[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 janvier 1790.] H5 Gouteulx de prononcer si une place de finance est compatible avec ses fonctions de représentant. Je crois qu’il n’y a pas lieu à délibérer. M. Le Gouteulx de Canteleu monte à la tribune et dit que, rien n’étant comparable à l’honneur d’être député, il renonce à la commission dont Sa Majesté a bien voulu le revêtir. M. Goupil de Préfeln, membre du comité des recherches, demande la parole et au nom du comité. propose le décret suivant : « L’Assemblée nationale déclare que, nonobstant l’attribution provisoire donnée au Châtelet de Paris de la connaissance du crime de lèse-nation, les juges des lieux peuvent, comme pour tous les autres crimes, informer, décréter et même interroger les accusés, à la charge de renvoyer ensuite la procédure, et les accusés qui auraient été arrêtés, au Châtelet de Paris ». M. Arthur Dillon. Depuis longtemps on parle du crime de lèse-nation, mais on n’a pas encore défini quel était ce genre de crime. Sans doute l’on veut dire qu’il consiste à s’opposer aux vrais intérêts de la nation, ou à se rendre coupable de conspiration, ou à ourdir d’autres trames ; mais encore une fois on n’a pas défini ce crime; je demande, en conséquence, que la discussion du décret soit ajournée. M. le Président met aux voix l’ajournement qui est prononcé, et la délibération est renvoyée à samedi, à l’ordre du jour de 2 heures. M. l’abbé Gouttes membre du comité des finances, propose de modifier le décret du 2 janvier qui a sursis à l’autorisation de la cotisation demandée par la municipalité (le Rouen, jusqu’à ce qu’il ait été délibéré par la commune. — Au lieu du mot de commune, on substituerait ceux ' de l’ assemblée générale ducorps municipal et électoral, et des notables élus. M. de Robespierre. Les notables sont une espèce d’aristocratie qui n’est point la commune, c’est-à-dire la généralité des citoyens à laquelle appartient le droit de voter l’imposition. L’impossibilité de convoquer la commune qu’on allègue est évidemment chimérique, puisqu’elle a été convoquée pour nommer des députés à l’Assemblée nationale et qu’elle va l’être pour former une nouvelle municipalité. Je demande, au nom du peuple et du droit national, que les municipaux de Rouen soient tenus de convoquer la généralité des habitants pour délibérer sur la contribution nécessaire au soulagement de leurs concitoyens indigents. M. Duport. Le parti le plus simple serait d’attendre la nouvelle formation des municipalités pour pouvoir consulter la commune. M. le Président met aux voix le changement proposé. Il est adopté. M. l’abbé Gouttes, organe du comité des finances, propose un décret sur la manière d'imposer les maisons de campagne, les châteaux et leurs dépendances. En voici la substance : 1° On imposera, pour les six derniers mois de 1789 et l’année 1790, les châteaux et maisons de campagne des ci-devant privilégiés, lorsqu’ils seront joints à une exploitation imposée sur le même pied que l’exploitation. 2° Les jardins et parcs comme les terres des autres propriétaires. 3° Si lesdits châteaux et maisons de campagne sont habités, ils seront imposés à raison du double de l’imposition que supportera la maison louée de la commune. M. de Richier. Messieurs, il serait souverainement injuste qu’une petite maison aux environs de Paris, par exemple, payât le double d’une superbe maison qui serait dans la ville et qui néanmoins serait de la même communauté que la petite maison. Le projet de décret proposé, si on l’adoptait, causerait le plus grand préjudice. Un particulier peu à son aise fera bâtir une espèce de chaumière hors les murs de Paris, mais dans la dépendance d’une paroisse de cette ville, il habitera cette maison ; si vous le forcez de payer le double de ce que paye la terre la mieux louée, la plus belle de la paroisse, vous le ruinez sans ressource. M. Camus propose une rédaction portant : Que les propriétaires ci-devant privilégiés des maisons de campagne, même de celles qui portaient ci-devant le nom de châteaux, seraient imposés sur le même pied que supporte le meilleur terrain de la paroisse. Dans cette rédaction, la dénomination de ci-devant châteaux égaye beaucoup l’Assemblée. — M. le Président la relit plusieurs fois ; il ne peut garder sa gravité et rit comme les autres.) M. Camus supprime enfin la qualification de ci-devant châteaux et la discussion est sérieusement reprise. M. de Foucault. Dans la province du Périgord, il suffit qu’une maison ait une girouette pour qu’on lui donne le nom de château. 11 demande la suppression du mot château; les châteaux ont été abolis comme la féodalité et il ne reste que des ci-devant châteaux. (L’Assemblée rit de nouveau. Néanmoins, elle décide que le mot château restera dans le décret.) M. le baron de JAlenou donne la rédaction suivante : Les propriétaires ou possesseurs ci-devant privilégiés des maisons de campagnes ou châteaux, et tous autres qui n’étaient pas imposés pour leurs maisons, châteaux, enclos, jardins et parcs d’agrément non loués, le seront dans la même proportion que pour les meilleurs terrains de la croisse. Les autres enclos seront imposés dans a même proportion que les autres terrains de même valeur. M. Ramel-Wogaret en propose une autre en ces termes : « Les maisons des ci-devant privilégiés seront imposées dans chaque communauté, dans la même proportion qui a déterminé celle des autres contribuables. » (Il serait bien inutile de rapporter les débats qui ont été faits sur ces deux motions et sur celle du comité qui n’a pas été favorablement accueillie. Il faudra bien les recommencer, puisque rien n’est encore jugé sur cette importante question.) M. Anson observe que, dans le cas où le projet de décret de M. de Menou serait adopté, il 116 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 janvier 1790.] demande qu’il n’ait pas lieu dans les paroisses où les rôles sont faits. M. Bouche demande que ce décret soit limité à l’élection de Paris seulement, et l’Assemblée agrée cet amendement. Quelques membres observent qu’il est très-tard, et que l’Assemblée devenant incomplète par l’absence d’un grand nombre de députés, ne peut plus délibérer. Alors la question est ajournée à mardi au soir dans l’état où elle se trouve. M. le Président, lève Ja séance, et l’indique au lendemain à l’heure ordinaire. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. L’ABBÉ DE MONTESQUIOU. Séance du vendredi 8 janvier 1790 (1). M. Treilhard, l'un de MM. les secrétaires , donne lecture des procès-verbaux des deux séances du 7 janvier. Plusieurs membres font remarquer que le discours de M. Bailly est rapporté intégralement dans le procès-verbal de la séance du matin. Us demandent que la réponse de M. Duval d’Epré-mesnil y soit également insérée. Cette proposition est adoptée. M. Duport, l’un de MM. les secrétaires, lit ensuite plusieurs adresses de différentes villes et communautés dont la teneur suit : Adresse de la ville de Mazamet en Languedoc, portant adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale, et demande d’un district. Adresses du même genre de plusieurs villes du pays de Couserans ; elles demandent de former un département particulier, et de ne pas se réunir au pays de Foix. Adresses de la municipalité de la ville de Ma-zerès en Foix, portant adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale, témoignages dedévouement à ses décisions, félicitations sur son courage inébranlable au milieu des périls les plus imminents, et demande de former un chefrlieu de district. Adresse de la milice nationale de la ville de Châtillon-sur-Loing, qui fait le serment de défendre, au péril de sa vie, l’exécution des décrets de l’Assemblée nationale et des ordres du roi. Adresse des habitants de Montceau-le-comte en Nivernais, qui, quoique épuisé3 par deux années consécutives de disette qu’ils ont éprouvées, et par les efforts qu’ils ont faits pour effectuer leurs impositions, ont néanmoins pris une délibération portant offre d’une somme de 959 livres 4 sols ppur la contribution du quart de leurs revenus, de laquelle aucun d’entre eux n’a voulu être affranchi, quoique sans propriété. Adresses des villes de Moulins, Dunkerque, (J) Cette séance est très-incomplète au Moniteur. Vitry-le-Français, Granville et Noyon, qui profitent du renouvellement de l’année pour donner à l’Assemblée nationale de nouveaux témoignages de respect, félicitation et dévouement, et lui exprimer leurs vœux pour le succès de ses travaux. Adresse de félicitations, remerciements et adhésion de la communauté de Saint-Fulgent en Bas-Poitou; elle voit avec la plus vive satisfaction l’harmonie qui règne entre le roi et l’Assemblée nationale. Adresse de renouvellement d’adhésion de la ville de Bourbon-Lancy; elle demande que l’Assemblée prenne des mesures efficaces pour faire rentrer les fugitifs dans le royaume. Adresse des habitants de Villiers-sur-Marne, qui, pour le maintien de l’ordre et de la tranquillité publique, ont fait le serment solennel d’être fidèles à la nation, au roi et à la loi. Adresse de félicitations, adhésion et dévouement de la communauté de Roche-Chalais, et des paroisses voisines, de la ville de Saint-Chinian, de celle de Pontoise, de celle de Caraman, de celle de Castelnau-de-Montartier, et de neuf paroisses voisines, de celle de Coulange-sur-Yonne, de celle de Marciac, de celle de Saint-Etienne en Forez, de celle deSaint-Céréen Querci,de celle de Bonny-sur-Loire, du bourg de Granvilliers en Picardie, de celui de Livarot en Normandie, de la communauté d’Ussel en Bas-Limousin, de la ville de Saverne en Alsace, du bourg de Bois-d’Ouing et de vingt paroisses circonvoisines en Lyonnais, de la ville de Saint-Pol-de-Léon en Bretagne, de celle de Villeréal en Agenois, de la communauté de Lavelanet en Languedoc, de la ville de Taille-Bourg en Saintonge, et du bourg de Ribiers en Dauphiné. Toutes ces villes, bourgs et communautés demandent d’être un chef-lieu de district, et le siège d’une justice royale. Adresse du même genre de la communauté de Sourdeval en Normandie; elle demande que la ville de Ville-Dieu soit le chef-lieu de district. Adresse du même genre de la communauté de Villeneuve-lès-Beziers en Languedoc; elle demande que la ville de Beziers soit le chef-lieu d’un département, et le siège d’un tribunal suprême. Adresse des gardes nationales de dix communautés de Dauphiné, Provence et Languedoc, réunies sous les murs de Saint-Paul-Trois-Ghâteaux, avec la fédération de Montélimart; elles ont fait le serment auguste et solennel de respecter, d’obéir, d’aimer et d’être fidèles, jusqu’à leur dernier soupir, à la loi, à la nation, et au roi, restaurateur de la liberté française, et se sont juré, à l’envi, union, fraternité et secours mutuel. Adresse de la commission intermédiaire d’Alsace, qui annonce que, d’après l’invitation qu’elle a faite aux communautés les plus aisées de la province, de venir momentanément au secours de l’Etat, par des avances sur les impositions de l’année prochaine, elle a reçu des soumissions pour quelques centaines de mille livres, qu’elle enverra à l’Assemblée nationale dans lé courant du présent mois. Cependant, comme plusieurs communautés ne sont en état défaire les avances auxquelles elles se sont soumises, que par des emprunts remboursables, cette commission supplie l’Assemblée d’approuver les autorisations qu’elle pourrait donner à ces communautés pour des emprunts momentanés. Adresse de renouvellement d’adhésion et de dévouement de la ville de Negrepelisse en Quercy ; elle révoque, en ce qui la concerne, tous pou-