[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 février 1791.] 83 sant l’exploitation par eux-mêmes, et étant déjà antérieurement créanciers de la nation, ils seraient certainement solvables; mais ces individus, pères de famille, associés en très grand nombre, ne peuvent sur-le-champ réunir tous leurs titres de cautionnement, et si vous exigez qu’avant même l’adjudication, et seulement pour s'inscrire comme soumissionnaires, ils soient tenus de fournir ce cautionnement, vous les éloignez forcément. Cette mesure est une ruse de la part des compagnies de linances. Je demande la question préalable sur le décret. M. Regnaud {de Saint-Jean-à' Angèlÿ). Je crois qu’il est impossible de laisser introduire parmi les soumissionnaires des hommes qui ne donneraient pas de cautionnement ; sans cette mesure, on pourrait adjuger le bail à des hommes qui n’auraient pas les fonds nécessaires pour faire le service qu’ils auraient entrepris; on leur ferait subir la folle enchère; mais le service public en souffrirait, et peut-être, en attendant une nouvelle adjudication, tomberait-il à la charge du Trésor public. Il y a, de plus, à ce que je crois, 2 ou 3 millions à payer aux sous-fermiers et aux autres fermiers; or, si les 2 millions qui ont été ordonnés et qui assurent la régularité du service, étaient employés à acquitter cette première dette des adjudicataires, il en résulterait que la nation se trouverait sans aucun cautionnement. Quant à la compagnie dont a parlé le préopinant, je crois qu’une compagnie nombreuse, composée de beaucoup de petits propriétaires, est une mauvaise compagnie. M. Rrillat-S avaria. On doit regarder le bail des messageries sous deux rapports, et comme devant rendre un revenu quelconque, et comme étant chargé d’un service intéressant. Pour le premier rapport, vous exigez un cautionnement en immeubles. Pour le second, le ministre devrait, sur sa responsabilité, s’assurer que celui qui aurait cette entreprise serait au même instant en état de faire les dépenses qu’elle exige : sans cette précaution, on exposerait le service public. Le sieur Brûlee nous a demandé la permission de faire un canal en nous disant qu’il avait une compagnie et il n’en avait point. M. Martineau. Qui vous a dit cela? J’appuie l’opinion de M. Reguaud. Un membre : Il est selon moi déraisonnable de dire dans un décret que les adjudicataires nou-veauxjustilieront qu’ils sont enétatde rembourser les voitures et les chevaux des fermiers et sous-fermiers, sans que vous sachiez à quelle somme peut monter ce remboursement; il faut que cette somme soit nettement déterminée! Plusieurs membres : Aux voix ! (L’Assemblée rejette la question préalable sur le projet de décret.) M. Chapelier. Vous avez décrété que le bail des fermiers était anéanti dans toute l’étendue du royaume. Les sous-fermiers n’étant pas obligés de prendre de nouveaux baux, on doit leur rembourser leurs chevaux et voitures. Ce remboursement doit être à la charge de celui qui prendra l’affaire. Voilà quelles ont été les conditions, il n’y a rien de plus juste. M. Martineau. Je demande que la somme qui doit être cautionnée pour garantir le remboursement comptant des objets d’exploitation soit fixée à 1 million ou à 1,200,000 livres. Si vous ne voulez pas déterminer la somme, comment voulez-vous que le ministre puisse la déterminer? Toutes les fois qu’il n’y a pas une base quelconque établie, on est maître d’exagérer. Votre décret même deviendrait un instrument entre les mains des anciens fermiers pour écarter tous les soumissionnaires. M. d'André. Il est nécessaire qu’une des conditions du bail soit de forcer les adjudicataires à rembourser aux sous-fermiers les voitures et les chevaux que ceux-ci fourniront à la nouvelle compagnie, ou à donner cautionnement. Mais on nousditdefixerlasommedegarantie;cettesomme, nous ne pouvons pas la fixer : quelle base avons-nous, en effet, pour estimer les objets remboursables? Je demande la question préalable sur l’amendement de M. Martineau. (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’amendement de M. Martineau et adopte le projet de décret du comité. M. Vieillard, au nom du comité de judicature. Par un décret du mois de septembre dernier, vous avez déclaré que les dettes des compagnies de judicature, contractées antérieurement à l’année 1771, seraient payées par la nation, mais que celles contractées postérieurement seraient retenues sur le remboursement des titulaires. Par rapport aux anciennes, la nation s’est obligée à les acquitter, sauf à retenir aux titulaires la partie des dettes dont ils doivent être chargés. Cependant beaucoup de créanciers se sont avisés de faire des oppositions au remboursement des compagnies, sans indiquer la cause qui les avait déterminés. Ces oppositions ont paralysé dès le premier moment les liquidations. Sur un rapport que je vous ai fait, vous avez annulé les oppositions sur les compagnies. Les créanciers se sont alors avisés de faire des oppositions sur les particuliers et sur quelques titulaires des compagnies seulement, ce qui trompe les liquidateurs et arrête encore leurs opérations. Je propose en conséquence le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de judicature, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les oppositions formées sur les titulaires particuliers des compagnies désignées par le décret des 2, 6 et 7 septembre dernier, et qui n’ont d’autre cause que les dettes communes desdites compagnies, sont déclarées nulles et comme non avenues. Art. 2. « Les créanciers qui, pour éluder l’effet des décrets précédemment rendus, auront formé des oppositions sur chacun des membres desdites compagnies pour raison des dettes communes, seront tenus de donner, dans le courant du présent mois de février, suivant les formes prescrites, les mainlevées desdites oppositions, et d’en faire opérer à leurs frais la radiation par les conservateurs des finances. Art. 3. < A défaut de cette mainlevée dans les formes [Assemblée nationale.] et le délai ci-dessus prescrits, les créanciers seront tenus, outre les frais auxquels le-dites oppositions donneront lieu, des dommages-intérêts résultant du retard qui aura été apporté à la liquidation et au payement du prix des offices. Ces dommages-intérêts seront fixés au moins à l’intérêt à 5 0/0 du prix desdits offices, à compter de la date des certificats des conservateurs des finances jusqu’au jour de la radiation desdites impositions sur leurs registres. Ils pourront être estimés à plus forte somme dans le cas où les titulaires justifieront de pertes plus considérables qui leur seraient causées par le retard de leur payement. » (Ce projet de decret est adopté.) L’ordre du jour est un projet de décret du comité ecclésiastique sur les biens nationaux grevés de fondations dans les églises paroissiales. M. Lanjuinais, rapporteur. J’ai l’honneur de présenter à l’Assemblée le projet de décret qu’elle a demandé à son comité ecclésiastique, sur les biens de fondations de messes et autres services dans les églises paroissiales. Votre comité a reconnu que parmi les fondations de paroisses toutes ne méritent pas sans doute la même faveur. Il vous proposera dans peu sur ce sujet des distinctions que peut-être vous approuverez; mais cette discussion entraînerait de longs débats, et malheureusement les ventes sont retardées sous prétexte de fondation. De là des lenteurs, des chicanes, pour les ventes mêmes que vous avtz décrétées, au point que des départemenis ont sursis aux adjudications : il faut faire rentrer dans le commerce tous les fonds qui ne sont point employés dans les fabriques. C’est le moyen d’augmenter l’industrie, et, sans fouler le peuple, d’augmenter le produit des impôts; c’est une mesure nécessaire à cause des frais de réparation qui grèvent en général beaucoup trop les établissements publics. Il n’y a donc là qu’avantage pour tous; d’ailleurs, je n’eusse jamais demandé l’ajournement sur les biens des fabriques, si l’on avait proposé d’en faire l’intérêt; mais il s’agissait de les déclarer biens nationaux. 11 me reste à vous établir un fait. Il y a dans le royaume des paroisses qui n’ont pas de fabri-ues, la plus grande partie en ont ; mais enfin, ans la partie méridionale de la France, il est un grand nombre de paroisses qui n’ont pas de fabriques. Nous proposons une disposition par laquelle l’intérêt annuel du prix des biens de fondation sera payé uniquement aux fabriques qui auraient payé la desserte aux ecclésiastiques; mais nous ne pouvons pas dans ce moment créer des fabriques où il n'y en a point ; votre comité croit remplir vos vues par le décret suivant : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comilé ecclésiastique, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les immeubles réels, affectés à l’acquit des fondations de messes et autres services établis dans les églises paroissiales et succursales, seront vendus dès à présent dans la même forme et aux mêmes conditions que les biens nationaux. Art. 2. « Pour tenir lieu aux curés et aux autres prêtres attachés auxdites églises, sans avoir été pourvus de leurs places à titre perpétuel de bé-[10 février 1791.] néfice, et qui administraient lesdits biens, de la jouissance qui leur en avait été laissée provisoirement pour l’acquit desdites fondations, il leur sera payé, jusqu’à ce qu’il eu soit autrement ordonné, sur le Trésor public, par les receveurs de district, l’intérêt à 4 0/0, sans retenue, du produit net de la vente desdits biens. Art. 3. « Quant auxdites églises où lesdits biens étaient administrés par les fabriques, il sera provisoirement payés auxdites fabriques, sur le Trésor public, par le receveur du district, l’intérêt à 4 0/0, sans retenue, du produit net de la vente, à la charge de l’employer comme l’eût été le revenu desdits biens, savoir : aux dépenses du culte et à l’acquit des fondations. Art. 4. « Toutes ventes d’immeubles réels desdites fondations, faites jusqu’à présent dans les formes prescrites pour lu vente des biens nationaux, sont validées par le présent décret, à charge de l’intérêt à 4 0/0, payable sur le Trésor public, ainsi qu’il a été ci-dessus dit. » M. d’Estotirmel. Je demande au comité ecclésiastique qu’il ne nous apporte pas, sans y être préparé, des dispositions relatives au décret qui a été rendu le 5 novembre, sur la désignation des biens nationaux, et qu’il se conforme à la discipline adoptée par l’Assemblée nationale, qui est qu’aucun décret ne soit proposé et ne soit mis à l’ordre du jour sans avoir auparavant été imprimé et distribué. ( Interruption .) J’appuie mon opinion sur les inconvénients qui résultent des décisions locales du comité ecclésiastique; je puis vous en citer une preuve : L’abbaye de Malvaux avait été réunie à l’abbaye de Versailles par des lettres patentes enregistrées au parlement. Il était dit que les religieuses auraient 1,200 livres de pension. Votre comité ecclésiastique, quoique les lettres patentes fussent enregistrées, a rendu une décision par laquelle leurs pensions seraient réduiies à 700 livres pour une dame de chœur, et 350 livres pour les sœurs converses. Plusieurs membres : Ce n’est pas cela. Plusieurs membres : C’en est assez; à l’ordre du jour! M. d’Estourmd. Je vous demande, Messieurs, si votre comité a eu le droit de rendre cette décision. Plusieurs membres à gauche : Aux voix! M. d’Estosirmcl . Ma demande tend à renvoyer au pouvoir exécutif toutes les consultations qui seront faites sur l’exécution des décrets. Quant au décret dont il est question, je pense que, comme il est la suite de l’ajournement proposé par le titre premier du décret du 4 octobre, votre comité ecclésiastique aurait dû, non pas vous proposer une mesure partielle pour les biens désignés dans le décret, mais renfermer tous ceux dont l’ajournement a été prononcé. Cette disposition est d’autant plus nécessaire, que vous avez ajourné les biens des fabriques, séminaires et collèges, et que je ne vois ici qu’une disposition partielle et isolée. On a dit qu’il est nécessaire de vendre. Je ne comprendrai jamais ARCHIVES PARLEMENTAIRES.