850 [Assemblée nationale.] « 2e Que M. La Tour et les autres nommés ne sont pas Liégeois. « Le conseil requiert de plus M. le conseiller Reynier de s’informer si, parmi les coupables, il ne s’en trouve point qui soient effectivement Liégeois, étant déterminé à les bannir à perpétuité de la cité et de son territoire, ordonnant au greffier d’expédier le présent récès sous le scel de la cité. Par ordonnance dudit conseil , « Signé : Rouveroi, greffier autorisé. » M. le Président est chargé d’écrire à la municipalité de Liège pour lui témoigner la satisfaction de l’Assemblée nationale. M. Gossin, rapporteur du comité de Constitution, propose un projet de décret qui est adopté en ces termes: « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, décrète qu’il sera nommé deux juges de paix dans la ville d’Alençon ; trois dans celle de Dijon, non compris celui d*e la section de la campagne; un à Beaune, quatre à Nîmes, outre celui du midi de la banlieue; un à Alais, un àBeaucaire, deux à Auxerre; deux à Sens; et deux à Beauvais.» M. lé Président. J’ai reçu de M. de la Tour-du-Pin, ancien ministre de la guerre, une lettre dont je donne lecture : « Paris, ce 8 novembre 1790. « Monsieur le Président, « L’Assemblée nationale a rendu deux décrets, l’un du 28 juillet et l'autre du 31 octobre dernier, pour qu’il lui soit rendu compte de la fabrication des armes de l’artillerie et des obstacles qui ont pu la retarder. Pour m’y conformer, j’ai l'honneur de vous adresser, ainsi que je vous l’ai annoncé par une lettre du 3 de ce mois, un mémoire très détaillé sur les établissements et approvisionnements de ce service. Je vous prie instamment de vouloir bien exercer votre influence pour qu’il soit lu à l’Assemblée. J’ose croire que la connaissance qu’elle acquerrait des ressources dont l’artillerie est pourvue pour la sûreté de l’Etat, soit offensivement, soit défensivement, ne pourra qu’être satisfaisante pour elle. « Je suis avec respect, etc.» « La Tour-du-Pin. » Le mémoire rend compte : 1° Des principaux établissements où l’artillerie fait fabriquer les armes et des obstacles que leur fabrication a pu éprouver ; 2° de l’état actuel de ces approvisionnements et des ressources dont le service est pourvu, tant pour les armées que pour la défense intérieure du royaume ; 3° des moyens que l’on peut employer pour augmenter la fabrication de toutes les espèces d’armes nécessaires à l’effet de remplir le plus tôt . possible le déficit qui s’y trouve. « Si l’on se propose, porte le mémoire, d’armer au compte de l’Etat les gardes nationales, il faudra que cette fabrication soit portée à 60,000 armes au moins par année, et alors il deviendrait indispensable défaire établir deux manufactures de plus, il résulterait de là aussi, qu’on serait dans l’obligation d’affecter annuellement deux millions à l’artillerie, pour subvenir à une telle dépense. » (L’Assemblée renvoie ce mémoire au comité militaire.) (10 novembre 1790.] M. le Président. L'ordre du jour est la continuation de la discussion sur le tribunal de cassation. L’Assemblée a décidé hier que la délibération s’établirait d’abord sur la question suivante : Quelles seront les fonctions du tribunal de cassation ? M. Goupil. Les maximes anciennes étaient, dans la théorie, assez exactes ; le mal était dans la pratique. On vous a présenté hier deux nouvelles vues : restreindre la cassation à la violation des lois constitutionnelles et à l’inobservation des formes et des règles judiciaires. C’est contre ces propositions que je m’élève. La législation est inutile si l’exécution des lois n’est pas assurée. Vous avez dit dans votre célèbre déclaration des droits : « Partout où la garantie des lois n’est pas assurée et où la distinction des pouvoirs n’est pas marquée, il n’y a pas de Constitution. » Au milieu de cette distinction des pouvoirs il faut qu’il y ait une suprématie, et, cela étant nécessaire, il s’agit de savoir où elle sera placée ; si on l’accordait au pouvoir exécutif, alors il n’aurait plus ni frein ni limite, et nous aurions le despotisme. Si elle était confiée au pouvoir judiciaire, il pourrait rendre la législation impuissante. Selon M. Chabroud, la demande en cassation ne peut avoir lieu si la loi à laquelle le jugement est contraire n’est pas constitutionnelle. Ce système paralyse l’autorité législative : cette suprématie ne réside ni dans le pouvoir exécutif, ni dans le pouvoir judiciaire ; il faut la placer là, pour ainsi dire, où elle peut efficacer la loi : je veux dire dans le Corps législatif. Quand je parle de l’intervention du Corps législatif pour la cassation, je ne l’applique pas aux cas ordinaires ; ce serait l’exposer à être assiégé par l’intrigue ; mais je demande que, dans les cas extraordinaires où l’intérêt public l’exige, le Corps législatif puisse admettre la demande en cassation. M. Prieur. Si quelqu’un voulait parler contre M. Goupil, je le prie de monter à la tribune et je me réserve de parier après lui. M. Lanjuinais. Je regrette que l’Assemblée ait décide qu’il y aura un tribunal de cassation, avant de dire ce que c’est qu’un moyen de cassation. Peut-être alors auriez-vous reconnu que ce tribunal n’est pas nécessaire comme tribunal de cassation ; mais puisqu’il doit avoir lieu, quelles seront ses fonctions? Le comité lui en donne de bien différentes ; la première est de juger, selon lui, les demandes en cassation. Ici je demande : 1° si la cassation aura lieu en matière criminelle après l’établissement des jurés? et sur cette question je conclus à l’ajournement au temps où vous vous occuperez des jurés ; 2° si elle aura lieu à l’égard des jugements des tribunaux de paix? et je dis que, pour empêcher la ruine certaine des plaideurs et arrêter l’esprit de chicane, il ne doit point y avoir de cassation des jugements de paix ; 3° quand y a-t-il ouverture à la cassation ? Qu’est-ce qu’un moyen de cassation? G’est, dit-on, une violation directe et évidente de la loi. Dites-moi encore en quoi diffère une telle violation d’un moyen d’appel ? en rien, si ce n’est qu’elle serait proposée en troisième instance et devant un tribunal qui dirait : il y a violation, allez devant tels juges, peut-être ils la réformeront. Cette ressource n’est pas plus sûre qu’un appel en seconde ins-AJtCHlVES PARLEMENTAIRES. m {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {10 novembre 1790.] tance, elle est seulement plus désastreuse, plus désespérante surtout pour les pauvres et pour ceux qui sont à 100,200,250 lieues de Paris. Où trouverons-nous donc un caractère qui distingue le moyen d’appel du moyen de cassation ? Ce sera, si vous le vouiez, dans une violation de la loi constitutionnelle. Ce sera peut-être encore, mais avec de très grands inconvénients, dans une violation de formes, c’est-à-dire des lois judiciaires; mais si vous la cherchez dans la violation des lois civiles, vous vous rejetez dans un chaos épouvantable, et il n’y a pas une seule affaire qui ne puisse être portée de toutes les parties du royaume à votre tribunal de cassation qui serait ainsi le plus monstrueux des tribunaux, puisqu’il serait dans la vérité le tribunal d’appel pour tous les procès du royaume. Qu’est-ce qu’une loi dans l’ordre civil? Vous n’avez que des compilations volumineuses et obscures, des dispositions contradictoires ou incohérentes, ou abrogées les unes par les autres, ou par un long usage, ou devenues sans application. Ainsi l’on ne manquera jamais de moyen de cassation en toutes affaires. Je ne trouve qu’une seule espèce de moyens de cassation que l’on puisse admettre sans inconvénient, ceux qui résulteraient de la prévarication des juges ou de leur faute grossière que la loi compare au dol et qu’elle punit pécuniairement comme le dol même. Je propose donc : « Que la cassation n’aura pas lieu contre les jugements rendus en dernier ressort par les juges de paix et qu’elle ne pourra être prononcée que pour contravention à la loi tellement caractérisée qu’elie pourrait fonder une demande de prise à partie, et subsidiairement que la cassation ne pourra être prononcée qu’en cas de contravention à la loi constitutionnelle, ou en cas de nullité dans la forme . » M. Le Chapelier. 11 faut bien distinguer les moyens d’appel et ceux de cassation : je sais bien qu’un moyeu de cassation est aussi un moyen d’appel ; mais tout moyen d’appel n’en est pas un de cassation. Vous avez décrété qu’il n’y aurait plus d’inégalité de partage des fiefs à raison de l’ancienne noblesse des personnes et des choses. Si un juge portait un jugement contraire à ce décret, il y aurait contravention à la loi et lieu à une demande en cassation; mais lorsque la loi a été mal appliquée à des faits contestés, ce n’est qu’un moyen d’appel et non de cassation. On pourrait ajouter à l’article présenté par le comité ces mots : « La cassation ne pourra être prononcée que lorsqu’il y aura eu violation des formes dont l’exécution est prescrite à peine de nullité, ou contravention directe au texte d’une loi. » (On applaudit.) M. Prieur. D’après la juste impression que viennent de faire les observations de M. Le Chapelier, je dois beaucoup restreindre les miennes; j’observerai seulement que la question me paraît si importante que; sans elle, il serait inutile de faire des lois, puisque rien n'en garantirait l’exécution. Vous avez décrété que les assignats-monnaie seraient considérés comme espèces sonnantes : un débiteur offre à son créancier ud billet de 100 écus ; le créancier refuse, parce qu’il veut être payé en écus; il intente un procès; intervient un arrêt de la cour des aides, qui déclare nulles les offres faites par le débiteur. Je vous parle d’un fait qui s’est passé sous mes yeux. Quel aurait été le désespoir du débiteur, s’il n’avait pas eu un moyen de faire triompher la loi? Cette affaire a été rapportée à l’Assemblée nationale, et un cri d’indignation s’est fait entendre dans toutes les parties de cette salle. Le tribunal de cassation est une sentinelle établie pour le maintien des lois. Je proposerai d’ajouter au décret présenté par M. Le Chapelier « que la demande en cassation sera établie tant en matière civile qu’en matière criminelle. » M. Chabrond. Je propose de poser ainsi la question ; « La demande en cassation sera admise pour la violation des formes prescrites pour la procédure, et pour la violation des lois constitutionnelles. » M. Duport. Jusqu’à la réformation des anciennes lois qui seront remplacées par le code général, il me semble qu’on doit conserver les lois des provinces qui se sont réunies à la France sous la garantie qu’on en protégerait l’exécution. Je proposerais donc de rédiger l’article en ces termes : « Le tribunal de cassation ne pourra pro-noncef sur le fond des affaires, mais seulement annuler tous les jugements dont les formes auraient été violées, ou qui seraient évidemment contraires au texte des lois, jusqu’à la réformation des coutumes. La violation des formes emportant nullité, ou des lois particulières des provinces, donnera lieu à la cassation. » M. l’abbé Maury. M. d’Aguesseau regardait le conseil des parties comme le garde du corps des lois; le règlement de ce grand homme approche, selon moi.de la perfection; et, dans un moment où l’organisation d’un tribunal de cassation est devenue indispensable, je ne vois pas qu’il y ait d’inconvénient à l’assujettir aux mêmes usages que le conseil des parties. M. Le Chapelier. Il s’agit ici de la compétence et non de la forme de procéder; lorsque cette seconde question sera mise sous vos yeux, vous verrez que nous avons rempli les vues de M. l’abbé Maury. (La discussion est fermée. On demande la priorité pour le projet présenté par M. Duport; elle lui est accordée). L’Assemblée nationale décrète que « le tribunal ne cassation ne pourra jamais connaître du fond d’aucune affaire ; qu’il sera tenu d’annuler tout jugement dans lequel les formes auront été violées, ou qui contiendront une contravention expresse au texte de la loi. « Et néanmoins, jusqu'à la formation d’un code unique de lois civiles, la violation des formes de procédure, désignée comme emportant peine de nullité et de contravention aux lois particulières aux différentes parties de l’Empire, donneront ouverture à la cassation. » (La suite de la discussion est reuvoyée à une séance ultérieure.) M. Gassendi, rapporteur du comité ecclésiastique, obtient la parole au sujet de la suppression de paroisses à Cahors, à opérer sur l’avis de l’évêque diocésain. Il lit la lettre suivante : « Monsieur le Président, le directoire du département du Lot s’est empressé d’exécuter les décrets de l’Assemblée nationale sur la constitution civile du clergé. Il a jugé qu’un de ses premiers soins devait être de donner à l’église cathédrale le caractère d’église paroissiale. II a considéré que c’est le seul huoyen de procurer à