement l’exportation ; elle n’existe plus, depuis l’établissement des 10 sous pour livre, en 1771 en 1781. Conserver le produit de l’impôt sur la consommation nationale, ce sera conserver un impôt juste, qui n’excite ni plaintes ni murmures de fa part des consommateurs ; mais il faut affranchir les fabricants de cartes des inquisitions auxquelles la régie les assujettit ; il convient de favoriser l’exportation des cartes fabriquées en France. A cet effet, je propose : 1° de remplacer la régie actuelle par des abonnements avec les maîtres cartiers; leur recouvrement sera fait, presque sans frais, par les préposés à la perception des impositions, dont l’assiette sera confiée aux assemblées provinciales ; 2° de fixer le prix de ces abonnements conformément au produit actuel du droit sur les cartes, sans déduction des frais de régie, et de leur abandonner, sans compensation le bénéfice de la suppression du droit sur les papiers et cartons ; 3° d’accorder à l’exportation des cartes une prime de sortie proportionnelle à la quotité du droit ; et j’observe que cette prime ne coûtera rien ou très-peu de chose à l’Etat, au moyen de la fixation des abonnements dans la proportion du produit brut, parce que 13 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 novembre 1789.] [Assemblée nationale.] dès lors le montant des frais de régie actuels fera face aux primes d’exportation. En adoptant ce parti, l’Assemblée nationale conservera un revenu assez important ; elle vivifiera néanmoins cette branche d’industrie ; elle accroîtra la masse de nos exportations. Le produit brut du droit sur les cartes à jouer est de 1,800,000 livres. Les primes d’exportation formeront peut-être un objet de 300,000 livres. Ainsi je me contenterai d’évaluer le produit effectif de cet impôt à 1,500,000 liv. SEPTIÈME OBJET. Droit de la marque d'or et d'argent. Ce droit est utile pour assurer le titre des métaux employés par les orfèvres et autres ouvriers en argenterie et bijouterie. La forme de perfection est odieuse et vexatoire ; mais elle cessera d’avoir ce caractère en prenant Je parti d'abonner le droit au corps des orfèvres : ils seront intéressés à empêcher les abus et la fraude dans le titre des matières employées -, et le prix d’abonnement sera, sans difficulté, souscrit au taux du produit brut que la régie retire, par ses vexations, du droit de marque d’or et d’argent. Ce produit brut est de 800,000 livres ; les orfèvres de Paris offraient, en 1788, d’abonner la perception au prix de 1 million : ils seront traités favorablement, en se contentant d’un abonnement général pour l’étendue du royaume de 800,000 liv. HUITIÈME OBJET. Vente exclusive des sels à la Savoie, Genève, la Suisse et l’Allemagne. Des traités nous obligent de fournir à la Suisse une quantité de sels déterminée ; la Savoie, Genève, une partie de l’Allemagne n’ont de ressource que la France pour l’approvisionnement de cette denrée de première nécessité. Le commerce du sel n’étant point libre en France, la fourniture du sel aux pays étrangers qui viennent d’être indiqués faisait partie de la ferme des petites gabelles, et de celle des gabelles locales ou des salines. La Savoie, Genève et le Valais reçoivent les sels marins des salins de la Méditerranée : la Suisse et l’Allemagne sont approvisionnées en sels des salines de Franche-Comté, Lorraine et Trois-Evôchés : le sel de ces salines, par l'emploi des bois affectés à leur entretien, revient à un taux plus élevé que ne serait le prix des sels de l’Océan ou de la Méditerranée, rendu dans ces provinces, et néanmoins ce sel est d’une qualité fort inférieure à celle du sel marin. La suppression de la gabelle ne s’oppose point à ce qu’une compagnie d’entreprise pour l’achat et le transport des sels ait le privilège exclusif de la vente à la Savoie, Genève, le Valais, la Suisse et l’Allemagne. Le prix de cette vente exclusive formera une petite ferme particulière, dont le produit sera au moins de. . 800,000 liv. NEUVIÈME OBJET. Contrôle des exploits. On doit espérer que le nombre des exploits diminuera par la suppression des dîmes, des droits féodaux et de la fiscalité ; mais d’un autre côté, la renonciation à tous privilèges ne permet plus de conserver l’exemption du droit de contrôle aux provinces qui en sont actuellement affranchies : ainsi le droit de contrôle des exploits sera vraisemblablement d’un produit égal à la perception actuelle, objet de. . . 3,785,000 liv. J’évalue les frais de régie de toutes sortes, et les bénéfices des administrateurs, environ à 2 sous pour livre de ce produit ; dès lors je n’estimerai cet artice qu’à ..... 3,400,000 liv. DIXIÈME OBJET. Contrôle des actes. Le tarif qui règle la perception du droit de contrôle, est généralement obscur, souvent arbitraire ; le droit est mal combiné pour l’avantage du pauvre, il est modéré pour le riche et le citoyen aisé; il a principalement besoin d’être réformé pour les contrats de mariage et les testaments. La rédaction d’un nouveau tarif du contrôle est un ouvrage long et difficile, qui demande des connaissances très-étendues, une étude approfondie ; un citoyen estimable, instruit, pourvu d’un des emplois les plus distingués dans cette partie, s’en est occupé; son travail est complet: il prouve sans réplique, qu’en affranchissant les conventions du surcroît d’impôt des dix sous par livre, les droits seront modérés sur les actes qui intéressent la classe la plus indigente ; et qu’ils seront proportionnels aux facultés, aux conventions du riche et de l’homme aisé, puisque le droit n’excédera pas 1/2 0/0 du prix des conventions. Cette réforme dans la fixation des droits de contrôle, est dictée par l’équité ; les conventions de 10,000 livres et au-dessous sont taxées à 1/2 0/0; mais la finance a trouvé le secret de tiercer le droit par les 10 sous pour livre ; cet accroissement d’impôt n’exige pas un grand effort de génie ; la fiscalité en fait l’éloge, et prétend que, vu l’augmentation de la valeur intrinsèque de l’argent, les 10 sous pour livre ne ramènent point la perception au taux primitif; l’assertion pèche par les bases, lorsque le droit est perçu sur les valeurs : en effet, si le marc d’argent a doublé depuis l’établissement du droit de contrôle, les prix des propriétés, des marchandises ont suivi la même progression ; d’où il résulte que le droit acquitté sur les valeurs est tiercé par l’établissement des 10 sous pour livre. Ce sera donc un très-grand bien que de supprimer entièrement, et sans compensation, les 10 sous pour livre sur les conventions de 10,000 livres et au-dessous, qui intéressent principalement les pauvres et les habitants des campagnes. Mais le droit sur les conventions au-dessus de 10,000 livres, qui concernent spécialement le riche et l’homme aisé, n’est que du cinquième du droit sur les conventions au-dessous de 10,000 livres ; il est donc juste de les assujettir au même droit que les petites conventions, c’est-à-dire au 1/2 0/0 de la valeur, affranchi des 10 sous pour livre; dès lors Légalité de la perception sera établie, et la suppression des 10 sous pour livre sera une compensation suffisante de l’accroissement qui résultera de l’égalité de la perception. Le tarif du contrôle des actes ramené au point [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. de simplicité qui ne permettra plus les extensions des travailleurs en finances diminuerait certainement cette partie du revenu public, s’il n’y avait des moyens infaillibles de compensation, en ordonnant ta perception, tant à Paris que dans les provinces affranchies du droit, perception qui est la conséquence naturelle et légitime de la renonciation absolue à tous privilèges d’exemption. D’ailleurs, il est constant que les conventions se multiplieront lorsque les droits d’échange n’existeront plus , lorsque l’étranger ne sera plus repoussé par la perception du droit d’aubaine , lorsque enfin toutes les branches de commerce et d’industrie seront vivifiées. Ainsi je suis convaincu que, nonobstant la remise des dix sous pour livre sur les droits du contrôle des actes, le produit actuel de cet article sera non-seulement conservé, mais encore amélioré. Ce produit est de 12,280,000 livres ; je me contenterai de l’évaluer, au moyen de la perception générale, et déduction fai te des frais de régie de toutes sortes, et du traitement des régisseurs à ...... . . ....... 12,000,000 liv. ONZIÈME OBJET. Droit d'insinuation, Il en sera de même du droit d’insinuation ; sa perception sur le principe d’égalité, avec affranchissement des 10 sous pour livre, maintiendra le produit actuel, lorsqu’il ne sera plus altéré par l’exemption des provinces présentement exceptées. _ Ainsi j’estimerai cet article, objet de 2,409,000 livres, pour un produit, déduction faite des frais de régie et traitements des régisseurs, de 2,200,000 livres. DOUZIÈME OBJET. Centième denier. Le droit de centième denier est perçu sur la valeur des immeubles vendus : il n’a point été oublié pour l’accroissement fiscal des 10 sous pour livre ; en sorte que le droit actuel est de 1 et 1/2 0/0 de la valeur réelle des immeubles qui changent de propriété. Il est intéressant d’affranchir la société de cette invention bursale, et de modérer le droit au taux du principal, c’est-à-dire à la proportion de 1 0/0 de la valeur : cette modération compensera l’accroissement du droit de contrôle sur les conventions au-dessus de 10,000 livres, qui acquitteront ce droit à raison de 1/2 0/0 de leur valeur réelle. Il est évident que la remise des 10 sous pour livre diminuera le produit actuel du centième denier, objet de 9,350,000 livres; mais comme d’un autre côté la perception sera générale, et que les mutations seront plus fréquentes après la suppression de toutes les entraves qui s’y opposent dans le régime actuel, je crois pouvoir, sans être taxé d’exagération, évaluer le produit du droit de centième denier, déduction faite des frais de régie de toutes sortes et du traitement des régisseurs, à 8 millions. TREIZIÈME OBJET. Vente du papier timbré. La perception surmontée des 10 sous pour livre [21 novembre 1789.] 195 peut être conservée ; car le droit étant fixe, et ne portant point sur la valeur intrinsèque et réelle, n’est pas dans la proportion du taux originaire, puisque le prix du marc d’argent a plus que doublé, et que le droit n’est que tiercé par l’accroissement des 10 sous pour livre. La diminution des procédures restreindra vraisemblablement le débit du papier timbré ; mais la perception de l’impôt dans les provinces qui en sont actuellement affranchies, formera la compensation : ainsi je pense que le produit actuel n’éprouvera aucune réduction. Ce produit est de 6,350,000 livres. Sur quoi faisant distraction d’environ 2 sous pour livre pour le traitement des régisseurs et les frais de régie de toutes sortes, cet article peut être estimé à 5,800,000 livres. QUATORZIÈME OBJET. Droit des maîtrises. Avant 1774, le droit des maîtrises était très-considérable : d’ailleurs les réceptions étaient sujettes à des formalités exclusives pour beaucoup de particuliers ; au-dessus des facultés d’un très-grand nombre. M. Turgot, frappé de ce vice d’administration, regarda comme un très-grand bien la suppression de toutes les maîtrises et jurandes ; elle fut ordonnée. Mais bientôt après les corporations furent jugées utiles ; leur rétablissement a eu lieu : diverses jurandes ont été réunies, les droits de réception ont été diminués ; les formalités ont été simplifiées. Il subsiste cependant encore trop de gênes pour que tous les artisans puissent se livrer aux professions qu’ils sont en état de remplir. Il est facile de concilier la liberté du citoyen avec la police qu’il est convenable d’établir dans l’exercice des différentes professions. Ce moyen consiste à supprimer les droits de réception, à les remplacer par un annuel de 1/10 de la réception, sans autre pénalité que de ne pouvoir faire partie de la corporation, sans justifier, chaque année, dans le mois de décembre, du payement de l’annuel arbitré. Un magistrat très-instruit dans cette partie (M. Albert, ancien lieutenant de police ) m’a assuré positivement que cet annuel surpasserait constamment le produit actuel des droits de réception. Je pense que l’Assemblée nationale ne renoncera pas à cet article de produits, qui, par la conversion indiquée, peut être conservé sans aucun inconvénient : je l’estimerai donc au taux actuel, déduction faite de 2 sous pour livre pour les frais et le traitement des régisseurs, c’est-à-dire à 1 million. QUINZIÈME OBJET. Droit de mare d’or. Cet impôt consiste dans une taxe sur les grâces, pensions, commissions, etc.; son produit est, année commune, de 1 ,875,000 livres, et serait beaucoup plus considérable si, par un abus qui n’a d’autre titre que l’usage, il n’était très-souvent fait remise du droit et des 10 sous pour livre, par la délivrance d’ordonnances de comptant, aux personnes accréditées, dans le cas d’acquitter le droit de marc d’or sur les grâces qu’elles obtien- 196 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 novembre 1789.] nent. Ceux à qui ces faveurs sont accordées remettent, au lieu d’espèces, ces ordonnances de comptant, et reçoivent ainsi leurs quittances du droit de marc d’or, comme s’il l’avaient payé. Je conviens quë les grâces seront moins multipliées; mais, en réprimant l’abus dont je viens de parler, en fixant le droit au quart du produit de fa première année de jouissance, en ordonnant la retenue de cette taxe sur les attributions de cette première année, je crois que l’on peut évaluer le produit net du droit de marc d’or à ................... 1,500,000 liv. Tel seront les impôts indirects, dont la régie peut être confiée aux administrateurs de la caisse nationale, à la charge d’en verser le produit au Trésor royal, pour subvenir, jusqu’à due concurrence, aux dépenses qui seront du ressort du pouvoir exécutif. Je dois les résumer : Art. 1er. Droits des traites. . . 25,000,000 liv. 2. Fabrication exclusive du tabac ........................ 16,000,000 3. Droit général des péages. . 8,000,000 4. Postes et messageries. .... 16,000,000 5. Loteries ................. 12,000,000 6. Droit sur les cartes à jouer. 1,500,000 7. Droit de la marque d'or et d’argent ..................... 800,000 8. Vente exclusive du sel à la Suisse, à l’Allemagne, etc. . . . 800,000 9. Droit de contrôle des exploits ..................... 3,400,000 10. Droit de contrôle des actes .......................... 12,000,000 11. Droit d’insinuation ...... 2,200,000 12. Droit de centième denier 8,000,000 13. Vente du papier timbré. 5,800,000 14. Droit annuel des maîtrises et jurandes .............. 1,000,000 15. Droit de marc d’or sur les grâces ....................... 1,500,000 Total produit des 'impôts indirects qui peuvent et doivent naturellement subsister ....... 114,000,000 liv. ARTICLE II. Impôt de remplacement des dîmes , soit ecclésiastiques, soit inféodées. L’Assemblée nationale a décrété que les dîmes ecclésiastiques seraiant supprimées, sauf le remplacement nécessaire; en même temps elle a prononcé que les dîmes inféodées seraient abolies par la voie du rachat. J’ai prouvé que la loi devant être égale en faveur des redevables de dîmes ecclésiastiques et inféodées, la nation devait se charger de l’indemnité des propriétaires de dîmes inféodées; qu’il convenait de les supprimer, sauf aux propriétaires d’héritages sujets à ces sortes de dîmes, à contribuer au remplacement que demanderont les besoins de l’Etat, les charges du clergé, l’entretien du culte public. M. l’évêque d’Autun évalue le revenu des dîmes ecclésiastiques à 80 millions. M. Dupont, d’après des approximations qui paraissent fondées, le porte à 100 millions, il estime les dîmes inféodées à 10 millions. Total, 110 millions. En adoptant une moyenne proportionnelle, on peut arbitrer à 100 millions le produit net des dîmes de toutes sortes, Leur perception est dispendieuse; elle coûte au moins 20 0/0 ou 4 sous pour livre : il doit conséquemment demeurer comme constant que la dîme grève les propriétés qui y sont assujetties d’un impôt effectif de 120 millions. Il est donc juste que les héritages qui en seront affranchies supportent un remplacement proportionnel à la dépense dont l’Etat sera chargé par suite du décret qui transmet à la nation la disposition des biens du clergé. La dette du clergé devient une charge de l’Etat; la nation doit également pourvoir à l’indemnité des propriétaires de dîmes inféodées ; et ces deux articles forment un objet de 16 à 17 millions : le clergé n’ayant plus de propriétés, sera affranchi de toutes contributions; il est naturel que ceux qui profiteront de la suppression des dîmes, remplacent, à cet égard, le clergé, et j’estimerai cet objet à 24 millions (1). Ainsi je crois que le remplacement des dîmes peut être déterminé à 40 millions au profit de la nation; cet impôt, qui doit être à la charge des propriétés sujettes à la dîme, suffira pour compenser la suppression de l’impôt du tabac, pour balancer les intérêts, tant de la dette du clergé, que de l’indemnité des propriétaires de dîmes inféodées. 11 forme le tiers de l’impôt actuel des dîmes ; ainsi les héritages qui en sont grevés profiteront de la remise incontestable des deux tiers de l’impôt; à la charge, néanmoins, de pourvoir au secours des pauvres, aux dépenses qu’exigeront l’entretien, les reconstructions et réparations des églises et des presbytères, et sous condition encore de compléter le fonds destiné pour l’entretien du culte divin, dans le cas où les propriétés du clergé autre que les dimes, seraient d’un produit insuffisant, soit à perpétuité, soit momentanément. L’impôt de remplacement des dîmes peut donc être considéré sous trois rapports distincts et différents : 1° 40 millions formant le tiers de la perception des dîmes, dont le produit sera versé dans la caisse nationale, pour compenser la perte qu’occasionnera la culture du tabac et la modération de cet impôt, pour satisfaire aux intérêts de la dette du clergé, à ceux de l’indemnité due aux propriétaires de dîmes inféodés; 2° Contribution annuelle dans la proportion des secours qui seront arbitrés pour le soulagement et les reconstructions des églises et presbytères. Il est sensible que cette contribution doit exclusivement appartenir aux caisses des municipalités, sous la surveillance des assemblées de cercle, et de district ou canton ; 3° Contribution momentanée, dans le cas seulement où la jouissance des biens du clergé ne serait pas suffisante pour le traitement des ministres du culte public, et les pensions des titulaires de bénéfices, et religieux des deux sexes. Cette contribution doit nécessairement être versée dans la caisse nationale, et décroître annuellement dans la proportion des décès des religieux et titulaires. J’observerai qu’en évaluant à 20 millions la contribution permanente pour le soulagement (1) Tout le monde convient que, si le clergé avait été maintenu dans la jouissance de ses biens, on aurait pu fixer sa contribution à 30 millions, indépendamment des subsides qu'il aurait acquittés pour l’amortissement et les intérêts de la dette. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 novembre 1789.] 197 des pauvres, l’entretien et réparation des églises et presbytères, les héritages sujets aux dîmes bénéficieront de moitié de l’impôt actuel, puisque l’impôt de remplacement en faveur de la caisse nationale ne sera que de 40 millions. A cette remise de moitié de l’impôt, on peut ajouter un second avantage très-précieux pour les propriétaires sujets à la dîme : on peut consentir, en leur faveur, le rachat sur le pied du denier 20 seulement, et bientôt il serait entièrement effectué. A la vérité, la moitié de l’impôt de la dîme qui serait suprimée, aurait à supporter une contribution momentanée, proportionnelle à l’insuffisance des biens du clergé, pour l’entretien des ministres des autels, et des pensions qui seront allouées aux titulaires de bénéfices, aux religieux des deux sexes. Mais cette contribution passagère ne serait pas de longue durée, et serait d’ailleurs très-modérée; en effet, M. l’évêque d’Autun estime à 100 millions les dépenses du culte public, y compris les pensions des bénéficiers et des religieux des deux sexes : il annonce qu’à mesure des décès, cette dépense sera réduite au plus à 85 millions. D’autres personnes pensent que l’estimation de M. l’évêque d’Àutun est susceptible de réduction ; mais, pour éviter toute critique, je la prendrai pour base, et j’estimerai la dépense momentanée du clergé à 10Ô millions, la dépense fixe à 85 millions. Les propriétés du clergé, autres que les dîmes, sont évaluées par M. l’évêque d’Autun à 70 millions, non compris les quarts de réserve, dont les prix étaient affectés aux réparations : personne n’ignore que ces biens ne sont point à leur valeur , que des contre-lettres , des pots-de-vin, et les jouissances précaires, subordonnées à l’existence des titulaires de bénéfices, déguisent leur véritable produit, et que les assemblées provinciales, en affermant ces biens, après vérification, et à longues années, pour dix-huit ans , par exemple, augmenteront leur produit peut-être du tiers, mais aux moins d’un quart, en sorte que ce produit sera, dans le principe, au moins de 90 millions, non compris les quarts de réserve. Je n’estimerai point ce dernier article ; je le compenserai avec le produit du prix des ventes des maisons situées dans les villes, avec celui du rachat des cens, rentes foncières, droits féodaux dépendants des biens du clergé, dont les prix de vente ou rachat sont compris dans les ressources qui seront à la disposition de la caisse nationale, pour accélérer le remboursement des rentes viagères, et la reconstitution de la dette ; dès lors il peut demeurer pour constant que la disposition des propriétés du clergé procurera un revenu réel de 90 millions. Il y aura donc une différence momentanée de 10 millions entre la jouissance des biens du clergé et les charges dont cette jouissance sera grevée; mais elle décroîtra chaque année; dès lors il est évident qu’après le décès des titulaires de bénéfices et des religieux des deux sexes, la jouissance des biens du clergé sera supérieure de 5 à 10 millions aux charges permanentes qui seront affectées sur ces mêmes biens. D’après ces bases, je propose d’ordonner : 1» qu’il sera fait par paroisse, ou par arrondissement, une estimation de la contribution des dîmes de toutes sortes dues par les différentes propriétés ; 2° que le remplacement sera fixé à moitié de l’estimation du produit des dîmes, constaté par les estimations, en accordant aux propriétaires la faculté de l’acquitter, soit en argent, soit en denrées, ainsi que je l’expliquerai en traitant de l’impôt de propriété; 3° que sur le remplacement de moitié, deux tiers ( qui formeront les 40 millions au profit de la nation) seront versés dans la caisse nationale, et que l’autre tiers restera dans la caisse de la municipalité, pour le soulagement des pauvres, pour l’entretien des églises et des presbytères ; 4° qu’en sus de l’impôt de remplacement, ci-dessus indiqué, les héritages sujets à la dîme seront imposés à la taxe qui sera nécessaire pour le supplément du culte divin; 5° que les propriétaires qui désireront affranchir leurs propriétés de la partie de l’impôt de remplacement destinée pour la caisse nationale en auront la faculté, en versant dans cette caisse le prix de leur affranchissement à raison du denier 20, et seront admis à donner en payement des quittances de rentes viagères, ou des assignations sur la caisse nationale, en échange desquelles ils recevront leurs quittances d’affranchissement de cette partie de l’impôt de remplacement. Au moyen de ces dispositions, il est sensible que le décret sur l’abolition des dîmes, sauf le remplacement, sera parfaitement exécuté ; qu’il rédi-mera d’une servitude onéreuse les héritages sujets à la dîme, et qu’il procurera les plus grands avantages aux propriétaires décima-� blés. ART. III. Des impositions directes, dont V assiette et le recouvrement seront conférés aux assemblées provinciales, de district et de municipalité. Ces impositions seront de deux sortes : 1° l’impôt de propriété ; 2° l’impôt personnel, et l’impôt sur les consommations, ou sur les objets de luxe à l’usage des citoyens riches et aisés. De V Impôt de propriété . La taille, capitation taillable et accessoires, les dons gratuits et autres impositions qui tiennent lieu de la taille dans les pays d’Etats, les vingtièmes et les décimes et autres impositions du clergé, forment un objet de ......... 192, 175,000 liv. Par suite de la renonciation à toutes exemptions pécuniaires, de la part des classes ci-devant privilégiées, l’Assemblée nationale a consenti, par décret, un accroissement général sur la masse de contributions, de ... . 15,000,000 Ainsi ces sortes d’impositions montent à .................... 207,175,000 Le Roi accordait annuellement une décharge ou modération de. . 7,123,000 Conséquemment la somme de l’impôt effectif est de .......... 200,055,000 liv. Je me borne à demander un abonnement de la part de toutes les provinces au profit de la caisse nationale, dans la proportion de leurs impositions actuelles, montant à la somme fixe de 200 millions de livres (1). (1) M. le marquis de Montesquiou propose de fixer l’impôt de propriété dans les proportions suivantes : 1. Abonnements des pays d’élections et pays conquis ............... 155,655,000 liv. A reporter ..... 155,655,000 liv 198 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 novembre 1789.] J’observe que sur cette somme les provinces retiendront 2 sous 6 deniers pour livre, c’est-à-dire 25 millions, pour subvenir : 1° à leurs dépenses particulières, aux traitements de leurs trésoriers, à la dépense des ponts et chaussées ; 2° aux frais de recouvrement, tant de l’impôt de propriétéque de l’impôt personnel et de celui du luxe ou de consommation, dont je parlerai incessamment; 3° aux décharges et modérations qu’il sera juste d’allouer pour les accidents imprévus, comme grêles, inondations, épizooties, etc.; en sorte que l’impôt de propriété sera réellement diminué de 7 millions, par comparaison aux impositions actuelles. On ne peut former aucune objection contre une pareille proposition, puisqu’elle procure une modération d’impôt. J’ajouterai qu’elle est d’autant plus favorable que, sur les accroissements du fonds d’amortissement, il sera fait prélèvement de 1 million chaque année, afin de diminuer graduellement l’impôt de propriété, jusqu’à ce qu’il soit modéré à 150 millions ; au moyen de cette remise, l’impôt sera bientôt égalisé dans toutes les provinces, il ne tardera pas à être proportionnel à leurs facultés respectives. Je dois actuellement présenter le mode de perception et de répartition qui me paraît le plus conforme aux principes de l’équité : 1° Les impositions foncières de toute nature, telles que la taille, la capitation taillable et acces-Report ....... . . 155,655,000 liv. 2. Monuments des pays d’Etats ..... 24,556,000 3. Idem, de la Flandre maritime, tenant lieu de divers droits de consommation ......................... 823,000 4. Idem., pour tenir lieu de l’impôt des fortifications . .............. ..... 575,000 5. Accroissement de contributions pour tenir lieu de la contribution des ci-devant privilégiés, y compris la capitation du clergé ........ . .......... 30,000,000 Il ne parle point des décimes du clergé, qui seraient conservés dans son plan, puisque ce plan suppose que le clergé serait maintenu dans la jouissance de ses biens, en se chargeant de 400 millions de la dette publique, indépendamment de celle qui lui est personnelle ; cette imposition est de. 11,550,000 Ainsi l’impôt de propriété serait de L’impôt actuel, y compris i’augmen tation consentie pour raison de la renonciation aux privilèges d’exemption, est de ............................. Conséquemment l’accroissement serait de ............................. J’ai prouvé à l’article de la dépense, que les sommes allouées par M. de Montesquiou, pour les frais d’administration, et de recensement, seraient insuffisantes, et que les provinces seraient forcées, pour y subvenir, d’augmenter leur contribution territoriale de 223,159,000 liv. 200,055,000 23,104,000 18,000,000 D’où il suit que le plan de M. le marquis de Montesquiou augmenterait réellement l’impôt de propriété de.... 41,104,000 liv. Au contraire, je borne l’impôt de propriété à 200 millions, et les provinces doivent retenir sur cette masse une somme équivalente à leur dépense; conséquemment j e demande aux propriétés 41 millions de moins que M. le marquis de Montesquiou. soires, les dons gratuits, dépenses pour les troupes, casernes, logements, vingtièmes, décimes du clergé, etc., perçus par les receveurs des impositions et par les trésoriers des pays d’Etats, seront réunies en une seule taxe de 200 millions, sous le nom d’impôt de propriété; laquelle sera répartie entre toutes les provinces, dans la proportion de ce que chacune paye dans l’état présent pour sa part contributoire au produit de 207 millions, à quoi s’élèvent les impositions diverses sur les propriétés et la capitation taillable. 2° Les assemblées provinciales suivront les mêmes bases pour la répartition de l’impôt de propriété entre les districts dont elles seront composées, et les districts entre les municipalités. 3° Les assemblées municipales procéderont à la répartition de leur abonnement pour l’impôt de propriété entre tous les héritages du territoire, au marc la livre du produit desdites propriétés, sans aucune acception ni exception. 4° Les redevables seront admis à payer leur impôt de propriété, soit en argent, soit en denrées, en prévenant à cet égard les assemblées municipales : ils auront la même facilité pour l’impôt en remplacement des dîmes. 5° Les assemblées provinciales détermineront chaque année l’emploi des remises et modéra-tisns qui seront accordées à chaque municipalité, et les assemblées municipales en feront la distribution entre ceux qui y auront droit. 6° L’Assemblée nationale fera la répartition entre lesdites provinces de la modération de 1 million par année, qui sera allouée sur les accroissements du fonds d’amortissement, de manière à assurer successivement l’égalité des contributions entre toutes les provinces. Telles sont en substance les dispositions qui me paraissent pouvoir être adoptées pour la répartition de l’impôt de propriété ; des détails plus étendus seraient inutiles : ils sont développés, quant au recouvrement et autres opérations, dans le mémoire qui forme le n° 12 des pièces justificatives de la motion de M. le baron d’Allarde, sur l’organisation de la caisse nationale, et ses rapports avec les trésoriers des assemblées provinciales. Il me suffit ici de justifier que l’impôt de propriété sera réellement au-dessous des impositions actuelles sur les propriétés, et que les provinces auront l’assurance de voir successivement décroître cette imposition, jusqu’à ce qu’elle soit réduite à la taxe modérée de 150 millions. De l’impôt personnel, de celui de consommation, et de l’impôt sur les objets de luxe. J’ai prouvé dans la seconde partie, que la somme des dépenses à laquelle il faudra satisfaire sera de 466 millions. Les contributions et les parties des revenus dont j’ai donné l’énumération, procureront 390 millions ; il reste donc à fournir un complément de 76 millions, et j’observe que ce complément remplacera 174 millions d’impôts indirects qui cesseront d’exister. Je propose d’y subvenir par une contribution de pareille somme, qui doit naturellement être répartie entre toutes les provinces, proportionnellement aux avantages que chacune trouvera dans l’abolition de ces impôts indirects, dont l’immoralité, l’intérêt dé notre balance de commerce, celui de l’agriculture et de l’industrie provoquent irrésistiblement la proscription absolue. [Assemblée nationale.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. Il est donc indispensable de diviser en deux parties ia masse des impôts indirects dont la suppression est déterminée ; l’une sera composée des impôts dont la perception est générale; l’autre des contributions qui sont locales et particulières. Impôts indirects supprimés au profit de toutes les provinces. 1° Partie de V impôt du tabac. La suppréssion de la vente exclusive sera avantageuse, même aux provinces qui n’en font partie, puisque leur débit et leur culture enprofiteront(l) 22,000,000 1. 2° Droits de circulation, droits de la marque des fers, droits de fabrication sur les huiles nationales, droits sur les boissons dans la communication des pays d’aides, et de ceux qui n’y sont pas sujets, droits d’abord et de consommation sur le poisson de mer : ia suppression de ces divers droits intéresse toutes les provinces; leur perception est de (2). 8,500,000 3° Droits d’aubaine, droits d’é-cbange, droits d’usage et nouveaux acquêts, droitd’amortissement, droit de franc-fief (3) ................. 3,600,000 4° Droits sur les procédures, supprimés par le décret de la justice gratuite, savoir petit scel, droits de greffe, droits réservés, droits de mutation et de centième denier des offices (4) ........................ 6,350,000 5° Droit de la marque des cuirs, une des plus accablantes imaginations du génie fiscal (5) ......... 5,850,000 6° Droits de papiers et cartons, et des poudres et amidons, con-A reporter ... . 46,300,000 1. (1) J’ai prouvé que l’impôt du tabac, réduit au droi* de fabrication, fortifiera le balance de notre commerce au moins de 15 millions, et nous procurera une nouvelle branche de culture très-intéressante. (2) On apprécierait difficilement les avantages que la nation retirera de la liberté des fabrications et de la circulation. (3) Tous ces droits nuisent à l’agriculture, aux mutations, au commerce des propriétés. (4) Le bienfait de la justice gratuite, et de la suppression des droits imaginés par le génie fiscal, pour aggraver le malheur des plaideurs, est général ; il est inappréciable. (5‘, Le commerce des cuirs est très-intéressant; il était autrefois de 100 millions : les vexations horribles de la régie l’ont réduit à 40 millions. On doit espérer que cette branche d’industrie reprendra faveur lorsqu’elle ne sera plus étouffée par un droit exorbitant, par des inquisitions cruelles et décourageantes, lorsque les tanneurs ne seront plus rançonnés pour le prix du sel de morue qu’ils emploient, et que le fermier leur vendait 22 livres 10 sous le quintal, quoique le prix en fût fixé à 10 livres par les règlements ; lorsque nos cuirs n’auront pas à supporter des droits plus considérables que ceux de l’Angleterre. On peut consulter sur cet article le mémoire sur les droits de la marque des cuirs, page 458, 1er volume des Recherches et considérations nouvelles sur les finances. Pour donner une idée du despotisme affreux de la régie, il suffit d’observer qu’un des principaux tanneurs de Paris, père de 10 enfants, bon citoyen, bon négociant (le sieur Rubigny de Berte-val), a été puni par plusieurs mois de détention au château delà Bastille pour avoir osé éle\ er sa voix contre les exactions odieuses des régisseurs et des commis. [21 novembre 1789.] 199 Report ........ 46,300,000 liv. traires ati progrès de l’industrie, environ (1) ..... ........ * ..... 2,000,000 7° Droits d’inspecteurs aux boissons droits d’inspecteurs aux boucheries; droits de courtiers-jaugeurs; droits réservés, octrois municipaux ; offices supprimés sous pour livre des droits qui n’appartiennent point au Roi, le tout y compris les parties desdits droits abonnés aux divers pays d’Etats (2) .... * ............... 27,700,000 Total.,... 76,000,000 liv. Impôts indirects supprimés au profit de quelques provinces seulement. 1° Impôt de la gabelle, Paris non compris, mais en y joignant les saisies, amendes et confiscations (3) .......... . ........... 64,000,000 liv. 2° Droit de quart-bouillon dans partie de la Basse-Normandie (4). 760,000 3° Droits sur les sels dans les provinces franches et rédimées (5) 3,260,000 4° Droits d’aides et quelques droits locaux, y compris les aides du plat pays (6) ............... 27,710,000 5° Droits de masphanang, espèce de droits d’aides en Alsace(7) 120,000 6° Droits de domaines du Hai-naut (8) ...................... 900,000 7» Formule ou papier timbré des droits d’aides (9) ...... . ... 330,000 8° Abonnement de divers droits A reporter... 97,080,000 liv. (1) Voy. le mémoire, page 458, Ier volùme des Recherches et considérations nouvelles sur les finances. H prouve que ces deux branches d’industrie sont presque anéanties par les efforts conlinuels de la fiscalité. (2) L’historique de ces droits est curieux; mais il exigerait des détails trop étendus. Leur nomenclature seule attestera à la postérité la plus reculée les bienfaits dont elle sera redevable aux représentants de la nation ; elle justifie les ressources inimaginables du génie de la fiscalité, et prouvera à jamais que ce despotisme doit être proscrit sans retour ; qu’un état libre doit bannir toutes les ressources qui pourraient être suggérées par l’imagination des financiers, dont les bénéfices sont l’effet du malheur public. (3) Il est inutile de faire l’apologie de cet impôt : heureusement son anéantissement est infaillible, il ne reste qu’à prendre des précautions pour assurer les approvisionnements, et garantir du monopole sur cette denrée de première nécessité. Elles sont exposées, page 155, Ier volume des Recherches et considérations sur les finances. (4) Les sauneries de Normandie seront nécessairement abandonnées au moment où la liberté dü commerce du sel sera rendue. (5) La gabelle détruite, les droits sur le sel dans les provinces franches et rédimées, ne peuvent exister : s’ils étaient conservés, l’affranchissement de la gabelle ne serait que partiel; le sel doit être absolument libéré de tous droits; l’agriculture, les fabriques, l’éducation des bestiaux y sont trop intéressées. (6) Les pays d’aides désirent la suppression de ces droits avec non moins de ferveur que l’abolition de la gabelle. (7) Même observation pour l’Alsace. (8) Idem, pour le Hainaut. (9) Même observation que sur l’article 3, dont celui-ci est une dépendance, 200 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 novembre 1789.] Report ....... 97,080,000 liv. de la Flandre maritime (1) ..... 820,000 9° Droits d’aides et domaines de Glermontois (2) ............. 100,000 Total. ..... 98,000,000 liv. Il suit de cette division que les impôts indirects, qui doivent être compensés par une contribution de 76 millions, montent au total de 174 millions. Trois septièmes du remplacement de 76 millions doivent être supportés par toutes les provinces, au prorata de leurs contributions à l’impôt de propriété, et 4/7 seulement doivent être à la charge des provinces sujettes à la gabelle, aux aides, et autres droits dont la perception n’était point uniforme et générale, en ayant égard, pour la répartition de ces 4/7 revenant à 40 millions, à la part contributive de chaque province au produit des 98 millions d’impôts indirects, qui seront supprimés à leur profit. Ces principes posés, je propose de fixer la répartition des 76 millions additionnels à l’impôt de propriété sur les bases suivantes : 1° Les abonnements de 200 millions pour l’impôt de propriété seront augmentés de 36 millions, a titre de compensation des 76 millions d’impôts indirects, supprimés au profit de toutes les provinces dont le royaume est composé, et ledit accroissement de 36 millions sera supporté par chaque province, au marc la livre de son impôt de propriété. 2° Par addition à l’impôt de propriété, et en sus de leur part contributoire, dans les 36 millions addisionnels aux termes de l’article précédent, les provinces sujettes aux gabelles, aux aides, et aux droits particuliers dénommés dans l’article des impôts indirets perçus localement, et montant à 98 millions, seront imposées à une contribution de 40 millions, laquelle sera répartie entre lesdites provinces dans la proportion qu’elles supportent, à raison de l’existence desdits impôts indirects, dont la perception monte à la somme de 98 millions. La justice de cette proportion est évidente : toutes les provinces profiteront également de la suppression d’impôts indirects, jusqu’à la concurrence de 76 millions : il est donc naturel qu’elles contribuent également au remplacement de 36 millions, qui doit en faire la compensation, et l’on ne peut adopter de base plus équitable que le marc la livre de l’impôt de propriété. La suppression de près de 100 millions d’impôts indirects n’intéresse que quelques provinces; elle ne les intéresse pas dans la même proportion -, cette suppression exige un remplacement de 40 millions : il est donc naturel que chacune supporte l’impôt de remplacement dans la proportion de la perception actuelle des contributions qui seront abolies ; et ce sera se conformer au vœu des provinces puisque celles qui sont sujettes aux grandes gabelles s’empressent d’offrir, pour compensation de leur affranchissement, le montant de l’impôt modéré ; qu’il en est de même (1) Idem, pour la Flandre maritime. M. le marquis de Montesquiou a mal à propos confondu ces droits avec les impositions territoriales. (2) Ce ne peut-être que par erreur que M. le marquis de Montesquiou met ces droits au rang de ceux qui seront conservés : ce sont des droits d’aides et de domaines qui suivront le sort de ceux de même nature, prescrits pour les pays d’aides. qui veulent se soumettre à des prestations pécuniaires, correspondantes au produit de l’impôt anéanti. Mais il ne suffit pas de déterminer les bases de la répartition de l’impôt entre les provinces : il faut examiner comment elle peut être faite entre les contribuables. A cet égard, je demande qu’il me soit permis de présenter quelques réflexions. L’abonnement pour l’impôt de propriété de chaque province, doit être fixé à peu près dans la proportion des impositions foncières actuellement subsistantes ; mais les compensations des impôts indirects qui viennent d’être indiquées, augmenteront la somme de ces abonnements. Les assemblées provinciales pourront former une masse de la totalité de ces abonnements, en répartir, sur les propriétés, la somme d’impôt qu’elles arbitreront pouvoir être supportée par la propriété, sans nuire aux progrès de l’agriculture. Ce qui ne sera pas affecté à l’impôt de propriété, doit tomber à la charge des habitants des villes, et de ceux de la campagne, non cultivateurs ; mais le journalier, habitant de la campagne, doit être affranchi de tout impôt, puisque autrement la propriété serait doublement taxée. Je suppose que sur le prix général des abonnements, par compensation tant de l’impôt de propriété, que des impôts indirects dont l’intérêt général sollicite la proscription, et montant à 276 millions, deux tiers seront supportés par les propriétés, un tiers par les citadins, capitalistes, rentiers et particuliers non propriétaires. Il est évident que, dans l’universalité du royaume, il y aura à pourvoir au produit de 92 millions, qui seront étrangers à l’impôt de propriété. Il me semble que : 1° il serait facile par une faible imposition sur les consommations des cam pagnes, en la bornant à des licences ou permissions de cabaret qui seraient fixées par les assemblées provinciales, eu égard à la population, à la richesse, à la situation des campagnes : cet impôt ne serait supporté que par les particuliers qui déclareraient vouloir tenir auberge ou cabaret ; et la répartition de la permission ou licence de cabaret serait faite entre eux par les assemblées municipales ; 2° On peut adopter une capitation qu’il ne serait pas impossible de proportionner aux facultés du citadin, aux bénéfices du commerçant et du citoyen qui vit dans un état lucratif, en la proportionnant aux prix des loyers et des habitations ; 3° On peut déterminer un impôt de consommation sur les denrées amenées dans les villes pour la consommation de leurs habitants, et régler cet impôt par un tarif clair et précis, dont la perception serait faite aisément à l’entrée des villes : ce moyen serait très-simple, il atteindrait avec certitude le capitaliste et le rentier, puisque l’impôt serait acquitté par chaque habitant dans la proportion de ses consommations, et qu’en général les consommations sont proportionnées aux facultés. Ges trois moyens me paraissent suffisants pour compléter dans l’universalité du royaume, une contribution modérée de 92 millions : si cependant on jugeait nécessaire de les fortifier, on pourrait aisément y parvenir, soit par un impôt ou timbre, soit par un impôt particulier sur la classe des riches et des citoyens les plus aisés. L’impôt du timbre pourrait être considéré comme une compensation de la justice gratuite, et des sacrifices qu’elle exige. H existe un projet qui m’a paru bien conçu : [21 novembre 1789.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 201 le droit est tellement combiné qu’il serait proportionnel aux fortunes ; qu’il serait nul pour le pauvre, doux pour le riche, et peu dispendieux dans sa perception : elle n’exposerait à aucune recherche, vérification, pénalité, et serait néanmoins très-obligatoire. Ce droit n’est pas d’ailleurs aussi généralisé que le projet de timbre envoyé au Parlement en 1787, et qui a été rejeté, comme tortionnaire, plein d’abus et d’injustices. Le projet de ce timbre, soumis par l’auteur à des personnes très-éclairées, n’a paru fournir matière à aucune objection fondée; il trouve les moyens d’atteindre les capitalistes, sans les assujettir à des surcharges d’impôt: cependant le produit, déduction faite des frais de perception et des traitements des régisseurs, serait au moins de 25 millions. Il ne resterait donc plus à remplacer que 51 millions de livres par l’impôt personnel et par celui de consommation dans les villes, et ces remplacements seraient effectués facilement, surtout s’ils étaient en partie compensés par un impôt particulier qui n’atteindrait que les besoins et la consommation des riches et des aisés. Cet impôt, auquel on pourrait donner le nom d'impôt de luxe, consisterait à taxer, à l’entrée des villes, les draps lins, les linons, mousselines, soieries et autres marchandises à l’usage des des citoyens aisés; *à mettre un impôt: 1° sur les domestiques des deux sexes, au delà de lapro-portion naturelle et convenable ; 2° sur les chevaux de selle et de voiture : ce projet a été conçu par un des honorables membres de l’Assemblée nationale ; et s’il est jugé nécessaire, le tarif peut en être promptement rédigé, les bases en seraient faciles à déterminer. Tels seront les différents objets de revenu qui feront face à la dépense de 466 millions, y compris le fonds d’amortissement de 50 millions, savoir : Bénéfices de la Banque nationale .......................... 8,000,000 liv. Produit de la législation des hypothèques ......... , ......... 2,400,000 Intérêts des sommes prêtées, produit de la régie des poudres et salpêtres, des monnaies et affinages ........................ 3,300,000 Abonnement de la ville de Paris ............... .. ........ 22,400,000 Produit net des impôts indirects ......................... 114,000,000 Impôt de remplacement des dîmes ........................ 40,000,000 Impôt de propriété. ... ...... 200,000,000 Impôt personnel et de consommation dans les villes, impôt du timbre, impôt sur les objets de luxe pour le riche et le citoyen aisé ................ „ ......... 76,300,000 Revenu total égal à la dépense 466,000,000 liv. Les détails dans lesquels je viens d’entrer, prouvent que le nouveau régime d’imposition sera d’une exécution facile; bien loin d’aggraver les contributions, elles seront sensiblement diminuées; et pour justifier cette vérité, je terminerai ce mémoire par une comparaison sommaire des contributions actuelles, et de celles qui auront lieu dans le nouveau système. Contributions actuelles. Impôt sur les propriétés, y compris les décimes du clergé, mais déduction faite des vingtièmes de Paris ............ ... 207,175,000 liv. Impôt du tabac, déduction faite du prix des tabacs et des frais de fabrication. ....... ... 36,000,000 Régie des traites, déduction faite des droits intérieurs et de circulation .................... 28,750,000 Droits de péages et de minage. 12,000,000 Impôt sur les cartes. . . ....... 1,800,000 Contribution de Paris , déduction faite des frais ............. 25,400,000 Loteries .................... 14,000,000 Postes et messageries ....... 13,100,000 Marque d’or et d’argent ...... 800,000 Vente des sels à la Savoie, Genève, la Suisse et l’Allemagne. . 800,000 Droits de maîtrises .......... 1,000,000 Marc d’or sur les grâces ...... 1 ,875,000 Droits de contrôle, des exploits des actes, insinuation, centième denier, vente de papier timbré. 34,175,000 Impôts indirects, dont la suppression intéresse toutes les provinces sans exception (non compris le tabac, porté ci-dessus), ci . 54,000,000 Impôts indirects, dont la suppression n’intéresse que les pays d’aides, de gabelles, et de quelques autres provinces ..... 98,000,000 Saisies, amendes, confiscations et bénéfices de la contrebande, au moins ..................... 20,000,000 Total ...... 548,875,0001iv. Contributions du nouveau régime. Abonnement de l’impôt de propriété ........................ 200,000,0001iv. Impôts indirects, savoir: tabac réduit à 30 sous la livre ; traites à la frontière; droit sur les cartes; droit de péage; droit de la marque d’or et d’argent; loteries; marc d’or; vente des sels à la Suisse, à l’Allemagne, etc. ; droit de maîtrises; droit de contrôle des exploits, des actes, insinuation , centième denier , vente du papier timbré ........ 130,000,000 Droits abonnés à la municipalité de Paris ................ . . 25,400,000 Remplacement des impôts indirects qui grèvent toutes les provinces .................... 36,000,000 Idem, des gabelles, des aides, et autres droits qui n’affectent que quelques provinces ........ 40,000,000 Total ........ 431,400,0001iv. Les contributions actuelles sont de ...................... 548,875,000 Les peuples seront conséquen-ment soulagés de ............. 117,475,0001iv. Indépendamment de cette remise, les proprié- 202 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. taires bénéficieront de 60 millions, ou au moins de 50 sur l’impôt de remplacement des dîmes ; et la caisse nationale jouira d’un fonds d’amortissement de 50 millions, dont les accroissements accéléreront la libération de la dette, garantiront les subsides des temps de guerre. Puissent ces résultats mériter l’attention des représentants de la nation ! Je désire, comme citoyen, que mes propositions soient sévèrement discutées. Heureux si j’ai rempli la tâche que je me suis imposée ! heureux si les travaux auxquels je me livre depuis 20 ans peuvent être utiles! Si les moyens que j’indique peuvent contribuer au bonheur de ma patrie, je jouirai de la plus belle récompense qu’un vrai citoyen puisse ambitionner. OBSERVATIONS IMPORTANTES. PREMIÈRE OBSERVATION. — RENTES VIAGÈRES. Si la faculté de leur remboursement n’est pas décrétée , comment satisfaire à V accroissement d’une dépense de 50 millions ? Dans l’organisation de la dette, je n’ai compris que 55 millions pour l’intérêt des capitaux actuellement constitués en viager, parce que j’ai pensé que la faculté du remboursement des rentes viagères serait agréée par l’Assemblée nationale , comme une opération fondée en principes d’équité commandée, pour ainsi dire, par l’intérêt de la balance de notre commerce, et propre à diminuer de 50 millions la charge annuelle de l’Etat; et qu’en même temps j’ai présumé que les recettes extraordinaires à verser dans la caisse nationale subviendraient facilement, et concurremment avec les reconstitutions volontaires , au prompt et parfait remboursement des capitaux constitués en viager. Peut-être objectera-t-on: 1° qu’il esta craindre, que les recettes extraordinaires ne soient pas d’un recouvrement assez prompt, pour effectuer, à l’instant, le remboursement des rentes viagères; 2° qu’il est possible que l’Assemblée nationale refuse de décréter la faculté du remboursement; d’où il résulterait que la dépense serait de 50 millions au-dessus de mon estimation, et ne laisserait aucun revenu libre pour le fonds d’amortissement : je dois prévenir ou résoudre cette objection : 1° Je pense que, dans ce cas , la faculté des reconstitutions volontaires ne serait point réprouvée; j’estime qu’elles anéantiraient le tiers des rentes viagères actuellement existantes, et cette reconstitution ferait bénéficier l’Etat sur la masse des rentes viagères de ......... 18 , 000,000 liv. 2° Le fonds d’amortissement de 50 millions doit procurer annuellement une diminution de 2,500,000 livres sur les intérêts ; si les rentes viagères subsistent pour deux tiers, les extinctions seront de 1 million par année ; dès lors il suffira d’un fonds d’amortissement de 30 millions, qui éteindra 1,500,000 livres d’intérêts par année ; ainsi le capital destiné pour l’amortissement serait réduit de ................. 20,000,000 Total ....... 38, 000, OOOIiv . Il n’y aurait donc à opérer qu’une compensation de ....... 12,000,000 Egalité ------- 50, 000, OOOIiv. [21 novembre 1789.] On pourrait employer divers moyens pour se procurer cet excédant de revenu de 12 millions : 1° Limitation du fonds d’amortissement à 18 millions : il se fortifierait annuellement dans la proportion de l’intérêt des capitaux remboursés, et de l’extinction des rentes viagères ; il ne tarderait pas à être suffisant pour le gage des emprunts qu’une guerre pourrait nécessiter; 2° Si on estimait que la réduction du fonds primitif d’amortissement à 18 millions serait impolitique, on pourrait adopter l’impôt du timbre, ou une augmentation de 12 millions, répartie proportionnellement , tant sur l’impôt de propriété , que sur l’impôt en remplacement des dîmes, et sur l’impôt personnel ou de capitation; j’observerai que cet accroissement momentané ne serait pas fort onéreux, et qu’il devrait cesser à l’époque où le fonds d’amortissement serait, par les accroissements, porté à la somme de 30 millions. Ainsi la faculté du remboursement des rentes viagères que je propose , comme juste , comme utile, n’est point une base élémentaire du plan que j’ai l’honneur de soumettre aux lumières des représentants de la nation; il pourrait être exécuté sans ce secours, et n’en serait pas moins avantageux. SECONDE OBSERVATION. Réflexions sur le plan ou rapport présenté par M. le marquis de Montesquiou. L’Assemblée nationale a décrété la suppression des dîmes, qu’elle a regardées comme l’impôt le plus onéreux pour les propriétés. Elle ne s’est point dissimulé que ce bienfait tournerait au détriment des peuples, exigerait un accroissement considérable de contributions , si le produit des dîmes n’était pas compensé par un impôt de remplacement équivalent, tant à l’insuffisance des autres biens du clergé , pour subvenir à l’entretien du culte public, que pour les secours des pauvres, l’entretien des presbytères et églises. Par suite de son premier décret sur la suppression des dîmes, l’Assemblée nationale a pensé qu’il était impossible de conserver au clergé la disposition de ses autres biens; qu(il était convenable d’en confier l’administration aux assemblées provinciales, afin d’en connaître les véritables valeurs, et d’être en état de déterminer la somme de l’impôt de remplacement, qui devait rester à la charge des décimables, pour subvenir aux dépenses du culte public, à l’intérêt de la dette du clergé, au secours des pauvres, à l’entretien et aux réparations des églises et presbytères , et finalement pour compenser la masse des contributions que le clergé aurait acquittées, si l’Assemblée nationale l’avait confirmé dans la jouissance des biens, dont il avait eu jusqu’alors la libre et entière disposition. C’est de ces bases dont je suis parti pour la fixation de l’impôt de propriété ; pour celle de l’impôt de remboursement des dîmes, et de l’indemnité qui sera due aux propriétaires des dîmes inféodées. J’ai fixé cet impôt de remplacement à 40 millions, parce que les propriétaires des héritages sujets à la dîme, doivent naturellement supporter : 1° Les intérêts de l’indemnité qui sera due aux [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. propriétaires de dîmes inféodées. 8,500,000 liv. 2° Les intérêts de la dette du clergé ........................ 7,000,000 3° Le montant des décimes. 1 1,500,000 4° La contribution personnelle --- 4+ _____ _ __ iX l Z ~l __ iO AAA AAA Total ....... 40,000,000 liv. M. le marquis de Montesquiou me paraît être parti d’une base contraire à l’exécution des décrets de l’Assemblée; il est évident qu’il suppose que le clergé sera maintenu dans la disposition des biens dont il a joui jusqu’à présent, puisqu’il ne prend pour base de l’impôt de propriété que la masse des contributions actuelles, non compris les décimes du clergé ; puisque, dans la dépense, il ne fait point état de la dette du clergé; puisqu’il annonce que l’accroissement de 30 millions sur l’impôt de propriété , comprend la capitation que le clergé devra acquitter et finalement puisqu’il décharge le clergé de toute contribution à l’impôt de propriété , au moyen d’une somme de 40 millions payable dans le terme de quatre années, avec les intérêts jusqu’à l’époque du payement. Si cette proposition était adoptée , il serait nécessaire d’annuler le décret portant suppression des dîmes, sauf l’impôt de remplacement ; il serait indispensable de rendre , par un nouveau décret , au clergé , la disposition de ses biens. Dès lors, les tenanciers Sujets à la dîme seraient frustrés de la remise de moitié de l’impôt des dîmes qu’ils trouveront dans l’exécution du plan que j’ai proposé. Ce ne serait point à cette différence que se bornerait celle du plan de M. le marquis de Montesquiou ; j’ai aperçu des insuffisances de dépenses, des estimations de recettes forcées que je ne puis me dispenser de présenter. Recettes forcées. 1° M. le marquis de Montesquiou estime l’impôt de propriété, y compris 30 millions d’accroissement, à la somme de ....... 211,609,000 liv. Mais ces impositions ne montent actuellement, y compris l’accroissement de 15 millions consenti par décret, qu’à ..... 195,675,000 Il y aurait donc une nouvelle augmentation d’impôt au préjudice des propriétés de ...... 15,934,000 liv. 2° Il évalue le produit de la ferme générale à ............. 91,440,000 liv. Mais ce produit ne pourrait s’élever qu’à 79,800,000 livres ; savoir : traites y compris les perceptions au profit de la caisse du commerce, et déduction faite des droits sur le sel, au [21 novembre 1789.} 203 Re-port ....... . plus ........... 25,000,000 Tabac, au moyen de diverses améliorations... 32,000,000 Entrées de Paris non compris les aides du plat pays et au moyen de la moindre consommation au plus ............ 22,000,000 Vente des sels à l’étranger, environ.. ........ 8,000,000 91,440,000 liv. 79,800,000 Ce qui fait une différence de 11,640,000 liv. 3° Il estime le produit de la régie du Clermontois à ....... 107,000 liv. Mais il faut en déduire les droits d’aides dans le Cler-montois, objet au moins de 60,000 4° Il estime le produit des droits de la caisse de commerce pour une somme de .......... 636,000 Cet objet est compris dans le produit des droits de traités et serait un double emploi.. 5° Il porte à 50 millions le produit de l’administration des domaines ................... 50,000,000 liv. Ce produit au moyen de la suppression des droits sur les procédures, n’excéderait pas 45 millions .................. 45,000,000 Différence . . . ..... 5,000,000 liv. 6° Il évalue les droits casuels à... ......... . .............. 3,000,000 liv. Mais au moyen de la suppression de la vénalité des charges, les droits de mutation d’offices, etc., n’existeront plus et le produit des casuels réduit aux droits des maîtrises et jurandes, n’excédera pas ....... 1,000,000 Différence ..... 2,000,000 liv. Récapitulation des recettes forcées. 1° Accroissement d’impôt sur les propriétés ................ 15,000,000 liv. 2° Recette forcée sur l’estimation de la ferme générale ..... 1 1,640,000 3° Recette forcée sur la régie du Clermontois .............. 60,000 4° Double emploi de la recette au profit de la caisse du commerce .................. ..... 636,000 5° Double emploi de la recette sur l’administration des domaines ..................... 5,000,000 6° Double emploi de larecette sur les droits casuels, ........ 2,000,000 A reporter 91 ,440,000 liv. A reporter ... . 35,270,000 liv. 204 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 novembre 1789.] Report. ...... 35,270,000 liv. Il est vrai que le marquis de Montesquiou omet plusieurs articles de recette, dont il faut faire la compensation, savoir : Droits sur les cartes àjouer. . . Droits de la marque d’or et d’argent ...... Accroissement présumable sur la ferme despostes et messageries, si on prend le parti de les réunir à la régie des traites ......... Intérêts des sommes prêtées ..... Conséquemment, on peutéva-luerles forcements de recette à 28,170,000 liv. 1,500,000 800,000 i i 7,100,000 2,900,000 1,900,000 / Insuffisance de dépenses. 1° Sur les dépenses imprévues, que M. le marquis de Montesquiou n’estime qu’à 2,400,000 liv. Et qu’on peut évaluer au dessous de ....................... 5,500,000 Report ....... 88,525,000 liv. Il faut y ajouter l’intérêt à 3 0/0 du service de 170 millions en billets de la caisse d’escompte, que M. le marquis de Montesquiou emploie à l’extinction d’une partie des dettes criardes, ci ............................ 5,100,000 Plus, l’intérêt d’environ 95 millions, à quoi je pense que l’on peut arbitrer l’estimation forcée que donne M. le marquis de Montesquiou au produit de la taxe patriotique, produit que j’estime ne pouvoir être évalué plus de 180 millions .......... 4,750,000 liv. On peut donc arbitrer qu’il y aurait, entre la réalité et les estimations données par M. le marquis de Montesquiou , une différence de ..................... 98,375,000 liv. Ces réflexions étaient nécessaires, et je les présente, non comme une critique, mais comme justification de la différence qui peut se trouver entre le plan de M. le marquis de Montesquiou et celui que j’ai l’honneur de soumettre aux lumières de l’Assemblée nationale. TROISIÈME OBSERVATION Insuffisance ................. 2° Frais de la justice gratuite, qui ne sont estimés qu’à 6 millions, et qui seront au moins de 12 millions ................... 3° Dépenses des assemblées nationales et de la caisse nationale, qui ne sont estimées qu’à 1,350,000 livres, et qu'on ne peut évaluer au-dessous de 5 millions ..................... 4° Insuffisance de la fixation pour les dépenses à la charge des provinces, et frais de recouvrement qui montent actuellement à plus de 32 millions, que j’estime ne pouvoir être au-dessous de 25 millions de livres, et que M. le marquis de Montesquiou n’estime qu’à 7,389,000 delivres.,. .................... 17,611,000 5° Insuffisance sur la fixation des rentes perpétuelles et indemnités ......................... 2,702,000 6° Omission sur les intérêts de la dette non constituée, y compris ceux qui seront dus aux offices supprimés par le décret portant abolition de la vénalité des charges .................... 27,292,000 Total ...... 60,355,000 liv. Récapitulation. Recettes forcées ............. 28,170,000 liv. Insuffisance de dépenses .... 60,355,000 88,525,000 liv. Sur la caisse nationale. Lorsque, par suite des opérations qui m’ont été confiées par le ministre , relativement à la réforme d'une partie des impôts indirects, j’ai recherché les causes du désordre des finances, j’ai reconnu qu’il était principalement occasionné par la confusion des recettes destinées au service des départements, et de celles qui n’ont d’autres motifs que le payement des intérêts de la dette, et le remboursement des capitaux. Dès lors, j’ai pensé que les recettes devaient être séparées ; que celles destinées pour le trésor royal devaient naturellement être bornées à la forme correspondante aux dépenses à la charge du pouvoir exécutif ; que le surplus devait être versé dans une caisse nationale, chargée, sous l’inspection des représentants de la nation, de satisfaire aux intérêts de la dette et de pourvoir au remboursement des capitaux. Cette proposition a été accueillie par le comité des finances (1) ; elle est développée dans l’ouvrage que j’ai présenté au mois de mai dernier (2) et j’ai fait sentir tous les avantages de cet établissement. Je me suis de plus en plus confirmé dans l’opinion que cette opération était nécessairement liée à la prospérité durable de l’Etat; et, conjointement avec M. le baron d’AUarde, je me suis occupé de l’organisation de cette caisse. Dès lors, j’ai pensé que, les fonctions des administrateurs de la caisse nationale devant leur procurer les relations les plus étendues dans l’universalité du royaume, ils pourraient facilement faire le service d’une banque nationale. Dans cette confiance, j’ai estimé que la caisse nationale pourrait mettre en émission jusqu’à la (1) Voy. le premier rapport fait par M. le marquis de Montesquiou au nom du comité des finances. (2) Voy. Recherches et considérations nouvelles sur les finances, Ier volume, 4e partie, page 78. 3,100,000 liv. 6,000,000 3,650,000 A reporter [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 novembre 1789.] 205 concurrence de 200 millions de billets de banque, et faire l’escompte, en faveur du commerce, dans la même proportion ; en conséquence, j’ai porté, dans la somme des revenus, les profits de la caisse nationale, comme banque nationale, pour une somme de 8 millions. Peut-être cette proposition ne sera pas accueillie ; peut-être l’Assemblée nationale estimera-t-elle qu’une caisse nationale ne doit point se livrer aux opérations commerciales de la banque; qu’il convient mieux de les abandonner à des actionnaires, même de faciliter une association de caisse d’escompte entre les principales villes du royaume. Peut-être encore l’opinion mise en avant par M. de Laborde de Méréville aura-t-elle le suffrage de l’Assemblée nationale ; et, dans ces différents cas, il est évident que le bénéfice de 8 millions, que j’ai mis au rang des revenus de l’Etat, n’existerait pas, puisqu’il appartiendrait aux actionnaires, soit des différentes caisses d’escomptes, soit de la Banque nationale. Dans cette supposition, il est sensible qu’il sera nécessaire de fortifier la recette jusqu’à la concurrence de 8 millions, et de recourir à cet effet, soit à l’impôt du timbre, soit à un accroissement modéré sur les impositions directes. Je ne me permettrai pas de réflexions sur le plan offert par M. de Laborde ; c’est à la sagesse de l’Assemblée nationale à décider s’il serait utile et prudent de confier à une compagnie d’actionnaires la masse totale des revenus de l’Etat ; si cette même compagnie d’actionnaires aurait un caractère suffisant pour déterminer les remboursements par la voie de la reconstitution ; si on pourrait lui abandonner les recouvrements de toutes les recottes extraordinaires ; sil ne serait pas au contraire plus avantageux de les confier à des préposés qui seront choisis par les représentants de la nation, et qui seraient tenus de rendre compte de leur gestion à toutes les législatures ; enfin si le bien du commerce exige qu’il subsiste une association de plusieurs caisses d’escompte, ou s’il est plus utile de réunir le tout à une Banque nationale et exclusive. J’ai dû me borner à observer que, dans le cas où l’Assemblée nationale n’estimerait pas à propos de charger les administrateurs de la caisse nationale des fonctions de la banque, il serait indispensable de subvenir à un supplément d’imposition de 8 millions. QUATRIÈME OBSERVATION. Décrets qui seront nécessaires pour V exécution du nouveau régime des finances , s’il est agréé par V Assemblée nationale. J’ai suffisamment prouvé qu’il était indispensable: 1° d’établir la balance de notre commerce, afin d’obtenir un accroissement de numéraire supérieur à la masse des intérêts ou remboursements dus à l’étranger ; 2° de déterminer les dépenses des départements et de l’administration ; d’organiser la dette, en rendant une justice complète aux créanciers de l’Etat ; de fixer la somme du fonds d’amortissement, destiné, en temps de paix , à la libération , en temps de guerre, aux secours extraordinaires que ces circonstances exigent ; 3° d’ordonner l’établissement d’une caisse nationale, chargée spécialement des recettes, tant ordinaires qu’extraordinaires du payement des sommes qui seront affectées aux divers départements, aux intérêts de la dette, et de l’emploi du fonds d’amortissement ; 4° d’organiser les recettes et l’impôt de manière à ne rendre nullement problématiques les revenus nécessaires pour subvenir aux dépenses qui seront fixées et déterminées. J’ose espérer que l’Assemblée nationale décrétera la formation d’un comité choisi tant dans le sein de l’Assemblée, que par section des comités de constitution, de finances, d’agriculture et de commerce, de judicature, des domaines et du comité ecclésiastique, afin que ce comité soit en état de prendre une détermination générale sur l’ensemble du plan que j’ai l’honneur de soumettre aux lumières, à la sagesse, à la prudence de l’Assemblée nationale, et que l’exécution de ce pian soit conforme aux décrets que sa sagesse a rendus jusqu’à présent pour la prospérité de l’Etat. J’ai observé qu’il serait essentiel qu’un député par province fût choisi pour recevoir de ce comité la communication de tous les objets qui y seraient traités, afin qu’il put en conférer avec ses collègues et concerter, par ce moyen, la confection du plan général avec toutes les provinces sans exception. Je crois essentiel de présenter la marche des opérations dont sera chargé ce comité, et l’analyse des décrets que nécessitera l’exécution du plan général. 1er décret, portant abolition des droits de circulation, de fabrication des huiles, de la marque des fers, et autres droits intérieurs, et promulgation du nouveau tarif sur les relations de la France avec l’étranger, fixation des droits sur les marchandises des îles et colonies françaises; règlement sur le commerce de spéculation et de commission, sur la traite des noirs, le commerce du Levant, celui du Nord, et celui de l’Inde et de la Chine. Le comité d’agriculture et du commerce s’en occupe essentiellement, et ce décret important pourra promptement être rendu; il rétablira bientôt la balance de notre commerce, et remédiera aux effets du traité de commerce avec l’Angleterre. 2e décret, portant révocation des règlements qui ont prohibé la culture du tabac en France; encouragement de cette culture ; fabrication. exclusive du tabac en faveur de la nation ; prix de vente du tabac en carottes, en rôles et râpé, au prix de 30 sous la livre ; liberté absolue de l’usage du tabac en feuilles et à fumer. Ce décret, utile pour l’agriculture, commandé par l’intérêt de l’Alsace, de la Franche-Comté, delà Flandre, du Hainaut, de l’Artois et du Cambrésis, fortifiera la balance de notre commerce de plus de 15 millions. 3e décret, portant suppression absolue de l’impôt de la gabelle, droit de quart-bouillon, et généralement de tous les droits perçus sur le sel dans les provinces franches et rédimées. Ce décret doit en mêm temps prescrire les dispositions propres à prévenir tout monopole sur le sel, à le maintenir aux prix d’achat et de transport dans des magasins publics, sans aucun exclusif, avec la simple rétribution nécessaire pour l’entretien des magasiniers; il doit ordonner les précautions convenables pour que les magasiniers ne soient jamais approvisionnés que de sel ayant au moins deux ans de fabrication; disposition essentielle pour la bonté des salaisons. 206 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 novembre 1789.] 4e décret, portant établissement de la caisse nationale, du nombre de ses administrateurs, et de ses fonctions. L’utilité, les bases� de ce décret sont détaillées dans le n° 12 des pièces justificatives de la motion de M. le baron d’Allarde; je ne m’étendrai point sur cet article. 5e décret, qui accorde aux administrateurs de la caisse nationale, la faculté d’appeler à remboursement les rentiers viagers, soit par le remboursement effectif, soit par la conversion volontaire des rentes viagères en assignations sur la caisse nationale, portant intérêt à 5 0/0 sans retenue ; avec réserve expresse de maintenue dans la jouissance des rentes viagères, en faveur des citoyens auxquels cette ressource est utile et nécessaire, 6e décret, qui autorise les administrateurs de la caisse nationale à la liquidation de tous les titres de créances non constituées, et à leur payement en assignations sur la caisse nationale portant intérêt à 5 0/0 sans retenue : j’observe qu’au nombre de ces créances, on doit comprendre les finances des offices de judicature et autres supprimés par le décret portant abolition de la vénalité des charges, les intérêts arriérés, les sommes dues par les départements, les anticipations, fonds d'avances, cautionnements, finances de comptables, capitaux des emprunts à termes lixes, et finalement tous les capitaux de la dette non constituée, sans aucune réserve ni exception. 7e décret, d’une nouvelle législation sur les hypothèques, dont tous les avantages pour le débiteur et son créancier sont complètement démontrés dans le n° 11 des pièces justificatives de la motion de M. le baron d’Allarde. 8e décret, donnant autorisation aux administrateurs de la caisse nationale, de procéder à la liquidation des comptes des receveurs de consignations, commissaires aux saisies réelles, et de tous séquestres, et dépositaires, par autorité de justice; et portant règlement sur les dépôts de toutes sortes, sur les deniers de mineurs et des substitutions, avec attribution d’un intérêt en faveur de ceux qui auront droit aux dits dépôts : les bases de ce décret sont expliquées dans le n°ll des pièces justificatives de là motion de M. le baron d’Allarde. 9e décret, donnant pouvoir aux administrateurs de la caisse nationale de procéder, de concert avec les assemblées provinciales, à l’aliénation des domaines et bois de la couronne, sous les conditions énoncées au n° 10 des pièces justificatives de la motion de M. le baron d’Allarde. 10e décret, donnant pouvoir aux administrateurs de la caisse nationale de procéder à l’aliénation : 1° des domaines et bois des apanages; 2° des maisons situées dans les villes appartenant aux fabriques, hôpitaux et communautés, à la charge que le prix desdites aliénations sera versé dans la caisse nationale, qui tiendra compte aux princes apanagistes, aux hôpitaux, fabriques et communautés, de l’intérêt, à 4 0/0, du montant desdites aliénations. 11e décret, donnant pouvoir aux admistrateurs de la caisse nationale : 1° de procéder à l’aliénation des monastères et enclos des villes, qui ne seront point utiles ; 2° de procéder à la liquidation des droits féodaux dus aux biens ci-devant possédés par le clergé, ensemble de ceux dus aux hôpitaux, fabriques et communautés, avec faculté de recevoir le rachat desdits droits féodaux, sous la condition de payer aux fabriques, hôpitaux et communautés, l’intérêt à 4 0/0 desdits rachats. 12e décret, donnant pouvoir aux administrateurs de la caisse nationale de procéder, concurremment avec les assemblées provinciales, à la liquidation, des droits féodaux dus aux divers propriétaires de terres, à la charge : 1° que les-dits propriétaires seront payés sur les caisses des assemblées provinciales au revenu annuel qu’ils retirent desdits droits féodaux ; à la déduction des trois vingtièmes, pour leur part contributoire à l’impôt de propriété; 2° que le capital de leur liquidation sera spécialement affecté sur le fonds d’amortissement de la caisse nationale; 3° que les redevables desdits droits acquitteront leurs redevances à la caisse de leurs municipalités, jusqu’au remboursement qu’ils auront la faculté d’elfectuer à leur volonté en une ou plusieurs parties, ainsi qu’ils le jugeront convenable. 13e décret, portant abolition de l’impôt des dîmes soit ecclésiastiques, soit inféodées, dans l’universalité du royaume, et déterminant l’impôt de remplacement, dans la proportion de moitié du produit brut des dîmes, ou des trois cinquièmes du produit net que retirent les titulaires des biens ecclésiastiques, et les propriétaires des dîmes inféodées; à la charge : 1° qu’il sera fait, par les assemblées provinciales et municipales, estimation du produit des dîmes supportées par chaque propriété, afin d’asseoir l’impôt de remplacement dans les proportions qui viennent d’être indiquées ; 2° que les deux tiers de cet impôt de remplacement seront destinés pour la caisse nationale, et acquittés avec l’impôt de propriété, jusqu’à l’époque à laquelle les propriétaires jugeront à propos d’en effectuer le rachat, qu’ils seront autorisés à faire sur le taux du denier vingt ; 3° que l’autre tiers de l’impôt de remplacement appartiendra à la caisse de la municipalité, pour former un fonds de réserve, tant pour les secours et soulagements des pauvres que pour l’entretien, les réparations et reconstructions des églises et des presbytères ; 4° qu’il sera fait état des produits des dîmes inféodées, que le capital de ce produit sera fixé au denier 25, et affecté sur ia caisse nationale ; 5° que les propriétaires de dîmes inféodées recevront sur la caisse provinciale de leur ressort, à titre d’indemnité, et jusqu’au remboursement du capital de ladite indemnité, un produit égal à celui qui sera fixé par la liquidation des dîmes perçues à leur profit, à la déduction néanmoins de trois vingtièmes, pour leur part contributoire à l’impôt de propriété. 14e décret, portant fixation du fonds d’amortissement, et détermination de l’emploi qui en sera fait par les admiuistrateurs de la caisse nationale, tant en temps de paix qu’en temps de guerre. 15e décret, portant fixation de la dépense des divers départements, de celles d’administration intérieure, des pensions et autres articles de dépenses étrangères à la dette ; disposition de ces dépenses par les administrateurs de la caisse [21 novembre 1789.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 207 nationale, conformément à l’état qui en sera arrêté par l’Assemblée nationale, sans pouvoir les excéder sous quelque cause et quelque prétexte que ce soit ou puisse être. 16e décret, portant fixation de l’impôt de propriété, à la somme de 200 millions; répartition de cet impôt entre les départements, qui seront arrêtés, au prorata de leurs contributions actuelles, en tailles et accessoires, vingtièmes et autres impôts sur les propriétés ; répartition de l’abonnement de chaque département entre les différentes municipalités dont il sera composé, répartition de l’abonnement de chaque municipalité entre tous les héritages du territoire, sans aucune exception, et proportionnellement à leur produit effectif. 17e décret, portant établissement d’un impôt personnel ou de capitation du produit net de 36 millions pour la caisse nationale, à titre de remplacement : 1° de la modération de l’impôt du tabac; 2° des droits de circulation; 3° des droits d’aubaine, d’échange, amortissements, francs-fiefs, droits sur les procédures et droits casuels des offices ; 4° du droit de la marque des cuirs ; 5° du droit des papiers et cartons ; 6» du droit des poudres et amidons; 7° des droits d’inspecteurs aux boissons, inspecteurs aux boucheries, droits réservés, etc.; lequel abonnement de 36 millions sera réparti entre toutes les assemblées provinciales, au marc la livre de leur impôt de propriété : répartition par les assemblées provinciales entre les différentes municipalités de leur ressort : répartition dudit impôt par les assemblées municipales entre tous les citoyens, dans la proportion de leur aisance et de leurs facultés. J’observe que les journaliers ne devront point être taxés à l’impôt personnel, non plus que les artisans non propriétaires, à moins qu’iis ne le requièrent, afin d’acquérir la qualité de citoyens actifs. 18e décret portant établissement d’un impôt de 40 millions, en remplacement de la gabelle ; du droit de quart-bouillon; des droits sur les sels dans les provinces franches et rédimées; des droits d’aides ; des droits de masphaneng en Alsace; des droits de domaine du Hainaut; de ceux abonnés à la Flandre maritime ; et des droits d’aides dans le Glermontois ; lequel impôt de remplacement sera réparti entre chaque province, au prorata de la somme d’impôts que chacune supporte, pour raison de la perception des droits énoncés au présent article. Nota. Chaque assemblée provinciale ou de département aura la faculté d’établir, pour subvenir à son abonnement, des droits de consommation à l’entrée des villes, des licences ou permissions de cabaret dans les campagnes; à l’instar des Etats de Bretagne pour les devoirs, des Etats de Languedoc pour les équivalents, etc. Ges impôts, bien combinés, seront un sûr moyen d’atteindre les rentiers, les capitalistes, et les citoyens non propriétaires. 19e décret, portant suppression pure et simple des droits de péage et de minage, perçus dans toute l’étendue du royaume, au profit du domaine, des engagistes, du clergé et des communautés ; même suppression, à la charge de l’indemnité desdits droits appartenant aux différents particuliers, et remplacement par un droit uniforme de péage général par terre, et de navigation sur les rivières; d’une perception facile, sans visites ni retards, d’une quotité trop faible pour influer sur le prix des transports, et propre à diminuer l’impôt de remplacement des corvées ; à contribuer au meilleur entretien des routes; liquidation sur le taux du denier vingt des droits de péage et de minage appartenant aux particuliers, déduction faite des charges dont ils sont tenus, avec jouissance jusqu’au remboursement de l’intérêt du capital liquidé à raison de 4 0/0, sur lequel intérêt retenue sera faite auxuits propriétaires des trois vingtièmes pour leur part contributoire à l’impôt de propriétaire. 20° décret, portant réunion des postes et messageries à la régie chargée de la perception des droits de traites; fixation des administrateurs et de leurs traitements. Nota. Cette réunion opérera une très-grande économie sur les frais d’administration , une bonification sur les produits de cette ferme; elle arrêtera la fraude qui se commet par les courriers et les messageries, fraude non moins préjudiciable aux manufactures nationales qu’aux intérêts du fisc. 21e décret, portant règlement pour la perception du droit sur les cartes à jouer, par abonnement avec les fabricants; et restitution des droits sur les parties exportées à l’étranger. 22e décret, portantrèglement sur la perception du droit de la marque d’or et d’argent, par abonnement avec le corps des orfèvres, et restitution du droit sur les ouvrages d’orfèvrerie exportés à l’étranger. 23e décret, portant fixation des droits de contrôle des exploits, contrôle des actes, droit d’insinuation, centième denier, et vente du papier timbré dans l’universalité du royaume : révocation des abonnements d’exemption, et modération desdits droits sur les conventions du pauvre ou du citoyen peu fortuné. Nota. Ce décret est très-important; il rectifiera l’odieux et les extinctions données à la perception des droits originaires. 24e décret, portant conversion des droits de réception des jurandes et maîtrises, en un droit annuel proportionné aux facultés des artisans, et fixation de la régie dudit droit. 25eDÉcRET, portant règlement pour la perception du droit de marc d’or sur les grâces, pensions, commissions, etc., et fixation dudit droit. Tels sont eu substance les différents décrets dont le comité d’impositions aura à s’occuper pour l’exécution du nouveau régime des finances : leur ensemble présente un travail très-étendu, mais il sera facile ; et, si l’Assemblée nationale consent à m’admettre aux travaux de ce comité, je m’estimerai heureux de contribuer, autant qu’il dépendra de moi, à la prompte confection de ses opérations ; je m’empresserai de témoigner, par mon zèle et mon assiduité, le désir que j’ai de répondre à la confiance dont auraient bien voulu m’honorer les augustes représentants de la nation.