[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 septembre 1790.] « Arrête que le présent décret sera adressé à l’Assemblée nationale, et envoyé à M. le marquis Gouy d’Arsy et à ses collègues, par les premiers navires qui feront voile pour la France; « Et qu’il sera imprimé au nombre de quinze cents exemplaires. « Fait à l’assemblée générale, à Saint-Marc, les jour, mois et an que dessus. « Bacon - Lachevalerie , président ; Thomas Millet, vice-président ; Demontaigu, Legrand, TrebüCIEN, secrétaires. » (Cette lettre et les pièces qui y sont jointes sont renvoyées au comité colonial.) Une députation de l’école gratuite de dessin est admise à la barre et présente différents modèles de dessins, que l’Assemblée voit avec admiration; de ces différents modèles, elle en laisse deux sur le bureau, l’un d’ouvrages en bourrelerie, l’autre une épreuve de médailles. En offrant cet hommage à l’Assemblée, un membre de la députation dit : c Pénétrés des bienfaits que l’Assemblée nationale a daigné répandre sur l’école gratuite de dessin, les administrateurs, les professeurs et les élèves viennent déposer à ses pieds l’hommage de leur respectueuse reconnaissance, lui soumettre les règlements qui, jusqu’à présent, ont formé son régime, afin que, dans sa sagesse, elle en adopte ou change les principes. « A cette offrande, je joins quelques travaux qui justifieront l’intérêt que cette jeunesse a eu le bonheur d’inspirer à la nation. Elle vient lui jurer d’être fidèle à ses lois, et de faire de nouveaux efforts pour se rendre plus digne de sa protection. » M. le Président répond : « Messieurs, l’Assemblée reçoit avec un tendre intérêt l’hommage des jeunes élèves que vous dirigez dans la carrière des arts. Us doivent à votre bienfaisance, à votre amour éclairé pour ces arts brillants et utiles, ces talents qui seront à la fois la ressource et la douce occupation de leur vie. Ces arts, fils du génie et de l’opulence, vont prendre un nouvel essor sous le régime vivifiant de la liberté; car elle empreint le caractère de la grandeur et de la fécondité à tout ce à quoi elle s’allie. C’est elle qui les éleva, dans la Grèce et dans l’Italie, à cette perfection qui fait aujourd’hui l’objet de votre admiration et de votre émulation généreuse. Malheur aux peuples qui n’ont point connu ces arts qui embellissent la vie et le séjour de l’homme; ils ont passé sur la terre sans laisser de monument de leur fugitive existence; ou si l’histoire retrace leurs noms, c’est seulement pour y attacher les souvenirs du brigandage et de la dévastation, tandis que, portés sur les ailes du temps et de la renommée, sous la double protection du génie des arts et de la vertu guerrière, les noms' des peuples éclairés, les noms d’Athènes, de Rome, de Paris, seront transmis jusqu’aux derniers âges. Vous présentez les essais de ces intéressants élèves, à qui il ne manque que la maturité de l’âge et l’infatigable méditation des grands modèles.L’ Assemblée les reçoit avec satisfaction, ainsi que les expressions de votre reconnaissance pour les secours qu’elle vous a accordés. Elle eût voulu faire davantage pour un établissement qu’elle approuve, mais elle se doit au bonheur des peuples, et une sévère économie est le premier de ses devoirs. Elle vous voit avec plaisir dociles à ses vues, pénétrés de ses sentiments ; elle vous invite à sa séance. » Une députation des garçons maréchaux travaillant à Paris est admise à la barre. Un membre lit, en leur nom, une pétition tendant à ce que l’école d’Alfort soit transportée à Paris, afin de diminuer les frais de cet établissement, et de le rendre plus utile. Cette pétition est renvoyée à l’examen du comité d’agriculture et du commerce. Une députation des administrateurs du département de Seine-et-Marne est admise à la barre; un de ses membres lit l’adresse suivante concernant les anciennes capitaineries et la chasse du roi : « Messieurs, les administrateurs du département de Seine-et-Marne ont cru devoir vous instruire des alarmes qu’ont inspirées les demandes des ministres pour les plaisirs personnels du roi. « Nous venons vous peindre ces alarmes ; mais nous ne les partageons pas. Nous savons qu’il n’est aucun pouvoir sur la terre qui puisse accorder à un homme, quelle que soit sa dignité, le privilège odieux de nuire à la propriété d’un autre homme. •< En abolissant les capitaineries, vous nous avez rendu nos droits ; vous ne pouvez plus nous les enlever. Nous sommes donc tranquilles, Messieurs; mais des familles nombreuses ne le sont point, et nous sommes leurs organes auprès de vous. « Les capitaineries sont abolies; l’esprit tyrannique de leur régime n’est point détruit. Il existe encore des hommes accoutumés à des jouissances que leur procuraient les prétendus plaisirs du roi ; ils espèrent que votre amour pour notre auguste monarque fera plier vos principes, et qu’en vous parlant des plaisirs d’un prince adoré, cette image chérie bannira loin de vous le souvenir des dévastations dont vous avez détruit la source. « Ils ne voient pas, ces hommes entreprenants, que c’est proposer l’oubli de ia déclaration des droits à ceux qui l’ont faite; ils ne voient pas que c’e3t leur proposer de décréter qu’ici des Français auront une propriété sacrée à laquelle personne ne pourra nuire, et que là, d’autres Français verront détruire impunément les fruits de leurs travaux. « Depuis l’abolition des capitaineries, des moissons abondantes ont vivifié de stériles bruyères; la récolte a doublé dans des champs qui ne recevaient qu’une faible culture, partout la terre a repris sa fécondité primitive. « Serions-nous donc condamnés de nouveau à respecter des animaux destructeurs, à voir, dans les saisons rigoureuses des hommes gagés à grands frais étendre avec soin sur la neige une nourriture abondante pour les bêtes des forêts, tandis qu’à côté, des citoyens meurent de faim, en enviant la pâture des animaux ? Ah 1 que de pareils spectacles ne souillent plus nos regards. « Les capitaineries ont détruit un grand nombre de fermes, ont plongé dans la misère des villages entiers ; et l’on ose vous proposer de les rétablir sous l’insidieuse dénomination de réserves ! Les capitaineries que la France avait vouées à l’exécration publique, comme la gabelle et les lettres de cachet ! Les capitaineries, que n’ont pas imaginées les tyrans de Rome et les despotes de l’Asie 1 « A peine les plans des ministres sont-ils connus, tous les esprits sont en mouvement, l’indignation, la douleur sont presque à leur comble.