432 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 juillet 1790.] réflexions, ne monterait, en totalité, qu’à 85,985.015 livres, et présenterait u e économie de 2,166,148 livres, sur les 88,151,163 livres demandées par le ministre. Cette économie serait suffisante pour solder les auxiliaires à entretenir dans les départements, au nombre nécessaire pour porter la force totale de l’armée à 200,000 hommes, ainsi qu’on vous le propose, dans le cas où, malgré les observations très judicieuses qui vous ont été faites par un des préopinants, vous vous déterminiez à les adopter. Je me réserve de vous en démontrer la possibilité. Dans le cas contraire, où, frappés des inconvénients que des hommes ainsi entretenus pourraient avoir pour la composition et le recrutement de l’armée active, vous vous décideriez à rejeter ce système, cette somme alors viendrait en déduction sur les fonds assignés au département de la guerre. Je pourrais mettre sous vos yeux tous les détails de ce pian, si vos décrets même, d’accord avec mes principes, ne m’empêchaient pas de vous le proposer. Vous avez décrété, le 28 février dernier, que le roi était le chef suprême de l’armée et qu’il devait être chargé de son organisation, d’après les hasos constitutionnelles qui seraient arrêtées par vous. Vous avez, en conséquence, demandé à son ministre les plans nécessaires pour vous mettre à portée de décider les bases; en arrêtant, par un de vos derniers décrets, que vous détermineriez le nombre d’individus de tous les grades, dont l’armée devrait être composée, ainsi que les dépenses que son entretien pourrait occasionner, vous avez prononcé que l’initiative appartenait au roi, et c’est d’après ce principe que vous avez ordonné à votre comité de vous soumettre ses observations sur le plan qui vous avait été envoyé au nom de Sa Majesté. 11 les a mis sous vos yeux, Messieurs; mais quelquej mtes qu’elles puissent être, vouloir décréter le nouveau plan que votre comité a pensé devoir préférer à celui remis au nom du roi, sans les lui avoir communiqués préalablement, ce serait contredire vos principes, ce serait contrevenir à vos décrets mêmes. Eclairer la sagesse du roi, par vos réflexions, est votre devoir; prononcer définitivement sur des détails que vous lui avez confiés, serait outrepasser des pouvoirs dans lesquels vous vous êtes circonscrits vous-mêmes. Votre comité, d’accord avec le ministre, sur le nombre d’hommes nécessaires au service de l’armée active, ainsi que sur la somme à fixer pour ses dépenses, ne diffère avec lui d’opinion que sur celui des auxiliaires à entretenir, c’est à vous de prononcer sur ces deux points; déterminer la force totale de l’armée entre 200 ou 250,000 hommes, fixer les dépen.-es, afin d’arrêter Ja quotité de la solde de chaque grade, me paraissent les trois seuls articles qui doivent être soumis, quant à présent, à votre discussion. Je demande donc, qu’en vous bornant à les décréter aujourd’hui, vous vouliez bien ordonner que les observations de votre comité, sur le plan du ministre, ainsi que celles que j’ai eu l’houDeurde vous proposer par forme d’amendement, soient remises au roi, afin que, sur sa réponse, vous puhsiez décréter ultérieurement le nombre d’hommes et d’individus de tous les grades et de toutes les armes sur lesquels vous vous êtes réservés de prononcer. J’ai l’honneur-, en conséquence, de vous proposer le projet de décret suivant : PROJET DE DÉCRET. L’Assemblée nationale, ayant entendu le rapport de son comité militaire, ainsi que les différentes observations qui lui ont été soumises dans le cours de la discussion, tant sur le plan de l’organisation de l’armée approuvé par Sa Majesté et remis par son ministre que sur le nouveau plan proposé par son comité, a décrété et décrète ce qui suit : Art. 1er. La force de l’armée demeurera fixée, pour l’année 1791, à 200,000 hommes, y compris les officiers de tous les grades et de toutes les armes. Art. 2. De ces 200,000 hommes, 151 à 154,000 seulement (1) dont 9,500 ou 11,000 officiers au plus de tous grades et de toutns armes, seront constamment rassemblés et soldés toute l’année. Le surplus nécessaire pour compléter les 200,000 hommes sera formé de soldats auxiliaires, lesquels resteront dans les départements où ils seront enregistrés, soldés et employés ainsi qu’il sera décrété ultérieurement, dans le cas où un examen plus réfléchi des inconvénients qu’ils pourraient avoir relativement à la composition et au recrutement de l’armée de ligne, ne s’opposerait pas au projet de cette armée sédentaire annoncée par le comité. Art. 3. Les observations du comité militaire, sur le plan adopté par le roi, ainsi que celles faites par forme d’amendement sur celui du comité seront adressées au ministre, afin qu’en les présentant à Sa Majesté, il puisse prendre ses ordres à ce sujet et mettre l’Assemblée dans le cas de décréter définitivement l’organisation de l’armée . Art. 4. Sa Majesté sera suppliée de peser dans sa sagesse les inconvénients des bataillons de garnison, ceux qui pourraient résulter, dans ce moment surtout, des incorporations, des réformes, des suppressions trop considérables d’emplois supérieurs, seuls capables d’entretenir l’émulation, ainsi que ceux que pourraient entraîner après eux des corps trop nombreux, souvent dans le cas d’être séparés, et de vouloir bien, en conséquence, examiner s’il ne serait pas plus avantageux au bien du service et surtout aux cireon-tances présentes de répartir les 184 bataillons d’infanterie et les 192 escadrons à entretenir sur pied en 92 régiments d’infanterie de deux bataillons et en 64 régiments de troupes à cheval de trois escadrons chacun, que de les répartir en 46 régiments d’infanterie de 4 bataillons ainsi que le propose le ministre et le comité, et en 42 ou 32 régiments de troupes à cheval, suivant les deux plans d’organisation présentés à l’Assemblée, sauf ensuite à former en brigades ces régiments non doublés, ce qui produirait le même effet que leur doublement. Arb5. Le comitémilitaire fera le plus tôt possible les rapports qu’il a annoncés sur l’organisation particulière de l’artillerie du génie et de l’état-major général de l’armée, ainsi que sur les dépenses acces-(1) Fixer définitivement le nombre d’hommes et d’officiers de l’armée aciive, ainsi que leur répartition dans chaque arme, serait forcer à adopter le plan du ministre, celui du comité, ou celui que j’ai annoncé : ce ne peut être l’intention de l’Assemblée. Il faut donc laisser une latitude au nouveau plan que le roi pourra proposer, d’après les observations à lui remettre sur le premier, envoyé en son nom. {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 juillet 1790.] 133 soires du département de la guerre, afin que les observations qu’il pourra faire à ce sujet ayant été pareillement mises sous les yeux de Sa Majesté, l’Assemblée puisse décréter de même définitivement ces articles. Art. 6. Les fonds à assigner au département de la guerre ne pourront excéder la somme de quatre-vingt-huit millions cent cinquante et un mille cent quarante-trois livres, portée en l’état remis par le ministre du roi. Les 26,935,478 livres, portées dans l’état du ministre pour l’état-major général de l’armée, pour l’artillerie, le génie et pour les dépenses accessoires du département, ne seront décrétées que provisoirement et seulement comme un maximum susceptible de réduction, s’il y a lieu, à la suite de i’examen qui sera fait de chacun de ses articles, d’après le rapport du comité militaire. Art. 7. Il sera exercé, sur les hommes absents par congé dans les régiments d’infanterie française et dans les troupes à cheval, la retenue de la demi-solde et de la masse entière de la boulangerie pendant le temps de leur absence. Sa Majesté sera suppliée d’autoriser ces hommes à s’absenter pendant dix mois tous les ans, sur le pied du tiers dans l’infanterie, et pendant neuf mois seulement sur le pied du quart, dans les troupes à cheval. Il sera fait un fonds particulier de ces retenues, lequel servira à l’entretien des hommes auxiliaires, conformément au traitement qui sera décrété ultérieurement eu leur faveur, sur le rapport qui en sera fait par le comité militaire, dans le cas où cette armée sédentaire devrait avoir lieu, ou lequel tournera en économie sur les fonds attribués au département, dans le cas où ce projet ne serait pas adopté. Art. 8. Les appointements, Soldes et masses de tous les grades demeureront fixés, ainsi qu’il suit : ( Tels que le comité militaire les a proposés , d’après les calculs énoncés au plan du ministre.) M. le Président. J’invite MM. du comité ecclésiastique à s’assembler sur-le-champ pour prendre connaissance d’un paquet concernant M. le cardinal de Rohan. On me dit que cette affaire est importaute et qu’il est urgent de prendre un parti. La discussion sur V organisation de V armée est reprise. M. Victor de Broglte. Le plan, dont l’ensemble a été présenté hier par le comité militaire, paraît fondé sur des bases solides, appropriées aux circonstances et à l’intérêt de la liberté; il est tellement combiné d'après tous les principes constitutifs d’une bonne armée, que je ne crois pas avoir à en développer les avantages. Je vais me borner à examiner les points principaux dans lesquels le comité diffère avec le ministre. Le premier est la réduction de 4 hommes par compagnie, qui, par cette opération, se trouverait portée de 54 à 50 hommes; cette diminution priverait un régiment de 150 hommes, excédant nécessaire pour les maladies et autres accidents imprévus. Ainsi, sous ce premier rapport, je crois, avec le comité, qu’il est utile d’avoir des compagnies de 54 hommes : elles présentent encore l’avantage de pouvoir manoeuvrer sur un grand front et d’assurer le coup d’oeil des officiers. Le ministre emploie ces 4 hommes à former des légions, qui me paraissent inutiles pendant la paix, et qui présentent une augmentation considérable d’officiers et d’états-majors. Il sera facile de faire, pour la guerre, une infanterie légère; 4W SÉRIE. T. XVII. le service présente plus de dangers ; et quand' sous le régime arbitraire, l’émulation de la gloire formait rapidement ces corps, peut-on en douter qu’ils ne se forment avec une rapidité plus grande quand tous les Français, à l’amour de la gloire, joignent le patriotisme et le courage de la liberté? Je crois qu’il m’est permis de dire que mon père pensait qu’il ne faut former Jes troupes légères qu’au moment où l’on entre en campagne. — La seconde différence porte sur l’institution des lieutenants-colonels pour chaque bataillon ; le ministre la regarde comme inutile à l’égard du quatrième bataillon; mais ce bataillon étant un bataillon de garnison, devant servir à donner aux soldats malades du repos et des secours, il est nécessaire de mettre à sa tête un officier expérimenté et élevé en grade. — Troisième différence. Le ministre compose les régiments de cavalerie et de dragons de quatre escadrons, et le comité de six; cette dernière formation est plus analogue à celle de l’infanterie; les corps nombreux ont de grands avantages à la guerre : le grand Frédéric a consacré ce principe par ses ouvrages, par ses institutions, et plus encore par ses victoires. Une considération puissante a déterminé votre comité à adopter cette formation; il lui a paru nécessaire de resserrer un plus grand. nombre de soldats sous le même drapeau, dans les liens de la fraternité, et d’établir une unité d’intérêt et d’action. Les motifs du comité sont les mêmes à l’égard des brigades. — Quatrième différence. Le comité a pensé que le seul moyen d’attacher les oticiers généraux aux soldats, était de mettre un maréchal de camp à la tête de chaque régiment, sous le nom de général-colonel; il aura, pour ainsi dire, une famille militaire; il s’empressera de mériter l’estime de ses soldats, qui, de leur côté, seront conduits par l’émulation naturelle à tout soldat français, et par le désir d’obtenir des éloges de leur chef supérieur : le régime paternel, si recommandé par les plus grands généraux, sera réalisé. Le ministre a cru qu’il serait dangereux de faire perdre au grade de colonel l’importance qu’il tenait de sa supériorité; cependant, à la guerre, le colonel est toujours aux ordres d’un officier général. Peut-il craindre, pendant la paix, d’être ce qu’il a toujours été dans un moment plus intéressant pour sa gloire? MM. Luckner et de Puységur ayant été appelés au comité, la grande majorité a été pour l’institution des généraux-colonels. M. de Beauharnais, le jeune ( ci-devant le vicomte). H m’est impossible de présenter mes idées sur les plans qui vous sont proposés sans exprimer le regret que j’éprouve devoir l’Assemblée nationale entrer dans le détail de la formation de l’armée, avant d’avoir considéré, dans son ensemble, ce que c’est que la force publique. Sans doute, l’armée est un des moyens les plus importants de la force publique, mais ce u’est qu’une partie de cette force. Il fallait embrasser d’un même coup d’œil, considérer sous un même rapport, renfermer également dans les bornes de tous les pouvoirs, et combiner avec eux l’organisation des troupes de ligne et celle des gardes nationales. Ces deux parties de la force publique tiennent essentiellement l’une à l’autre et se touchent par tous les points. Le comité militaire aurait donc dû se concerter avec le comité de Constitution. Si, comme je le crois, il y a, par la suite, dans tous les départements, une certaine quantité de gardes nationales soldées, le nombre de ces troupes doit influer sur celui des indivi-28