424 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j �novembre 1?93 1 pour y trouver les commissaires de la Conven¬ tion, et s’ils ne s’y trouvaient pas, d’aller à Brest, lieu dans lesquels ils se seraient vraisem¬ blablement tr<*uvés. Le citoyen Conor, député de la Côte-d'Or, fut un de ceux nommés pour Lorient ou Brest. Ce même député partit sans nous communiquer ses pouvoirs, et nous avons resté sept jours sans recevoir de ses nouvelles. Dans cet Intervalle, un sergent, nommé Anedy, reçut une lettre de Brest, dans laquelle on lui témoignait beaucoup d’inquiétudes sur notre es¬ cadre, et que nous avions des principaux chefs de notre corps destitués de leurs fonctions res¬ pectives, et mandés à la barre de la Convention. Jugez, d’après cela, quelle fut notre façon de penser ! La méfiance envers nos chefs, et les jus¬ tes soupçons que nous devions avoir, s’accrois¬ sent à chaque instant du jour, ayant toujours devant les yeux la trahison des généraux com¬ mandant l’escadre de Toulon, et celle des traî¬ tres toulonnais, que tous républicains fidèles à leur serment doivent avoir en horreur. Nous avons alors manifesté notre opinion pour rentrer à Brest avant même la rentrée de nos députés, voyant tous les dangers de tenir la mer avec une escadre dont les principaux chefs étaient de cette caste qui avait, par ses atroces perfidies, exposé la patrie aux plus éminents dangers : peut-être nous fait-on un crime de nous être communiqué nos opinions, et de nous être assemblés paisiblement; mais n’est-il pas per¬ mis à tout citoyen de s’assembler, ainsi qu’il appert ci-après des droits imprescriptibles de l’homme, de l’Acte constitutionnel? Art. 6. Le droit de manifester sa pensée et ses opinions, soit par la voie de la presse, soit dé bouté autre manière, le droit de s’assembler paisiblement, le libre exercice des cultes, ne peu¬ vent être interdits. La nécessité d’énoncer ses droits suppose ou - la présence ou le souvenir récent du despotisme. Départ de la rade de Quiberon. Nous mîmes à la voile de Quiberon le 20 sep¬ tembre : le même jour, dans l’après-dîner, vers les quatre heures, une frégate ayant pour si¬ gnal le pavillon carré à son mât de misaine, et un autre à la corne d’artimon, est entrée dans l’escadre et a gouverné sur le commandant. Quand elle fut à peu près à portée de s’y faire entendre, elle amena son pavillon du mât de mi¬ saine et le hissa à son grand mât. Nous apprîmes par les signaux que c’étaient les députés de la Convention : nous fûmes tous contents de voir parmi nous des représentants du peuple. Nous nous attendions à recevoir de bonnes nouvelles, ou des ordres émanés de la Convention. Le len¬ demain, 21 dudit mois, nous mouillâmes à Belle-Isle, et toute la journée se passa sans nous com¬ muniquer la moindre chose : de nouvelles crain¬ tes se sont manifestées; elles étaient l’effet na¬ turel des violentes inquiétudes que nos chefs nous avaient inspirées, et nous appréhendions que cette annonce d’un commissaire de la Con¬ vention ne fût une feinte qu’ils essayaient pour pouvoir nous trahir avec plus de succès. Alors, par un mouvement spontané, nous nous sommes trouvés tous rassemblés sur le gaillard d’arrière, et là nous nous communiquâmes nos opinions, et elles se trouvèrent toutes les mêmes pour notre rentrée à Brest. D’ailleurs, si ce mouve¬ ment était illégal, ne se trouverait-il pas jus¬ tifié par notre alarmante position? Nous avions tout à craindre : notre union devait nous sau¬ ver; notre courage et notre patriotisme, forte¬ ment prononcés, pouvaient seuls intimider ceux qui projetaient des trahisons; et, je le demande à tout républicain, si l’armée de Toulon, par un mouvement semblable, eût combattu et dé¬ joué les projets de ses chefs, si alors on ne l’eût pas déclarée sauveur de la patrie? Qu’on éloigne donc de nos armées les nobles qui conspirent avec persévérance, qui ne se sont fait connaître que pour notre malheur commun ; qu’on les proscrive de la terre de la liberté ; qu’ils portent dans d’autres contrées leurs sys¬ tèmes perfides, leurs prétentions orgueilleuses ; alors l’armée combattra avec sécurité, l’ordre se maintiendra sans effort, et la patrie sera sau¬ vée. Signé : J. -B. -J. Beaussard, caporal à bord du vaisseau la Côte-d’Or. Déclaration du citoyen Lebesgue. Liberté, égalité. Je certifie qu’ayant été requis par les repré¬ sentants du peuple de me transporter à Brest près d’eux, et après avoir pris connaissance du procès-verbal de la troisième section de la ville de Brest, qui porte que le citoyen Lebesgue, ca¬ pitaine du commerce de la rivière de Nantes, avait dit au citoyen Letartoué, enseigne non entretenu, qu’il était surpris de voir le citoyen Duplessis-Grénédan employé sur les vaisseaux delà République ; que lui, ayant été fait prison¬ nier par les rebelles lors de la révolte qui éclata à la Roche-Bernard, avait reconnu ledit Duples¬ sis-Grénédan, qui lui avait paru faire les fonc¬ tions de commandant en second, et qu’il avait pour chef le nommé Desy, lieutenant de vaisseau, provenant du Duguay-Trouin; qu’il croyait même que le passeport qui lui avait été délivré par les chefs des rebelles, avait été signé par ledit Duplessis, mais il s’aperçut qu’il l’avait laissé à Nantes. Interrogé moi-même devant les représentants du peuple, je déclare qu’ayant été poursuivi par les rebelles le 20 ou 21 mars, j’a¬ vais eu le bonheur de m’échapper; mais que plusieurs personnes, et notamment le nommé Quiberon, matelot de la paroisse d’Ambon, dis¬ trict de Vannes, maintenant embarqué sur le corsaire le Beysser, m’avaient assuré que le sieur D uplessis - Gr éné dan était parmi les rebelles. Et je déclare de plus que je n’ai jamais eu de passe¬ port des chefs de cette armée. A Brest, le 21e jour du 1er mois de l’an II de la République française une et indivisible. Signé : Lebesgue, Déclaration du citoyen Herbert. Liberté, égalité. Ayant été appelé par les représentants du peuple près les côtes de Brest et Lorient, et après avoir pris connaissance du procès-verbal de la troisième section de cette ville, je déclare que Laroche-Sauveur étant tombée au pouvoir des rebelles le 15 mars, je fus obligé de prendre la fuite; je rentrai dans notre ville le 18 du même mois; j’y ai vu, le 19, pendant tout le jour, le nommé Duplessis -Grénédan; que le 20 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ! 15 brumaire an II 425 1 4 t 5 novembre 1793 et jours suivants, ledit Duplessis s’absenta, et qu’à son retour, vers le 24, il dit hautement dans la chapelle où se réunissait le comité dit de surveillance : j’ai été à ma campagne, et ces rebelles m’ont forcé de marcher jusqu’au bourg de Thé, distant de deux lieues de Vannes. Je certifie en outre qu’il n’a pu obtenir du con¬ seil général de la commune dont je suis membre, un certificat de civisme qui avait été demandé pour lui par son père. A Brest, le 21e jour du 1er mois de l’an II de la République française une et indivisible. Signé : Jean Herbert. Je déclare en outre que le cachet de la muni¬ cipalité fut pris par les rebelles, dans la jour¬ née du 15 mars dernier, sur le bureau, et qu’il ne s’est trouvé que depuis un mois. Les jour et an que dessus. Signé : Jean Herbert. Copie du procès-verbal du conseil tenu à bord du vaisseau le Terrible. Aujourd’hui 21 septembre 1793, l’an II de la République une et indivisible, les généraux et capitaines de l’armée, réunis en conseil pour délibérer en présence du citoyen Tréhouart, re¬ présentant du peuple, sur la situation des dif¬ férents vaisseaux et la fermentation qui s’est manifestée depuis quelques jours dans l’armée, et sur les suites qu’elle fait craindre, ont succes¬ sivement émis les opinions suivantes, après avoir pris connaissance de la dépêche du ministre de la marine, en date du 16 septembre 1793. Le capitaine Vanstabel, commandant le Tigre, déclare que son vaisseau peut tenir la mer un mois et demi; il se flatte que son équipage le se¬ condera en obéissant aux ordres qu’il pourrait lui donner. Le capitaine Thomas, commandant le Nor-ihumberland, déclare que son vaisseau peut tenir la mer un mois ; il se flatte que son équipage le secondera en obéissant aux ordres qu’il pourrait lui donner; il lui manque 40 hommes pour le complet de l’équipage. Signé : Thomas. Le capitaine Dorré, commandant le vaisseau le Téméraire, déclare n’avoir point à se plaindre de son équipage; mais il ne peut répondre de son obéissance, si l’on exigeait que son vaisesau tienne encore la mer : il déclare en outre qu’il a aux hôpitaux 118 hommes, et qu’il craint d’avoir bientôt un plus grand nombre de ma¬ lades, n’ayant pas cessé d’en avoir beaucoup. Il a pour 1 mois de vivres et 18 jours d’eau. Signé : Y. -F. Dorré. Le capitaine Langlois, commandant le Tour-ville, déclare que, jusqu’au 14 septembre, jour auquel plusieurs vaisseaux ont hissé leurs hu¬ niers, il n’avait point à se plaindre de son équi¬ page; mais qu’à cette époque et depuis, il a for¬ mellement énoncé le désir, la nécessité même de la rentrée à l’armée de Brest : il a débarqué 75 malades ou gens manquant au complet; il a pour un mois de vivres, et douze jours d’eau et de bois. Le capitaine Langlois a ajouté que son équipage a manifesté du mécontentement de ve¬ nir au mouillage, et a dit encore que son vaisseau peu lesté portait mal la voile. Signé : Langlois. Le capitaine Keranguen, commandant l'A¬ chille, déclare avoir pour vingt-cinq jours de vi¬ vres; que son équipage s’est bien montré jus¬ qu’au 14 septembre; mais que depuis ce temps il manifeste le désir le plus ardent, avec un ca¬ ractère d’effervescence, de rentrer à Brest. Le 14 septembre, à l’imitation de plusieurs autres vaisseaux, il hissa les huniers. Aujourd’hui, en venant au mouillage, il a crié fortement, à plu¬ sieurs reprises, A Brest. S’il avait plus de moyens de répression, il espérerait ramener l’ordre à bord de son vaisseau. Signé : Y. Bertrand Keranguen. Le capitaine Tïphaigne, commandant le Nep¬ tune, a déclaré avoir pour un mois de vivres, et de l’eau pour jusqu’au 5 octobre; son équipage paraît être dans de bonnes dispositions, à l’ excep¬ tion de quelques têtes incendiaires; qu’il lui manque 44 hommes au complet, et qu’il a dans ce moment 52 malades au poste, et 100 scorbu¬ tiques dont il ne peut tirer qu’un faible service; il a ajouté que presque tout son équipage avait besoin de hardes. Signé : Tïphaigne. Le capitaine Henry, commandant V Aquilon, a déclaré qu’il a maintenu jusqu’à ce jour son équipage dans l’obéissance aux lois, mais qu’il est affaibli par l’absence de 74 hommes, ma¬ lades ou déserteurs au départ, parmi lesquels se trouvèrent 16 aides-canonniers ; qu’il a 39 hommes au poste, dangereusement malades, et en outre 32 scorbutiques à peine capables d’un faible service. Le capitaine Henry a ajouté que son vaisseau, ainsi qu’il l’a déjà déclaré, a sa fisse d’ ourdie fortement lézardée, et plusieurs barreaux gercés et éclatés; il a pour un mois de vivres. Le capitaine Henry a déclaré avoir en dépôt environ 100 barriques de vin qu’il ne peut délivrer qu’ autant qu’on les lui remplace¬ rait par un poids équivalent. Signé : Henry. Le capitaine Lévêque, commandant l'impé¬ tueux, qufa rallié depuis le 10 septembre, a pour trois mois d’eau et de vivres; son équipage s été soumis jusqu’à ce jour, et il espère que le même esprit continuera de l’animer; il observe qu’il lui manque au complet 50 hommes, et qu’il a 40 malades attaqués de fièvre et de flux de sang. Le capitaine Lévêque observe encore que son eau étant faite dans le courant du mois de mai dernier, il a fieu de craindre que les barriques n’aient éprouvé du coulage, particulièrement au premier plan. ■' Signé : L’Evêque. Le capitaine Bouvet, commandant l' Auda¬ cieux, déclare qu’au dernier mouillage, sous Belle-Isle, son équipage s’était refusé à embar¬ quer de l’eau, et avait fortement crié : « A Brest ! à Brest ! » que rappelé à l’ordre, il n’a point partagé, en totalité, le mouvement insur¬ recteur qui a eu fieu le 14; mais qu’il craint qu’il n’imite à l’avenir un semblable mouve¬ ment, s’il le voyait faire. II lui manque 57 hom¬ mes, et a beaucoup de scorbutiques; il a pour 1 mois de vivres et 12 jours d’eau et de bois : son vaisseau, très léger, est peu en état de soutenir un coup de vent. Signé : Bouvet.