430 [États gén. 1789. Cahier*.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Sénéchaussée d Aix.] CAHIER Des remontrances, plaintes et doléances arrêtées en l’assemblée générale de tous les habitants de ce lieu de Varage s, âgés de vingt-cinq ans, compris dans les rôles des impositions, convoquée aujourd'hui 25 mars 1789, dans l’église paroissiale de ce même lieu, à la réquisition des sieurs maire et consuls, en exécution des ordres de Sa Majesté, et de l'ordonnance de M. le lieutenant général en la sénéchaussée générale de Provence, séant à Aix, rendue le 12 du présent mois de mars, ladite assemblée autorisée par M. Laurent Montagnac, lieutenant de juge de ce même lieu (l). L’assemblée, pénétrée de cette grande et sainte vérité que tout sujet doit se sacrifier pour son souverain, quand on le voit lui-même se résoudre aux sacrifices qu’exige le bonheur de son peuple, quand on le voit s’occuper tout entier des moyens qui peuvent l’opérer, se persuade volontiers qu’elle ne peut mieux lui témoigner sa reconnaissance qu’en se dévouant pour son service, pour la gloire et la prospérité de son règne. Elle est convaincue que le premier devoir que ce dévouement lui impose est, dans la circonstance actuelle, de concourir, par tous les moyens possibles, à l’acquittement de la dette nationale. Aussi elle assure d’avance son auguste monarque, par la parole inviolable qu’elle lui donne aujourd’hui, que, malgré la détresse où le malheur des temps l’a plongée, elle consentira, avec toute la soumission qu’elle doit à ses ordres, et à une cause aussi respectable, à tous les sacrifices qu’il exigera pour remplir cet objet. Mais aussi elle ose présumer de cet intérêt si vif qu’il prend au bonheur de son peuple, et de cette tendre sollicitude qu’il témoigne surtout pour la partie souffrante de ses sujets, qu’il l’allégera du fardeau qui l’accable, en le répartissant également sur toutes les classes de citoyens de son royaume. Et puisqu’il veut bien écouter les doléances de ses sujets, la présente assemblée va se permettre celles qui peuvent l’intéresser soit relativement aux objets qui concernent la généralité du royaume, soit par rapport à ceux qui ont trait à l’administration de cette province, soit enfin par rapport à ceux qui lui sont particuliers. 1° L’assemblée a arrêté, par rapport à ceux qui concernent la généralité du royaume, que les sieurs députés qu’aura élus l’ordre du tiers pour assister et voter aux Etats généraux de France, seront expressément chargés d’y solliciter la réformation du code civil et criminel, la suppression de tous les tribunaux inutiles et onéreux ; une attribution, à ceux d’arrondissement, de souveraineté jusqu’au concurrent d’une somme déterminée ; l’abrogation de toutes lettres attentatoires à la liberté des citoyens ; la faculté à ceux-ci, de quelque ordre qu’ils soient, de concourir pour tous emplois militaires, bénéfices et charges attributives de noblesse, et d’y réclamer, surtout, contre la vénalité des offices. Les-dits sieurs députés réclameront, en outre, une modération dans le prix du sel, rendu uniforme pour tout le royaume ; comme aussi l’abolition de tous droits de circulation dans son intérieur, et notamment le reculement des bureaux des traites dans les frontières. Enfin des défenses très-rigoureuses, et l’établissement d’une punition, (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire , contre les accaparements de blé de quelle part qu’ils puissent provenir. 2° Quant aux affaires relatives à la province, l’assemblée charge, par exprès, lesdits sieurs députés du tiers-état aux Etats généraux d’y demander la convocation générale des trois ordres de la province, pour former ou réformer la constitution du pays ; de réclamer qu’il soit permis aux communes de nommer un syndic, avec entrée aux Etats; de s’élever contre la perpétuité de la présidence et contre la permanence de tout membre non amovible, ayant, en l’Etat des choses, entrée auxdits Etats ; comme aussi de requérir l’exclusion des mêmes Etats des magistrats, et de tous officiers attachés au fisc; la désunion de la procure du pays du consulat de la ville d’Aix; l’admission des gentilshommes non possédant fiefs et du clergé du second ordre; l’égalité de voix pour l’ordre du tiers contre celles des deux premiers ordres, tant dans les Etats que dans la commission intermédiaire, et surtout l’égalité de contributions pour toutes charges royales et locales, sans exception aucune, et nonobstant toute possession ou privilège quelconques : l’impression annuelle des comptes de la province dont envoi sera fait daus chaque communauté, et que la répartition des secours que le Roi accorde au pays, ensemble de l’imposition de 15 livres par feu, affectée à la haute Provence; sera faite dans le sein des Etats, et par eux arrêtée. 3° Quant aux objets qui intéressent particulièrement cette communauté , l’assemblée prie et charge lesdits sieurs députés aux Etats généraux de représenter au meilleur des rois, que, vivant sous le joug de la féodalité, elle aimerait, et son plus cher désir serait de le secouer, et de ne reconnaître que lui seul pour son seigneur; que la distinction qui existe entre les mêmes sujets de son royaume, et par laquelle les uns sont royaux, les autres seigneuriaux, est accablante, et est même devenue un sujet de mépris de la part des premiers pour ceux de cette dernière classe ; que l’espèce de honte qu’on a attachée à celtefdénomi-nation n’a été produite que par l’oppression et l’anéantissement de la liberté et de la propriété, sous lesquels gémissent les vassaux des seigneurs; que les divers droits attachés à leurs fiefs font un esclave de l’homme né pour être libre, et lui rendent chaque jour son existence odieuse par les liens qui l’enchaînent; qu’à la vérité, le seigneur, à qui cette communauté fait hommage, jouit de toutes les qualités personnelles qui peuvent distinguer l’homme, témoignage que l’assemblée aime à lui rendre dans cette circonstance, mais que cependant, l’estime et la considération que l’on a pour sa personne, font abstraction avec les sentiments qu’inspire l’exercice des droits attachés à sa qualité de seigneur; que ces droits ayant donné lieu à bien des procès, entre lui et la communauté, dont les frais et les suites ont donné un nouveau surcroît à sa misère, ne peuvent qu’exciter ses réclamations et le désir d’en être affranchie. En conséquence, l’assemblée prie et charge Jesdits sieurs députés de demander à notre souverain dont la bienfaisance rehausse l’éclat des autres vertus qui le distinguent : Que la juridiction aujourd’hui inhérente au fief en sera distraite et attribuée au corps de la corn* munauté. Qu’il sera procédé à l’élection des officiers de justice dans une assemblée générale de tous les membres de la communauté,' chefs de famille. Que les chargese.n seront attribuées à ceux qui [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.] 431 réuniront, en leur faveur, l’unanimité ou la pluralité des suffrages. Que les officiers, ainsi élus, ne resteront en charge que l’espace de cinq ans, après lesquels il sera procédé à la nomination de ceux qui devront les remplacer, en la même forme et de la mèffie manière que dessus. Que cependant les officiers qui, au bout de cinq ans, devront sortir de charge, pourront être confirmés, s’ils réunissent, en leur faveur, les trois quarts des suffrages. ' L’assemblée prie encore et charge lesdits sieurs députés de requérir la suppression et abolition des. droits de lods, d’indemnité et de prélation; la concession, au corps de la communauté, des droits de chasse et de pêche, et la réunion, au domaine de la couronne, des autres régales mineures et prérogatives du fief. Gomme aussi de représenter à Sa Majesté que la communauté, ayant aliéné au seigneur, en 1602, avec franchise de tailles, ses moulins a blé et à huile avec la banalité, au prix de 30,000 livres, elle ne peut, en l’état des choses, user du privilège de rachat que Sa Majesté a accordé aux communautés, à cause de la faculté, donnée aux possesseurs, d’opter pour la désemparation ou pour l’encadastrement, le seigneur ayant opté pour le dernier; que cette option a rendu presque illusoire le dédommagement que Sa Majesté a voulu ménager aux communautés par l’encadastrement, la majeure partie de ces moulins se trouvant nobles; que le préjudice qui en résulte pour la communauté est si considérable, qu’outre fa servitude à laquelle elle se trouve soumise par rapport à la banalité, et dont le rachat lui deviendra onéreux, ne pouvant l’exercer sur les engins, le seigneur lui en ayant interdit la faculté par son option pour l’encadastrement, et ne pouvant en construire d’autres, par le manque d’eau, le préjudice qui résulte pour la communauté de la privation de ses moulins, est, disons-nous, si considérable qu’elle se trouve privée, quant aux moulins à blé, d’un produit annuel d’environ 5,000 livres, étant affermés actuellement à cent cinquante six charges annuellement; et quant aux moulins à huile, l’habitant se trouve privé d’un neuvième de ses huiles ou par rapport à ce qui reste au marc, par le défaut de pressurage, lequel marc, appartenant au seigneur, est passé à une recense, ou par rapport à ce qui reste mêlé dans les eaux qui tombent dans les souterrains, appelés enfers, les huiles ne reposant pas assez longtemps dans les fabis ou tonneaux où on les dépose; qu’indépendamment de ce premier avantage que te seigneur retire des moulins à huile, il exige encore une rétribution, en argent, des particuliers pour la mouture de leurs olives, qui, jointe au produit du marc recensé qu’il vend, année commune, 2 sous la anal, lui procure annuellement une somme de ,200 livres; qu’à la vérité, ces divers produits exigent quelques frais d’exploitation, mais, déductiou faite, le résultat est encore fort considérable. L’assemblée supplie les sieurs députés de mettre sous les yeux de Sa Majesté toutes ces considérations, et de réclamer de sa justice qu’elle rétablisse la communauté dans la possession d’aussi précieux effets dont, la misère l’avait dépouillée, offrant de rembourser le prix de l’achat, rassemblée les chargeant encore de requérir, au nom de la communauté, la suppression de la banalité des fours, comme étant une entrave pour l’habitant. L’assemblée prie encore les représentants du tiers aux Etats généraux d’y exposer que le recouvrement de la dîme entraîne bien des procès entre les particuliers et les prieurs dêcimateurs, qu’elle se paye d’ailleurs à un taux fort altéré et surtout pour les raisins, à raison du dixième; les charge, en conséquence, d’en demander la suppression, l’assemblée se chargeant de pourvoir à l’entretien des prêtres desservant la paroisse, par une imposition qu’elle établira pour cet objet, de môme que pour ceux auxquels le produit de la dîme est destiné relativement à l’entretien de l’église, et autres obligations concernant le prieur décimateur. L’assemblée charge les sieurs députés de remontrer à Sa Majesté que la fabrication de la fayence est d’une grande ressource pour ce pays; que presque toute l’habitation participe aux avantages qu’elle procure, mais qu’elle est surtout, pour beaucoup de particuliers, la cause de leur alimentation; que cette fabrication a reçu un échec considérable par la conclusion du traité de commerce entre la France et l’Angleterre, à cause de la quantité de fayence étrangère qui entre dans le royaume. L’introduction de cette marchandise dans�l’Etat a produit le double préjudice de faire diminuer la fabrication nationale, et d’occasionner un rabais dans le prix de la fayence; que d’autre part, la cherté des matériaux, surtout du plomb et de l’étain, et les droits exorbitants qui se payent à la France, donnent aux fabricants un découragement dont les effets sont trop sensibles, et, en même temps, trop nuisibles à l’habitation, pour ne point en réclamer auprès du souverain ; que déjà même on a vu des ouvriers s’expatrier, et porter à l’étranger leurs talents et leur industrie, pour y chercher des secours que la patrie leur refuse ; qu’un autre objet qui ne doit point être passé sous silence, est la différente perception des droits de sortie du plomb et de l’étain aux bureaux de Marseille ; que cette différence est, d’un bureau à l’autre, d’environ 36 sous par quintal; que cette perception, plus forte de la part du commis au bureau des . Pennes ne peut qu’être une surexaction im prouvée par la justice du souverain; en conséquence, l’assemblée charge les sieurs députés de dénoncer à ;Sa Majesté, lors des Etats généraux, le préjudice que portent, à la fabrication locale, les causes que l’on vient de rappeler, et les maux qui en résultent pour cette habitation, les suppliant de solliciter, de sa justice et de sa bonté, les moyens propres à rendre et à assurer, à l’une et à l’autre, leurs premiers avantages. Déclarant, au surplus, l’assemblée, que quant à tous autres objets qui pourront intéresser le royaume, la province ou cette communauté, elle s’en réfère absolument au cahier général que l’ordre du tiers déterminera, lors de sa réunion pour l’élection de ses députés aux Etats généraux, approuvant], dès à présent, tout ce qui sera fait et arrêté dans l’assemblée qui aura lieu à cet effet. Signe Gros, maire; Giraud, consul ; Montagnay, greffier; Boutueil ; L. Demans ; Rayol aîné; de Serre ; Caurens; Niel; Henry; J. Clermont ; J. Cas-sagné; Pelissier; M. Bayol; Joseph Giraud; Niel; Toucy ; Bousse ; Reynaud ; F. Clermont ; Reboul ; François Tamisin ; J-E.-L Arnaud ; Brouchien ; Berthot ; Bayol ; Blanc ; Vache ; Bayol ; Bayol ; Arnaud ; Phitiac ; Courtes ; Arnaud; Charles Mon-tagnac ; Vincent Gange, réformé ; Pélissier ; Giraud ; Rouvière ; Barly ; G. Michel ; Gassagne ; Bayol ; Arnaud ; Jean Bayol ; Arnaud ; Gombaud ; 432 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d'Aix.J F. Giraud. Paraphé , ns varieiur. Signé Montagnac, lieutenant de juge. CAHIER Des doléances , plaintes et remontrances de la communauté de Vaugine , et éclaircissements généraux et particuliers sur l'état présent de ses misères ( I ). Un monarque généreux et compatissant vient de demander lui même la liberté de son peuple, et il y aurait, dans son royaume, un seul coin de terre dont les habitants fussent insensibles à un tel acte d’humanité! La nation entière, par ses cris répétés, s’efforce de témoigner toute la reconnaissance dont elle est capable envers son souverain , lui marque son respect et sa soumission à ses volontés en lui jurant une inviolable fidélité, et lui fournissant, sur ses souffrances, tous les éclaircissements dont il a témoigné désirer l’énumération ; et un seul de ses membres attendrait, immobile au milieu de tant de clameurs, que son mal fût devenu incurable, ou du moins souffrirait tranquillement de devoir sa guérison à ses compatriotes, sans faire un seul effort pour y contribuer lui même I A cette seule idée, nos cœurs frémissent, l’indignation s’empare de nos esprits, et, transportés, d’un zèle commun à tous les bons citoyens, nous déclarons proscrit à perpétuité et indigne du nom français, quiconque soutiendra des sentiments contraires au bien public, dont les intérêts particuliers renieront l’union commune, ou dont la criminelle insensibilité osera garder, dans le fond de son cœur, le fer meurtrier qui l’a blessé sans daigner recourir seulement au médecin soigneux de guérir la plaie qu’il lui a faite. Pour nous conformer donc à la loi du prince, condescendre en tout à ses volontés, et répondre, en quelque façon, aux bontés infinies qu’il a eues pour nous, et à celles, plus grandes encore, dont il a dessein de nous combler, nous tâcherons d’exprimer le mieux, et le plus succinctement qu’il nous sera possible, toutes les peines et malversations que nous, et nos pères, avons endurées depuis si longtemps. Quoique situés, sous une chaîne de montagnes, qui, nous laissant à peine aperçevoir nos proches voisins , devraient, ce semble, nous soustraire à l’ambition de nos ennemis, sous la tutelle desquels nous aurions été laissés, nous n’aurions pas été exempts de la misère publique ; ainsi ce ce qui nous avait été donné dans un temps, pour nous secourir dans nos besoins, nous aider à supporter patiemment le pénible exercice de l’agriculture auquel nous sommes destinés, et à engraisser et fertiliser notre terrain, d’ailleurs des plus rudes et des plus ingrats, a été pour nous fa source des malheurs qui nous ont presque réduits à la mendicité ; ce qui devait servir à notre félicité nous a donc rendus misérables, et les choses destinées à nous procurer des commodités sont devenues l’instrument de notre supplice. Dès longtemps, les seigneurs provençaux, rassemblés dans la chambre des eaux et forêts, prévoyant que nos montagnes devaient un jour augmenter le nombre et l’étendue de leurs domaines, et servir, en partie, à nourrir l’avide cupidité qui les dévorait, et qui leur laissait voir avec douleur un seul de leurs vassaux en état de sentir le coup qu’ils allaient porter, nous firent défendre, au (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l'Empire, nom respectable de notre souverain, de nourrir et entretenir des troupeaux de chèvres dans aucune de nos collines; et sous des prétextes faux, mais légitimes en apparence, ils en firent émaner un arrêt de la justice royale, comme si ces animaux, loin de porter, moyennant la précaution des communautés intéressées, le moindre préjudice aux forêts et aux arbres qu’elles renferment, et qui ne peuvent, d’après les expériences, souvent réitérées, par des commissaires de la part de Sa Majesté, être utiles à la construction des vaisseaux, ne contribuent pas à la vigueur et à l’accroissement de ces mêmes arbres, en décimant les surgeons et rejetons qui sucent la nourriture qui leur était destinée; il n’en fallut pas davantage pour obliger un peuple idolâtre de ses souverains, à se priver de son nécessaire dès qu’il semblait le lui ordonner; il a tâché néanmoins dès lors, par ses doléances portées aux assemblées provinciales, de solliciter les yeux de Sa Majesté pour lui faire apercevoir le piège que l’on tendait à ses fidèles sujets : mais voyant ses ressorts sans effet par l’interception de ceux qui, loin de lui servir d’appui, étaient eux-mêmes les auteurs du mal, se voyant privés des faveurs du trône, et par conséquent hors de portée de pouvoir y faire parvenir ses plaintes, et content d'avoir, au seul nom des intérêts de son Roi, livré la plus lucrative de ses propriétés, il attendait tranquillement que des temps plus heureux lui donnassent .au moins la liberté de s’annoncer. Cependant MM. les seigneurs, voyant leurs ressorts en jeu, commencèrent à s’emparer et à se rendre maîtres, sous les prétextes de dégradations et de mauvais usages, de la plus grande partie des montagnes communes; ils trouvèrent, à la vérité, quelques légers obstacles; mais que pourraient faire de petites communautés jugées par des corps dont leurs parties adverses étaient membres? Notre petite communauté de Vaugine a soutenu longtemps à ce sujet un procès considérable et très-dispendieux contre son seigneur, et a été enfin condamnée, à la requête dudit seigneur, sans avoir été entendue ni même avertie, daus un temps où, se voyant.réduite à l'extrémité, par les frais immenses que celui-là lui occasionnait, elle a été à la fin forcée de lui laisser le champ libre, aimant mieux sacrifier une partie de son nécessaire que de se voir ruinée sans ressource, et préférant voir la plupart de ses membres obligés à recourir à leurs plantations particulières pour tâcher d’adoucir auprès du feu les rigueurs de l’hiver, et payer fort cher, ou manquer totalement d’instruments nécessaires au labourage, tandis que sa montagne fournissait abondamment tous ces secours à ses voisins, auxquels son seigneur a vendu du bois pour près de 20,Ü00 livres, sans compter les rentes annuelles des buis, préférant, disons-nous, souffrir tous les désagréments possibles, plutôt que d’user de remèdes violents. Ainsi, ces pères des pauvres, après avoir ruiné toutes les communautés qu’ils avaient le moyen d’attaquer, sous différents prétextes, les ont à la fin obligées de leur céder ou du moins laisser prendre, de gré ou de force, la portion de leurs propriétés ou de leurs fruits qui était le mieux à leur bienséance ; mais ils ont comblé la mesure de leurs iniquités, et l’ange tutélaire de la France ayant enfin jeté un regard favorable sur cette nation humiliée, nous a promis un protecteur dans la personne du monarque qu’il a placé sur le trône, et qu’il dirige par ses conseils; il nous a fait entendre, qu’après avoir gémi longtemps dans le silence, souffert tous les maux que la tyrauuie était capable d’in-