534 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [3 avril 1790.) longtemps un privilège pour des administrateurs qui se sont prostitués jusqu’à devenir les agents des Anglais; pour des administrateurs qui ont déshonoré le pavillon qui leur était confié : on s’imagine peut-être qu’ils payaient à l’Etat le tribut de leur privilège : eh bien, non ; c’était l’Etat lui-même qui leur payait annuellement une somme de 2 millions par l’affranchissement du droit d’induit. Persuadé, comme je le suis, que ce commerce, dont ils ont été trop longtemps chargés exclusivement, est préjudiciable aux intérêts de l’Etat, je demande que le comité d’imposition se réunisse au comité de commerce et d’agriculture pour concerter un tarif de droits à im poser sur les marchandises de l’Inde. (Plusieurs orateurs se présentent encore à la tribune; mais l’Assemblée décide que la discussion est fermée sur le fond.) M. le Président fait donner lecture d’une lettre qu’il reçoit à l’instant. Elle émane de députés extraordinaires du commerce de Bordeaux qui demandent à être entendus à la barre pendant quelques minutes pour rendre compte de dépêches très intéressantes qu’ils viennent de recevoir de leurs concitoyens. Une partie de l’Assemblée s’oppose à ce que les députés extraordinaires de Bordeaux soientadmis, tant que la délibération sur l’affaire de la compagnie des Indes n’est pas terminée. Divers membres demandent si la pétition de Bordeaux se rapporte à l’affaire agitée. M. «Garai Vainc. Il me semble que puisque les députés de Bordeaux nous portent des nouvelles agréables nous ne devons pas balancer à les entendre. M. le President consulte l’Assemblée qui décide que les députés seront admis à la barre et entendus. L’un d’eux lit une adresse des négociants de Bordeaux à laquelle est joint un extrait du registre des délibérations de la chambre du commerce de la province de Guienne, du 27 mars 1790; l’Assemblée en ordonne l’impression et l’insertion daus son procès-verbal, ainsi qu’il suit : « Grâces vous soient rendues, dignes représentants du peuple Français ; c’est à votre courage et à vos lumières que nous sommes redevables de la plus mémorable et de la plus heureuse Révolution. Vous avez passé nos espérances; vous n’avez pas craint d’anéantir l’édiiice gothique de notre gouvernement; vous n’avez pasété effrayés des travaux immenses qu’exige une reconstruction entière. Aussi sages législateurs que profonds philosophes, vous avez su lire dans le cœur des Français, et y discerner le germe de la liberté, n’attendant qu’une étincelle pour s'enflammer et jeter le plus grand éclat. Vous n’avez pas été retenus par le reproche de frivolité trop longtemps imputée à notre nation; vous avez senti qüe si nous avons eu toujours le bon esprit de cacher nos chaînes sous des fleurs, c’est que le seul aspect des fers est insupportable aux descendants des Francs. Commencez à recueillir les fruits de vos soins paternels. L’esprit public vient de faire plus de progrès en moins d’un an, qu’il n’en avait fait dans plusieurs siècles; votre exemple a électrisé toutes les âmes. Le commerce, jusqu’ici méconnu et humilié, n’ayant pas même dans notre ville la permission de" s’assembler librement, ne pouvait que garder un silence passif; mais à peine l’avez-vous délivré de ses entraves, qu’il relève son front patriotique et vole au secours de la nation. Profondément affecté de ne pouvoir seul la sauver du péril qui la menace, il s’y dévoue tout entier; il ne redoute plus, comme sous le régime du pouvoir arbitraire, d’enchalher son sort à celui de l’Etat. « Nous nous sommes assemblés pour concourir à dissiper les terreurs chimériques qui ébranlent le crédit national; justement indignés, sans être effrayés des manœuvres perfides des ennemis de la Révolution, nous avons voté un acte d’abandon et de dévouemeat absolu à tout ce qui émanera de votre Sénat auguste. Nous sommes avec le plus profond respect, « Nosseigneurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs. « Signé : les négociants de Bordeaux, au nombre d’environ cinq cents. » Ensuite est écrit : « Nous directeurs de la chambre dmeommerce de la province de Guienne, en adhérant à la présente adresse du commerce de Bordeaux, certifions toutes les signatures dont elle est souscrite. Signe : Latuilière, président; A. Gaubert et Cour-rejolles, directeurs. » Au-dessous est ainsi écrit : * Nous soussignés, députés extraordinaires du commerce de Bordeaux, près l’Assemblée nationale, adhérons à Ja présente adresse en tout son contenu, en la déposant sur le bureau, et lue à la barre. A Paris, le 3 avril 1790. » Du registre des délibérations de la chambre du commerce de la province de Guienne, a été extrait ce qui suit : Du 27 mars 1790. « Sont entrés MM. Latuilière, Marchand, Gaubert, Brunaud, Ferrière et Courrejolles. « La chambre extraordinairement assemblée, s’y sont rendus MM. les négociants et marchands, chefs de maison, formant le commerce général de Bordeaux, pour s’occuper de la détresse actuelle des finances et des moyens de venir au secours de l’Etat. Ayant examiné et discuté plusieurs plans et projets, tous suggérés par le plus pur amour de la patrie, ils ont reconnu avec regret que le numéraire actuel, en circulation sur cette place, est à peine suffisant pour soutenir son commerce journalier, non dans un état de splendeur telle qu’on l’a vu avant l’époque de l’arrêt du 30 août 1784, mais dans une médiocrité le plus souvent gênée; « Qu’il serait donc impossible ou très dangereux d’enlever à cette ville les espèces qui paraissent encore dans la circulation, dont la totalité même ne serait qu’un secours insensible pour les besoins de la capitale ; « Que, cependant, lorsque les ennemis de la Constitution, jusqu’à présent déconcertés dans leurs projets, redoublent d’activité pour enlever à l’Assemblée nationale toutes les ressources du crédit et de la confiance publique, espérant, par ce dernier effort, faire écrouler l’édifice des finances, et voir d’un même coup s’anéantir la Révolution : c’est le moment où le zèle des vrais citoyens doit les rallier autour de la chose pu-* blique ; c’est le moment où ie silence des négo-