[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEÏEOT AIRES. f dêœmbre�M 383 « Oui, Billeheu a eu raison d’apprendre lui-même au comité de surveillance de la section des Piques qu’il avait été de la garde du ci-devant roi, car cette garde si justement pros¬ crite fut cependant le creuset du civisme, car bientôt il se fit une ligne de démarcation entre les esclaves du roi qui restèrent constamment dévoués à ses ordres tyranniques et les bons citoyens qui n’obéissent qu’à la voix du peuple. Et Billeheu est un de ceux qui abandonnèrent la garde du tyran un mois avant le décret salutaire qui la supprima. Billeheu n’a pas passé deux mois dans ce corps. Mais ce court terme lui a suffi pour le convaincre qu’un bon citoyen ne pouvait pas y rester, et il l’aban¬ donna. « Citoyens représentants, autant le salut public exige de rigueurs envers les traîtres, autant il veut que les patriotes soient protégés. Et certes, pour juger du patriotisme de mon mari. il n’est que de jeter les yeux sur les papiers ci-joints. On y verra qu’au sortir des troupes de ligne où. il a servi dix ans, en brave soldat, il a épousé une fille naturelle qu’il avait rendue mère, que ce mariage clandestin l’a privé durant longtemps de déclarer son domicile chez sa femme afin d’éviter de la part de son père l’exhérédation dont il n’aurait pas manqué de le frapper si son mariage lui avait été connu, ce qui l’a réduit à payer une chambre garnie chez Tochon jusqu’à ce que la loi sur les testaments lui eût rendu la liberté do vivre publiquement avec sa femme. On y verra encore les témoi¬ gnage de son civisme que lui ont donnés les municipalités dans lesquelles nous avons rési¬ dé ainsi que le certificat de son service dans la section armée de Poissonnière. Depuis qu’étant domicilié il lui a été permis de concourir à la sûreté publique. On y verra enfin que zélé à s’acquitter de tous ses devoirs, il s’est empressé de faire à la chose publique les sacrifices qu’exi¬ geaient les circonstances soit pour l’armement, l’équipement des volontaires, soit pour le paie¬ ment de ses contributions. « Toutes ces considérations, citoyens représen¬ tants, vous détermineront sans doute de rendre à sa famille un citoyen dont le commerce est l’unique ressource. Ses deux enfants et son épouse vous béniront pour cet acte de justice. » Des citoyens de la section des Droits-de-l’Homme se plaignent d’avoir été subtilisés par Sompson, capitaine de leur compagnie, et par son lieutenant, qui leur ont fait signer la péti¬ tion des 8,000; que trois jours après ils se sont rétractés, par une pétition à l’Assemblée légis¬ lative. Ils demandent que la Convention leur fasse délivrer la pièce justificative de leur rétractation. Renvoyé au comité de sûreté générale (1). Suit la pétition des citoyens de la section des Droits de-V Homme (2). « Citoyen Président, « Les citoyens de la section des Droits-dé¬ fi Homme, ci-dessous nommés, ont été subtili-(1) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 149. (2) Archives nationales, carton C 286, dossier 840. sés (sic) par Sompson, pour lors capitaine de leur compagnie, avec son lieutenant. Les oi-toyens ci-dessous nommés ont signé la pétition, que l’on nomme des huit mille. Trois jours après, ils 'ont été instruits de la subtilité, ils n’ont pas perdu de temps, ils ont dressé la pétition dont la copie est rapportée ci-dessous, et l’ont pré¬ sentée à l’Assemblée législative, le 18 juin 1792. Le lendemain matin, elle a été lue à la tribune et fort applaudie par l’Assemblée et par les tribunes. Ils espéraient que d’après leur rétrac¬ tation ils n’en entendraient plus parler, mais aujourd’hui l’assemblée populaire de la section renouvelle la discussion sur ladite pétition, ne reconnaissant aucun rétracteur sur sa parole. Lesdits citoyens prient l’Assemblée convention¬ nelle de’ vouloir bien leur délivrer une pièce jus¬ tificative qu’ils puissent présenter à l’assemblée de la section et qui prouve la vérité de leur rétrac¬ tation. Ils espèrent que justice leur sera rendue. « Monsieur le Président, « Les citoyens do la section du roi de Sicile soussignés, déclarent à l’Assemblée nationale et à toute la nation que l’on a surpris leur signature en leur faisant entendre que l’on voulait retirer les canons de toutes les sections de Paris et mettre les citoyens hors d’état de défense en cas d’attaque, et que l’on recherchait les signatures de tous les bons citoyens aux fins de présenter une pétition à l’Assemblée nationale, et préve¬ nir les malheurs qui pourraient s’ensuivre. D’après ces raisons, nous avons signé, comptant signer pour bonne cause. Nous avons été trom¬ pés. Nous prions l’Assemblée de croire que de vrais citoyens se trouvent très mortifiés do passer pour être contraires au bien générai, puisque tous leurs vœux ne tendent que pour lo bonheur de tous les vrais citoyens et en général de toute la nation. « Nous prions, Monsieur le Président, l’Assem¬ blée nationale et toute la nation, d’accepter notre rétractation sincère. « Et ont signé : Magnenoz, toiseur de bâti¬ ment; Cailloué, marchand boucher; Fournier, entrepreneur de maçonnerie; Dallant, entrepreneur de maçonnerie; Régnier, vannier; d’Aubigni, vitrier; Georget, citoyen. » La citoyenne Pellier [Sellier], mère de 3 en¬ fants, dont l’aîné n’a encore que 4 ans, réclame la liberté de son mari, détenu à Sainte-Pélagie. Renvoyé au comité de sûreté générale (1). Suit la pétition de la citoyenne Sellier (2). A la Convention nationale. « Citoyens législateurs, « Au nom de l’humanité, n’abandonnez pas une épouse infortunée, mère de trois enfants dont le plus grand a quatre ans, qui vient récla-(1) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 149. (2j Archives nationales, carton C 286, dossier 840. 384 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j �imaire an II L J 12 décembre 1/93 mer la liberté de son mari détenu depuis plus de sept semaines dans la prison de Sainte-Pélagie « Ce n’est pas une faveur qu’elle vient deman¬ der, c’est la justice même. Le citoyen Sellier, son mari, corroyeur dans le faubourg Saint - Antoine, capitaine d’une compagnie de sa sec¬ tion, patriote reconnu par tous ses concitoyens, n’a jamais démérité un seul instant. « Déjà quatre députations de sa section se sont présentées au comité de sûreté générale pour le réclamer et attester son innocence et son patriotisme. Elle espère qu’elle n’aura pas réclamé en vain et que l’Assemblée voudra bien ou lui rendre son mari, le seul soutien qu’elle ait, ou ordonner un prompt rapport de son affaire. « Citoyenne Sellier. « Ce 19 frimaire, l’an II de la République française, une et indivisible. » Des citoyennes de différentes sections de Paris réclament la liberté de leurs maris, frères et au¬ tres parents détenus. La Convention renvoie leur pétition au comité de sûreté générale (1). Suit la pétition des citoyennes des différentes sections de Paris (2). « Citoyens législateurs, « Vous voyez devant vous des épouses malheu¬ reuses, mères de famille accompagnées de leurs enfants, des sœurs et parentes de citoyens, dont les maris, les pères, les frères et les parents sont en captivité. « Pénétrées de respect pour vos décrets et de nos devoirs envers la République, c’est aux dignes représentants d’un peuple libre que nous venons, avec une entière confiance, demander pour nos maris, nos pères, nos frères et ncs parents la justice qu’ils doivent attendre et la liberté qui leur est due. « De simples soupçons, ou l’erreur d’un mo¬ ment ne peuvent les retenir plus longtemps dans les fers, et par là priver leur famille des secours que nous toutes avons le droit d’attendre d’eux; mais s’ils sont coupables, comme de vraies répu¬ blicaines, nous les verrons, non sans douleur, mais sans murmures, subir la peine qu’ils auraient encourue. Comme nous ne doutons pas qu’ils ne sont que victimes des circonstances du jour, la nature et l’honneur nous font un devoir de les défendre, et de venir réclamer pour eux le premier des droits sacrés de l’homme, qui est la liberté. « Cette cruelle séparation, citoyens législa¬ teurs, occasionne non seulement des besoins dans nos familles, mais encore, elle est une source de dangers pour nous ; et les mœurs doivent être les premiers fondements d’une République, vous avez vous-mêmes senti cette vérité, nous avons recueilli avec attendrissement les paroles do celui d’entre vous qui provoqua votre der¬ nier décret concernant les détenus. « C'est trop d'un jour de détention , dit-il, pour l'innocent opprimé ! « Vous, pères de la patrie, dignes défenseurs des droits de l’homme, dont la liberté et l’éga¬ lité sont les deux premiers, pesez dans votre sagesse toutes ces considérations, complétez cette loi que les malveillants cherchent à calomnier, donnez à la République française un mode d’exécution prompt, facile et clair pour votre décret concernant les détenus. Par ce moyen nous apercevrons un terme aux malheurs qui nous accablent par la privation où nous sommes de nos maris, de nos pères, de nos frères et de nos parents qui nous sont aussi chers qu’ils peuvent être utiles à la République. « Nous attendons, citoyens législateurs, cet acte de votre justice; nous le réclamons avec la confiance que nous avons droit d’attendre de votre équité. « Paris, ce 22 frimaire, l’an II de la République française une et indivisible. « Delahaye, au nom des citoyennes de toutes les sections; fille Frémont, femme Loyauté. » La citoyenne épouse du citoyen Carruyer [Le Carruyer] réclame la liberté de son mari, qui, comme ex-noble, avait d’abord été relâché, sous caution, mais ensuite réincarcéré par ordre du comité de sûreté générale. La pétition est renvoyée à ce même comité (1). Suit la pétition de la citoyenne Le Caruyer (2). La citoyenne Le Caruyer, aux citoyens législateurs. « Justice, législateurs, j’en appelle à votre conscience, aux vertus que vous professez, sur-lout à l’humanité. Mon mari, mis depuis trois mois sous caution comme ex-noble, depuis trois semaines incarcéré par un ordre du comité de sûreté générale, qui porte que toute personne sous caution doit être mise en maison d’arrêt. Je n’ai pas même la jouissance de l’y voir. « S’il eût été suspect, quatre citoyens eussent - ils répondu de lui? Sa section aurait apposé les scellés chez lui, et c’est ce qu’elle a constam¬ ment refusé; loin de craindre les informations, il les sollicite et demande qu’outre le procès-verbal de son arrestation, le comité de surveil¬ lance du Temple soit interpellé pour rendre compte de la conduite du citoyen Caruyer; ses principes mis à découvert ne peuvent qu’y gagner. D’après ces informations, s’il est inno¬ cent, rendez-le moi; s’il est coupable, que le glaive de la loi s’appesantisse sur sa tête et sur la mienne. A 16 ans, grosse de trois mois, je croyais voir naître pour moi l’aurore d’un bon¬ heur qui s’est évanoui et qui peut luire encore si, prenant pitié de mes larmes, vous me rendez celui que je pleure. « La loi du 17 septembre ne pouvant que lui être très favorable, d’après son attachement à (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 150. | (2) Archives nationales, carton C 286, dossier 840. 1 (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 150. (2) Archives nationales, carton C 286, dossier 840.