[27 février 1790.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. La ville de Perpignan consulte l’Assemblée sur desdifficultésrelativesàl’élection de deux officiers municipaux. Adresse de la municipalité librement élue par les citoyens de Clermont en Auvergne. Les nouveaux officiers municipaux , en renouvelant le serment patriotique, font de respectueux remerciements à l’Assemblée nationale, d’avoir affermi l’autorité légitime du Roi , en le rendant chef d’un peuple libre , dont il est le premier Roi par ses vertus et par l’amour de ses sujets. Adresse de renouvellement d’adhésion de la communauté de Serenten Bretagne ; elle sollicite un siège royal. Àdrese de” la commune de Douarnenès en Béarn. Elle rend les plus grands hommages à notre glorieu'' monarque , restaurateur de la liberté française ; elle exprime son vœu pour qu’il soit placé dans la salle nationale, et dans chaque hôtel de ville du royaume, un tableau qui retrace la mémorable journée du 4 de ce mois, et où, à côté de la loi, on verrait la nation qui l’a faite et le Roi qui l’a acceptée. Adressa de la nouvelle municipalité de la ville de Maçon, semblable aux précédentes : elle fait hommage à la patrie du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés, Lessergents et huissiers royaux de cette ville •offrent à la nation la moitié de leur salaire pour tous les actes et exploits qu’ils seront chargés de faire contre les collecteurs redevables de deniers royaux ou nationaux. Adresse de la garde nationale de Pont-à-Mous-son ; elle s’engage avec serment de veiller avec un zèle infatigable à ce qu’il ne soit porté aucune atteinte à la constitution, et de préserver leurs concitoyens des troubles et des convulsions qui voudraient s’opposer à la régénération et au bonheur de la France. Offrande patriotique du tableau du département de Paris , dressé conformément au décret de F Assemblée nationale, et serinent civique prêté par M. Aucousteaux de Conty, ancien marchand épicier; l’état a été renvoyé au comité des finances, Les élèves réunis de la communauté de Sainte-Barbe, MM. Baduel, de Juigué, l’abbé Délavai, Berlin de Mont-Luc, Frigot, Beau fils, Lebœuf, Dorée, Miel, Boudin, Bareux, Mauri, Maisonnier, du Tillier, de Ghoiseul-Gouffier, ont été admis à la barre, et ont déposé sur l’autel de la patrie une somme de 578 livres 4 sous 6 deniers, une médaille, une paire de boutons et trois paires de boucles d’argent. « Notre offrande eût été moins tardive, ont dit ces jeunes gens, s’il nous était aussi facile de secourir la patrie que de l’aimer, et si notre indigence n’enchaînait l’activité de notre patriotisme. » Ils ont renouvelé le serment civique, que leur cœur avait prononcé depuis longtemps. Les députés d’un grand nombre d’ouvriers employés aux travaux publics, établis à la barrière des Amandiers, ont été introduits à la barre, et ont fait, au nom de ces ouvriers, le don patriotique de la somme de 45 livres 4 sous 6 deniers. On a aussi admis à la barre des députés de la commune d’Esnans, canton de Montereau, district de Nemours. Ces députés ont exprimé les sentiments de respect, d’adhésion et de soumission aux décrets de l’Assemblée nationale, dont la commune d’Esnans est pénétrée ; ils ont fait , en son nom, l’offrande patriotique de la somme 729 de 815 livres 7 sous, montant de l’imposition des ci-devant privilégiés pour les six mois de 1789. Un député de la ville de Rennes a remis un effet de 2,400 livres sur le trésor royal; payable à vue, offert à la nation en don patriotique , par un citoyen de ladite ville, qui, déclare ne vouloir être connu que par les lettres initiales M. J. B. Le sieur Teillard, sculpteur-mécanicien, a offert à l’Assemblée un hommage d’un autre genre : c’est celui d’une machine dont l’application à la salle d’Assemblée , en faisant fonction de ventilateur, peut contribuer à en renouveler l’air continuellement, et par conséquent à en entretenir la salubrité. M. le Président fait aux différentes personnes qui remplissaient la barre la réponse suivante : « Messieurs, « L’Assemblée nationale n’examine ni les âges ni les états, quand elle apprécie les vertus des citoyens ; cependant, si elle croyait devoir mettre quelque distinction dans l’accueü qu’elle fait aux actes de patriotisme, ce serait aux efforts de la jeunesse et de la pauvreté qu’elle accorderait la préférence. « L’Assemblée vouspermet d’assister àla séance. » M. le marquis de Monspey, député du Beaujolais , demande un congé à raison de sa santé. Cette autorisation lui est donnée. M. de Vismes, député de Vermandois, demande la permission de s’absenter pour ses affaires. M. Enjubault de La Roche, membre du comité des domaines , fait un rapport relatif aux difficultés que les adjudicataires des bois situés dans la Lorraine allemande éprouvent pour l’exportation de ces bois à l’étranger, et propose, au nom du comité, un projet de décret. M. Eavie. J’observe que les bois du comté de Bitche ont été vendus aux Hollandais, qui les ont revendus à la France et fait transporter à Brest. C’est par ce motif que les habitants de la contrée sollicitent une prohibition absolue et s’opposent à l’enlèvement des bois. M. Enjubault de La Roche. La Hollande étant la seule voie par où l’on pouvait faire passer les bois pour arriver à Brest, il fallait bien la prendre. D’ailleurs, si l’on soupçonne une fraude, il n’y a qu’à renvoyer l’affaire au pouvoir exécutif. M. d’AUIy propose, par amendement, de décider qu’à l’avenir, il ne sera pas fait d’adjudications nouvelles. M. Goupil de Préfeln demande que les adjudications pour lesquelles il n’y a pas eu commencement d'exécution soient résiliées. L’Assemblée adopte en partie ces amendements et le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale, instruite que quelques « adjudicataires de bois situés daus la Lorraine « allemande éprouvent des difficultés pour l’ex- 730 [Assemblée nationale.} « portation de ces bois à l’étranger, quoique la « faculté leur en ait été assurée par leurs ad-« judications, a décrété et décrète que jusqu’à « ce qu’il ait été statué sur la liberté ou la dé-« fense de l’exportation, d’après les demandes et « les renseignements des assemblées administra-« tives delà province, la liberté de l’exportation, « doit continuer d’avoir lieu dans la Lorraine « allemande ; renvoyé en conséquence au pou-« voir exécutif, pour procurer l’exécution des « adjudications subsistantes par les voies de « droit. » M. Alexandre de Lameth. Messieurs, les circonstances présentes sont de nature à engager l’Assemblée à ne pas discontinuer un instant ses travaux. Les rapports du comité militaire réclament surtout votre attention et je supplie l’Assemblée de ne pas tarder plus longtemps à améliorer le sort des individus composant l’armée ; en conséquence, je demande qu’il y ait séance demain dimanche et qu’elle soit consacrée à la chose militaire. M. de Folleville. 11 est un moyen de tout concilier : c’est de commencer nos séances de meilleure heure et d’observer le repos du dimanche. M. l’abbé de Bonneval. Je m’oppose à la motion de M. de Lameth par un autre motif encore, c’est que la santé des députés ne peut tenir à tant de travaux : s’il en fallait une preuve, on la trouverait dans les demandes de congé qui vous sont adressées. M. le baron de Menou. La question est tellement urgente qu’elle ne peut être ajournée; j’appuie donc la motion de M. de Lameth. M. l’abbé Maury. Fort peu de députés assistent aux séances du dimanche. La question qu’on propose de discuter à celle de demain est assez importante pour être traitée dans une séance nombreuse, j’appuie donc la proposition de M. de Folleville. M. Alexandre de Lameth. A l’opposition qu’éprouve la motion que j’ai faite de s’assembler demain, il n’est que trop évident qu’il existe un système formé pour ralentir les opérations de l’Assemblée nationale. ( A ces mots, de violentes protestations s'élèvent et plusieurs députés demandent que l'orateur soit rappelé h l'ordre .) M. Alexandre de Lameth continue. Ne pouvant attaquer les décrets de l’Assemblée, l’on voudrait l’empêcher d’en rendre, mais ces obstacles ne feront qu’exciter notre activité ; en vain on aura cherché à répandre, avec malignité dans l’armée, les expressions d’un de nos collègues, qu’il s’est empressé de désavouer sur-le-champ ; en vain on cherchera à l’éloigner des représentants de la nation; sa confiance nous est acquise, mais prouvons les droits que nous y avons en nous occupant de son sort ; le dimanche est le jour du repos ; mais il n’est pas de repos pour les amis de la liberté et de la constitution, quand les bases du bonheur public ne sont pas encore solidement établies ; je conclus à ce qu’il y ait séance demain. La motion de M. de Lameth est mise aux voix et adoptée. M. le Président. L’ordre du jour appelle la [27 février 1790.] discussion sur le rapport du comité des lettres de cachet. On demande qu'il soit donné lecture du projet de décret. M. le comte de Castellane, rapporteur, fait cotte lecture ainsi qu’il suit : PROJET DE DÉCRET. Art. 1er. Dans l’espace de six semaines après la publication du présent décret, toutes les personnes détenues dans les châteaux, maisons religieuses, maisons de force, maisons de police ou autres prisons quelconques, par lettre de cachet, ou par ordre des agents du pouvoir exécutif, à moins qu’elles ne soient légalement condamnées, décrétées de prise de corps, ou renfermées pour cause de folie, seront remises en liberté. Art. 2. Les personnes détenues pour cause de démence seront, pendant l’espace de trois mois, aussi à compter du jour de ladite publication, visitées par des médecins, qui, sous la surveillance des directoires de district, constateront le véritable état des malades, afin qu’à l’époque fixée, et après que les, procès-verbaux de cet examen auront été envoyés à l’Assemblée nationale, et au ministre de la province, ils soient élargis ou soignés dans les hôpitaux qui seront indiqués à cet effet. Art. 3. Les prisonniers détenus par ordre illégal, qui auraient été préalablement jugés et légalement condamnés à une peine afflictive, garderont prison pendant le temps fixé par l’ordre de leur détention, à moins qu’ils ne demandent eux-mêmes à subir la peine à laquelle ils avaient été condamnés par le jugement en dernier ressort, sans qu’aucune détention puisse jamais excéder le terme de douze années, y compris le temps qui s’est écoulé depuis l’exéeution de l’ordre illégal. Art. 4. Ceux qui, sans avoir été condamnés en dernier ressort, auraient été jugés en première instance, ou décrétés de prise de corps, seront conduits dans les prisons des tribunaux qui sont désignés par la loi. Art. 5. Lesdits tribunaux seront simplement chargés d’achever l’instruction et de prononcer sur l’innocence ou le crime fies prévenus, afin que, sur le compte qui en sera rendu par eux à l’Assemblée nationale et au garde des sceaux , ils soient jugés dans la forme prescrite par une loi particulière, qui déterminera la peine que les coupables pourraient encore subir , laquelle n’excédera, en aucun cas, une détention de douze années, y compris le temps pendant lequel ils auraient été antérieurement privés de Leur liberté. Art. 6. Ceux qui seront déchargés d’accusation recouvreront sur-le-champ leur liberté, sans qu’il soit besoin d’aucun ordre nouveau, ni permis de les retenir, sous quelque prétexte que ce soit. Art. 7. Dans le délai de trois imois, il sera dressé, par chaque commandant de château-fort ou prison d’Etat, supérieur de maison de force ou maison religieuse, et par tous détenteurs de prisonniers en vertu d’ord res arbitraires, un état de ceux qui auront été élargis, visités par des médecins, renvoyés par-devant les tribunaux, ou qui garderont encore prison en vertu du présent décret. Art. 8. Cet état sera déposé aux archives du district, et il en sera envoyé des doubles, certifiés ARCHIVES PARLEMENTAIRES.