366 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE du peuple couronnera ses travaux. La Convention vous invite à assister à la séance. La Convention nationale a décrété la mention honorable et l’insertion de ces différentes adresses au Bulletin 57 La section de la Réunion [Paris], en masse, se présente pour féliciter la Convention d’avoir fermé la société des Jacobins, dont, depuis long-temps, dit-elle, des scélérats ambitieux se servoient pour étouffer l’opinion publique par les maximes liberti-cides du terrorisme. Mention honorable, insertion au bulletin (98). 58 La section de Marat [Paris] paroît ensuite. Elle déclare que, profondément indignée des atrocités commises sous un régime oppressif et sanguinaire, elle sera toiijours en garde contre tous les intrigans, ambitieux et conspirateurs; qu’elle dévoilera sans pitié tous les hommes féroces, et ne reconnoîtra désormais de qualifications que celle de Républicains. Recevez, ajoute-t-elle, nos félicitations sur votre décret bienfaisant qui arrête la marche criminelle d’une société qui n’étoit plus qu’un repaire de factieux conspirant contre la représentation nationale. Les doux épanchements de la fraternité cimenteront bien mieux la République que l’effusion du sang. Mais point de répit, nulle pitié pour les tigres altérés de sang, qui ont couvert de deuil le sol de la liberté. L’orateur termine par inviter la Convention à perfectionner la législation par des lois sages et douces, a régénérer les mœurs publiques par l’instruction, à maintenir la sécurité du peuple sur les subsistances, par les soins qu’elle donnera à cette partie importante de l’économie politique ; enfin, a rester à son poste jusqu'à la paix. Mention honorable, insertion au bulletin (99). LÉCRIVAIN (orateur de la section) : Citoyens représentants, la section de Marat serait tous les jours à votre barre si elle venait vous féliciter toutes les fois que la sagesse de vos décrets vient exciter sa reconnaissance et son admiration. Econome d’un temps que vous savez si bien employer pour le salut de la patrie, elle laisse accumuler vos bienfaits, et, lorsque vous (98) P.-V., L, 231. Gazette Fr., n° 1064. (99) P.-V., L, 231-232. avez formé un vaste faisceau, elle vient l’embrasser avec vous. Justement et profondément indignée des atrocités commises sur différents points de la République, elle vous déclare qu’elle sera toujours en garde contre les intrigants, les conspirateurs, et qu’elle dévoilera sans pitié tous les hommes féroces, et ne reconnaîtra désormais de qualification que celle de républicain. Recevez, représentants du peuple, nos félicitations sur votre fermeté à déjouer l’intrigue, sur votre décret bienfaisant qui arrête la marche criminelle d’une Société jadis fameuse par son patriotisme, mais qui n’était plus qu’un repaire de factieux conspirant contre la représentation nationale. Les doux épanchements de la fraternité cimenteront bien mieux la République que l’effusion du sang. Désormais, on ne confondra plus les assassinats avec les exécutions juridiques. Par des lois sages vous soutiendrez le républicanisme qui anime les citoyens ; par la pureté des mœurs publiques vous appellerez à l’amour de la patrie ; par l’éducation vous formerez des enfants qui sauront être libres; par tous les moyens combinés d’instruction vous associerez les individus à l’intérêt commun et au bonheur public. Législateurs, nous concevrions de vives inquiétudes sur le haussement rapide et effrayant de tous les objets de première nécessité si nous ne voyions avec reconnaissance que vous avez porté votre attention sur l’administration des subsistances, sur la cherté des denrées, sur les réquisitions, et sur la protection due au commerce. Nos braves frères d’armes versent leur sang sur les frontières ; le nôtre est prêt à couler pour seconder les efforts de la Convention, qui est notre seul point de ralliement. Point de répit ; nulle pitié pour les tigres altérés de sang qui ont couvert de deuil le sol de la liberté. Il faut qu’elles périssent [sic]. Nous avons juré de mourir libres ; nous avons juré une haine implacable aux méchants (100). 59 Un membre du comité de Salut public [CARNOT] fait un rapport sur les moyens à prendre pour faire cesser les troubles de la Vendée et les ravages des chouans. Il propose une amnistie pour les citoyens égarés et désespérés par les mesures de rigueur prises jusqu’à présent. Il propose, en conséquence, une proclamation dont il donne lecture. Un membre [LOFFICIAL] observe que la proclamation n’obtiendra pas le but que la Convention veut atteindre, si l’on ne supprime la partie où il est question des prêtres. Il en demande l'ajournement, afin qu’elle puisse être (100) Moniteur, XXII, 642. J. Perlet, n° 799 ; J. Fr., n° 797 ; Gazette Fr., n° 1064 ; Mess. Soir, n° 835. SÉANCE DU 11 FRIMAIRE AN III (1er DÉCEMBRE 1794) - N° 59 367 concertée avec les députés des départements de l’Ouest. Un autre membre [Charles DELACROIX] demande que la proclamation soit accompagnée d’un décret positif. Un troisième réclame la parole pour communiquer des observations. La Convention adopte la motion de décréter provisoirement l’amnistie, et ordonne l’ajournement en ces termes : La Convention nationale, après avoir entendu la lecture d’un projet de proclamation pour les départements de l'Ouest, sur motion d’un membre, ajourne l’adoption de ladite proclamation, et charge le comité de Salut public, après s’être concerté avec les députations desdits départemens, de lui proposer, dans le plus bref délai, un projet de décret qui puisse faire cesser les troubles de ces contrées (101). CARNOT (102) : Citoyens, je viens, au nom de votre comité de Salut public, fixer votre attention sur les malheureuses contrées que ravagent depuis longtemps les chouans et les brigands de la Vendée. Cette guerre, il est vrai, n’offre plus rien d’alarmant pour la liberté ; mais on ne peut la dire terminée, et il est à craindre que le théâtre de cette guerre sanglante, comme celui de toutes les guerres civiles, ne demeure infesté de scélérats qui troubleront longtemps encore peut-être le repos des citoyens. Les mesures les plus propres à la terminer ont été prises. La discipline et l’activité ont été rétablies dans les armées; des chefs connus pour leur capacité, leur humanité, leur désintéressement, ont pris la place de ceux dont on accuse la barbarie d’avoir surpassé celle des brigands qu’ils devaient combattre. Des dispositions militaires ont été arrêtées avec les nouveaux chefs, et nous croyons avoir lieu d’en attendre les plus heureux succès. Mais, pour que ces mesures aient une grande efficacité, il a paru à votre comité indispensable d’y joindre des mesures de morale qui se trouvent entre les mains de la Convention nationale seule. Vous seuls, en effet, citoyens, vous devez aujourd’hui ramener, par un acte authentique, chez ces hommes égarés qui suivent l’étendard de la révolte, la confiance qui faisait poser les armes à la plupart d’entre eux. Ils ont été trompés si souvent qu’aucune promesse ne peut les rassurer si elle n’est émanée de la Convention elle-même. Je ne retracerai pas les perfidies qui peuvent justifier cette défiance invincible ; trop souvent le récit de ces malheurs est venu porter la tristesse dans cette enceinte ; aujourd’hui c’est du remède qu’il faut nous occuper. Déjà les essais qu’ont faits les représentants du peuple du système d’indulgence allié à celui de la force et de la discipline ont obtenu des effets très sensibles, et tout annonce que, si la Convention nationale elle-même proclamait le pardon de tous les hommes séduits qui ont reconnu leur (101) P.-V., L, 232-233. (102) Moniteur, XXII, 644. Débats, n° 800, 1030-1031 ; Ann. Patr., n° 700 ; F. delà Républ., n° 72 ; J. Fr., n° 797 ; Gazette Fr., n° 1064; M.U., n° 1359; Mess. Soir, n° 835; Ann. R.F., n° 72. erreur et qui désirent aujourd’hui rentrer au sein de la République, elle obtiendrait promptement le terme si désiré de tant de maux qui la déchirent, et qui font la dernière espérance de ses ennemis. Le désespoir et la rage, nous écrit un de nos collègues, se sont concentrés dans ces départements par une conséquence fort simple. D’un côté, peine de mort contre tous ceux qui ont pris part aux attroupements armés, soit dans la levée des trois cent mille hommes, soit dans l’affaire de la Rouërie ; peine de mort contre tous les prêtres réfractaires; peine de mort contre tous les fédéralistes qui se sont sauvés et qui sont réputés émigrés; peine de mort contre tous ceux qui recèleront, communiqueront, entretiendront des correspondances avec ces differents individus ; et les deux tiers des habitants de la campagne, peu instruits et fanatisés, ayant eu des baisons avec tel prêtre, tel noble, tel fédéraliste, tel brigand, ne voient qu’une mort assurée. Voila, chers collègues, voila la vraie cause des vingt, trente, cinquante assassins dans tel ou tel district. Citoyens, la Convention nationale seule peut faire cesser un tel ordre des choses, fondé sur la loi qui repousse invinciblement une multitude de citoyens égarés qui voudraient poser les armes et rentrer paisiblement dans leurs foyers. Votre comité de Salut public a pensé que rien aujourd’hui ne s’opposait à l’adoption d’une pareille mesure, aucunement contraire à la dignité nationale, et qu’elle ne peut qu’opérer les plus prompts et les plus heureux effets. En conséquence, il m’a chargé de vous proposer le décret suivant d’une proclamation rédigée sur ces bases. Carnot lit la proclamation (103). CARNOT (104) : Depuis deux ans vos contrées sont en proie aux horreurs de la guerre ; ces ch-mats fertiles que la nature sembloit avoir destinés pour être le séjour du bonheur, sont devenues des lieux de proscription et de carnage ; le courage des enfans de la patrie s’est tourné contre elle-même, sa flamme a dévoré les habitations, et la terre couverte de ruines et de cyprès, refuse à ceux qui survivent, les subsistances dont elle étoit prodigue. Tels sont, ô Français ! les plaies douloureuses qu’ont faites à la patrie l’orgueil et l’imposture ; les fourbes ont abusé de votre inexpérience, c’est au nom du ciel juste qu’ils armoient vos mains d’un fer parricide; c’est au nom de l’humanité qu’ils dévouoient à la mort des milliers de victimes ; c’est au nom de la vertu qu’ils attiroient chez vous les scélérats de toutes les parties de la France ; qu’ils faisoient de votre pays le réceptacle de tous les monstres vomis du sein des nations étrangères. 0 que de sang répandu pour quelques hommes qui vouloient dominer ! Et vous qu’ils ont (103) Moniteur, XXII, 644. Débats, n° 799, 1024-1025 ; J. Perlet, n° 799 ; Mess. Soir, n° 835. (104) C 327 (1), pl. 1433, p. 14 de la main de Carnot. Rép., n° 73.