[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 septembre 1791.] 645 M. Target, secrétaire. J’ai aussi entre les mains, dans ce moment, la lettre que le roi a écrite avant-hier à l’Assemblée; je vais la déposer sur le bureau et je crois qu’il faut la déposer avec l’acte constitutionnel aux archives. (L’Assemblée ordonne que l’acte constitutionnel et la lettre du roi seront déposés aux archives.) Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du samedi 10 septembre au matin. Plusieurs membres , à l’occasion de ce procès-verbal, font différentes observations sur les décrets des 7 et 10 septembre concernant les receveurs des consignations et les commissaires aux saisies réelles. Un membre propose de renvoyer ces observations au comité de Constitution qui présentera une nouvelle rédaction desdits décrets dans laquelle seront prises en considération lesdites observations. (Ce renvoi est décrété et le procès-verbal adopté.) Le même secrétaire fait ensuite part à l’Assemblée d’une adresse du corps électoral du département de la Charente, qui donne les plus vifs applaudissements aux immortels travaux de l’Assemblée par lesquels la Constitution est achevée, et qui annoncent l’avoir scellée du serment de lui être fidèles et de la maintenir. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du mardi 13 septembre, qui est adopté. Le même secrétaire fait ensuite part à l’Assemblée d’une lettre du sieur Daytey, artiste , par laquelle il lui fait hommage d’un modèle en plâtre, représentant l’autel de la patrie, orné de 4 figures allégoriques, emblèmes de la justice, delà paix, de la force et de la sagesse. M. le Président donne connaissance d’une lettre des commissaires de la trésorerie, à laquelle est joint un mémoire sur la nécessité d’employer dans une plus grande proportion les assignats au payement des troupes, et sur les mesures à prendre pour que ce modèle de payement s’opère sans aucun inconvénient réel. (L’Assemblée ordonne le renvoi de ces deux pièces aux comités militaire et des finances, réunis.) M. d’André présente une pétition de la société des amis des arts et métiers, des manufactures et du commerce de Rouen, concernant le droit de pontage que l’on continue à percevoir sur les marchandises qui y étaient assujetties, en vertu d’un arrêt de la municipalité de Rouen. (L’Assemblée ordonne le renvoi de cette pétition au comité d’agriculture et de commerce.) M. de Villierg demande un congé pour affaires très pressantes. (Ce coDgé est accordé.) M. fionpil-Préfeln. Avant que l’Assemblée nationale passe à l’ordre du jour, je la prie de fixer son attention sur un objet très important. La Constituiion vient d’être acceptée officiellement par le roi ; c’est le moment d’ordonner que cette Constitution, faite pour être la base de notre droit public et la garantie éternelle de notre prospérité nationale, soit publiée avec toute la solennité qui exige un acte de celte importance. Je demande qu’il en soit déposé dans les archives une expédition en parchemin, munie du sceau de l’Etat, et qu’il soit ordonné au comité de Constitution de présenter à l’Assemblée ses vues sur les moyens qu’il jugera convenables pour donner à la publication de ce document dans tout l’Empire français le plus grand éclat possible. ( Applaudissements .) M. Régnant! (de Saint-Jean-d'Angélÿ). Une partie delà proposition de M. Goupil est remplie par l’usage de l’Assemblée de faire remettre aux archives une expédition sur parchemin de tous les décrets; mais il est une autre partie de sa proposition qui me paraît extrêmement importante à adopter. Lorsqu’un traité de paix était signé, il était proclamé dans la capitale par des hérauts d’armes, et dans toutes les villes du royaume par des officiers municipaux.il faut que l’acte constitutionnel qui forme aujourd’hui une alliance nouvelle entre tous les Français et leur chef, soit publié avec toute la solennité possible. L’Assemblée nationale a décrété qu’il y aurait des fêtes publiques pour célébrer les grandes époques de la Révolution ; je crois que nulle circonstance plus imposante n’a pu se présenter pour y donner lieu. Je demande, en conséquence, que dimanche prochain, à Paris, et dans tout s les autres communes du royaume, le dimanche qui suivra la réception de la Constitution, envoyée par le roi, l’acte constitutionnel soit solennellement proclamé; qu’un Te Deum soit chanté en actions de grâces, et que les municipalités ordonnent telles fêtes qu’elles jugeront convenables. M. Fréteau-Saint-Jnst. J’ajoute qu’il est nécessaire que cette proclamation soit aussi bientôt connue des puissances étrangères. M. Duport. Je remarque que, chez tous les peuples, on n’a jamais manqué de donner aux fêtes publiques le grand intérêt des actes de bienfaisance et d’humanité ; à Paris, par exemple, on accordait la délivrance des prisonniers détenus en prison pour défaut de payement de mois de nourrice. Il serait fâcheux que le plus grand acte que nous ayons pu faire pour le bonheur des Français ne fût pas, lui aussi, accompagné d’un acte de bienfaisance. Je demande donc que la proclamation qui sera faite dimanche, à Paris, de l’acte constitutionnel soit solennisée par la délivrance de tous ceux qui y sont en prison pour dettes de mois de nourrice, et que cette mesure soit prise aux frais du Trésor public. M. Lanjuinais. J’appuie la motion de M. Duport, soit en trouvant extraordinaire qu’il veuille borner cette faveur à la capitale et je demande qu’elle soit étendue à toutes les communes du royaume. C’est comme cela seulement que nous pourrons faire quelque chose de juste et de sage, Quant à la dépense qu’entraînera cette mesure, doit-elle être municipale ou doit-elle être à la charge du Trésor public? Si elle est à la charge du Trésor public, je demande une somme qui puisse être distribuée dans tout le royaume; mais je crois plutôt que ce doit être une dépense municipale. 646 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 septembre 1791.] M. Chabroud. La proposition de M. Duport est claire; on voit comment elle s’exécuterait. Celle de M. Lanjuinais, au contraire, est telle que je doute que l’Assemblée voie comment elle pourrait s’exécuter. Je crois, pour ma part, que l’acte de bienfaisance proposé doit véritablement être exercé par la nation elle-même. Je demande donc que, dès l’instant, on adopte la proposition de M. Duport, et qu’à l’égard de celle de M. Lanjuinais, on charge les comités des finances et de mendicité de nous proposer les moyens de faire participer à cette faveur toutes les communes du royaume. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’Angêly).Je viens, Messieurs, de réunir toutes les propositions qui ont été faites dans la rédaction suivante : « L’Assemblée nationale décrète que ses commissaires, pour porter les décrets à la sanction, se retireront à l’instant par devers le roi, pour prier Sa Majesté de donner des ordres pour que dimanche prochain, dans la capitale, la Constitution soit solennellement proclamée par les officiers municipaux, et qu’il soit fait des réjouissances publiques pour célébrer son heureux achèvement; « Et que la même publication solennelle et les mêmes réjouissances aient lieu dans tous les chefs-lieux de département, le dimanche qui suivra le jour où la Constitution sera parvenue officiellement aux administrations de département, et, dans les autres municipalités, le jour qui sera fixé par un arrêté du directoire du département. « L’Assemblée nationale décrète que les prisonniers détenus à Paris pour dettes de mois de nourrice, seront mis en liberté, et que la dette pour laquelle ils étaient détenus sera acquittée des fonds du' Trésor public. « Renvoie aux comités des finances et de mendicité, pour présenter à l’Assemblée un projet our faire participer les départements à cet acte e bienfaisance. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. Regnaud (de Saint-Jean-dAngèly). Comme l.es commissaires , pour porter les décrets à la sanction du roi , aux termes de la Constitution, ne sont pas nommés, je demande que M. le Pré-sidentsoitautoriséà les nommer. (Marques d'assentiment.) M. le Président nomme commissaires : MM.Gou-pil-Préfeln, Martineau, Boutteville-Dumetz et Mou-gins de Roquefort, M. Fréteau-Saint-Just, au nom du comité diplomatique. Vous vous rappelez, Messieurs, qu’il a été adressé à l’Assemblée nationale, par le ministre des affaires étrangères, une lettre de M. d’Affry, qui témoigne de la sollicitude bien naturelle que lui inspire le sort du régiment des gardes suisses, qu’il commande depuis si longtemps. Celte lettre a été renvoyée aux comités militaire et diplomatique; mais il n’y a pas encore de travail prêt à Cet égard.Je prie l’Assemblée, avant de se séparer, de fixer son attention sur le sort de ce régiment, qui, au moyen de la nouvelle garde constitutionnellement donnée au roi, va se trouver sans emploi; je la prie de considérer combien ce corps, composé de 2,600 hommes, mérite d’égards par les services qu’il a rendus pendant la Révolution, et par son inviolable attachement à la discipline militaire. Il est d’autant plus essentiel de s’en occuper promptement, que les capitulations de la France avec les cantons, pour les 11 régiments qu’elle tient à son service, sont expirées depuis 1788, et qu’il est important de les renouveler; et comme, par la Constitution, tout ce qui concerne les traités avec lespuissancesétrangères, doit être proposé par le roi. Je pense que, sans s’écarter entièrement du décret de renvoi aux comités militaire et diplomatique, ori pourrait ordonner que le comité militaire s’entendra avec le ministre de la guerre et qu’il sera incessamment proposé à la délibération de l’Assemblée un mode pour faire passer dans les troupes de ligne les officiers et soldats des gardes suisses. M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély). Je ne crois pas que nous puissions adopter sur-le-champ la mesure de M. Fréteau, quelque sage qu’elle soit. Nous ne pouvons pas décréter que le comité militaire se concertera avec le ministre; c’est là une forme qu’il faut abroger et dont il faut bien se garder de donner l’exemple. Je demande que l’Assemblée suive la forme que la Constitution lui prescrit et qu’elle prie le roi de donner ordre au ministre de la guerre de présenter à l’Assemblée nationale ses vues sur cet objet. M. d’André. En appuyant la proposition de M. Fréteau, je demande qu’afin d’éviter tout inconvénient, l’Assemblée décrète que provisoirement et jusqu’à ce qu’elle ait statué sur l’organisation des gardes suisses, ils continueront leur service. M. Fréteau-Saint-Jnst. J’adopte la proposition de M. Regnaud et l’amendement de M. d’André; je prie M. le Président de les mettre aux voix. Un membre propose que l’Assemblée témoigne au régiment des gardes suisses sa satisfaction sur la bonne conduite qu’il a tenue pendant tout le cours de la Révolution. (La discussion est fermée.) M. le Président met aux voix le projet de décret dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale décrète que le roi sera prié de faire présenter incessamment au Corps législatif une nouvelle formation du ci-devant régiment des gardes suisses, d’après les conventions et capitulations qui auront été agréées par le corps helvétique. « Et cependant l’Assemblée nationale, considérant que ce régiment s’est comporté de la manière la plus satisfaisante, et a bien mérité de la nation par sa conduite, décrète qu’il sera entretenu sur l’ancien pied, jusqu’à ce qu’il ait été statué autrement sur sa destination et sur le mode de son service. » (Ce décret est adopté.) M. 'Vieillard (de Coutances). Un courrier extraordinaire du département de la Manche vient d’apporter plusieurs pièces qui annoncent que les désordres sont portés au plus haut degré par les prêtres non assermentés. Les administrations et municipalités de ce département sollicitent avec instance une loi qui mette les prêtres assermentés à l’abri des persécutions que leur suscitent, les prêtres réfractaires. Dans plusieurs districts, en effet, les prêtres constitutionnels sont