510 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 2e appel Le 6, les parties conviennent en ce Bureau d’aller au tribunal de St, Germain sur l’appel ; elles choisissent ce tribunal conformément à l’article 2, du titre 5, de la loi sur l’organisation judiciaire. D’après cette convention, Bonne-mort fait citer ses adversaires pour procéder à St. Germain. on le soutient non recevable sous prétexte qu’il procède sur le premier appel, interjetté le lendemain du jugement. Demande Pour que justice puisse être rendue, ne peut-on pas dire et décréter qu’en interjettant, en tant que besoin, les articles 2 et 14 du titre 5 de la loi sur l’organisation judiciaire, la convention décrète : Article 1er un appel duquel on se sera désisté par un acte en forme, rie poura plus être opposé à l’appelant, comme fin de non-recevoir. Article 2, les procédures faites devant le tribunal d’appel du choix des parties seront regardées comme faites sur l’appel dont il aura été question dans l’acte énonciatif du choix des parties, et non sur celui dont on se sera désisté, qui ne pourra plus être cité que par [?], soit que le second appel soit littéralement exprimé ou non dans ces actes. Un membre, au nom du comité de législation, propose un projet de décret qui est adopté en ces termes : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation sur la pétition du citoyen Bonnemort, chirurgien à Rueil, tendante à obtenir l'interprétation des articles II et XIV du titre V de la loi du 15 août 1790 (vieux style), « Passe à l’ordre du jour, motivé sur ce que la loi est claire, et que c'est aux tribunaux à s'expliquer. « Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance. »(l). 45 Le citoyen Daniel Legay, défenseur de la patrie dans la 59e demi-brigade, qui a perdu un bras au débloquement de Charleroy, est admis à la barre. Il expose qu’avec le grade de lieutenant honoraire, il a reçu une pension de 800 liv. ; mais qu’ayant une femme infirme et trois enfans en bas âge, il a recours à la bienfaisance nationale. La pétition est renvoyée au comité de salut public (2). 46 Un secrétaire donne lecture d’une lettre adressée au président de la Convention natio-(l) P.V., XLII, 181. Minute de la main de Bar. Décret n° 10 079. (2) P.V., XLII, 182. nale par la commission des administrations civiles, police et tribunaux, relativement à l’accusation portée contre Meillet, receveur de l’enregistrement à Luzy, département de la Nièvre, prévenu de faux dans l’exercice de ses fonctions, et à la déclaration du jury portant que Meillet est auteur de ce faux, mais qu’il ne l’a pas commis méchamment et à dessein de nuire à autrui. La commission expose qu’il lui semble que, dans cette espèce, il n’étoit guères possible de commettre un faux sans avoir l’intention de frustrer la nation de ses droits ; en conséquence, elle soumet la déclaration du jury de jugement, ainsi que le jugement, à la Convention nationale. Un membre propose d’annuller le jugement, et de renvoyer au tribunal criminel du département de l’Ailier. Cette proposition est combattue, et la Convention nationale renvoie la lettre et les pièces au comité de législation, pour proposer un projet de décret (l). 47 Un membre [BARÈRE], au nom du comité de salut public, annonce que l’armée de Sambre-et-Meuse approche de Liège : elle occupe la meilleure position possible, et nos troupes sont maintenant à St. Trond et à la ville de Huy qu’elles ont prise. Cette nouvelle est entendue au bruit des plus vifs applaudissemens (2). 48 Un membre [BARÈRE], au nom des comités de salut public et de sûreté générale, réunis, fait un rapport tendant à éclairer les bons citoyens sur les circonstances actuelles, en présentant au Peuple français un état comparatif de notre situation à l’époque du 31 mai 1793, et de notre situation le 7 thermidor de la seconde année républicaine (3). BARÈRE : Je viens, au nom des comités réunis de salut public et de sûreté générale, remplir un devoir pressant, et présenter à la Convention nationale un moyen simple d’éclairer les bons citoyens dans les circonstances actuelles. Hébert, avant d’être puni de ses forfaits, disait souvent dans ses feuilles : « Il faut un nouveau 31 mai. » Hébert avait raison pour son système. Il faut au parti de l’étranger des convulsions violentes dans l’intérieur, des troubles dans Paris, de la division parmi les représentants du peuple. (1) P.V., XLII, 182. (2) P.V., XLII, 183. B"1, 7 therm. ; Mon., XXI, 302; Mess. Soir, n° 705; C. univ., n°936; C. Eg„ n° 706; J. Fr., n° 669; J. Sablier, n° 1459; Audit, nat.; n° 670; Ann. patr., n° DLXXI; Débats, n° 673; J. Lois, n° 665; F.S.P., n° 386; Ann. R.F., n°236; J. Perlet, n°671; J.S. Culottes, n°526; Rép., n°218; J. Mont., n°90; J. univ., n° 1705; M.U., XLII, 121; J. Paris, n° 572. (3) P.V., XLII, 183. 510 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 2e appel Le 6, les parties conviennent en ce Bureau d’aller au tribunal de St, Germain sur l’appel ; elles choisissent ce tribunal conformément à l’article 2, du titre 5, de la loi sur l’organisation judiciaire. D’après cette convention, Bonne-mort fait citer ses adversaires pour procéder à St. Germain. on le soutient non recevable sous prétexte qu’il procède sur le premier appel, interjetté le lendemain du jugement. Demande Pour que justice puisse être rendue, ne peut-on pas dire et décréter qu’en interjettant, en tant que besoin, les articles 2 et 14 du titre 5 de la loi sur l’organisation judiciaire, la convention décrète : Article 1er un appel duquel on se sera désisté par un acte en forme, rie poura plus être opposé à l’appelant, comme fin de non-recevoir. Article 2, les procédures faites devant le tribunal d’appel du choix des parties seront regardées comme faites sur l’appel dont il aura été question dans l’acte énonciatif du choix des parties, et non sur celui dont on se sera désisté, qui ne pourra plus être cité que par [?], soit que le second appel soit littéralement exprimé ou non dans ces actes. Un membre, au nom du comité de législation, propose un projet de décret qui est adopté en ces termes : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation sur la pétition du citoyen Bonnemort, chirurgien à Rueil, tendante à obtenir l'interprétation des articles II et XIV du titre V de la loi du 15 août 1790 (vieux style), « Passe à l’ordre du jour, motivé sur ce que la loi est claire, et que c'est aux tribunaux à s'expliquer. « Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance. »(l). 45 Le citoyen Daniel Legay, défenseur de la patrie dans la 59e demi-brigade, qui a perdu un bras au débloquement de Charleroy, est admis à la barre. Il expose qu’avec le grade de lieutenant honoraire, il a reçu une pension de 800 liv. ; mais qu’ayant une femme infirme et trois enfans en bas âge, il a recours à la bienfaisance nationale. La pétition est renvoyée au comité de salut public (2). 46 Un secrétaire donne lecture d’une lettre adressée au président de la Convention natio-(l) P.V., XLII, 181. Minute de la main de Bar. Décret n° 10 079. (2) P.V., XLII, 182. nale par la commission des administrations civiles, police et tribunaux, relativement à l’accusation portée contre Meillet, receveur de l’enregistrement à Luzy, département de la Nièvre, prévenu de faux dans l’exercice de ses fonctions, et à la déclaration du jury portant que Meillet est auteur de ce faux, mais qu’il ne l’a pas commis méchamment et à dessein de nuire à autrui. La commission expose qu’il lui semble que, dans cette espèce, il n’étoit guères possible de commettre un faux sans avoir l’intention de frustrer la nation de ses droits ; en conséquence, elle soumet la déclaration du jury de jugement, ainsi que le jugement, à la Convention nationale. Un membre propose d’annuller le jugement, et de renvoyer au tribunal criminel du département de l’Ailier. Cette proposition est combattue, et la Convention nationale renvoie la lettre et les pièces au comité de législation, pour proposer un projet de décret (l). 47 Un membre [BARÈRE], au nom du comité de salut public, annonce que l’armée de Sambre-et-Meuse approche de Liège : elle occupe la meilleure position possible, et nos troupes sont maintenant à St. Trond et à la ville de Huy qu’elles ont prise. Cette nouvelle est entendue au bruit des plus vifs applaudissemens (2). 48 Un membre [BARÈRE], au nom des comités de salut public et de sûreté générale, réunis, fait un rapport tendant à éclairer les bons citoyens sur les circonstances actuelles, en présentant au Peuple français un état comparatif de notre situation à l’époque du 31 mai 1793, et de notre situation le 7 thermidor de la seconde année républicaine (3). BARÈRE : Je viens, au nom des comités réunis de salut public et de sûreté générale, remplir un devoir pressant, et présenter à la Convention nationale un moyen simple d’éclairer les bons citoyens dans les circonstances actuelles. Hébert, avant d’être puni de ses forfaits, disait souvent dans ses feuilles : « Il faut un nouveau 31 mai. » Hébert avait raison pour son système. Il faut au parti de l’étranger des convulsions violentes dans l’intérieur, des troubles dans Paris, de la division parmi les représentants du peuple. (1) P.V., XLII, 182. (2) P.V., XLII, 183. B"1, 7 therm. ; Mon., XXI, 302; Mess. Soir, n° 705; C. univ., n°936; C. Eg„ n° 706; J. Fr., n° 669; J. Sablier, n° 1459; Audit, nat.; n° 670; Ann. patr., n° DLXXI; Débats, n° 673; J. Lois, n° 665; F.S.P., n° 386; Ann. R.F., n°236; J. Perlet, n°671; J.S. Culottes, n°526; Rép., n°218; J. Mont., n°90; J. univ., n° 1705; M.U., XLII, 121; J. Paris, n° 572. (3) P.V., XLII, 183. SÉANCE DU 7 THERMIDOR AN II (25 JUILLET 1794) - NH 48 511 Les partisans d’Hébert, ses valets contre-révolutionnaires, répétaient dans les cafés, dans les places publiques et dans les groupes : il y aura bientôt un 31 mai. Il fallait à ces hommes sans patrie, pour gagner leur salaire ou espérer des richesses, un mouvement autour de la Convention, et du désordre dans le centre de la révolution, et des passions horribles mises en jeu dans Paris, cette citadelle inexpugnable de la liberté. Hébert n’est plus, mais son esprit vit encore; ses partisans se sont cachés, mais leurs maximes circulent toujours. Il faut donc encore se détourner un instant de la route de la liberté pour les combattre, et les deux comités se sont réunis pour présenter au peuple français un état comparatif de notre situation à l’époque du 31 mai 1793, et de notre situation le 7 thermidor de la seconde année républicaine. Si nous avions à répondre à des Hébertistes, à des complices des Danton et des Chaumette, nous n’aurions à prononcer qu’un simple renvoi au tribunal révolutionnaire. La liberté répond aux contre-révolutionnaires et aux traitres par la mort, la Convention par les lois. Mais nous devons éclairer les citoyens que nous pouvons croire égarés par un faux zèle ou trompés par des propos insidieux. Nous devons venir au secours de ces patriotes qu’un amour ardent de la liberté peut quelquefois porter trop loin, ou qu’un oubli de la majesté du peuple et des égards dus à ses représentants pourraient conduire à des fautes funestes ou à des dangers réels. Hier quelques citoyens disaient autour de la Convention, et répétaient dans des groupes : « Il faut faire un 31 mai. » On dirait, à la légèreté ou à la fureur avec laquelle ces mots sont tour à tour prononcés et répétés, que la destinée d’un grand peuple ne tient à presque rien, ne dépend que de la volonté plus ou moins éclairée, plus ou moins pure de quelques citoyens de la France, et que la république doit souffrir du jeu de quelques intrigants, des machinations de quelques contre-révolutionnaires, souvent cachés derrière les meilleurs citoyens. Mais non, cette légèreté ou cette fureur ne ressemble en rien au caractère républicain, et les suites n’en sont pas dangereuses. ’ Déjà un représentant du peuple, qui jouit d’une réputation patriotique méritée par cinq années de travaux, et par ses principes imperturbables d’indépendance et de liberté, à réfuté avec chaleur les propos contre-révolutionnaires que je viens de vous dénoncer; il a prouvé dans la Société populaire que c’était bien mériter de son pays d’arrêter les citoyens qui se permettraient des propos aussi intempestifs et aussi contre-révolutionnaires; il a senti lui-même le danger dont on entoure les intentions les plus civiques, et il a dénoncé l’auteur, aussi coupable qu’insensé, d’une pétition artificieuse présentée à la Convention, pour jeter du ridicule sur une fête célèbre et politique qui a neutralisé l’athéisme et rappelé à la morale. Déjà l’auteur de cette pétition a été arrêté et traduit devant les tribunaux. C’est ainsi que les comités réunis, forts de votre confiance et de leurs intentions, vous délivreront, par la police générale, de cette tourbe d’intrigants adroits, de conspirateurs banaux, qui tourmentent et anéantissent l’esprit public, et sont les bas serviteurs de l’aristocratie. Ne nous y méprenons pas, les aristocrates et ceux qui, dans le parti de l’étranger, sont chargés de donner à Paris le mot d’ordre, composent si bien leur petite armée contre-révolutionnaire, et enrôlent tant de soldats divers que les premières lignes sont composées de citoyens de bonne foi, mais faibles, mais crédules, vindicatifs ou passionnés; la seconde ligne, de patriotes hypocrites, d’agioteurs de révolution, d’intrigants impunis et de modérés; la troisième ligne l’est d’espions masqués, d’aristocrates déguisés, et vient ensuite la troupe des ennemis du peuple. C’est à cette armée que l’on donne le signal dans quelque moment d’orage, lorsque avec des calomnies on a pu espérer diviser quelques républicains, ou refroidir quelques représentants; mais il suffit de présenter au peuple leur signalement pour qu’il ne s’y méprenne plus. La Convention a besoin de maintenir l’attitude imposante qu’elle a prise, et les deux comités de remplir les engagements qu’ils ont contractés devant elle. Au moment où vous venez de cueillir les lauriers de la victoire que de longs et pénibles travaux vous ont mérités, il peut encore manquer quelque chose au triomphe de la république et à la brillante carrière que vous avez parcourue. Ce n’est rien d’avoir vaincu l’ennemi étranger, si vous n’avez pas vaincu l’ennemi intérieur. Ce n’est rien de montrer les frontières dégagées des brigands coalisés, si vous n’avez délivré le centre de la République des intrigants royalistes. Un chêne majestueux s’élève sur la cime de la montagne; il règne sur les forêts; il ombrage tous les bons citoyens; il fournit les couronnes civiques aux armées; il protège les faibles; il sert d’abri aux patriotes persécutés; il indique la République française à l’Europe étonnée et avilie par les rois; c’est l’arbre de la liberté; mais à ses pieds sont des reptiles venimeux ; sur ses feuilles des tourbillons d’insectes dévorants, et un ver ronge son cœur. Ces reptiles, ce sont les divisions des patriotes vertueux, ces calomniateurs de républicains sincères; ces insectes dévorants, ce sont les intrigants, les ambitieux de places, les cupides d’argent, les avides de pouvoir; ce ver rongeur, c’est la vénalité de tant de citoyens, c’est le cri de tant d’êtres insensés, c’est la manie de détruire et de bouleverser, quand il faut régénérer et construire. Sans doute les citoyens éclairés, les patriotes francs, et les vrais amis de la république, auraient pu nous épargner le rapport que je vais faire. Mais ce sont deux comités, vieux serviteurs de la liberté, qui viennent vous parler en son nom; pressés par les événements, il n’ont pas eu le temps de méditer leur discours, et la voix de la patrie est toujours assez éloquente, et je parle à une partie du peuple français. Ce sentiment chaleureux de l’amour de la patrie, le premier qu’on éprouve en commençant d’exister, le dernier qui nous abandonne; ce sentiment énergique qui soutient les patriotes dans leurs espérances comme dans leurs travaux, a droit de réclamer aujourd’hui toute sa puissance. C’est pour les citoyens qui aiment la patrie que les sacrifices de l’opinion ou de l’orgueil, de l’amour-propre ou de l’erreur, n’ont pas de limites, que le zèle civique n’a point d’écueils, que les succès de la république n’ont aucun doute. Ces réflexions conviennent mieux à l’époque de maturité où se trouve la révolution qu’à notre desti-SÉANCE DU 7 THERMIDOR AN II (25 JUILLET 1794) - NH 48 511 Les partisans d’Hébert, ses valets contre-révolutionnaires, répétaient dans les cafés, dans les places publiques et dans les groupes : il y aura bientôt un 31 mai. Il fallait à ces hommes sans patrie, pour gagner leur salaire ou espérer des richesses, un mouvement autour de la Convention, et du désordre dans le centre de la révolution, et des passions horribles mises en jeu dans Paris, cette citadelle inexpugnable de la liberté. Hébert n’est plus, mais son esprit vit encore; ses partisans se sont cachés, mais leurs maximes circulent toujours. Il faut donc encore se détourner un instant de la route de la liberté pour les combattre, et les deux comités se sont réunis pour présenter au peuple français un état comparatif de notre situation à l’époque du 31 mai 1793, et de notre situation le 7 thermidor de la seconde année républicaine. Si nous avions à répondre à des Hébertistes, à des complices des Danton et des Chaumette, nous n’aurions à prononcer qu’un simple renvoi au tribunal révolutionnaire. La liberté répond aux contre-révolutionnaires et aux traitres par la mort, la Convention par les lois. Mais nous devons éclairer les citoyens que nous pouvons croire égarés par un faux zèle ou trompés par des propos insidieux. Nous devons venir au secours de ces patriotes qu’un amour ardent de la liberté peut quelquefois porter trop loin, ou qu’un oubli de la majesté du peuple et des égards dus à ses représentants pourraient conduire à des fautes funestes ou à des dangers réels. Hier quelques citoyens disaient autour de la Convention, et répétaient dans des groupes : « Il faut faire un 31 mai. » On dirait, à la légèreté ou à la fureur avec laquelle ces mots sont tour à tour prononcés et répétés, que la destinée d’un grand peuple ne tient à presque rien, ne dépend que de la volonté plus ou moins éclairée, plus ou moins pure de quelques citoyens de la France, et que la république doit souffrir du jeu de quelques intrigants, des machinations de quelques contre-révolutionnaires, souvent cachés derrière les meilleurs citoyens. Mais non, cette légèreté ou cette fureur ne ressemble en rien au caractère républicain, et les suites n’en sont pas dangereuses. ’ Déjà un représentant du peuple, qui jouit d’une réputation patriotique méritée par cinq années de travaux, et par ses principes imperturbables d’indépendance et de liberté, à réfuté avec chaleur les propos contre-révolutionnaires que je viens de vous dénoncer; il a prouvé dans la Société populaire que c’était bien mériter de son pays d’arrêter les citoyens qui se permettraient des propos aussi intempestifs et aussi contre-révolutionnaires; il a senti lui-même le danger dont on entoure les intentions les plus civiques, et il a dénoncé l’auteur, aussi coupable qu’insensé, d’une pétition artificieuse présentée à la Convention, pour jeter du ridicule sur une fête célèbre et politique qui a neutralisé l’athéisme et rappelé à la morale. Déjà l’auteur de cette pétition a été arrêté et traduit devant les tribunaux. C’est ainsi que les comités réunis, forts de votre confiance et de leurs intentions, vous délivreront, par la police générale, de cette tourbe d’intrigants adroits, de conspirateurs banaux, qui tourmentent et anéantissent l’esprit public, et sont les bas serviteurs de l’aristocratie. Ne nous y méprenons pas, les aristocrates et ceux qui, dans le parti de l’étranger, sont chargés de donner à Paris le mot d’ordre, composent si bien leur petite armée contre-révolutionnaire, et enrôlent tant de soldats divers que les premières lignes sont composées de citoyens de bonne foi, mais faibles, mais crédules, vindicatifs ou passionnés; la seconde ligne, de patriotes hypocrites, d’agioteurs de révolution, d’intrigants impunis et de modérés; la troisième ligne l’est d’espions masqués, d’aristocrates déguisés, et vient ensuite la troupe des ennemis du peuple. C’est à cette armée que l’on donne le signal dans quelque moment d’orage, lorsque avec des calomnies on a pu espérer diviser quelques républicains, ou refroidir quelques représentants; mais il suffit de présenter au peuple leur signalement pour qu’il ne s’y méprenne plus. La Convention a besoin de maintenir l’attitude imposante qu’elle a prise, et les deux comités de remplir les engagements qu’ils ont contractés devant elle. Au moment où vous venez de cueillir les lauriers de la victoire que de longs et pénibles travaux vous ont mérités, il peut encore manquer quelque chose au triomphe de la république et à la brillante carrière que vous avez parcourue. Ce n’est rien d’avoir vaincu l’ennemi étranger, si vous n’avez pas vaincu l’ennemi intérieur. Ce n’est rien de montrer les frontières dégagées des brigands coalisés, si vous n’avez délivré le centre de la République des intrigants royalistes. Un chêne majestueux s’élève sur la cime de la montagne; il règne sur les forêts; il ombrage tous les bons citoyens; il fournit les couronnes civiques aux armées; il protège les faibles; il sert d’abri aux patriotes persécutés; il indique la République française à l’Europe étonnée et avilie par les rois; c’est l’arbre de la liberté; mais à ses pieds sont des reptiles venimeux ; sur ses feuilles des tourbillons d’insectes dévorants, et un ver ronge son cœur. Ces reptiles, ce sont les divisions des patriotes vertueux, ces calomniateurs de républicains sincères; ces insectes dévorants, ce sont les intrigants, les ambitieux de places, les cupides d’argent, les avides de pouvoir; ce ver rongeur, c’est la vénalité de tant de citoyens, c’est le cri de tant d’êtres insensés, c’est la manie de détruire et de bouleverser, quand il faut régénérer et construire. Sans doute les citoyens éclairés, les patriotes francs, et les vrais amis de la république, auraient pu nous épargner le rapport que je vais faire. Mais ce sont deux comités, vieux serviteurs de la liberté, qui viennent vous parler en son nom; pressés par les événements, il n’ont pas eu le temps de méditer leur discours, et la voix de la patrie est toujours assez éloquente, et je parle à une partie du peuple français. Ce sentiment chaleureux de l’amour de la patrie, le premier qu’on éprouve en commençant d’exister, le dernier qui nous abandonne; ce sentiment énergique qui soutient les patriotes dans leurs espérances comme dans leurs travaux, a droit de réclamer aujourd’hui toute sa puissance. C’est pour les citoyens qui aiment la patrie que les sacrifices de l’opinion ou de l’orgueil, de l’amour-propre ou de l’erreur, n’ont pas de limites, que le zèle civique n’a point d’écueils, que les succès de la république n’ont aucun doute. Ces réflexions conviennent mieux à l’époque de maturité où se trouve la révolution qu’à notre desti- 512 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE née personnelle. Quiconque regarde en arrière ou à côté, dans le voyage politique qu’il a entrepris, n’achèvera pas sa course révolutionnaire. Il faut passer courageusement à travers la foule des intrigants, des aristocrates, des calomniateurs et des royalistes, en attendant que le glaive de la loi les ait exterminés. On ne s’avance pas au travers des abus et des crimes sans exciter la plainte, le murmure et les trahisons. Mais le but est toujours devant les yeux du législateur révolutionnaire; il marche à ce but sans voir les obstacles, ou bien il y arrive en les renversant. Depuis que vous vous êtes élancés vers toutes les vérités démocratiques, depuis que vous abattez l’aristocratie dans l’intérieur, et que vous exterminez les esclaves militaires au dehors, les crimes et les vices des rois, les habitudes viles des aristocrates, et les coalitions des coupables vous ont investis dans l’intérieur : mais vous vous êtes délivrés de ces entraves et des crimes contre-révolutionnaires, sans songer même aux dangers attachés à leur poursuite. Tour à tour les Roland et les Brissot, les Hébert et les Danton, les Chaumette et les Ronsin ont ourdi des trames contre la Convention nationale; les succès ont toujours couronné vos efforts, et les combats que vous avez livrés presque à la fois au parti de l’étranger, aux factions nées au milieu de la Convention, et aux convulsions du royalisme et aux intrigues de l’aristocratie, n’ont servi qu’à vous faire mieux connaître vos forces; et il sera facile aux deux comités, témoins, coopérateurs de vos énormes travaux, d’en retracer la marche et les progrès. C’est un détail important, dans lequel les deux comités croient devoir entrer aujourd’hui ; elles s’effacent trop rapidement de la mémoire des citoyens, ces impressions des époques journalières et des bienfaits permanents des lois, et des opérations du législateur. Il faut les leur rappeler. Deux époques remarquables partagent la vie politique de la Convention : la première, depuis le 21 septembre jusqu’au 31 mai 1793; la seconde, depuis le 3 juin jusqu’au moment où je parle. On prépare aujourd’hui sourdement des propos et des murmures analogues à la fin de la première époque; nous verrons si ces inquiétudes conviennent à la fin de la seconde. On parle, on injurie, on menace, comme du temps des Brissotins audacieux et des Girondins coupables; et c’est aux exterminateurs de l’aristocratie, aux juges incorruptibles du tyran qu’on ose tenir ce langage. Jetons les yeux sur l’état de la république aux deux époques, et sur les travaux de la Convention à ces périodes si différentes, et nous verrons si le peuple français examinera sans intérêt la chaîne de nos conceptions, la suite de nos opérations militaires, politiques, administratives ou morales, sans prononcer qu’elle fut toujours liée au bien général, à l’intérêt des citoyens les moins fortunés, et à l’affermissement de la république. Le 21 septembre 1792, la Convention nationale est la création subite du peuple français, qui avait démoli le trône le 10 août. Quelques orateurs, et des intrigants, avaient, à la fin de l’Assemblée législative, préparé des fers et des entraves à la Convention : elle les brisa à sa première séance ; mais combien d’obstacles ! Collot-d’Herbois propose la république, deux orateurs demandent l’ajournement; il fallut combattre pour être républicain, et le tyran était cependant dans les prisons avec ses crimes et ses complices. Le territoire français était envahi par le tyran de Prusse ; nos armées étaient peu nombreuses ou remplies de traîtres; l’insolent Brunswick menaçait Paris, et les royalistes infâmes, et les nombreux aristocrates l’appelaient par leurs vœux, le soutenaient par leurs machinations. La retraite des troupes prussiennes fut combinée; l’invasion de l’ennemi fut impunie; les généraux du camp de la Lune stipulaient pour Berlin, et deux représentants du peuple le trahissaient de concert avec les généraux. La victoire des Français n’était qu’apparente; on avait projeté de perdre la France dans la Belgique. Pendant ce temps, un conseil exécutif contre-révolutionnaire faisait un acte de souveraineté en ouvrant l’Escaut, préparait la guerre de l’Europe contre la France, et détruisait les moyens et les mesures de la France contre l’Europe. Conduit par Lebrun et Roland, ce conseil était inerte pour le gouvernement, nul pour la police générale, paralysé dans la marine, traître dans la guerre, coalisé avec l’étranger dans les relations extérieures, ennemi par orgueil et par faiblesse de la puissance de la Convention. Roland assassinait la patrie avec des écrits dans l’intérieur, Lebrun exterminait la république avec des agents au dehors. Roland, vertueux pour les contre-révolutionnaires, avait un bureau d’esprit public pour pervertir les départements, des grâces et des emplois pour accaparer les administrateurs, des journaux pour neutraliser les sociétés populaires, des bureaux de libelles et de dénonciations contre les républicains les plus célèbres ou les patriotes les plus incorruptibles; et ce qui est plus horrible encore, un parti nombreux de législateurs pour défendre ses intrigues, proclamer sa vertu, et pour assurer l’impunité de ses manœuvres contre la liberté. Lebrun traitait sourdement avec des émissaires anglais, promettait la destruction de la Montagne et le triomphe des Brissotins, pour transiger à Londres sur les cadavres des républicains fermes et incorruptibles. Lebrun empoisonnait la Belgique et la Flandre d’agents du conseil, dont les uns étaient chargés de faire abhorrer lé nom français, et les autres de frapper si fort et si indécemment sur les préjugés religieux, qu’ils seraient détruits en apparence et renforcés dans la réalité. Dumouriez donnait la bataille de Jemmapes, non pour vaincre, mais pour perdre l’armée et ouvrir la frontière; ses triomphes étaient un spectacle fabuleux, et ses défaites une triste vérité; il était vainqueur à Jemmapes pour être vaincu à Nerwinden ; il voulait ménager la Belgique, non pour la sûreté de la France, mais pour le patrimoine du général; s’il voulait éloigner la maison d’Autriche, c’était pour adosser un petit tyran français aux frontières de la république. Après les victoires simulées sur les despotes, un petit nombre de patriotes fermes avaient peine à se faire entendre pour réclamer la mort du tyran; un grand nombre discourait encore avec complaisance sur la tyrannie. Il fallut des combats et des luttes pénibles et dégoûtantes pour abattre la tête du plus lâche des rois et du plus fourbe des conspirateurs; et l’on proposait encore la peine de mort pour celui qui parlerait de royauté. C’est cependant au milieu de ces contradictions 512 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE née personnelle. Quiconque regarde en arrière ou à côté, dans le voyage politique qu’il a entrepris, n’achèvera pas sa course révolutionnaire. Il faut passer courageusement à travers la foule des intrigants, des aristocrates, des calomniateurs et des royalistes, en attendant que le glaive de la loi les ait exterminés. On ne s’avance pas au travers des abus et des crimes sans exciter la plainte, le murmure et les trahisons. Mais le but est toujours devant les yeux du législateur révolutionnaire; il marche à ce but sans voir les obstacles, ou bien il y arrive en les renversant. Depuis que vous vous êtes élancés vers toutes les vérités démocratiques, depuis que vous abattez l’aristocratie dans l’intérieur, et que vous exterminez les esclaves militaires au dehors, les crimes et les vices des rois, les habitudes viles des aristocrates, et les coalitions des coupables vous ont investis dans l’intérieur : mais vous vous êtes délivrés de ces entraves et des crimes contre-révolutionnaires, sans songer même aux dangers attachés à leur poursuite. Tour à tour les Roland et les Brissot, les Hébert et les Danton, les Chaumette et les Ronsin ont ourdi des trames contre la Convention nationale; les succès ont toujours couronné vos efforts, et les combats que vous avez livrés presque à la fois au parti de l’étranger, aux factions nées au milieu de la Convention, et aux convulsions du royalisme et aux intrigues de l’aristocratie, n’ont servi qu’à vous faire mieux connaître vos forces; et il sera facile aux deux comités, témoins, coopérateurs de vos énormes travaux, d’en retracer la marche et les progrès. C’est un détail important, dans lequel les deux comités croient devoir entrer aujourd’hui ; elles s’effacent trop rapidement de la mémoire des citoyens, ces impressions des époques journalières et des bienfaits permanents des lois, et des opérations du législateur. Il faut les leur rappeler. Deux époques remarquables partagent la vie politique de la Convention : la première, depuis le 21 septembre jusqu’au 31 mai 1793; la seconde, depuis le 3 juin jusqu’au moment où je parle. On prépare aujourd’hui sourdement des propos et des murmures analogues à la fin de la première époque; nous verrons si ces inquiétudes conviennent à la fin de la seconde. On parle, on injurie, on menace, comme du temps des Brissotins audacieux et des Girondins coupables; et c’est aux exterminateurs de l’aristocratie, aux juges incorruptibles du tyran qu’on ose tenir ce langage. Jetons les yeux sur l’état de la république aux deux époques, et sur les travaux de la Convention à ces périodes si différentes, et nous verrons si le peuple français examinera sans intérêt la chaîne de nos conceptions, la suite de nos opérations militaires, politiques, administratives ou morales, sans prononcer qu’elle fut toujours liée au bien général, à l’intérêt des citoyens les moins fortunés, et à l’affermissement de la république. Le 21 septembre 1792, la Convention nationale est la création subite du peuple français, qui avait démoli le trône le 10 août. Quelques orateurs, et des intrigants, avaient, à la fin de l’Assemblée législative, préparé des fers et des entraves à la Convention : elle les brisa à sa première séance ; mais combien d’obstacles ! Collot-d’Herbois propose la république, deux orateurs demandent l’ajournement; il fallut combattre pour être républicain, et le tyran était cependant dans les prisons avec ses crimes et ses complices. Le territoire français était envahi par le tyran de Prusse ; nos armées étaient peu nombreuses ou remplies de traîtres; l’insolent Brunswick menaçait Paris, et les royalistes infâmes, et les nombreux aristocrates l’appelaient par leurs vœux, le soutenaient par leurs machinations. La retraite des troupes prussiennes fut combinée; l’invasion de l’ennemi fut impunie; les généraux du camp de la Lune stipulaient pour Berlin, et deux représentants du peuple le trahissaient de concert avec les généraux. La victoire des Français n’était qu’apparente; on avait projeté de perdre la France dans la Belgique. Pendant ce temps, un conseil exécutif contre-révolutionnaire faisait un acte de souveraineté en ouvrant l’Escaut, préparait la guerre de l’Europe contre la France, et détruisait les moyens et les mesures de la France contre l’Europe. Conduit par Lebrun et Roland, ce conseil était inerte pour le gouvernement, nul pour la police générale, paralysé dans la marine, traître dans la guerre, coalisé avec l’étranger dans les relations extérieures, ennemi par orgueil et par faiblesse de la puissance de la Convention. Roland assassinait la patrie avec des écrits dans l’intérieur, Lebrun exterminait la république avec des agents au dehors. Roland, vertueux pour les contre-révolutionnaires, avait un bureau d’esprit public pour pervertir les départements, des grâces et des emplois pour accaparer les administrateurs, des journaux pour neutraliser les sociétés populaires, des bureaux de libelles et de dénonciations contre les républicains les plus célèbres ou les patriotes les plus incorruptibles; et ce qui est plus horrible encore, un parti nombreux de législateurs pour défendre ses intrigues, proclamer sa vertu, et pour assurer l’impunité de ses manœuvres contre la liberté. Lebrun traitait sourdement avec des émissaires anglais, promettait la destruction de la Montagne et le triomphe des Brissotins, pour transiger à Londres sur les cadavres des républicains fermes et incorruptibles. Lebrun empoisonnait la Belgique et la Flandre d’agents du conseil, dont les uns étaient chargés de faire abhorrer lé nom français, et les autres de frapper si fort et si indécemment sur les préjugés religieux, qu’ils seraient détruits en apparence et renforcés dans la réalité. Dumouriez donnait la bataille de Jemmapes, non pour vaincre, mais pour perdre l’armée et ouvrir la frontière; ses triomphes étaient un spectacle fabuleux, et ses défaites une triste vérité; il était vainqueur à Jemmapes pour être vaincu à Nerwinden ; il voulait ménager la Belgique, non pour la sûreté de la France, mais pour le patrimoine du général; s’il voulait éloigner la maison d’Autriche, c’était pour adosser un petit tyran français aux frontières de la république. Après les victoires simulées sur les despotes, un petit nombre de patriotes fermes avaient peine à se faire entendre pour réclamer la mort du tyran; un grand nombre discourait encore avec complaisance sur la tyrannie. Il fallut des combats et des luttes pénibles et dégoûtantes pour abattre la tête du plus lâche des rois et du plus fourbe des conspirateurs; et l’on proposait encore la peine de mort pour celui qui parlerait de royauté. C’est cependant au milieu de ces contradictions SÉANCE DU 7 THERMIDOR AN II (25 JUILLET 1794) - N° 48 513 acerbes, de ces fluctuations d’opinions interminables, que la république germait, mais avec tous les dangers, avec toutes les convulsions attachées aux factions royalistes et aux intrigues de l’étranger. Dans les Alpes, le général Montesquiou nous trahissait impunément, et aurait par sa lâcheté fait reculer les bornes de la république. Dans les Pyrénées, on avait décrété une armée; mais elle n’existait que dans les feuilles de la législation. L’Espagne nous insultait, se coalisait ostensiblement avec l’Angleterre; elle avait fait filer des troupes et des munitions sur les bords de l’Océan et de la Méditerranée. Des généraux nobles ou traîtres formaient au loin des états-majors; on nous trompait sur l’état des fortifications et des batteries des places de Perpignan et de Bayonne; et tout autre ennemi que le Castillan nous aurait fortement attaqués avec succès. Sur la mer, l’expédition d’Italie et de Sardaigne n’était pas même une promenade navale, c’était un jeu; la marine française n’en méritait pas le nom. Sur l’Océan, les ports mal administrés, les approvisionnements nuis, les travaux sans activité; le cabotage n’était pas en sûreté, les croisières nul-les, l’esprit public corrompu dans les villes maritimes, les administrateurs de la marine corrompus ou royalistes; et au milieu de cette pénurie, l’Angleterre se faisant déclarer la guerre par la faction Brissot, étant bien assurée de notre dénûment et de notre impuissance; des chefs faisant passer ensuite les grands approvisionnements de Brest à Toulon, pour être un jour vendus et accaparés par le ministère corrupteur de Londres. A travers tant de perfidies, la Vendée protégée dès sa naissance, et .accrue bientôt avec une rapidité effrayante, attaquée avec des forces ridiculement insuffisantes, alimentée par les troupes envoyées par le ministère, approvisionnée et renouvelée par les héros de 500 livres, encouragée par l’émigration des habitants des villes, par l’agglomération subite des traîtres nobles, des prêtres fanatiques, des paysans dévots, des femmes crédules et des fripons de Paris, recrutée et salariée par les fermiers généraux, payée par des contributions de financiers, de riches, d’aristocrates, de mécontents et d’imbéciles. Les rebelles se répandant comme une nuée de sauterelles dévorantes sur les bords de la Loire et sur les départements environnants, gagnant les côtes de la mer, communiquant avec les Anglais, et se coalisant avec les villes fédéralistes, faisant répéter et exagérer leurs succès par les terreurs hypocrites des Brissotins, et par les factieux salariés de l’Angletêrre, par les feuilles contre-révolutionnaires d’Hébert, et par les réquisitoires insidieux de Chau-mette. Pendant ce temps, les Buzot, les Pétion et les Guadet faisaient des scènes indécentes pour Roland, et votaient des lois terribles contre le royalisme. Ils faisaient représenter sur les théâtres l’Ami des lois, et faisaient piller dans les rues les boutiques des épiciers. L’exaspération était dans les deux côtés de la Convention; elle était livrée aux passions inquiètes et à l’ambition déguisée de quelques chefs qui ne sont plus, tandis que Dumouriez trafiquait de la victoire dans les marais de Hollande, livrait les avant-postes d’Aix-la-Chapelle, se laissait battre à Nerwinde, et débusquer de la Montagne-de-Fer, repassait honteusement devant les lauriers de Jemma-pes, menaçait la frontière du Nord qu’il était chargé de défendre, investissait comme un ennemi nos places fortes, et commettait un lâche attentat sur la représentation nationale. La faction Bissot travaillait d’un côté à démoraliser le peuple, à le porter à des excès pour avoir le droit de s’en plaindre, et pour jouir du plaisir atroce de lui imputer ce qu’elle lui conseillait. De l’autre, cette faction faisait rendre un décret pour porter des secours à tous les peuples du monde qui auraient à se plaindre de leurs tyrans. L’abbé de Saint-Pierre porta du moins ses rêveries et ses vœux vers le projet de paix générale et perpétuelle; mais la faction de Brissot porta ses vœux plus loin; et sans doute plus belliqueuse, elle voulut former un vaste plan de guerre dans l’univers. C’est là, citoyens, tout ce que nous pouvions attendre d’une assemblée déchirée par des factions et d’un comité de défense générale livré à une seule; d’un comité où l’on parlait sans cesse de déclarer la guerre à toutes les puissances, d’affranchir le Pérou, de délivrer les Indiens du joug britannique, d’insurger les colonies anglaises, d’envoyer notre marine à Saint-Domingue, et de rendre libre le Canada. C’est avec ces systèmes insensés, contre lesquels trois ou quatre membres isolés pouvaient à peine être entendus, que le gouvernement d’alors méditait l’annulation totale des forces de la nation, pour la livrer dans les fers à la constitution anglico-royale, qui était sans doute préparée des mains de la famine; pendant ce temps, la circulation des grains était arrêtée; chaque commune, effrayée pour ses subsistances, ne laissait rien circuler; chaque marchand devint accapareur, chaque citoyen devint barbare ; le pauvre seul fut oublié, exaspéré, méconnu. Les villes principales du Midi s’envoyaient réciproquement des ambassadeurs; chaque grande commune s’était constituée en puissance; Toulon disposait de son marché ; Marseille préparait sa désobéissance, Bordeaux sa contre-révolution, et tant d’autres communes leur acte de fédéralisme et de servitude. Les départements se détachaient de la Convention, insultaient à son pouvoir, niaient son existence et désobéissaient à ses lois. Les tribunaux avaient rendu la justice muette; les autorités constituées s’étaient déclarées indépendantes ou ne savaient plus à qui obéir. Les généraux nous trahissaient partout; Custine laissait prendre Valenciennes sans le secourir,- et semblait ne connaître de l’état militaire que l’art de lever les camps. Non-seulement Mayence n’était pas secouru, mais encore trahi; on laissait l’esprit contre-révolutionnaire s’agiter et former son parti dans les départements du Rhin. Ronsin, après avoir volé la république dans la Belgique et à Lille, suivait la même tactique dans la Vendée, et tranchait à la fois du général et du ministre de la guerre, pour mieux paralyser les succès et dilapider la fortune nationale. La Vendée était le patrimoine secret du parti Hébert, qui la grossissait dans ses feuilles, et du parti Danton, qui demandoit des levées en grande masse pour propager et perpétuer le fléau de la guerre civile. Le comité de salut public ne faisait que de naître; à peine connaissait-il l’état de la France qu’il fut obligé de s’occuper de l’administrer. Tous les besoins, tous les cris, toutes les réclamations se 33 SÉANCE DU 7 THERMIDOR AN II (25 JUILLET 1794) - N° 48 513 acerbes, de ces fluctuations d’opinions interminables, que la république germait, mais avec tous les dangers, avec toutes les convulsions attachées aux factions royalistes et aux intrigues de l’étranger. Dans les Alpes, le général Montesquiou nous trahissait impunément, et aurait par sa lâcheté fait reculer les bornes de la république. Dans les Pyrénées, on avait décrété une armée; mais elle n’existait que dans les feuilles de la législation. L’Espagne nous insultait, se coalisait ostensiblement avec l’Angleterre; elle avait fait filer des troupes et des munitions sur les bords de l’Océan et de la Méditerranée. Des généraux nobles ou traîtres formaient au loin des états-majors; on nous trompait sur l’état des fortifications et des batteries des places de Perpignan et de Bayonne; et tout autre ennemi que le Castillan nous aurait fortement attaqués avec succès. Sur la mer, l’expédition d’Italie et de Sardaigne n’était pas même une promenade navale, c’était un jeu; la marine française n’en méritait pas le nom. Sur l’Océan, les ports mal administrés, les approvisionnements nuis, les travaux sans activité; le cabotage n’était pas en sûreté, les croisières nul-les, l’esprit public corrompu dans les villes maritimes, les administrateurs de la marine corrompus ou royalistes; et au milieu de cette pénurie, l’Angleterre se faisant déclarer la guerre par la faction Brissot, étant bien assurée de notre dénûment et de notre impuissance; des chefs faisant passer ensuite les grands approvisionnements de Brest à Toulon, pour être un jour vendus et accaparés par le ministère corrupteur de Londres. A travers tant de perfidies, la Vendée protégée dès sa naissance, et .accrue bientôt avec une rapidité effrayante, attaquée avec des forces ridiculement insuffisantes, alimentée par les troupes envoyées par le ministère, approvisionnée et renouvelée par les héros de 500 livres, encouragée par l’émigration des habitants des villes, par l’agglomération subite des traîtres nobles, des prêtres fanatiques, des paysans dévots, des femmes crédules et des fripons de Paris, recrutée et salariée par les fermiers généraux, payée par des contributions de financiers, de riches, d’aristocrates, de mécontents et d’imbéciles. Les rebelles se répandant comme une nuée de sauterelles dévorantes sur les bords de la Loire et sur les départements environnants, gagnant les côtes de la mer, communiquant avec les Anglais, et se coalisant avec les villes fédéralistes, faisant répéter et exagérer leurs succès par les terreurs hypocrites des Brissotins, et par les factieux salariés de l’Angletêrre, par les feuilles contre-révolutionnaires d’Hébert, et par les réquisitoires insidieux de Chau-mette. Pendant ce temps, les Buzot, les Pétion et les Guadet faisaient des scènes indécentes pour Roland, et votaient des lois terribles contre le royalisme. Ils faisaient représenter sur les théâtres l’Ami des lois, et faisaient piller dans les rues les boutiques des épiciers. L’exaspération était dans les deux côtés de la Convention; elle était livrée aux passions inquiètes et à l’ambition déguisée de quelques chefs qui ne sont plus, tandis que Dumouriez trafiquait de la victoire dans les marais de Hollande, livrait les avant-postes d’Aix-la-Chapelle, se laissait battre à Nerwinde, et débusquer de la Montagne-de-Fer, repassait honteusement devant les lauriers de Jemma-pes, menaçait la frontière du Nord qu’il était chargé de défendre, investissait comme un ennemi nos places fortes, et commettait un lâche attentat sur la représentation nationale. La faction Bissot travaillait d’un côté à démoraliser le peuple, à le porter à des excès pour avoir le droit de s’en plaindre, et pour jouir du plaisir atroce de lui imputer ce qu’elle lui conseillait. De l’autre, cette faction faisait rendre un décret pour porter des secours à tous les peuples du monde qui auraient à se plaindre de leurs tyrans. L’abbé de Saint-Pierre porta du moins ses rêveries et ses vœux vers le projet de paix générale et perpétuelle; mais la faction de Brissot porta ses vœux plus loin; et sans doute plus belliqueuse, elle voulut former un vaste plan de guerre dans l’univers. C’est là, citoyens, tout ce que nous pouvions attendre d’une assemblée déchirée par des factions et d’un comité de défense générale livré à une seule; d’un comité où l’on parlait sans cesse de déclarer la guerre à toutes les puissances, d’affranchir le Pérou, de délivrer les Indiens du joug britannique, d’insurger les colonies anglaises, d’envoyer notre marine à Saint-Domingue, et de rendre libre le Canada. C’est avec ces systèmes insensés, contre lesquels trois ou quatre membres isolés pouvaient à peine être entendus, que le gouvernement d’alors méditait l’annulation totale des forces de la nation, pour la livrer dans les fers à la constitution anglico-royale, qui était sans doute préparée des mains de la famine; pendant ce temps, la circulation des grains était arrêtée; chaque commune, effrayée pour ses subsistances, ne laissait rien circuler; chaque marchand devint accapareur, chaque citoyen devint barbare ; le pauvre seul fut oublié, exaspéré, méconnu. Les villes principales du Midi s’envoyaient réciproquement des ambassadeurs; chaque grande commune s’était constituée en puissance; Toulon disposait de son marché ; Marseille préparait sa désobéissance, Bordeaux sa contre-révolution, et tant d’autres communes leur acte de fédéralisme et de servitude. Les départements se détachaient de la Convention, insultaient à son pouvoir, niaient son existence et désobéissaient à ses lois. Les tribunaux avaient rendu la justice muette; les autorités constituées s’étaient déclarées indépendantes ou ne savaient plus à qui obéir. Les généraux nous trahissaient partout; Custine laissait prendre Valenciennes sans le secourir,- et semblait ne connaître de l’état militaire que l’art de lever les camps. Non-seulement Mayence n’était pas secouru, mais encore trahi; on laissait l’esprit contre-révolutionnaire s’agiter et former son parti dans les départements du Rhin. Ronsin, après avoir volé la république dans la Belgique et à Lille, suivait la même tactique dans la Vendée, et tranchait à la fois du général et du ministre de la guerre, pour mieux paralyser les succès et dilapider la fortune nationale. La Vendée était le patrimoine secret du parti Hébert, qui la grossissait dans ses feuilles, et du parti Danton, qui demandoit des levées en grande masse pour propager et perpétuer le fléau de la guerre civile. Le comité de salut public ne faisait que de naître; à peine connaissait-il l’état de la France qu’il fut obligé de s’occuper de l’administrer. Tous les besoins, tous les cris, toutes les réclamations se 33 514 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE présentèrent à lui le même jour, et il dut conquérir à la fois la confiance et les succès. Les armées ennemies étaient partout victorieuses, à la Vendée comme à Valenciennes, sur les bords de la Loire comme à Condé; le fédéralisme avait gangrené le Midi, tandis que la victoire autrichienne avait usurpé le Nord; la législation se passait en débats orageux ; les journaux se consumaient en calomnies; les presses ne rendaient que des libelles; les esprits étaient aigris, révoltés; le talent était devenu conspirateur, et les autorités suspectes. A Paris, les citoyens flottaient au gré des passions les plus orageuses. Les Girondins intriguaient pour avoir la force publique, corrompaient quelques chefs ou trompaient un petit nombre de sections. Gusman, Espagnol, agent du parti de l’étranger, s’était mêlé parmi les révolutionnaires, et un effroyable comité des Douze avait renouvelé, au milieu des combats pour la liberté, l’horrible souvenir de l’inquisition sacerdotale au milieu du despotisme espagnol. La liberté civile était menacée, la liberté publique était un problème, jusqu’au moment où le courage du peuple et le zèle de quelques bons républicains triomphèrent, le 31 mai, de cette faction royaliste et fédéraliste, en saisirent les principaux auteurs, et arrêtèrent la république sur le penchant de sa ruine. Grâces en soient rendues au peuple ; un honneur immortel en rejaillira sur les citoyens de Paris, de ces belles journées des 31 mai, 1er et 2 juin 1793; la France et la liberté furent sauvées. Mais sommes-nous dans les mêmes circonstances ? La France est-elle dans une position aussi désastreuse, et la république court-elle d’aussi grands dangers ? Doit-on évoquer les ombres criminelles d’Hébert et de Chaumette ? Les deux comités, après avoir délibéré sur l’état actuel des affaires publiques, ne le pensent pas : ils voient bien quelques nuages orageux, mais l’horizon politique n’est pas assez obscurci pour qu’on n’aperçoive pas la nature des orages; ils peuvent être conjurés facilement par l’union qui existe dans les deux comités, par la démarcation des hommes purs et des fripons calomniateurs, par une meilleure police à laquelle on travaille, par l’accélération des jugements des détenus et la punition prompte des contre-révolutionnaires, et enfin en éclairant le peuple sur ses vrais défenseurs comme sur ses vrais intérêts. Ces mesures sont déjà en activité. Il me suffira dans ce moment, pour répondre au vœu des deux comités réunis, de présenter au peuple, en opposition à l’état de malheur et de déchirement de la France à l’époque du 31 mai, son état de bonheur et de consolation dans le moment actuel. Vous qui voulez être mécontents et faire partager vos feintes sollicitudes à vos concitoyens, dites-nous quels lieux de la France sont sans gloire, et quel point de la république n’est pas couvert de lauriers ? De la Méditerranée à la mer d’Allemagne, des Bouches-du-Rhône à l’Océan, de Collioure à Toulon, de Bayonne à Dunkerque, et d’Ostende aux bords du Rhin, tout parle des victoires des Français. De Paris à l’extrémité de la République, tous les ateliers sont en vigueur, les travaux en activité, la mendicité abolie, les hospices ouverts, les Sociétés populaires paisibles, les gens suspects détenus, les contre-révolutionnaires frappés de mort, les émigrés fusillés, les traîtres punis, les intrigues déjouées. Présentons au peuple français l’esquisse des travaux de la Convention nationale, et de son influence sur toutes les opérations dans la république. Lyon, ce théâtre de l’industrie changé en forteresse de la royauté, est remis au pas de la révolution ; ses murs tombent, ses batteries coupables sont détruites, les maisons des riches sont démolies, les royalistes punis de mort, et le peuple rétabli dans ses droits. A Toulon on aurait dû, sans doute, mieux exécuter le décret pour la destruction des maisons des traîtres; mais Toulon a été repris au milieu de l’hiver comme par un prodige, et l’Anglais a fui honteusement avec l’Espagnol loin de ce port si important pour la France, et le Midi a été préservé de la perfidie des Toulonnais et de la présence des voleurs britanniques. Marseille a été remise sous le régime républicain, Avignon a été purifiée; la Lozère et l’Ardèche sont tranquilles; le fanatisme s’est éteint; le camp de Jalès n’est plus que dans notre histoire. Le pavillon tricolore flotte victorieux sur les Alpes, les Pyrénées et les Vosges. Aux Alpes, une armée de républicains a pris des forts et des postes réputés imprenables, et cette armée a fait trembler l’Italie et ébranlé le trône du Piémont. Aux Pyrénées-Orientales, tout le territoire français est évacué; sept mille Espagnols à genoux devant les républicains, et une partie du territoire du tyran de Madrid occupé par nos troupes, les magasins pris, les émigrés tués, les généraux prisonniers. Aux Pyrénées-Occidentales, les Espagnols sans cesse repoussés, et le camp des émigrés pris avec tout son bagage. La Vendée détruite, ne présentant plus qu’une police militaire à exécuter, et une population plus obéissante à maintenir dans l’agriculture. Les chouans frappés dans leurs repaires, leurs complices arrêtés, les communications anglaises interdites, les intelligences de l’intérieur empêchées, les contre-révolutionnaires qui les alimentaient détruits, et ce moyen de trouble intérieur, d’alarme exagérée et de fausse terreur, enlevé aux ennemis du peuple sans espoir de retour. L’avortement des projets de fédéralisme, la punition de ces complices, la destruction totale de ces principes meurtriers, et l’unité de la république consacrée de plus fort par tous les décrets énergiques de la Convention. Le colosse de la puissance commerciale de l’Angleterre ébranlé, miné par l’acte de navigation française; son commerce ruiné par nos croisières, et ses marins diminués par le feu de nos escadres. Une constitution, la plus populaire qui fut jamais, éclose tout à coup des conceptions du génie français, au milieu des accès du royalisme et des convulsions fédératives, comme la fable nous peint Minerve sortant tout armée du cerveau de Jupiter. Le peuple français accourant de tous les points de la république dans la commune centrale, pour y sanctionner par un assentiment solennel un monument constitutionnel et démocratique consacré aux deux divinités des Français, la Liberté et l’Egalité. Le tocsin de la première réquisition sonnant en tous lieux, l’insurrection régularisée d’un peuple libre contre les hordes des tyrans étrangers, et don-514 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE présentèrent à lui le même jour, et il dut conquérir à la fois la confiance et les succès. Les armées ennemies étaient partout victorieuses, à la Vendée comme à Valenciennes, sur les bords de la Loire comme à Condé; le fédéralisme avait gangrené le Midi, tandis que la victoire autrichienne avait usurpé le Nord; la législation se passait en débats orageux ; les journaux se consumaient en calomnies; les presses ne rendaient que des libelles; les esprits étaient aigris, révoltés; le talent était devenu conspirateur, et les autorités suspectes. A Paris, les citoyens flottaient au gré des passions les plus orageuses. Les Girondins intriguaient pour avoir la force publique, corrompaient quelques chefs ou trompaient un petit nombre de sections. Gusman, Espagnol, agent du parti de l’étranger, s’était mêlé parmi les révolutionnaires, et un effroyable comité des Douze avait renouvelé, au milieu des combats pour la liberté, l’horrible souvenir de l’inquisition sacerdotale au milieu du despotisme espagnol. La liberté civile était menacée, la liberté publique était un problème, jusqu’au moment où le courage du peuple et le zèle de quelques bons républicains triomphèrent, le 31 mai, de cette faction royaliste et fédéraliste, en saisirent les principaux auteurs, et arrêtèrent la république sur le penchant de sa ruine. Grâces en soient rendues au peuple ; un honneur immortel en rejaillira sur les citoyens de Paris, de ces belles journées des 31 mai, 1er et 2 juin 1793; la France et la liberté furent sauvées. Mais sommes-nous dans les mêmes circonstances ? La France est-elle dans une position aussi désastreuse, et la république court-elle d’aussi grands dangers ? Doit-on évoquer les ombres criminelles d’Hébert et de Chaumette ? Les deux comités, après avoir délibéré sur l’état actuel des affaires publiques, ne le pensent pas : ils voient bien quelques nuages orageux, mais l’horizon politique n’est pas assez obscurci pour qu’on n’aperçoive pas la nature des orages; ils peuvent être conjurés facilement par l’union qui existe dans les deux comités, par la démarcation des hommes purs et des fripons calomniateurs, par une meilleure police à laquelle on travaille, par l’accélération des jugements des détenus et la punition prompte des contre-révolutionnaires, et enfin en éclairant le peuple sur ses vrais défenseurs comme sur ses vrais intérêts. Ces mesures sont déjà en activité. Il me suffira dans ce moment, pour répondre au vœu des deux comités réunis, de présenter au peuple, en opposition à l’état de malheur et de déchirement de la France à l’époque du 31 mai, son état de bonheur et de consolation dans le moment actuel. Vous qui voulez être mécontents et faire partager vos feintes sollicitudes à vos concitoyens, dites-nous quels lieux de la France sont sans gloire, et quel point de la république n’est pas couvert de lauriers ? De la Méditerranée à la mer d’Allemagne, des Bouches-du-Rhône à l’Océan, de Collioure à Toulon, de Bayonne à Dunkerque, et d’Ostende aux bords du Rhin, tout parle des victoires des Français. De Paris à l’extrémité de la République, tous les ateliers sont en vigueur, les travaux en activité, la mendicité abolie, les hospices ouverts, les Sociétés populaires paisibles, les gens suspects détenus, les contre-révolutionnaires frappés de mort, les émigrés fusillés, les traîtres punis, les intrigues déjouées. Présentons au peuple français l’esquisse des travaux de la Convention nationale, et de son influence sur toutes les opérations dans la république. Lyon, ce théâtre de l’industrie changé en forteresse de la royauté, est remis au pas de la révolution ; ses murs tombent, ses batteries coupables sont détruites, les maisons des riches sont démolies, les royalistes punis de mort, et le peuple rétabli dans ses droits. A Toulon on aurait dû, sans doute, mieux exécuter le décret pour la destruction des maisons des traîtres; mais Toulon a été repris au milieu de l’hiver comme par un prodige, et l’Anglais a fui honteusement avec l’Espagnol loin de ce port si important pour la France, et le Midi a été préservé de la perfidie des Toulonnais et de la présence des voleurs britanniques. Marseille a été remise sous le régime républicain, Avignon a été purifiée; la Lozère et l’Ardèche sont tranquilles; le fanatisme s’est éteint; le camp de Jalès n’est plus que dans notre histoire. Le pavillon tricolore flotte victorieux sur les Alpes, les Pyrénées et les Vosges. Aux Alpes, une armée de républicains a pris des forts et des postes réputés imprenables, et cette armée a fait trembler l’Italie et ébranlé le trône du Piémont. Aux Pyrénées-Orientales, tout le territoire français est évacué; sept mille Espagnols à genoux devant les républicains, et une partie du territoire du tyran de Madrid occupé par nos troupes, les magasins pris, les émigrés tués, les généraux prisonniers. Aux Pyrénées-Occidentales, les Espagnols sans cesse repoussés, et le camp des émigrés pris avec tout son bagage. La Vendée détruite, ne présentant plus qu’une police militaire à exécuter, et une population plus obéissante à maintenir dans l’agriculture. Les chouans frappés dans leurs repaires, leurs complices arrêtés, les communications anglaises interdites, les intelligences de l’intérieur empêchées, les contre-révolutionnaires qui les alimentaient détruits, et ce moyen de trouble intérieur, d’alarme exagérée et de fausse terreur, enlevé aux ennemis du peuple sans espoir de retour. L’avortement des projets de fédéralisme, la punition de ces complices, la destruction totale de ces principes meurtriers, et l’unité de la république consacrée de plus fort par tous les décrets énergiques de la Convention. Le colosse de la puissance commerciale de l’Angleterre ébranlé, miné par l’acte de navigation française; son commerce ruiné par nos croisières, et ses marins diminués par le feu de nos escadres. Une constitution, la plus populaire qui fut jamais, éclose tout à coup des conceptions du génie français, au milieu des accès du royalisme et des convulsions fédératives, comme la fable nous peint Minerve sortant tout armée du cerveau de Jupiter. Le peuple français accourant de tous les points de la république dans la commune centrale, pour y sanctionner par un assentiment solennel un monument constitutionnel et démocratique consacré aux deux divinités des Français, la Liberté et l’Egalité. Le tocsin de la première réquisition sonnant en tous lieux, l’insurrection régularisée d’un peuple libre contre les hordes des tyrans étrangers, et don- SÉANCE DU 7 THERMIDOR AN II (25 JUILLET 1794) - N°49 515 nant à nos armées de terre cette supériorité victorieuse de tous les tyrans. La cavalerie et les transports militaires renforcés par des réquisitions légales et des sacrifices civiques. Les manufactures et les ateliers d’armes, multipliés, disséminés à Paris et dans toute la république ; les ateliers de salpêtre et de poudre, alimentés par les districts, par toutes les communes; l’industrie française fabricant en un seul jour, et sur un seul point, plus de vingt-cinq milliers de poudre et près de dix mille fusils. Les factions immorales et anglaises frappées de mort; le parti de l’étranger déconcerté, poursuivi, surveillé. Le sol de la république déblayé des restes impurs de l’aristocratie sacerdotale, nobiliaire, robinesque et fiscale. Un riche convoi amené dans nos ports au milieu des escadres ennemies. La France préservée pendant quinze mois de la famine qui la menaçait ; les récoltes dénombrées, les grains circulant par des réquisitions promptes, les armées approvisionnées, les vaisseaux neutres défendus, la marine régénérée dans le matériel et dans le personnel de manière à faire tête à trois puissances navales, et bientôt prête à punir la tyrannie des mers dans Albion même. Le Palatinat et la Belgique avec ses riches mois* sons conquis en autant de temps qu’il faut pour les parcourir; l’empereur chassé à Vienne; le duc d’York réfugié en Hollande; les troupes de l’Europe exterminées ou fugitives ; Landrecies repris ; Le Quesnoy bloqué; Ostende, Nieuport et toute la West-Flandre occupée par nos troupes; les bords du Rhin délivrés des Prussiens ; la Moselle et les Ardennes se disputant la gloire de vaincre, et les plus grands généraux de l’Europe battus à plate couture par des généraux sans-culottes; un conseil exécutif inerte, toujours délibérant et d’une indépendance funeste, remplacé par des commissions exécutives, dépendantes et laborieuses. Et au milieu de tant de succès et de changements heureux, l’institution salutaire du gouvernement révolutionnaire jusqu’à la paix, c’est-à-dire de ce gouvernement qui seul fait trembler les aristocrates et les rois, les intrigants et les traîtres, les hommes cupides et les conspirateurs; de ce gouvernement qui seul pouvait assurer la liberté; qui aurait, il y a cent ans, préservé l’Angleterre des Cromwell et des Georges, si le long parlement avait eu à la place de ses crimes et de sa lâcheté une institution aussi énergique et aussi nécessaire. A Paris jamais l’activité des citoyens n’a été aussi grande, la fortune des ouvriers aussi assurée : à Paris sont tous les grands établissements, et une dépense journalière de plusieurs millions; à Paris sont les ateliers d’armes, de salin, de potasse; de poudre, de salpêtre, d’imprimerie de lois, de fabrique, d’industrie, tous les objets d’industrie et de gouvernement. Le gouvernement révolutionnaire a approvisionné Paris en tout genre, comme une ville assiégée; ses dépenses sont nationales ; et quels sont donc les motifs des plaintes ? qui peut causer les murmures ? Sont-ce les plaintes de quelques patriotes opprimés ? Nous les avons entendues ces plaintes, et certes elles ont retenti au fond de nos coeurs, et dans ce moment les deux comités s’occupent sans relâche des affaires qui concernent les patriotes dans plusieurs départements couverts d’intrigants, et croyez que pas un d’eux ne pourra faire entendre désormais le mot d’oppression. Cette oppression tenait à des calomnies semées adroitement parmi les patriotes, et à une intrigue sourde et déjouée ; plusieurs vents portaient la tempête, et tous les contre-révolutionnaires, tous les hommes suspects avaient miné en tous sens le sol sur lequel nous marchons ; mais la mine est éventée, les patriotes ne seront plus opprimés impunément, et la liberté ne sortira que plus belle de cet état de compression. Les deux comités ont pensé que la voix de la Convention serait entendue de toutes les parties de la république si elle adoptait ce rapport, et qu’un trait de lumière suffit pour le peuple français. Nous vous proposons le décret suivant : [adopté] (l). « La Convention nationale décrète que le rapport des deux comités de salut public et de sûreté générale, réunis, sera imprimé, envoyé à toutes les sections du Peuple français, et distribué aux membres, au nombre de six exemplaires » (2). Ce rapport a souvent été interrompu par les applaudissements des membres et des citoyens des tribunes. La séance est levée à cinq heures (3). AFFAIRES NON MENTIONNÉES Al PROCÈS-VERBAL 49 Les habitans des communes de Mesnil-sous-Lille-bonne et St-Denis-de-Lillebonne (4) réclament contre la réunion qu’on dit opérée depuis le 16 pluviôse de ces communes avec celle dite Notre-Dame-de-Lillebonne. Cette réunion n’a été autorisée (disent-ils) par le Représentant du Peuple SIBLOT que parce qu’on lui a dit que les 3 communes nous étions d’accord. Mais ils soutiennent qu’elle est contestée et impraticable. Cette Piece sera soumise au Citoyen siblot. (l) Mon., XXI, 302-306; Débats, n°674; J. uniu., nos 1705, 1706, 1707; J. Sablier, nos 1459, 1460. (2) P.V., XLII, 183. Minute de la main de Barère. Décret n° 10 088. Audit, nat., n°670; J. Lois, n°665; F.S.P., n°386; -J. Perlet, n°671; Ann. patr., n°DLXXI; Mess. Soir, nos 705, 706; Ann. R.F., n°236; J. S. Culottes, n° 526 ; C. Eg„ n°706; Rep., n°218; J. Mont., n°90; -J. Fr., n° 669 ; J. Paris, n° 572. (3) P.V., XLII, 183. Rédigé En exécution de la loi du 3 brumaire an IV. Signé, Henry-Lariviêre, Bailly, Delecloy, Villers, Laurenceot. Voir ci-dessus, fin de la séance du 2 therm. II. (4) Seine-Inférieure. SÉANCE DU 7 THERMIDOR AN II (25 JUILLET 1794) - N°49 515 nant à nos armées de terre cette supériorité victorieuse de tous les tyrans. La cavalerie et les transports militaires renforcés par des réquisitions légales et des sacrifices civiques. Les manufactures et les ateliers d’armes, multipliés, disséminés à Paris et dans toute la république ; les ateliers de salpêtre et de poudre, alimentés par les districts, par toutes les communes; l’industrie française fabricant en un seul jour, et sur un seul point, plus de vingt-cinq milliers de poudre et près de dix mille fusils. Les factions immorales et anglaises frappées de mort; le parti de l’étranger déconcerté, poursuivi, surveillé. Le sol de la république déblayé des restes impurs de l’aristocratie sacerdotale, nobiliaire, robinesque et fiscale. Un riche convoi amené dans nos ports au milieu des escadres ennemies. La France préservée pendant quinze mois de la famine qui la menaçait ; les récoltes dénombrées, les grains circulant par des réquisitions promptes, les armées approvisionnées, les vaisseaux neutres défendus, la marine régénérée dans le matériel et dans le personnel de manière à faire tête à trois puissances navales, et bientôt prête à punir la tyrannie des mers dans Albion même. Le Palatinat et la Belgique avec ses riches mois* sons conquis en autant de temps qu’il faut pour les parcourir; l’empereur chassé à Vienne; le duc d’York réfugié en Hollande; les troupes de l’Europe exterminées ou fugitives ; Landrecies repris ; Le Quesnoy bloqué; Ostende, Nieuport et toute la West-Flandre occupée par nos troupes; les bords du Rhin délivrés des Prussiens ; la Moselle et les Ardennes se disputant la gloire de vaincre, et les plus grands généraux de l’Europe battus à plate couture par des généraux sans-culottes; un conseil exécutif inerte, toujours délibérant et d’une indépendance funeste, remplacé par des commissions exécutives, dépendantes et laborieuses. Et au milieu de tant de succès et de changements heureux, l’institution salutaire du gouvernement révolutionnaire jusqu’à la paix, c’est-à-dire de ce gouvernement qui seul fait trembler les aristocrates et les rois, les intrigants et les traîtres, les hommes cupides et les conspirateurs; de ce gouvernement qui seul pouvait assurer la liberté; qui aurait, il y a cent ans, préservé l’Angleterre des Cromwell et des Georges, si le long parlement avait eu à la place de ses crimes et de sa lâcheté une institution aussi énergique et aussi nécessaire. A Paris jamais l’activité des citoyens n’a été aussi grande, la fortune des ouvriers aussi assurée : à Paris sont tous les grands établissements, et une dépense journalière de plusieurs millions; à Paris sont les ateliers d’armes, de salin, de potasse; de poudre, de salpêtre, d’imprimerie de lois, de fabrique, d’industrie, tous les objets d’industrie et de gouvernement. Le gouvernement révolutionnaire a approvisionné Paris en tout genre, comme une ville assiégée; ses dépenses sont nationales ; et quels sont donc les motifs des plaintes ? qui peut causer les murmures ? Sont-ce les plaintes de quelques patriotes opprimés ? Nous les avons entendues ces plaintes, et certes elles ont retenti au fond de nos coeurs, et dans ce moment les deux comités s’occupent sans relâche des affaires qui concernent les patriotes dans plusieurs départements couverts d’intrigants, et croyez que pas un d’eux ne pourra faire entendre désormais le mot d’oppression. Cette oppression tenait à des calomnies semées adroitement parmi les patriotes, et à une intrigue sourde et déjouée ; plusieurs vents portaient la tempête, et tous les contre-révolutionnaires, tous les hommes suspects avaient miné en tous sens le sol sur lequel nous marchons ; mais la mine est éventée, les patriotes ne seront plus opprimés impunément, et la liberté ne sortira que plus belle de cet état de compression. Les deux comités ont pensé que la voix de la Convention serait entendue de toutes les parties de la république si elle adoptait ce rapport, et qu’un trait de lumière suffit pour le peuple français. Nous vous proposons le décret suivant : [adopté] (l). « La Convention nationale décrète que le rapport des deux comités de salut public et de sûreté générale, réunis, sera imprimé, envoyé à toutes les sections du Peuple français, et distribué aux membres, au nombre de six exemplaires » (2). Ce rapport a souvent été interrompu par les applaudissements des membres et des citoyens des tribunes. La séance est levée à cinq heures (3). AFFAIRES NON MENTIONNÉES Al PROCÈS-VERBAL 49 Les habitans des communes de Mesnil-sous-Lille-bonne et St-Denis-de-Lillebonne (4) réclament contre la réunion qu’on dit opérée depuis le 16 pluviôse de ces communes avec celle dite Notre-Dame-de-Lillebonne. Cette réunion n’a été autorisée (disent-ils) par le Représentant du Peuple SIBLOT que parce qu’on lui a dit que les 3 communes nous étions d’accord. Mais ils soutiennent qu’elle est contestée et impraticable. Cette Piece sera soumise au Citoyen siblot. (l) Mon., XXI, 302-306; Débats, n°674; J. uniu., nos 1705, 1706, 1707; J. Sablier, nos 1459, 1460. (2) P.V., XLII, 183. Minute de la main de Barère. Décret n° 10 088. Audit, nat., n°670; J. Lois, n°665; F.S.P., n°386; -J. Perlet, n°671; Ann. patr., n°DLXXI; Mess. Soir, nos 705, 706; Ann. R.F., n°236; J. S. Culottes, n° 526 ; C. Eg„ n°706; Rep., n°218; J. Mont., n°90; -J. Fr., n° 669 ; J. Paris, n° 572. (3) P.V., XLII, 183. Rédigé En exécution de la loi du 3 brumaire an IV. Signé, Henry-Lariviêre, Bailly, Delecloy, Villers, Laurenceot. Voir ci-dessus, fin de la séance du 2 therm. II. (4) Seine-Inférieure.