36 ■ [Convention nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j 8 brumaire anl K ' 1 ) 99 np.t.ohrr» \ 799 vées de formes ridicules autant qu’inutiles. Je demande donc que vous décrétiez en principe que les jurés pourront, dès qu’ils auront l’intime conviction du fait, demander la clôture des dé-Jbats et passer au jugement. Sergent appuie cette proposition. Mais quel sera le mode de déclaration, de¬ mande un membre ? Et il propose le renvoi au comité de législation, au moins pour la fixation du mode. On s’oppose généralement au renvoi. Bourdon {de l’Oise). Observez, citoyens, que c’est une équivoque qu’on a donnée pour motif du renvoi à votre comité de législation. Beau¬ coup de citoyens ne font pas une distinction essentielle entre le mot de juré, qui désigne un ■“individu, et celui de jury, qui désigne une col¬ lection de jurés. Que vous a proposé la Société des amis de la liberté et de l’égalité? Ce n’est pas de faire fermer la discussion sur la demande d’un juré, mais sur la déclaration du jury que sa conscience est parfaitement éclairée. « Aux voix! » s’est-on écrié de toutes parts. Le renvoi est rejeté. La proposition d’Osselin est décrétée. Le rapport sur le second objet de la pétition sera fait dès demain. Osselin. Je demande maintenant que le dé¬ cret soit expédié sur-le-champ et envoyé au président du tribunal révolutionnaire. Cette motion est vivement applaudie et dé¬ crétée. Osselin présente la rédaction de sa motion. Robespierre. Le décret tel qu’il est rédigé ne me paraît pas suffisant. Il faut que votre loi mette le jury à portée de s’expliquer sur sa conviction. On peut décréter, par exemple, que quand un procès aura duré pendant trois jours, le président du tribunal criminel révolutionnaire ouvrira la séance suivante en demandant au jury s’il est suffisamment éclairé. Si la déclara¬ tion est négative, l’instruction se continuera jusqu’à ce qu’il intervienne une déclaration contraire rendue dans la même forme. Si vous ne vous exprimez pas avec cette précision, vous n’atteignez pas le but que vous vous proposez. Si vous rendez la loi dans ce sens, vous sauvez tous les droits des accusés et vous conciliez ce que vous devez à l’intérêt public, avec tous les scrupules que peuvent inspirer les accusés. On demande d’aller aux voix sur la proposi¬ tion de Robespierre. Osselin. Je renouvelle l’observation qui a été faite, que ce n’est pas la déclaration d’un juré qui ferme la discussion; mais celle du jury en masse. J’ajoute qu’il y a dans la motion de Robespierre une sorte de provocation laissée à la disposition du tribunal; et je remarque que ce sont les présidents des tribunaux cri¬ minels qui prolongent les débats. Laissez faire le jury; il saura bien rappeler à l’ordre le tri¬ bunal qui s’en écarterait. J’insiste sur la rédac¬ tion que j’ai proposée. Bai’ère. J’appuie la demande de Robespierre, et je crois que nous devons laisser au juge l’ac¬ tion de la procédure. Le jury reste assez libre en adoptant la motion de Robespierre. Il saura bien dire, sur la demande du président du tri¬ bunal, s’il est suffisamment instruit ou s’il ne l’est pas. Dans l’institution du jury, l’action procédurière est toute laissée au président, et vous devez conserver cette marche. Il en sera là comme à la Convention quand votre Prési¬ dent demande si l’on veut fermer la discussion. D’ailleurs, comment voudriez-vous introduire cette nouvelle formalité qu’un jury s’assemble¬ rait au milieu d’une salle pour discuter s’il est instruit ou s’il ne l’est pas. J’ajoute qu’il n’y a point de provocation, comme on vous l’a dit; mais seulement l’action nécessaire de la procédure dans la demande sui¬ vante faite par le président du tribunal : La reli¬ gion du jury est-elle suffisamment éclairée? Je vote de même que Robespierre. Osselin adopte ces observations et il présente une rédaction conforme. Elle est adoptée. II. Compte rendu de Y Auditeur national (1). Une députation de la Société des Jacobins est admise à la barre. L’orateur.. Toutes les fois que la Société des Amis de la liberté et de l’égalité connaît des alar¬ mes, elle vient les déposer dans votre sein. Ne vous en étonnez pas. Depuis que cette enceinte a vomi les ennemis du peuple, nous sommes ici au milieu des amis de la liberté et de l’égalité. Vous avez créé un tribunal révolutionnaire; vous l’avez chargé d’étouffer tous les partisans de la tyrannie; vous avez pensé que ce tribunal découvrirait d’une main et punirait de l’autre le crime; mais il se trouve assujetti à des formes interminables qui étouffent la conviction des jurés et paralyse les juges. Quand la vue d’un cadavre, percé de coups, imprime dans notre âme l’idée d’un assassinat, pourquoi n’en se¬ rait-il pas de même dans les crimes d’Etat. N’avons-nous-nous pas vu la dévastation portée dans toutes les parties de la France, la famine se traînant sur notre territoire, les villes détruites, les citoyens égorgés, la France opposée à la France? Tous ces délits ont-ils besoin d’être prouvés? Attend-on que les conspirateurs soient noyés dans le sang des patriotes? Le jour qui éclaire un crime d’Etat ne doit plus luire pour ceux qui en sont les auteurs. Vous avez le maxi¬ mum de l’opinion qui s’est prononcée. Si nous eussions succombé sous les efforts des conspirateurs, savez-vous quel sort on nous préparait? Jamais la foudre n’accompagna de plus près l’éclair. Nous demandons : 1° que vous débarrassiez le tribunal révolutionnaire des formes qui l’empêchent d’agir dans le sens ré¬ volutionnaire et qui étouffent la conviction; 2° que les jurés puissent faire cesser l’instruction, lorsqu’ils le jugeront à propos, en déclarant que leur conscience est suffisamment éclairée. Osselin convertit en motion la seconde de¬ mande des pétitionnaires et demande le renvoi de la première aux comités réunis de législation et de Salut public, pour en faire un rapport de¬ main. (1) Auditeur national [n° 403 du 9e jour du 2e mois de l’an II [mercredi 30 octobre 1793), p. 3]. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [ 9 brumaire an il 07 ï 30 octobre 1793 Après une légère discussion, sur la proposition de Robespierre, l’assemblée décrète ce qui suit. (Suit un résumé des principales dispositions du décret que nous avons inséré au cours de la séance, d'après le procès-verbal.) III. Compte rendu du Mercure universel (1). Une députation de la société des Jacobins est admise à la barre. L'orateur. La Société des Amis de la liberté a conçu des alarmes et nous venons les déposer dans votre sein. Vous avez juré de servir la cause du peuple, d’écraser tous les partis; législateurs, vous le devez. Vous avez établi un tribunal qui devait étouffer le crime d’une main et lui couper la tête de l’autre. Cependant, les formes rendent les lois insuffisantes; elles paralysent la conscience des jurés. Le peuple entier demande vengeance contre une faction scélérate, que déjà nous avons terrassée. Un défenseur du peuple a été assassiné. Quand le cadavre est tombé, avons-nous besoin de compter de combien de coups il a été frappé? La famine montrant sa tête hideuse, les meil¬ leurs citoyens opprimés, la France entière divi¬ sée, les Français s’entr-égorgeant l’un par l’autre, ne sont -ce pas là des faits attestés par toute la République? Avons-nous besoin d’autres preu¬ ves pour des forfaits et l’existence d’une faction criminelle? Législateurs, vous avez fait tomber la tête du tyran, vous devez faire tomber celles de tous les scélérats. Nous vous demandons : 1° de dé¬ barrasser le tribunal révolutionnaire de la forme qui entrave les jurés, afin qu’ils puissent s’en te¬ nir à leur conscience ; 2° d’autoriser le jury de dé¬ clarer que l’instruction est finie, que les lu¬ mières sont suffisantes et que la conviction est acquise dès qu’ils le croiront nécessaire. C’est alors que la terreur sera véritablement à l’ordre du jour. (Applaudissements.) (2). Honneurs de la séance. Osselin remarque que le tribunal n’aurait de révolutionnaire que le nom, si les formes n’étaient supprimées. L’Assemblée décrète que le président du tribu¬ nal révolutionnaire sera tenu de déclarer que les débats et l’examen sont terminés dès que le jury aura déclaré qu’il est suffisamment instruit et qu’il peut prononcer. La Convention renvoie la première partie de la pétition à son comité de législation, pour l’abrogation des formes. Le ministre de la justice fera passer sur-le-champ le présent décret au président du tribunal révolutionnaire. Robespierre demande, sur la lecture de la rédaction du décret relatif au tribunal extraor - (1) Mercure universel [9e jour du 2e mois de l’an II (mercredi 30 octobre 1793), p. 478, col. 2 et 479, col. 1]. (2) Le Journal de Perlel [n° 403 du 9 brumaire an II mercredi 30 octobre 1793), p. 236] mentionne éga¬ lement que cette phrase fut accueillie par des applaudissements. dinaire, qu’après la troisième séance et au com¬ mencement de la suivante, le président du tri¬ bunal soit tenu de fermer les débats et l’instruc¬ tion, si déjà ils ne l’étaient, après avoir consulté le jury, qui déclarera s’il est en état de pro¬ noncer. Dans le cas de la négative, l’instruction serait continuée. Barère appuie cette proposition qui est dé¬ crétée. CONVENTION NATIONALE Séance du 9 brumaire, l’an II de la République française, une et indivisible. (Mercredi, 30 octobre 1793.) L’ouverture de la séance ayant été annoncée par le Président, une députation des sans-culottes composant la municipalité et la Société populaire de Guérard, est admise à la barre; elle dépose sur l’autel de la patrie un calice et sa patène, destinés pour les frais de la guerre; et après l’expression des sentiments de reconnais¬ sance qu’inspirent à ces républicains les décrets de la Convention nationale, ils l’invitent à con¬ tinuer ses immortels travaux, en l’assurant qu’elle a bien mérité du genre humain. Mention honorable, insertion au « Bulle¬ tin » (1). Suit l'adresse de la municipalité et de la so¬ ciété populaire de Guérard (2). La municipalité de Guérard et la Société populaire à la Convention nationale. « Législateurs, « Nous députons vers vous les citoyens Jean Bernier et Claude Mauger, nos concitoyens, qui déposeront sur l’autel de la patrie un calice et sa patène pour les frais de la guerre, et pour vous porter notre hommage et notre recon¬ naissance envers tous vos décrets bienfaisants. « Législateurs, continuez vos immortels tra¬ vaux, vous avez bien mérité du genre humain; continuez à diriger les rênes du gouvernement jusqu’à ce que vous ayez consolidé notre liberté par une paix durable. « Vive la Montagne! « Les sans-culottes composant la municipalité et société populaire et républicaine de Gué¬ rard (3) ». (Suivent 18 signatures.) La Société populaire de Grenoble, dans les deux adresses dont on fait lecture, exprime sa juste (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 24, p. 200. (2) Archives nationales, carton G 279, dossier 749. (3) D’après le Mercure universel [10e jour du 2e mois de l’an II (jeudi 31 octobre 1793), p. 493, col. 2], la lecture de cette adresse fut accueillie par des applaudissements.