[Assemblée nationale.] AMüilVES PARLEMENTAIRES. [17 juillet 1791. J 388 Le district de Sarreguemines avait rais d’abord plus de lenteur dans ses opérations ; mais, depuis qu’il est privé de leux de ses membres dont les mauvais principes sont bi n connus, sa marche est devenue plus patriotique et plus rapide, et les biens nationaux, qni sont d’une très grande importance dans ce district, s’y vendent, depuis quelque temps, avec assez de célérité. Le district de Benfeld n'était point sur notre route; mais, d’après les éclaircissements qui nous ont été donnés par le directoire du département, il nous a paru que les administrateurs de ce district étaient faibles et même insouciants, et que c’était à leur peu de vigueur qu’il fallait attribuer la prépondérance des troupes fanatiques dans plusieurs villes de ce district. Nous avons concerté avec le oirectoire du département et les commandants des troupes les mesures qui nous ont paru nécessaires pour faire cesser les suites de ce dan-gel eux ascendant. Nous avons cru devoir donner une attention très particulière aux tribunaux de districts, parce que nous avons été bien informés que les ennemis du dedans et du dehors comptent principalement là-dessus pour dégoûter les peuples de la Constitution. S’il y a quelque lenteur dans l’expédition des affaires, si un juge ou un avoué donne sur lui quelque légère prise, les malveillants ne manquent pas de s’écrier que la justice stra plus mal administrée et plus d s-pendieuse qu’elle n’a jamais été : aussi nous sommes-nous livrés sur cela à l’examen le plus sévère à l’égard des tribunaux de districts et à l’égard des juges de paix ; nous nous flattons qu'il en résultera ce double avantage, que, d’une part, les juges senti: ont de plus eu plus la nécessité de s’attacher à leur devoir, que les justiciables, bien convaincus de l’infatigable sollicitude de l’Assemblée nationale sur tous les points qui intéressent Je bonheur des peuples, redoubleront de respect et d’amour pour la Constitution. « Aussitôt après notre retour ici, noos avons convoqué les corps administr. tifs, les municipalités et les commandants militaires, pour leur communiquer les observations que nous avons faites dans notre tournée, et pm r aviser avec eux aux mesures qu’il y aurait à prendre. D’après ces observations, il en a été arrêté de provisoires pour les changements de garnisons, qui nous ont paru convenir aux circonstances. Nous nous réservons d’en proposer de definitives à l’Assemblée naûonale à l’égard des troupes de ligne et des gardes nationales dont les deux départements peuvent avoir besoin, après que nous les aurons visités. « Depuis noire retour, nous nous sommes constamment occupés avec les corps admb istratifs, la municipalité et les commandants des troupes, d> s mesures à prendre à l’égard des ecclésiastiques de ce département. Nous aurions déûré qu’il eût été possible de les rendre moins sévères; mais tout nous a convaincu que le salut du département du Bas-Rhin, et peut-être la sûreté de la nation, étaient attachés à cette mesure, quelque nécessaire qu’elle nous ait paru, et quoiqu’elle ait été arrêtée à l’unanimité des suffrage, nous nous empressons de faire savoir à l’Assemblée l’arrêté qui la renferme, afin qu’avant leur exécution, laquelle ne peut avoir lieu qu’après la publication de l’arrêté, elle p uisse, dans sa sagesse en déterminer d’autres, si, contre notre attente, celles-ci n.av aient pas son approbation. « Nous paitons aujourd’hui pour achever la visite du département du Bas-Rhin, et nous rendre ensuite dans celui du Haut-Rhin ; nous tâcherons encore, par notre zèle, de répondre dignement à la confiance dont l’Assemblée nationale nous a honorés. « Nous sommes avec respect, etc. « Les commissaires de l’Assemblée dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et des Vosges, « Signé : RÉGNIER, DE CüSTINE et Chasset. > Voici la délibération du directoire du département du Bas-Rhin, du mercredi 12 juillet 1791 : « Sur l’invitation de MM. les commissaires envoyés par l’Assemblée nationale dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et des Vosges, pour recevoir le serment des troupes de ligne, et pour se concerter avec les corps administratifs et les généraux, à l’effet de rétablir la tranquillité publique, et pour faire à ce sujet telh s réquisitions qu’ils jugeront convenables, se sont réunis dans la saile d’assemblée du département, les membres du directoire du département, ceux du direct' ire du district de Strasbourg et ceux du conseil général de la commune de ladite ville, MM. les commissaLes de l’Assemblée nationale se soûl rendus à la séance, accompagnés de MM. les commandants en chef et en second. « Les corps administratifs et le conseil général de la commune de Strasbourg ont présenté de nouveau le tableau de la situation du département du Bas-Rhin par rapport au clergé, dont les détails se trouvent déjà contenus dans un mémoire signé du président du département, du président du district de Strasbouig et du maire de la même ville, au nom de leurs corps respectifs, et remis aux commissaires de l’Assemblée nationale à leur arrivée à Strasbourg, et dont ils ont vérifié par eux-mêmes une partie des faits lors de leur passage dans les villes et villages qu’ils ont parcourus. D’après la discussion la plus sé ieuse et la plus approfondie de la situation du clergé dans ce département, les faits suivants ont été reconnus : « Le cardinal de Rohan, ci-devant évêque de Strasbourg, et les membres du ci-devant chapitre s’opposent ouvertement, de concert avec l’évêque de Spire et l’électeur de Mayence, à l’établissement, dans les départements “du Haut et uu Bas-Rhin, de la Constitution française, non seulement dans les j oints concernant le clergé, mais encore dans tous les autres. Cette opposition est établie par les protestations signifiées de leur part au département du Bas-Rhin, qu’ils ont présentées à la diète de Ratisbonne, en réclamant l’appui et les forces des princes étrangers, et par des lettres pastorales, dis mandements et d’autres actes émanés d’eux, ainsi que par des brefs du pape, et des libelles qu’ils font lire, publier, colporter et distribuer. Ils sont déterminés à soutenir cette opposition à main armée; déjà un corps de troupes est levé; ce corps est placé sur la rive droite du Rhin, depuis Bttenheim jusqu’à Kehl, et journellement il maltraite à coups de bâton les Français, particulièrement les citoyens de Strasbourg que leurs affaires obligent dépasser le Rhin fréquemment. Pour propager ce système d’opposition et de rébellion, ils emploient non seulement une partie des chanoines, mais ei core Jes ecclésiastiques fonctionnaires publics réfractaires au serment, et un grand nombre de religieux. Ces faits généraux se dévelop- 389 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 juillet 1791.J pent par la conduite particulière de chacun de ceux-ci. « En ce qui concerne les ecclésiastiques fonctionnaires publics non assermentés, parmi la multitude des faits, on remarque les suivants : Les prêtres réfractaires des districts se sont assemblés et ligués en se liant par un serment pour refuser toute obéissance aux décrets concernant le clergé ; ils ont fait imprimer et distribuer la liste de ceux qui ont signé cett * conjuration. Un grand nombre d’entre eux ont lu en chaire les protestations, les mandements, les brefs et les lettres, tant du pape que des évêques; ils les ont commentés et amplifiés pour tenter de soulever les peuples. Un autre, pour cette lecture, avait rassemblé une foule d'habi-tanls tant de la ville que de la campagne, et sans la garnison i! y aurait eu un soulèvement où le sang aurait coulé. Lu publication, qui a été faite dans un endroit par le curé, a exci é une fermentation qui n’est pas encore apaisée. Cplui d’un autre endroit, bien après la publication, s’est, ainsi que les deux précédents, retiré chez l’évêque de Spire qui leur a donné amie. Dans 4 autres paroisses et dans leurs environs, les prêtres non assermentés ont t élément prêché la sédition que les habitants non seulement ne veulent exécuter aucuns décrets, mais refusent ouverte nent d’acquitter aucunes contributions�. 600 citoyens d’une commune se sont ligués à l’instigation de l’ancien curé pour s’oppjser à l’installation du nouveau. « Tous ces réfractaires ont refusé de chanter le Te Deum à Tocca-ion de la convalescence du roi, parce que le mandement pour le chanter leur était venu de l’évêque constitutionnel, et cependant tous l’ont chanté séparément dans leur église, en vertu d’un mandement du cardinal de Rohan. Un curé et son vicaire ont osé prêcher que le serment civique ne liait pas les citoyens, et qu’ils étaient prêts à absoudre tous ceux qui se présenteraient. (Murmures.) Un commissaire du département s’étant présenté pour faire apposer dos scellés, 7 à 8,000 personnes rangées par communautés, ayant le chapelet à la main et à la tête leur cure non assermenté, s’opposèrent à l’opération; un nouveau curé a été obligé de se sauver et de se réfugier à Strasbourg. Un antre a été chassé de sa cure à coups de pierres. Un troisième a été obligé pour n’ètre pas lapidé de se réfugier chez un minisire luthérien qui a failli être tué pour lui avoir donné asile. Des habitants ont chassé le leur avec des pierres et des bâtons; ils lui ont môme lâché leurs chiens de basse-cour; il en est qui ont menacé leur curé de le lier dans un sac, et de le jeter dans la rivière. A gauche : Les malheureux ! Les scélérats! « Dans beaucoup d’endroits, on fait des prières publiques comme dans des temps de calamités; on chante tous les soirs le Miserere depuis le retour du roi à Paris. On a composé un cantique dont l’original est entre les mains de l’évêque du Bas-Rhin, qui se chante publiquement, et dans lequel les habitants sont excités à détruire à coups de fusils les prêtres constitutionnels et leurs adhérents. . . M. d’André. Les ennemis du bien public font là-bas ce qu’ils veulent faire ici. M. le secrétaire (continuant la lecture) : «... Ou n’a pas craint de prêcher publiquement la rébellion, en excitant les auditeurs à s’engager dans le corps de troupe levé et placé sur la rive droite du Rhin, et aussitôt 30 jeunes gens sont allés s’enrôler. « Tout récemment, de 450 citoyens actifs catholiques d’un canton, 30 au plus sont restés aux assemblées primaires, tous les autres ont été éconduits, parce qu’à l’instigation de leurs curés ils n’ont pas voulu prêter le serment prescrit pour ces assemblées, ceux-ci leur ayant dit que, s’ils le faisaient, ils seraient damnés.’ (Murmures.) lien est arrivé autant dans une autre a-semblée; l’on y comptait 350 citoyens actifs catholiques ; 50 seulement ont prêté le serment. Il est des cantons où il n’y a eu aucune assemblée primaire, parce qu’à l’instigation des ecclésiastiques malintentionnés, aucun citoyen n’a voulu prêter le serment. « Si l’on s’arrête à quelques détails de la conduite des religieux, on voit que journellement ils vont et viennent, des territoires des princes étrangers dans celui de la France. 11 en est qui quittent leurs maisons, vont dans les couvents situés en pays étrangers, et, à leurs places, viennent se mettre des religieux de ces couvents qui desservent les paroisses, administrant les sacrements, prêchent et catéchisent. Cette transmigration alternative se répète fréquemment. Les commissaires de l’Assemblée natonale, dans leurs visites, en ont fait appeler, qui leur ont dit nettement qu’ils ne se soumettraient point aux décrets concernantle clergé. C’est un fait notoire que les religieux leçoivont, lisent, publient et colportent les écrits incendiaires qui leur sont envoyés d’au delà du Rh n, et qu’ils les inculquent aux habitant-delà campagne pour les soulever. 11 en est qui ont occasionné des émeutes. Il en est un qui a fait sortir d'une chapelle les assistants qui entendaient une me se, en leur disant qu’eU ■ était nulle, parce qu’un prêtre constitutionnel la célébrait. « A l’égard des membres des ci-d-'vant chapitres, outi e leur opposition ouverte, et leurs protestations, on sa t qu’ils ont tenté d’em meher leurs ci-devant fermiers de payer leurs fermages au receveur des districts, et de soulever des communes. « C’est par l’effet de leurs intrigues qu’on a publié, sous le nom du landgrave de Hesse, et sous celui de l’évê |ue ce Spire, une oppo-ition à l’exécution des décrets de l’Assemblée nationale. Il a fallu envoyer des troupes pour obliger les membres d’un chapitre à cesser leurs fonctions, ainsi que pour avoir les titres d’un aut-e. L’auteur de la première émeute dans le département est un chanoine. Il en est q-.i vont sans cesse de l’autre côté du Rhin, et en rapportent les écrits les plus incendiaires, qu’i's répandent ou font répandre ensuite dans le département. Le cardinal de Rohan et le grand chapitre de Strasbourg, établis, l’un à Ëltenhe m, les autres à Offenbourg, y exercent leurs fonctions et toute juridiction, et journellement ils tentent, par le moyen d’agents secrets, d’en faire exécuter les actes en deçà du Rhin. « Enfin c’est une chose notoirement connue qu'il existe une correspondance entretenue par le clergé, tant séculier que régulier, au moyen de laquelle les princes étrangers sont instruits de tout ce qui se passe dans les places fortifiées, même des précautions les plus secrètes que les commandants prennent pour leur conservation et la sûreté de l’Empire. Il est encore notoire que 8 jours avant le départ du roi les ecclésias- 390 [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 117 juillet 1191.1 tiques annonçaient publiquement un événement du 20 au 24 juin dernier, dont la suite devait être le massacre des patriotes. » M. d’André. Parbleu, ces prêtres-là sont bien humains! Un membre : Il faut embarquer ces prêtres-là et les envoyer à Rome. M. le secrétaire (continuant la lecture) : «... Tous ces faits sont la plupart justifiés ou par des procédures déposées dans les greffes des tribunaux, ou par des déclarations qui ont été lues dans l’Assemblée; il en est qui sont de notoriété pub ique, les autres ont été attestéspar ceux des membres de cette Assemblée qui en ont connaissance, et de tous ces faits voici le résultat : Sous un point de vue général, il se présente dans le département du Bas-Rhin deux partis très prononcés et extrêmement opposés, dont l’un lient fortement à toutes les parties de la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale, et l’autre fait les plus grands efforts pour en empêcher l’établissement. « En suivant ce département en détail, on reconnaît que la plus grande partie des villes, et très éminemment celle de Strasbourg, animées du plus brûlant patriotisme, ont accueilli avec transport la Constitution, et sont déterminées à la soutenir jusqu’à la mort; un bon nombre de villages sont dans les mêmes dispositions ; mais dans quelques villes, et dans la majorité de la campagne, on ne rencontre presque pas un partisan de l’heureuse régénération de la France; au contraire, l’on y découvre un grand nombre de ses plus mortels ennemis ; les malintentionnés sont en partie composés de personnes qui vivaient des abus énormes dont cette contrée était opprimée plus particulièrement qu’aucune autre province du royaume ; mais les ecclésiastiques, tant séculiers que réguliers, à quelques exceptions près, sont les plus nombreux, les plus ardents détracteurs, les ennemis les plus acharnés de la Constitution. Les excès auxquels ils se livrent viennent de deux causes : l’ignorance extrême du plus grand nombre et Rattachement du surplus aux principes ultramontains et aux princes étrang rs. « Si la première de ces deux causes était la renie, les mesures à prendre dans ce département ne seraient pas différentes de celles à suivre dans quelques autres parties de l’Empire, où l’erreur empêche le progrès des lumières et delà raison, pour la propagation de quelles le temps et la patience suffisent; mais la seconde cause ne permet pas de di Itérer un seul instant à garantir ce département du danger imminent qui le menace. « Ce danger résulte de la correspondance tantôt ouverte, tantôt cachée, que les ecclésiastiques tant séculiers que réguliers entretiennent soit généralement avec les Français fugitifs et devenus indignes de ce nom, soit particulièrement avec ceux d’entre eux qui,dansune rébellion déclarée, sont déjà frappés de l’anathème de la patrie, et justement livrés aux tribunaux, soit avec ceux des princes étrangers possessionnés dans cette contrée, ou dont les terres en sont limitrophes, qui, sous des prétextes odieux, contraires à l’humanité et aux droits inadmissibles des nations, font les plus grands efforts pour su-citer des ennemis à la France, qui ne lui font pas une guerre ouverte, parce qu’ils n’en ont pas le pouvoir, mais qui, par leurs sourdes menées, sont peut-être prêts à la faire éclater. Dans cette position qui présente les mêmes craintes que si on était en état de guerre, dans ce département couvert de places fortes qui font la sûreté de l’Empire, et dans chacunedesquelles les ennemi� onten grand nombre des intelligences sûres parmi les ecclésiastiques qui correspondent avec eux, il est d’une indispensable nécessité de prendre, sans b* moindre délai, une mesure qui puisse intercepter sur-le-champ cette correspondance. « Pour arriver à ce but, le seul qui puisse sauver l’Empire du danger qui le menace, il n’v a qu’un moyen : il consiste à réunir tous les ecclésiastiques, tant séculiers que régulé rs, en un seul et même lieu, dans lequel on soitàmêmede s’assurer de la conduite des malintentionnés, ou de les écarter des frontières à une distance tePe qu’ils ne puissent pas être nuisibles. Si cette mesure semble contraire aux lois et à la lib rté pour lesquelles les législateurs de la France et les administrateurs ont un si profond respect, elle est commandée par les circonstances pour le salut de tous; elle est même ordonnée pour la sûreté particulière de ceux desecclésiastiques, en grand nombre sans doute, qui, loin de trahir la patrie, ont toujours montré l’amour de la paix, la soumission aux lois et les vrais caractères des ministres des autels. «Si cesecclésiastiques sages et bienfaisants sont lésés par une privation ou une gêne qui ne sera que passagère et d’une courte durée, ils en seront amplement dé iommagés par la douce jouissance d’avoir fait un sacrifice à la sûreté commune et à laconservation delaliberté ; ce sacrifice, d’ailleurs, est d’autant pins indispensable qu’il y aurait tout à craindre qu’à la moindre étincelle d’une invasion du territoire de ce département, une grande partie des peuples des campagnes trompés par ceux des ecclésiastiques malintentionnés qui les égarent, ne tournassent les armes mises dans leurs mains pour la défense de la patrie contre leurs frères plus éclairés qu’eux, et n’allumassent un incendie qu’on ne pourrait peut-être plus éteindre. « Sur ces motifs, et vu qu’il est impossible de guérir les maux déjà faits, en employant la rigueur des lois et la lenteur des formes, ni de prévenir ceux qui sont près d’éclater sans une précaution prompte, vigoureuse et commandée par le péril, en attendant que l’Assemblée nationale ait pesé dans sa sagesse les mesures définitives pour la tranquillité de ce déparlement, ses commissaires ont requis, et l’as-emblée des corps administratifs et du conseil général de la commune a arrêté unanimement ce qui suit, pour être exécuté provisoirement et sans délai : « Art. Rr. Tous les religieux, de quelque ordre qu’ils soient, tant ceux qui ont déclaré vouloir vivre en commun, que ceux qui ont annoncé la résolution de rentrer dans le monde, et ceux qui n’ont fait aucune déclaration, seront réunis dans la ville de Strasbourg, où ils seront tenus de se rendre dans la huitaine qui suivra la publication du présent arrêté. « Art. 2. Chacun desdits religieux, qui aura déclaré vouloir continuer la vie commune, se présentera, à son arrivée, devant la municipalité, et déclarera de nouveau s’il entend persister dans la même résolution. u Art. 3. Il sera fourni à ceux qui préféreront de vivre en commun, des maisons propres à les loger, et où ils pourront continuer leurs exeicices religieux. « Art. 4. Tous ceux qui auront préféré la vie [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 juillet 1791. J privée seront libres de se loger dans la ville à leurs frais, et de telle manière qu’ils jugeront convenable. « Art. 5. Le mobilier des maisons que les religieux quitteront sera transféré à Strasbourg pour en être fait tel emploi que les circonstances pourront exiger. « Art. 6. Les religieux vivant dans le monde, ainsi que ceux qui auront adopté la vie commune, ne pourront quitter la ville de Strasbourg sans un passeport spécial. « Art. 7. Ceux qui ont prêté le serment prescrit par la loi sur la constitution civile du clergé, pour remplir des fonctions publiques ecc'ésias-tiques, seront exceptés des dispositions de l’article premier. « Art. 8. Ceux qui prêteront le serment après s’être rendus à Strasbourg seront libres d’aller où bon leur semblera. « Art. IL Tous les curés et vicaires qui n’ont pas encore prêté le serment, ainsi que les supérieurs, direcieurs, préfets, procureurs, professeurs et régents des collèges et séminaires de Strasbourg et Molsheim, au remplacement desquels il aura déjà été pourvu, ainsi que les ci-devant chanoines, prébendes, sommissaires, prémissaire?, et tous autres ecclésiastiques, tant séculiers que réguliers, seront tenus de se rendre également dans la ville de Strasbourg, dans le même délai de huitaine ci-dessus fixé; et les dispositions des articles 4, 6, 7 et 8 leur seront communes. « Art. 10. Ceux desdits religieux fonctionnaires publics, et autres mentionnés dans les articles précédents, qui ne se rendront point à Strasbourg dans le délai de huitaine à compter de la publication du présent arrêté, y seront transférés par la force publique, à la diligence du procureur général svndic, et des procureurs syndics de district. « Art. 11. Seront tenues les municipalités des lieux du domicile desdifs religieux fonctionnaires publics, de veiller à la sûreté de leurs personnes et de leurs effets, ainsi qu’au transport qui devra en être fait à Strasbourg. « Art. 12. M. l’évêque du Bas-Rhin remplacera, ad intérim, , sur les réquisitions des corps administratifs ou des municipalités, par des prêtres à so i choix, à titre de desservants provisoires, ceux des fonctionnaires publics ecclésiastiques au remplace aient desquels il n’aurait pas encore été pourvu, et qui o t refusé de prêter Je serment prescrit par la loi. « Art. 13. Aussitôt après leur remplacement, lesdits fonctionnaires publics seront tenus de se rendre à Strasbourg, conformément aux dispositions des articles précédents, qui leur seront également appliqués. « Art. 14. Pourront néanmoins ceux desdits ecclésiastiques, tant séculiers que réguliers, qui ne voudront pas se rendre à Strasbourg, se retirer dans l’intérieur du royaume, à 15 lieues des frontières; à défaut de quoi ils seront conduits à Strasbourg, aux termes des articles précédents. « Art. 15. Et sera le présent arrêté imprimé dans les 2 langues, adressé aux directoires des districts, et par ceux-ci envoyé à toutes les municipalités du département, pour être lu, publié et affiché partout où besoin sera, pour que personne n’en puisse prétendre cause d’ignorance; et ont, les corps administratifs, arrêté que la délibération ci-dessus sera adressée à l’Assemblée nationale, en la suppliant de rendre, le plus tôt possible, un décret par lequel : « 1° Elle approuvera les mesures provisoirement 391 prises par ses commissaires, de concert avec les corps administratifs du département du Bas-Rhin, relativement au transport à Strasbourg des moines et religieux vivant en communauté, des curés, vicaires et professeurs non assermentés, au remplacement desquels il a été pourvu ; comme aussi celles concernant les moines et religieux qui auront opté pour la vie commune, les chanoines, chapelains et autres prêtres généralement quelconques qui auront un domicile dans le département; ordonnera qu’elles recevront leur pleine et entière exécution ;enjuindra aux municipalités d’y tenir la main, à peine d’en être responsables; « 2° Ordonnera que tous les moines et religieux du département du Bas-Rhin, tenant à Strasbourg la vie commune, seront transférés, dans le délai de quinzaine, dans la ci-devant abbaye de Clair-vaux, ou dans telle autre maison qu’il plaira au Corps législatif de désigner; qu’à cet effet, Usera expédié aux départements respectifs les ordres nécessaires pour leur translation, leur réception et leur établissement; « 3° Que les ecclésiastiques, tant réguliers que séculiers, qui n’auront pas prêté le serment prescrit par le décret sur la constitution civile du clergé, seront tenus, dans la huitaine, de se retirer dans l’intérieur de la France, à 15 lieues des frontières, à peine de désobéissance à la loi. » M. Victor de ISroglie. Le voyage que j’ai fait en dernier lieu en Alsace m’autorise à vous attester qu’il n’y a rien d’exagéré dans le récit des commissaires, ni relativement aux dispositions des prêtres réfractaires, ni relativement aux menées des moines de nueiques-uos des villages de ce département. Cependant, en ce qui concerne ce dernier point, je dois observer à l’Assemblée qu’on n’a pas encore pu jouir de l'abolition de la dime dans ces pays; ce qui arrive dans cet instant les éclairera beaucoup sans doule contre les pièges qu’on leur tend. (Pares.) J’ajoute que l’on ne peut espérer l’établissement de la Constitution et le retour de la paix publique en Alsace, tant qu’il y existera des prêtres réfractaires qui, n’ayant pas prêté le serment, excitent des séditions "continuelles contre les prêtres assermentés, et rassemblent continuellement entre eux, non pas les hommes occupés constamment aux travaux de campagne, mais les femmes auxquelles ils tournent la tête et font voir le diable sous toutes ses formes. (Rires.) S’il s’agissait de vous le prouver, il me suffirait de vous dire que, dans plusieurs des villages dont je vous ai parlé, les prêtres sont parvenus à persuader que les prêtres assermentés ne baptisaient les enfants qu’au nom du père, du tils et de la nation. Plusieurs membres : Ce sont de grands scélérats ! M. Victor de Broglie. Mais, pour en revenir à des considérations plus sérieuses, j’ose supplier l’Assemblée nationale, en admettant les propositions provisoires des commissaires, de me permettre deux nouvelles observations : l’une, c’est que la proposition de rie rétablir le? prêtres et les moines ne voulant pas prêter le serment qu’à 15 lieues des frontières, est évidemment insuffisante; qu’il est indispensable, tant pour les empêcher de nuire, que pour dépayser leur malveillance, de faire ce que les députés d’Alsace ont demandé depuis longtemps au comité ecclésiastique, et ce que le comité n’a pas en-